Edito du mois – Décembre 2023

En cette toute fin d’année 2023, la guerre entre Israël et le Hamas se poursuit à Gaza, clivant les deux rives de la Méditerranée tout comme nos sociétés. L’armée israélienne progresse et semble se rapprocher de ses buts opérationnels, même si les pressions très fortes principalement exercées par les Etats-Unis laissent imaginer la possibilité d’une trêve. Outre l’arrêt provisoire des combats et des bombardements, la négociation en cours cherche à répondre à d’autres questions clés du conflit israélo-palestinien : qui pour succéder à Mahmoud Abbas ? Quels Etats arabes pour participer à une force destinée à sécuriser la bande de Gaza pour permettre le retrait de l’armée israélienne ? Quel avenir pour la branche politique du Hamas ? En attendant, la bataille médiatique et celle des récits font rage de part et d’autre, chacun cherchant à démontrer qu’il est en passe d’atteindre au moins une partie de ses objectifs. C’était le sujet de notre conférence mensuelle que vous pouvez visionner  ici.

Pour Israël, ce conflit prend une tournure existentielle qui rappelle la guerre d’indépendance de 1948-49 laquelle avait abouti à une redéfinition complète des frontières internationales définies par le plan de partage de l’ONU, pour aboutir à de nouvelles frontières nées du rapport de forces sur le champ de bataille. Pour l’autoproclamé « axe de la résistance », ce conflit constitue l’occasion d’isoler davantage Israël et d’affaiblir la présence occidentale au Moyen-Orient, comme l’illustre le regain de tensions en mer Rouge. Depuis le Yémen, les Houthis ont ainsi intensifié leurs tirs de missiles contre Israël, mais aussi contre le trafic maritime commercial, suscitant l’émoi des grandes compagnies maritimes et la mise en place de l’opération « Gardien de la prospérité » par les Etats-Unis, très heureux de détourner l’attention médiatique des bombardements à Gaza. Les Houthis ont ainsi réussi à fédérer la population yéménite déchirée par neuf années de guerre civile meurtrière et à participer à leur façon à la pression sur Israël, à l’image du Hezbollah libanais, même s’il est probable que leur parrain iranien – ainsi que son soutien chinois- s’assureront que ces attaques resteront sous le seuil de l’escalade.

Sur le plan géopolitique, les conséquences de cette guerre apparaissent désormais clairement. Plusieurs acteurs en tirent profit : l’Iran, le Hezbollah et le Qatar qui s’est imposé au cœur du jeu diplomatique ; la Russie qui bénéficie d’un effet de diversion qui lui permet de reprendre l’ascendant en Ukraine dans l’indifférence quasi-générale. Le bilan paraît plus incertain pour la Chine et les Etats-Unis. La première, en refusant de condamner l’agression du Hamas, a accru sa popularité dans le monde arabo-musulman, mais son manque d’implication sur le dossier israélo-palestinien questionne sa capacité à s’implanter stratégiquement et durablement au Moyen-Orient. De leur côté, les Etats-Unis sont vilipendés par les opinions publiques arabes, mais regagnent en crédibilité auprès des dirigeants qui constatent leur capacité à manier le bâton quand cela s’avère indispensable. Ce jeu de puissance avait été bien détaillé lors d’une des tables rondes de notre récente édition des RSMed.

Cette guerre souligne en revanche la fragilité des pouvoirs en place en Jordanie, au Liban et en Egypte, même si cette dernière a réussi à réinsérer le jeu diplomatique régional et même si le président Sissi a été réélu sans surprise, montrant qu’il avait su conserver la confiance du Conseil Suprême des Forces Armées. Elle illustre enfin l’attentisme d’autres acteurs, qui ont manqué le coche ou qui sont écartelés entre des intérêts divergents : la Turquie, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, ces derniers restant surtout préoccupés par le bon déroulement de la COP 28 qui s’est conclue chez eux le 13 décembre sur un constat très mitigé, malgré l’annonce du « début de la fin » de l’ère des combustibles fossiles, une nouveauté bienvenue de la part des pétromonarchies du Golfe. L’Europe est, elle aussi, aux abonnés absents et ne sera sollicité que pour financer le plan qui s’élabore sans elle.

Au bilan, cette année 2023 aura été marquée par l’accélération des fracturations, de la montée des tensions et des recompositions géopolitiques.  Nous continuerons à décrypter l’année prochaine l’émergence des nouvelles lignes de force à l’œuvre, non seulement dans notre région traditionnelle du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient, mais également sur tout le continent africain grâce au nouveau programme de la FMES, dirigé par Niagalé Bagayoko. En attendant, toute l’équipe de la FMES vous souhaite de belles fêtes de fin d’année ! Pour ceux qui seraient encore en recherche de cadeaux, vous trouverez en conseils de lecture nos recensions des deux ouvrages qui ont gagné ex-aequo notre Prix Géopolitique FMES 2023 le mois dernier.

L’équipe de direction de l’Institut

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