Edito juillet-août 2024

Comme nous le laissions entendre en juin, l’été s’est avéré riche en rebondissements. Le 13 juillet, Donald Trump a échappé de justesse à une tentative d’assassinat et Joe Biden, critiqué sur son état de santé, a finalement renoncé à se représenter, transmettant à la vice-présidente Kamala Harris le flambeau de la candidature démocrate. Celle-ci semble avoir inversé la dynamique électorale à son profit. Pour la première fois depuis le début de la campagne, Donald Trump paraît hésitant sur ses chances de l’emporter, conscient que l’âge, argument qu’il a abondamment utilisé contre Joe Biden, joue désormais en sa défaveur. Une victoire de Kamala Harris le 5 novembre prochain aurait pour conséquence probable la continuation de la politique étrangère de Joe Biden ; ce serait une très mauvaise nouvelle pour le Kremlin et pour tous ceux, au Moyen-Orient comme dans le reste du monde, qui espèrent le retour d’une administration américaine transactionnelle et peu attachée à la défense des valeurs ; par effet miroir, il s’agirait d’une bonne surprise pour l’Ukraine, pour les Européens, pour les alliés traditionnels des Etats-Unis en Asie du Nord (Japon, Corée du Sud et Taïwan), mais aussi paradoxalement pour l’Iran et la Chine qui espèrent poursuivre des négociations « constructives » avec Washington.


A l’est, Volodymyr Zelensky a tenté d’échapper au rouleau compresseur russe qui grignote la ligne de front dans le Donbass en lançant début août une offensive surprise au nord, vers Koursk, avec un succès certain, probablement pour inverser la spirale négative et pour prendre des gages dans une négociation qui pourrait s’engager après les élections américaines. Car comme nous l’avons souligné dans notre dernière livraison des Perspectives stratégiques le président ukrainien sait que le temps ne travaille plus pour son pays, même si Kamala Harris l’emporte en novembre.


La Chine de son côté, profite que son rival stratégique a les yeux rivés sur sa scène politique intérieure et sur le Moyen-Orient pour pousser ses pions en mer de Chine, face aux Philippines, au Japon et à Taïwan.


Au Moyen-Orient, la tension est montée d’un cran le 28 juillet avec l’assassinat en plein cœur de
Téhéran, imputé à Israël, d’Ismaël Haniyeh, chef du Hamas, alors qu’il était venu assister à la cérémonie d’investiture du nouveau président « réformateur » Massoud Pezeshkian élu le 5 juillet face à son rival ultraconservateur. Deux jours plus tard, le gouvernement israélien a revendiqué l’élimination à Beyrouth de Fouad Chokr, chef des opérations du Hezbollah, dans le cadre d’une augmentation des frappes de part et d’autre de la frontière pendant tout le mois d’août. Ces actions qui sont autant de signaux stratégiques entre Tel Aviv et Téhéran placent l’Iran face à un double dilemme : comment riposter pour ne pas perdre la face sans provoquer d’escalade avec Israël et les Etats-Unis ? Et comment préserver la crédibilité de sa force de frappe conventionnelle qui repose sur ses missiles balistiques et ses drones, sachant que depuis le mois d’avril, les salves de roquettes, missiles et drones d’origine iranienne tirés par l’Iran et ses affidés sont pour la plupart interceptés par la défense antimissile israélienne. La dernière démonstration en a été faite le 25 août lorsque le Hezbollah, affirmant riposter à l’élimination de son chef des opérations, a tiré sans succès majeur une salve de 150 roquettes et drones contre des objectifs militaires situés en Israël après que la plupart des projectiles aient été détruits lors de frappes préventives de l’armée israélienne.


Ces développements favorisent la mouvance dure de la société et du gouvernement israélien et ont encouragé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à torpiller – en miroir du Hamas – la moindre avancée dans les négociations sur Gaza et à tout faire pour éliminer Yaya Sinwar, le chef de la branche militaire du Hamas promu chef de la branche politique après l’assassinat d’Ismaël Haniyeh. Les provocations outrancières du ministre israélien Itamar Ben Gvir relatives au Mont du Temple à Jérusalem attisent le conflit et fragilisent un peu plus la Jordanie, thème de notre article du mois.


Dans un tel contexte, le risque d’escalade reste bien réel : soit que le Hezbollah, se sentant acculé, utilise cette fois ses missiles balistiques de longue portée contre des villes et des objectifs vitaux israéliens ; soit que le gouvernement israélien, sentant que le temps travaille contre lui, décide de réduire dès à présent la menace que représente la milice chiite. Côté iranien, le régime, qui a constaté la difficulté à percer les défenses israéliennes avec ses missiles et ses drones, doit probablement continuer à travailler au franchissement du seuil nucléaire pour imposer une nouvelle donne stratégique à Israël et aux Etats-Unis, a fortiori dans l’hypothèse de l’élection de Donald Trump. L’aval du Guide suprême le 27 août à une reprise de la négociation avec les Etats-Unis sur le dossier nucléaire vise d’ailleurs à favoriser la candidate démocrate et n’est pas contradictoire avec cette stratégie.


En Afrique, des pourparlers ont été engagés à Genève pour tenter de négocier un cessez-le-feu durable au Soudan entre les forces armées régulières du Général Al Burhane et les Forces de réaction rapide du Général Hemedti ; la conclusion de celui-ci semble improbable et seule une maigre avancée sur la question de l’accès humanitaire a pu être entrevue. Au Mali, les combats entre d’une part, les groupes autonomistes du Nord et d’autre part, les forces armées maliennes soutenues par leurs supplétifs russes ne cessent de s’intensifier aux confins de la frontière algérienne tandis que le JNIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans affilié à Al Qaida) reste particulièrement actif dans cette zone.


En France, le succès des Jeux olympiques et l’absence d’attentats et d’actes de déstabilisation destinés à fragiliser le pays pendant cette période ont éclipsé ces évènements. Leurs conséquences devront cependant être prises en compte par le prochain gouvernement. En attendant, l’Elysée a pris une décision majeure en prenant officiellement parti pour le Maroc au détriment de l’Algérie dans le dossier du Sahara occidental et en reconnaissant la thèse marocaine de l’autonomie (et non de l’indépendance) du peuple sahraoui. Cette décision ne facilite pas les relations avec l’Algérie à l’heure où celle-ci s’apprête à réélire le président Tebboune mais elle a l’avantage de faire un vrai choix qui renforce clairement la position de la France en Afrique du Nord et en Afrique occidentale. Ce sera le thème de notre première conférence de la rentrée.


L’équipe de direction de l’Institut

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