Retour sur le 5ème séminaire des SMHEM consacré à la gestion des ressources et aux enjeux de l’économie bleue pour les collectivités territoriales

Le 5ème séminaire annuel de la session méditerranéenne des hautes études maritimes (SMHEM) s’est déroulé du 31 janvier au 1er février 2024. Il était consacré à la gestion des ressources marines et aux enjeux de l’économie bleue pour les collectivités territoriales.

Pour appréhender la globalité des enjeux de la pêche en Méditerranée, les auditeurs ont tout d’abord été reçus par Monsieur Bernard Wendling, directeur général de l’organisation de producteurs SATHOAN. Ils ont ensuite visité la station IFREMER de Sète.

SATHOAN compte parmi ses adhérents 122 navires de pêche (15 thoniers senneurs de 30 à 45 mètres, 15 chalutiers de 18 à 24 mètres, 92 petits métiers) dont la production représente 50% de la production des produits de la mer en Méditerranée.

La responsabilité de l’organisation recouvre la gestion des flottilles (autorisations et licences de pêche) et des quotas (thon rouge, espadon, germon, senne, drague et chalut) en application des normes de l’Union européenne, la valorisation des produits (marques collectives, écolabels), les partenariats scientifiques.

Dans un contexte où toute la politique des pêches est européenne puis se transpose dans le droit national, la sur-transposition est un enjeu face auxquels SATHOAN exerce un rôle de contrepouvoir pour défendre les intérêts des pêcheurs.

Une autre difficulté réside dans l’objectivation scientifique des critères permettant de fixer les quotas. Seules huit espèces sur deux cent quarante pêchées sont en effet suivies scientifiquement en Méditerranée. SATHOAN contribue donc activement à stimuler la recherche scientifique et alimente les biologistes avec ses propres données.

SATHOAN joue enfin un rôle moteur dans la recherche et le développement d’outils de pêche permettant de limiter les prises accessoires d’espèces non désirées. Ces projets sont conduits en partenariat avec des scientifiques et des organismes comme le WWF. Interface entre les pêcheurs, les scientifiques et les pouvoirs publics, le rôle de SATHOAN est essentiel pour la mise en œuvre d’une gestion raisonnée de la ressource et garantir l’exploitation durable des stocks de poissons.

L’historique de la mise en place de la stratégie de gestion de la pêche au thon rouge et des certifications nationale et internationale des pêcheries, qui a été détaillé par Nolwenn Cosnard, a permis d’illustrer comment la biomasse de thon rouge a pu être reconstituée et s’accompagner d’une augmentation des quotas attribués aux thoniers français.

Un module a ensuite été consacré à la conchyliculture en Méditerranée. La stratégie de la filière a été présentée aux auditeurs par Fabrice Grillon-Gaborit, du Comité Régional de Conchyliculture de Méditerranée (CRCM). Le CRCM représente les professionnels de la conchyliculture de tous les bassins de production de Méditerranée : Leucate, Gruissan, Vendres, Thau, Port Saint Louis du Rhône, La Seyne sur mer et Aléria (Corse).

La présentation de Fabrice Grillon-Gaborit a permis de faire un point précis sur la stratégie de cette filière pour faire face aux importants enjeux liés au changement climatique et aux nouveaux enjeux environnementaux. Conduisant des activités de recherche innovantes, le CRCM permet d’accroitre la compétitivité de la production conchylicole de Méditerranée sur le marché national. Enfin, il veille au respect des réglementations environnementales des activités limitrophes afin de protéger et d’améliorer la qualité des eaux et de garantir une sécurité de consommation maximale.

Une visite de la station IFREMER de Sète sous la conduite de sa directrice, Maria Ruyssen, a conclu la partie du séminaire consacrée à l’exploitation des ressources maritimes, et permis aux auditeurs de comprendre l’accompagnement scientifique des pêcheurs mis en place pour assurer la pérennité des stocks.

La méthode scientifique utilisée pour définir les seuils d’exploitation de la biomasse permettant de guider la politique commune des pêches de l’Union européenne a été détaillée aux auditeurs. Cette approche est ensuite territorialisée pour décliner ces quotas par zones de pêche.

En amont de la prise de décisions politiques, l’IFREMER s’intègre ainsi pleinement dans un cycle européen de recueil de la donnée, de traitement et d’analyse, d’émission des avis vers la Commission européenne qui aboutissent aux décisions politiques du Conseil.

En aval de la définition des politiques de la pêche, l’IFREMER collecte de nombreuses observations qui servent de base à des diagnostics réguliers de l’état des ressources, comme à des scénarii de gestion en simulant différentes mesures comme la diminution de flotte, la fermeture de zones, des évolutions de quotas…

La campagne GloDys conduite en 2022 et 2023 par quinze scientifiques de la station de Sète, avec trois jours d’embarquements par semaine pendant un an sur des chalutiers du golfe du Lion, a ainsi permis d’acquérir une connaissance précieuse pour répondre aux questionnements sur la baisse de prises de petits pélagiques.

Grace à cette visite passionnante de l’IFREMER, les auditeurs ont pu mesurer la connaissance fine par l’IFREMER des stocks de poissons et des impacts des changements climatiques comme de la pêche sur les différentes espèces marines. Cette expertise est indispensable pour éclairer les pouvoirs publics et orienter les choix politiques.

En complément de cette visite à l’IFREMER, les auditeurs ont découvert l’aire marine protégée (AMP) de la côte agathoise qui leur a été présentée par Sylvain Blouet et Melissa Trougan.

La loi française prévoit six catégories différentes d’aires marines protégées : parc national, parc naturel marin, conservatoire du littoral, réserve naturelle, aire de protection de biotope, site natura 2000, répondant à des objectifs croissants de préservation des espaces et donc de restrictions d’activités.

Les gestionnaires de ces aires marines protégées sont également différents selon les types, de l’Etat aux collectivités territoriales. Dans le cas de l’AMP de la côte agathoise l’implication forte de la municipalité en soutien est le facteur essentiel d’efficacité de la structure.

A partir de l’action de l’AMP de la côte agathoise, les auditeurs ont pu comprendre le rôle majeur des AMP pour la connaissance des écosystèmes marins grâce aux suivis biologiques réalisés et aux travaux réalisés en collaboration avec des laboratoires de recherche. Au niveau national, ce suivi biologique a permis de chiffrer l’augmentation de taille des poissions dans les AMP (+ 28%) et la densité de poissons (+ 160 %). L’augmentation de la biomasse ainsi obtenue contribue directement au renouvellement des stocks de poissons à l’extérieur des AMP.

Quel que soit le type d’AMP, des activités humaines restent permises avec le risque de sur fréquentation de ces zones protégées qui attirent toujours plus de visiteurs. Ce sujet fait l’objet de débats au niveau européen, où s’affronte la vision française permissive pour un usage raisonné de ces zones et l’approche anglo-saxonne qui privilégie l’interdiction totale.

Un autre enjeu majeur mis en évidence par cette visite est l’objectif de 5% de protection forte en Méditerranée en 2027 alors que seul 0,08% l’est actuellement avec les problématiques associées de moyens de surveillance associés, d’acceptabilité et d’appropriation par les acteurs locaux.

Le déplacement à Sète a ensuite été mis à profit pour approfondir la connaissance des auditeurs de l’action en mer des collectivités territoriales.

Avec ses 220 kilomètres de côtes, 35 ports de plaisance maritimes dont la plus grande marina d’Europe à Port-Camargue, 20 stations balnéaires, 5.400 km² d’aires marines protégées, la Mer est un atout formidable de biodiversité, d’attractivité, de développement économique et de bien-être pour les habitants de l’Occitanie.

Ces atouts sont valorisés grâce à une véritable vision stratégique à long terme de la région Occitanie, qui a été présentée aux auditeurs par Marc Barral, chargé aménagement Littoral de la région Occitanie. Cette vision est portée par l’action de concertation du Parlement de la mer d’Occitanie, qui a été détaillée par Patrick Toustou, vice-président de cette instance.

La région Occitanie aspire à être un véritable développement maritime mettant en valeur ses atouts dans le cadre de la stratégie de « croissance bleue » portée par la Région.

Pour être à la hauteur de cette ambition, elle a créé en 2016 une Direction de la Mer au sein de son administration pour porter cette ambition et choisi de créer le Parlement de la Mer pour fédérer la communauté des acteurs du monde maritime et favoriser la concertation afin de développer des projets innovants.

La mise en œuvre de la vision stratégique de la Région est formalisée dans le Plan littoral 21, lancé en juillet 2016 et régulièrement actualisé, qui soutient des dossiers concernant la modernisation des infrastructures portuaires et touristiques, le développement de l’éolien en mer, l’aménagement de la côte et la valorisation des espaces protégés.

Créé en 2013, le Parlement de la mer d’Occitanie est le premier Parlement de la mer mis en place par une région. Cette démarche de création du Parlement de la mer visait à rassembler dans un espace d’échanges et de concertation, les principaux acteurs de la communauté maritime régionale.

Réunissant les représentants les secteurs académiques, socio-économiques, les collectivités, mais aussi l’Etat et ses établissements publics, ainsi que des associations d’experts et d’usagers, le Parlement de la Mer a vocation à :

  • fédérer la communauté maritime régionale et permettre le dialogue, la concertation et la compréhension mutuelle entre ses membres ;
  • promouvoir le littoral et la mer et valoriser les réalisations des acteurs de la façade maritime ;
  • favoriser le développement des filières de l’économie maritime pour dynamiser la création d’emplois dans ces secteurs ;
  • favoriser une gestion durable des risques littoraux dans une logique d’adaptation au changement climatique ;
  • renforcer la culture maritime des habitants de tout le territoire régional et leur compréhension des enjeux actuels et à venir.

En réunissant tous les acteurs en lien avec la mer, le Parlement de la mer crée une communauté d’intérêts et permet l’émergence de débats qui, au final, font converger les points de vue. C’est ce travail de concertation qui a permis de faire avancer des projets majeurs comme les parcs éoliens ou la lutte contre la pollution des plastiques en mer.

Précurseur, le Parlement de la Mer d’Occitanie est aujourd’hui un concept qui fait des émules notamment dans les Régions Haut de France et Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur car il permet, par la concertation menée au niveau d’un territoire, de faire avancer des projets qui ne passeraient pas par une seule approche règlementaire.

En complément de la visite au Parlement de la mer, l’importance de l’économie maritime pour les territoires a été illustrée par une rencontre à la mairie de Sète avec Jean-Guy Majourel, premier vice-président de Sète Agglopole Méditerranée.*

Monsieur Majourel a présenté aux auditeurs les enjeux maritimes économiques, touristiques et environnementaux de Sète et de l’agglomération de communes. Le plan stratégique de Sète Agglopole Méditerranée, qui rassemble quatorze communes, pour faire de ce territoire un pôle de croissance de l’économie bleu de l’Occitanie, a fait l’objet de nombreuses questions des auditeurs.

Ce plan a défini quatre domaines d’activités stratégiques autour du port de Sète (Port Sud de France) et le transport maritime, des activités et productions traditionnelles du territoire (pêche et conchyliculture), du tourisme et de l’aménagement des littoraux, du nautisme et de la construction de navires de plaisance.

S’appuyant sur de nombreux atouts au premier rang desquels un écosystème de la recherche riche de plus de 100 chercheurs de l’IFREMER et du syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT), Sète agglopôle Méditerranée offre un cadre d’expérimentation de choix pour les entreprises de la croissance bleue.

Le port de commerce de Sète, les ports de plaisance, l’étang de Thau, les lagunes et canaux sont autant de terrains d’expérimentations pour permettre aux startups et entreprises innovantes de venir identifier les nouveaux usages, construire des offres, tester et valider des nouveaux produits et services.

Accompagnant cet écosystème extrêmement dynamique dans une démarche collaborative au service des projets du territoire, l’action de Sète agglopôle Méditerranée est un modèle pour les collectivités sur le développement de l’économie bleue.

Au terme de ce séminaire les auditeurs ont pu mesurer les enjeux multiples de l’économie bleue pour un développement économique dynamique et durable des territoires sous l’impulsion des collectivités territoriales.

Ils se retrouveront en Corse du 13 au 15 mars 2024 pour un séminaire consacré à la sécurité du trafic maritime.

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