Retour sur le 4ème séminaire des SMHEM

Le très riche 4ème séminaire de la 2ème session méditerranéenne des hautes études maritimes (SMHEM) s’est déroulé du 10 au 12 janvier 2024.

Il a débuté à Marseille au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Son siège est à Marseille, berceau mondial de l’archéologie sous-marine. Créé en 1966 par André Malraux, alors ministre de la Culture, le DRASSM protège, étudie et met en valeur les vestiges archéologiques retrouvés sous l’eau pour l’ensemble des eaux sous juridiction française. Depuis sa création, le département a recensé plus de 6000 épaves sur le littoral français. Il administre et valorise un patrimoine considérable et d’une grande diversité, depuis la grotte Cosquer (-28.000 ans) jusqu’aux épaves du débarquement (1944).

Son directeur, Arnaud Schaumasse, a présenté aux auditeurs le large champ d’intervention de son département et les défis qui sont désormais les siens. Face à l’arrivée de nouvelles technologies plus intrusives, la surveillance maritime est devenue un sujet stratégique pour le DRASSM. Si jusqu’à présent les actions de la lutte contre le trafic d’œuvres archéologiques menées en liaison avec les autres administrations agissant en mer, se sont toujours déroulées dans le champ du répressif sur constatation d’une infraction, l’enjeu est aujourd’hui de travailler sur l’anticipation pour prévenir les infractions. La complémentarité des compétences et la mutualisation des actions inter-administrations permises par l’organisation françaises de l’action de l’Etat en mer, est pour cela un atout.

Poursuivant sur la thématique de l’action de l’Etat en mer, les auditeurs ont ensuite été reçus au bataillon des marins pompiers de Marseille (BMPM) par le capitaine de vaisseau Christophe Guillemette, commandant en second du bataillon.

Centre d’excellence de la marine nationale pour les missions de sécurité civile dans les domaines maritime et portuaire, le BMPM assure la protection de la ville de Marseille et de sites stratégiques régionaux comme l’aéroport Marseille Provence ou Airbus Helicopter. Il dispose d’une capacité nationale d’intervention à bord des navires (CAPINAV) capable de renforcer l’action des moyens maritimes et terrestres, en métropole et outre-mer, en cas d’accident, sinistre ou catastrophe survenant à bord de navires. Il forme les sapeurs-pompiers de toute la France aux techniques d’intervention à bord des navires.

Pour terminer cette visite, la présentation dynamique de plusieurs capacités et à la visite du bateau pompe CC Paul Brutus, a permis aux auditeurs de découvrir les moyens dont le bataillon est doté pour assurer le secours aux personnes. Les auditeurs ont ensuite pu bénéficier d’une séquence consacrée aux acteurs de l’économie maritime.

Afin de comprendre le formidable atout que constitue l’arrivée de câbles sous-marins pour le développement de Data centers dans les zones portuaires, les auditeurs ont visité le Data center de Digital Realty. Présent dans vingt-cinq pays, Digital Realty met en œuvre trois cent dix Data centers dans le monde.

Dans ce marché, la place de la France est très spécifique car ses atouts géographiques et historiques lui permettent d’accueillir deux hubs dans le top ten mondial à Paris et Marseille. En Méditerranée, de nombreux hub sont en cours de création pour accompagner la croissance du marché de la donnée numérique comme à Rome, Athènes et Istanbul. Malgré cette concurrence le hub de Marseille va poursuivre sa croissance. Passé de la 44ème place mondiale en 2014, Marseille est aujourd’hui à la place 7ème et se hissera à la 5ème en 2025. Digital Realty y a déjà investi 400 millions d’euros et va continuer son développement sur le port de Marseille. 

Une visite du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a ensuite été organisée avant que Thierry Rey de la direction de la stratégie et François Bourboulon, directeur de la Capitainerie présentent aux auditeurs les défis et orientations stratégiques pour le futur GPMM.

Port très polyvalent, aux caractéristiques géographiques tout à fait exceptionnelles avec deux bassins à Marseille et à Fos distant de 50 kilomètres, 10.000 hectares de superficie, 70 kilomètres linéaire de côte, le GPMM traite 77 Mt de marchandises dont une majorité d’hydrocarbures. Au plan mondial le GPMM reste à une place modeste si on le compare à Rotterdam avec 500 Mt ou au port chinois le plus important qui réalise 1.000 Mt de marchandises.

Le défi majeur auquel le GPMM va devoir faire face est l’accompagnement de la transition écologique en intégrant la règlementation associée, gérant la rareté de la ressource et adaptant son modèle économique, qui repose largement sur les hydrocarbures (44 sur les 77 Mt de fret traité annuellement). Dans ce cadre le GPMM possède néanmoins l’atout conféré par sa position géographique comme porte d’entrée du sud de l’Europe. Pour le valoriser, des investissements publics seront néanmoins nécessaires pour aménager l’axe Méditerranée-Rhône-Saône dans une logique multimodale qui permettrait d’économiser l’émission de millions de mètres cubes de CO2.

L’instabilité géopolitique et les conséquences de conflits plus fréquents et exerçant leurs effets en mer est également une préoccupation. Ainsi sur un sujet d’actualité, les impacts des attaques de rebelles Houthis en mer Rouge provoquent actuellement des retards importants dans les arrivées de navires attendus et un doublement du prix de la tonne de fret. A terme, si la situation devait durer, le risque serait une réorganisation des flux mondiaux qui écarterait Marseille de la route de navires transitant désormais par le sud de l’Afrique et l’Atlantique, directement vers les ports du nord de l’Europe.

Avant de quitter Marseille, les auditeurs ont travaillé sur la gouvernance des espaces maritimes avec une présentation de très haut niveau du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, M. Christophe Mirmand, qui est également préfet coordonnateur de façade maritime.

Institution relativement récente car elle date de 2012, la fonction de préfet coordonnateur de façade se distingue de celle de préfet de département par son périmètre qui est centré sur la façade Méditerranée et dont le rôle, avec le préfet maritime est de coordonner la mise en œuvre des grandes politiques publiques en mer. Les nombreux sujets évoqués par le préfet Mirmand ont permis aux auditeurs de mesurer le très large champ d’intervention conjoint du préfet coordonnateur, des sujets de protection de l’environnement à ceux du développement économique et industriel.

Ils ont aussi pu découvrir l’importance du document stratégique de façade pour garantir la compatibilité des usages et orienter les investissements futurs de l’Etat comme des opérateurs privés, aussi bien dans les eaux sous souveraineté (eaux territoriales) que des eaux sous juridiction (ZEE).

Les auditeurs ont également pu comprendre le fonctionnement des institutions propres à la façade maritime, qui s’appuie sur une recherche permanente de consensus dans les travaux et qui bénéficie de l’engagement fort des acteurs publics et privés dans le cadre du conseil maritime de façade et des commissions spécialisées animées à l’échelle de la façade.

Grâce aux riches échanges avec le préfet Christophe Mirmand, les auditeurs ont pu réaliser l’importance du consensus obtenu sur les grands projets maritimes, l’enjeu pour l’Etat de la planification spatiale, la cohérence apportée désormais par le document stratégique de façade, l’engagement des acteurs publics et privés pour faire vivre cette concertation et la nécessité d’une bonne articulation entre les trois régions de la façade méditerranée.

Dans une seconde partie, l’administrateur en chef des affaires maritimes Stéphane Peron, directeur interrégional de la mer en Méditerranée (DIRM Méditerranée) par intérim a présenté les missions maritimes relevant de sa direction, véritable administration de la mer, et l’important rôle qui est le sien dans l’animation de la concertation sur la façade maritime et la mise en œuvre des politiques publiques maritimes.

Une après-midi a été consacrée à une visite passionnante des Chantiers Navals de La Ciotat (La Ciotat Shipyards), site maritime d’excellence en Méditerranée qui figure parmi les leaders mondiaux sur le secteur du refit et de la réparation de Yachts.

Son directeur général, Philippe Vincensini, a expliqué que Les Chantiers Navals de La Ciotat sont l’héritier d’une aventure humaine qui a commencé en 1835. Depuis le chantier s’est adapté à toutes les évolutions de la construction navale, avec une apogée dans les années 1950, avant des années sombres et une fermeture en 1988. Grâce au courage d’hommes qui ont cru à la renaissance du chantier, le début de la réindustrialisation a commencé en 1994 en profitant des installations des anciens chantiers, pour arriver dans les années 2000 à l’activité de réparation et d’entretien des yachts. Les Chantiers Navals de La Ciotat représentent aujourd’hui un écosystème de 1440 emplois permanents, 50 entreprises, 146 yachts accueillis en 2023 et un chiffre d’affaires en constante augmentation.

La visite des chantiers a ensuite permis aux auditeurs de découvrir les installations de haute technologie adaptées pour l’entretien des yachts de toutes catégories, voiliers ou motor-yachts, de 30 à 200 mètres. Un ascenseur pour des bateaux de 80 à 130 mètres et un bassin de carénage d’une longueur de 300 mètres offrent en particulier aux Chantiers Navals de La Ciotat un outil de production unique.

Cette capacité industrielle exceptionnelle représente un fort potentiel pour le développement économique de la ville et de la Région et offre de belles perspectives d’emplois dans tous les domaines d’activités de la maintenance navale.

La dernière matinée du séminaire s’est déroulée sur le site de EXAIL à La Garde où les auditeurs ont eu la chance de pouvoir échanger avec tous les directeurs de département.

Le rapprochement de IXblue et ECA Group a permis de créer un nouveau champion des hautes technologies en matière de drones, Exail, héritier des savoir-faire de 50 ans de robotique navale. Bénéficiant d’une couverture mondiale, Exail réalise 80% de son chiffre d’affaires à l’étranger et développe des solutions dronisées à usage duales civil et militaire. 49% de ses clients sont en effet civils.

Après une présentation de grande qualité de la large gamme de systèmes de drones sous-marins développés par Exail, qui peuvent être intégrés et déployés depuis un navire, ou utilisés en autonomie directement depuis la terre, les auditeurs ont pu visiter les ateliers et découvrir les différents systèmes de drones sous-marins et de surface produits par Exail.

L’Ulyx, qui équipe actuellement l’IFREMER, dont un dérivé devrait offrir à la marine française une capacité de surveillance sous la mer jusqu’à 6.000 mètres et le DRIX, drone de surface très polyvalent déjà vendu à 25 exemplaires à l’international, ont ainsi particulièrement impressionné les auditeurs.

Au terme de ce séminaire les auditeurs ont pu mesurer les atouts de la France sur plusieurs secteurs de pointe de l’économie maritime et approfondie leur connaissance des modalités de régulation des activités en mer.

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