L’US NAVY FACE AUX CONTRAINTES BUDGÉTAIRES

Le hors-série Navires militaires fait le point, comme chaque année, sur les activités de la marine française et des principales flottes internationales, ainsi que sur l’actualité des chantiers français spécialisés dans la navale de défense. Questionné sur les contraintes budgétaires et leurs conséquences sur l’US Navy, Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, souligne à Alain Lepigeon que « les rapports ont notamment mis en exergue que les marins, outre un excès d’assurance, se reposaient trop sur la technologie. “

La flotte américaine s’est vue détrônée en nombre d’unités par la Chine. L’US Navy doit à la fois répondre à la menace et faire face aux restrictions budgétaires. Ces 24 derniers mois, le schéma futur de la flotte de l’US Navy a changé à plusieurs reprises. Ainsi est-on passé de 355 navires en 2030 à 500 unités en 2045 pour finalement aboutir, en 2050, à une fourchette de 321 à 370 bâtiments avec équipage et de 77 à 140 sans équipage.

Ces changements de cap successifs et rapprochés provoquent non seulement des interrogations chez les industriels qui manquent de visibilité, mais également une certaine irritation du côté du Congrès. Longtemps retardée, la demande de budget de la marine américaine pour l’exercice 2022 a été présentée en mai. Selon certains analystes, il reflète des augmentations modestes mais ne montre globalement aucun changement significatif par rapport à l’année précédente.

La marine, qui doit se séparer de dix-neuf unités (dont sept croiseurs), a ainsi demandé huit nouveaux navires, quatre de soutien et autant de combat. Parmi ces derniers, outre deux sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia et une frégate de type Constellation, figure un seul destroyer de type Arleigh Burke, au lieu de deux initialement prévus, engendrant une pénalité de 33 millions de dollars auprès des chantiers.

Financement passé en force

Le Congrès a fini par valider le second destroyer, acceptant le financement via une demande complémentaire adressée par le Pentagone. Ce type de procédure semble être de plus en plus un recours employé par l’US Navy pour financer des programmes quasi vitaux. Les sénateurs ont d’ailleurs promis qu’on ne les y reprendrait plus.

L’ajournement de ce second Arleigh Burke était motivé par un report sur le programme des futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Columbia. La dissuasion nucléaire est en effet la priorité pour l’US Navy, « la deuxième étant la préparation à fournir une force crédible au combat », a déclaré au Congrès le contre-amiral John Gumbleton, secrétaire adjoint de la marine pour le budget. Il est clair que s’il est affiché des objectifs ambitieux sur le long terme, le présent est surtout consacré à maintenir la flotte actuelle. Mais l’écart se creuse avec la marine chinoise…
Pour son budget 2022, l’US Navy a demandé le financement de huit nouveaux navires et en a obtenu un neuvième à l’arraché.

Des problèmes de ressources humaines


En 2017, l’US Navy a connu deux accidents graves. Deux collisions, impliquant les destroyers USS John S. McCain et USS Fitzgerald, ont entraîné la mort de dix-sept marins et des centaines de millions de dollars de dégâts. « Les rapports ont notamment mis en exergue que les marins, outre un excès d’assurance, se reposaient trop sur la technologie, souligne l’amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques . Les marins de l’US Navy, et de toutes les marines occidentales, doivent réapprendre, se préparer à des situations dégradées, à la cyberattaque qui réduira leur avantage technologique. Il faut s’assurer de la rusticité et de la solidité morale des marins. »

Outre l’entraînement des équipages, les accidents de 2017 ont soulevé des problèmes de ressources humaines. Il a été ainsi identifié des lacunes dans le cheminement de carrière des officiers de surface, celui-ci n’ayant pas fondamentalement changé depuis près d’un siècle. Seulement 33 % d’entre eux rempilent à la fin de leur contrat au bout de huit ans, contre 45 % chez les sous-mariniers et les aviateurs. Pour pallier ces départs, l’US Navy recrute plus que nécessaire et se retrouve en sureffectif chez les jeunes officiers. « L’attrition (NDLR : le départ d’une partie des effectifs) est intégrée au système. Elle est induite par une faible satisfaction au travail, des possibilités de formation réduites, un grand nombre de personnes sur le pont et dans d’autres postes », confie un ancien officier de l’US Navy et analyste au National security supply chain institute. Le système, censé donc pourvoir aux manques, s’est perverti.

Alain Lepigeon

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