Les vulnérabilités des outre-mer français

Grâce à ses 13 territoires outre-mer, la France est présente sur tous les océans. Ces territoires occupent des positions d’importance stratégique, sur plusieurs voies de communication maritimes majeures (Mayotte et les îles Eparses dans le Canal du Mozambique, les Antilles sur les routes du canal du Panama, La Réunion sur la route du Cap) ou au cœur d’espaces maritimes. Ces territoires confèrent à la France près de 97% de sa Zone Economique Exclusive (ZEE), soit environ 11 millions de kilomètres carrés, talonnant celle des Etats-Unis qui disposent de la plus vaste ZEE mondiale. Lieux de tourisme privilégiés, les outre-mer jouissent également de biodiversités uniques et de ressources, notamment halieutiques, convoitées par leur voisinage. Leur population de 2,8 millions d’habitants[1] dépasse largement celle de Paris et représente 4% de la population française.

Ces territoires français souffrent pourtant d’une marginalisation dans les réflexions politiques ou stratégiques, liée à plusieurs facteurs : rejet de l’histoire et d’un supposé passé colonial, primeur donnée à la construction européenne, priorité donnée à la croissance économique de l’Hexagone, mais aussi tyrannie des distances car ces espaces sont situés loin de la métropole et leur ravitaillement est complexe et couteux. À l’exception de la Guyane dont le centre spatial de Kourou est vital pour l’Europe, les outre-mer sont donc souvent mal connus et peuvent n’être considérés par certains que comme des sources d’embarras géopolitiques et de problèmes sociaux.
Insérés dans des zones maritimes éloignées de l’Hexagone, les outre-mer français font face à des difficultés et vulnérabilités multiples. La proximité de certains territoires avec les routes de la drogue génère des épisodes de violence qui aggravent les tensions socio-économiques et fragilisent les populations. De statuts divers au regard du droit national, certains, les Régions Ultrapériphériques (RUP) font partie de l’espace européen quand les autres, les Pays et Territoires d’Outre-Mer (PTOM) lui sont simplement associés. Les normes européennes qui s’imposent aux RUP participent de leur développement mais freinent leur intégration régionale. Prisonniers de ces normes et de leur distance à l’Hexagone, les outre-mer font également l’objet de revendications étrangères, soutenues par certaines grandes puissances, mais aussi d’ingérences ou encore de pêche illégale. Les questions indépendantistes se posent également dans certains territoires notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. À long terme, les présences supposées ou avérées de réserves d’hydrocarbures et de minerais dans les fonds marins à proximité des ZEE françaises génèreront probablement des tensions et des convoitises. Enfin, le caractère insulaire de la majorité de ces territoires les expose fortement aux conséquences du changement climatique. La multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes favorise les risques de submersion et d’érosion du trait de côte. Alors que Mayotte peine à se reconstruire un an après le passage du cyclone Chido, le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon est devenu le premier département français à déplacer une partie de sa population en raison des risques de submersion.

Les territoires ultramarins assurent une présence concrète de la France sur plusieurs continents et sur tous les océans. Ils lui confèrent un droit de cité. L’image paradisiaque d’îles tropicales ne doit pas masquer les difficultés rencontrées par nos compatriotes. La meilleure façon de les valoriser est, paradoxalement, de montrer combien ces territoires sont convoités. Ils sont une richesse culturelle, géopolitique, humaine et maritime dont la France pourrait difficilement se passer sans changer de nature. Une France simplement européenne ne serait plus la même. En ces grises journées d’hiver, regarder vers l’outre-mer n’est pas seulement chercher un soleil ponctuel mais comprendre ce qui contribue à la place internationale et la richesse de la France. C’est aussi renforcer les liens centenaires qui unissent les populations dont une large majorité est fondamentalement attachée à la République française. Si leur poids économique reste limité, l’importance des outre-mer est d’abord liée aujourd’hui à des enjeux stratégiques et de cohésion nationale.


[1] Source Direction générale des outre-mer (DGOM).

Partager sur les réseaux sociaux

Rejoignez-nous

La newsletter FMES

Déposez votre mail pour vous abonner à notre newsletter mensuelle
et autres mailings (conférences, formations, etc.)

La newsletter FMES

Déposez votre mail pour vous abonner à notre newsletter mensuelle
et autres mailings (conférences, formations, etc.)