CONSEILS DE LECTURE AVRIL 2022

L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge. Louis Blin.

L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge de Louis Blin, Éditions Eyrolles, 2021. 190 pages. 16,90€.

À travers cet ouvrage, Louis Blin nous dépeint le tableau de la nouvelle Arabie saoudite. Aux travers de ses explications, l’auteur nous invite à reconsidérer la place de l’islam en Arabie saoudite. En effet, cette dernière a profondément évolué et Louis Blin nous parle davantage de déwahhabisation que de désislamisation. Il en profite également pour dé diaboliser la puissance sunnite et tenter de sortir du prisme de lecture caractérisé par un « ethnocentrisme occidental ». Par la suite, l’auteur explique que si le pays a instauré une importante restructuration économique sans changement politique majeur, l’ensemble de l’évolution reste complexe au niveau des renouvellements sociaux et religieux. Un nouveau type de contrat social s’impose et doit concilier modernité de type occidental et patrimoine culturel local. Cette révolution culturelle est d’ailleurs davantage « salmanite » que saoudite. En effet, via le projet « Vision 2030 » de Mohammed ben Salmane, l’ouverture économique, la place de la femme, la sécularisation évoluent très rapidement. Économiquement, les regards se tournent maintenant vers la mer Rouge où se concentrent les nouvelles dynamiques économiques de la puissance sunnite, d’où le titre de l’ouvrage ; autonomisation du pays et prise de distance avec l’économie pétrolière ; passage du « pétrosalafisme » patriarcal à une société mondialisée, le tout saupoudré d’un abandon de la logique rentière pour une économie de production et de service, notamment via les lieux religieux de pèlerinage. Louis Blin en profite pour aborder la politique étrangère de l’Arabie saoudite vis-à-vis de l’Iran, des États-Unis ou encore de la Chine. Tout un chapitre est également dédié à la lutte contre le terrorisme.

En bref, l’Arabie saoudite semble écrire une nouvelle page de son histoire et Louis Blin invite la France à ne pas autant se désintéresser de ce processus, par méfiance ou dédain. Si de nombreuses lignes sont dédiées au lien historique franco-saoudien, le focus est mis particulièrement sur l’aspect culturel qui lie les deux puissances. L’auteur insiste sur le fait qu’un accompagnement de ceux qui partagent une histoire commune serait utile, notamment dans l’optique d’éviter un énième embrassement d’une zone déjà particulièrement instable.

Même si la voie saoudienne vers la modernité est loin d’être tracée, la société l’a résolument empruntée avec l’espoir d’aménager un avenir meilleur, à l’heure où tant d’autres pays arabes accablés par leur situation négative voient leur salut dans l’émigration. L’auteur conclue sur l’évolution très rapide de la société, même si les récents acquis sont encore fragiles. La prochaine réforme sera-t-elle dans l’optique d’éveiller l’Homos politicus saoudien ?

M.B.

La guerre de l’ombre, entre Israël et la République islamique d’Iran. Orel Chauvel.

Orel Chauvel, La guerre de l’ombre, entre Israël et la République islamique d’Iran, L’Harmattan, février 2022. 131 pages. 16,50.

Dans cet ouvrage, Oren Chauvel revient sur la stratégie militaire d’Israël en analysant la confrontation discrète entre Israël et l’Iran depuis 2013. Le directeur académique de la FMES, Pierre Razoux, en a rédigé la préface.

L’ouvrage revient sur les Accords d’Abraham, les aspects stratégiques et opérationnels de la « campagne entre les guerres », tout en distinguant les forces et les faiblesses de Tsahal. L’auteur appelle à reconsidérer la fragilité du concept de basse intensité, afin de dissuader de façon effective l’axe de la résistance qui vient contrebalancer l’équilibre déjà fragile des puissances actuelles au Moyen-Orient.

En exposant différentes stratégies adoptées par l’État hébreu (stratégie de dissuasion par la punition et par le déni), l’auteur insiste sur la « milkhama ba milkhamot », ou la campagne entre les guerres. Cette dernière est organisée contre la coalition iranienne sur mer, en air, et dans le cyber dans le but de maintenir une dissuasion efficace sans entrer dans un conflit ouvert. La coalition iranienne est constituée de plusieurs groupes : l’Iran, le Hezbollah, les pasdarans, des groupes en Syrie, et le Hamas et le djihad islamique.

L’idée de campagne entre les guerres a été initiée par Tsahal et poursuivie par l’actuel chef d’État-major Aviv Kokhavi. Sa raison d’être provient d’un besoin d’une micro-révolution dans l’univers stratégique israélien. Si l’objectif premier de cette campagne est de retarder la prochaine guerre ouverte, Israël fait face à deux principales limites : l’enrichissement en uranium de l’Iran et l’idéologie de l’axe chiite. Par ce biais, Tsahal transforme ses missions afin de garder un temps d’avance sur ses adversaires et de maintenir une force de dissuasion crédible, principalement basé sur une supériorité technologique et technique, rapport qui tend à évoluer comme le démontrent les divers piratages informatiques et attaques militaires clandestines de ces dernières semaines.

Cette campagne entre les guerres s’inscrit dans un contexte régional où la menace iranienne est perçue collectivement par Israël, les États-Unis et les alliés de ces derniers, comme omniprésente et virulente. Oren Chauvel explique que depuis la guerre froide les conflits impliquant autant d’acteurs n’ont jamais été aussi nombreux. Pourtant, l’aspect conventionnel incarné par les forces de défense israélienne domine encore dans les airs ou dans le renseignement, mais l’explosion technologique des milices fragilisent la perpétuité de cette stratégie. En effet, l’Iran a instrumentalisé le chaos provoqué par les différentes guerres civiles dans la zone afin d’établir une hégémonie régionale au détriment des autres acteurs. Dans un contexte déjà très fluctuant et instable, l’État hébreu doit impérativement empêcher l’implantation massive des forces liées au régime des mollahs à proximité de ses frontières, car cela fragiliserait l’équilibre mis en place par les forces armées israéliennes.

La récente signature des Accords d’Abraham, impulsée par Donald Trump, s’inscrit dans cette dynamique consistant à faire front au bloc chiite et à ses velléités hégémoniques. L’enjeux iranien est clairement d’affaiblir, au mieux, d’anéantir ces accords.

M.B.

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