Les élections municipales tenues en Turquie le 31 mars 2024 ont consacré une large victoire au Parti républicain du peuple (CHP), la principale force d’opposition du pays. Le parti du président Recep Tayyip Erdogan, pourtant reconduit à la présidence l’an dernier, est pénalisé par l’inflation accablante qui se poursuit et la percée d’un parti islamiste rival.
C’est un raz-de-marée. A l’issue des élections municipales du 31 mars dernier, le Parti républicain du peuple (CHP), soit la principale force d’opposition turque, a remporté les plus grandes du ville du pays : Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa ou encore Antalya, Adana et Mersin. A l’échelle nationale, il devance le Parti justice et développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdoğan, remportant 38,12% des voix, contre 35,45% pour l’AKP.
A Istanbul, la plus grande ville du pays, le maire Ekrem Imamoğlu a été réélu avec 51,8% des votes. A Ankara, son homologue du même parti Mansur Yavaş en a recueilli, quant à lui, 60,78%. Il s’agit du plus gros revers subit par Recep Tayyip Erdoğan et son parti depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Comment expliquer un tel résultat, alors qu’il y a moins d’un an, le « raïs » était réélu à l’issue du second tour de la présidentielle avec 52% des voix ?
Pour Karabekir Akkoyunlu, politiste à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de Londres, il s’agit avant tout de la crise économique, et en particulier de l’inflation (67,7% en rythme annuel au mois de février), qui n’a cessé d’accabler le pays malgré une politique monétaire orthodoxe initiée par l’AKP suite à sa victoire en mai 2023. « Jusqu’à la présidentielle, Erdoğan avait mis en place des mesures populistes pour amortir l’effet de l’inflation. Il a par exemple fourni des aides financières aux personnes à faible revenus, mais c’était temporaire et, depuis, ceux-ci subissent de plein fouet la hausse des prix », analyse le politiste.
Le parti au pouvoir a été également pénalisé par la percée du parti islamiste Yeniden Refah, qui a recueilli 6,7 des voix à l’échelle nationale, arrivant notamment en tête dans la ville conservatrice de Şanlıurfa, dans le Sud-est du pays. Ce parti aurait arraché des voix à l’AKP en dénonçant sa complaisance du gouvernement vis-à-vis d’Israël. « Beaucoup d’électeurs d’Erdogan qui ont été déçus par le fait qu’il n’ait pas adopté une ligne plus dure contre Israël en refusant de rompre les liens diplomatiques avec le pays se sont tournées vers Yeniden Refah », avance encore Karabekir Akkoyunlu.
Dans le sillage ces municipales, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoğlu est désormais en bonne place pour se présenter à la prochaine présidentielle prévue pour 2028. Tout comme Mansur Yavas, son homologue ankariote. « Suite à sa défaite à la présidentielle l’an dernier, le Parti républicain du peuple a mené une bonne campagne, et a fait des choix stratégiques quant aux choix des candidats municipaux. Imamoglu, en particulier, s’est démarqué et a réussi à séduire des électeurs provenant de milieux très différents, kurdes comme nationalistes », affirme encore Akkoyunlu. Qui prévient qu’il faut toutefois s’attendre, dans les années à venir, à ce que le gouvernement d’Erdoğan restreigne les prérogatives des municipalités.