Une offensive russe au Nord pour écarteler Kiev sur la ligne de front

Pierre Razoux, Directeur académique de l’Institut FMES a été cité par le média AFP concernant l’offensive russe sur Kharkiv. « Les Russes peuvent mobiliser soutien aérien, drones et artillerie, en tirant depuis leur territoire, donc avec des lignes logistiques raccourcies et sous supériorité aérienne », constate Pierre Razoux.

L’offensive russe autour de Kharkiv (nord-est), entamée depuis quelques jours, n’a probablement pas pour ambition de prendre la deuxième ville d’Ukraine mais de poser à Kiev un dilemme stratégique, alors que l’arrivée des beaux jours favorise les grandes manoeuvres au sol. Une trentaine de villages du nord-est de l’Ukraine étaient lundi sous le feu de la Russie, qui a occupé des dizaines de km2 de territoire en quelques jours dans le nord du pays. Mais selon les analystes occidentaux contactés par l’AFP, la Russie n’a pas pour objectif immédiat de conquérir la métropole industrielle. Dans cette zone, « la force russe est d’un volume insuffisant pour prendre une ville de la taille de Kharkiv », assure Mick Ryan, général australien à la retraite, sur X (ex-Twitter).  « Elle peut en revanche faire peser sur elle un risque supplémentaire de frappes d’artillerie », ajoute-t-il, décrivant possiblement « un des moments les plus difficiles pour l’Ukraine dans cette guerre ». Depuis février 2022, la Russie mène une guerre d’usure, sur le plan des hommes, des matériels, des opinions et des alliés de Kiev. Et elle bénéficie d’une supériorité militaire quantitative d’autant plus importante que les 61 milliards de dollars d’aide exceptionnelle américaine à l’Ukraine n’ont été débloqués qu’en avril, après des mois de blocage à Washington. Les Ukrainiens « étaient forcés de rationner leurs obus et matériels de guerre pendant des mois », augmentant ainsi leurs pertes, souligne pour l’AFP Ivan Klyszcz, du Centre international pour la défense et la sécurité (ICDS), en Estonie.

Lignes logistiques raccourcies

La promesse américaine « signifie que ce rationnement ne doit plus être aussi rigoureux (…), mais Kiev doit maintenant continuer à conserver autant de territoire que possible ». Après l’échec de l’offensive ukrainienne l’été dernier, et avec la fin de l’hiver et de la « raspoutitsa », période de fonte des neiges où les plaines du pays sont couvertes d’une boue difficile à franchir, la Russie a bel et bien repris l’initiative. Et elle peut se permettre de fortes pertes, explique Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). « Moscou sait qu’il dispose d’un réservoir humain et d’une capacité industrielle très supérieure à l’Ukraine ». Moscou dit par ailleurs vouloir créer une « zone tampon » pour protéger la région russe de Belgorod, très régulièrement ciblée. Et bénéficie d’un avantage logistique majeur dans cette région frontalière. « Les Russes peuvent mobiliser soutien aérien, drones et artillerie, en tirant depuis leur territoire, donc avec des lignes logistiques raccourcies et sous supériorité aérienne », constate Pierre Razoux. « Ils sont dans une position optimale ». En face, l’Ukraine devra répondre à un dilemme stratégique fondamental. Elle « est dans l’obligation de défendre la ligne de front, mais aussi des points stratégiques qu’elle ne peut pas perdre », notamment les grandes villes du pays et les axes routiers qui les relient aux frontières roumaines et polonaises », fait-il valoir. « Qu’est-ce qui est le plus important, défendre un objectif-clé ou tenir la ligne de front? »

Dilemme stratégique

Assumer les deux objectifs semble de fait hors de portée pour Kiev. « Et c’est à la fois un problème militaire et politique, » souligne Mick Ryan. « Si les Ukrainiens décident de tenir le terrain à tout prix, ils vont perdre encore plus d’une armée de plus en plus petite. S’ils choisissent de préserver leur armée, ils devront lâcher du terrain ». Il faudra des semaines pour savoir si les Russes enregistrent une avancée majeure dans le nord, plus encore pour déterminer s’ils en tirent un avantage stratégique ailleurs sur le front. Ivan Klyszcz ne voit pas « changement fondamental » de la stratégie russe: « conquérir l’entière région du Donbass semble être sa plus grande priorité à ce stade ». Sur son blog, le général français à la retraite et chercheur Olivier Kempf souligne que la toute récente avancée russe « témoigne d’une faible résistance initiale », car Kiev ne souhaitait pas « consommer trop de forces dans des saillants malaisés à défendre ». Pour lui, c’est « maintenant que l’on va observer les intentions et capacités des uns ou des autres », le terrain conquis en trois jours n’étant « pas forcément significatif ». Mais le président russe Vladimir Poutine entend assurément marquer les esprits, y compris jusque chez les alliés de Kiev, alors que se profile la présidentielle américaine de novembre et le possible retour au pouvoir de Donald Trump, peu enclin à poursuivre l’aide à l’Ukraine. « Si l’Ukraine mettait un genou à terre avant l’élection, ce serait la démonstration pour Trump que Joe Biden est un perdant qui a choisi le mauvais cheval », assure Pierre Razoux.





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