Par Arnaud Peyronnet, chercheur associé à la FMES
L’année 2025 a vu la mise en œuvre par les Etats-Unis d’une doctrine de « la paix par la force » qui vise à sortir des blocages stratégiques entretenus depuis des années au Moyen-Orient. Cette doctrine, qui alterne phases de négociations, intimidations et frappes militaires afin de créer un rapport de force favorable et disruptif sur l’adversaire a de facto contribué à la mise en place d’un hegemon israélo-américain sur la région, dont les deux acteurs poursuivent chacun des objectifs qui divergent de plus en plus.
Sa première application s’est faite contre les houthis au Yémen. L’administration américaine, sous pression israélienne, a opté en mars 2025 pour l’escalade militaire avant d’y obtenir, à la surprise de son partenaire, un cessez-le feu deux mois plus tard. Les frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens lors de l’opération israélienne « Rising Lion » de juin 2025 en ont constitué une seconde itération. Mais si la lutte contre « l’axe de la Résistance » iranienne, sur initiative israélienne, voit une relative convergence de vue entre les deux alliés, force est de constater que cet hegemon dual reste déséquilibré, les intérêts des Etats-Unis et d’Israël ne coïncidant plus forcément. Le radicalisme géopolitique israélien (fermeté israélienne à Gaza, poursuite de la colonisation en Cisjordanie, opérations en Syrie puis au Qatar) prend souvent par surprise l’administration américaine, contrainte politiquement d’appuyer l’Etat hébreu, même si cela compromet sa vision régionale de long terme (normalisation avec la Syrie, réinvestissement dans le Golfe, extension des accords Abraham).
L’administration américaine semble aujourd’hui bien décidée à reprendre la direction de cet hegemon afin de stabiliser la région et ne pas compromettre ses relations avec les pays du Golfe, quitte à désormais contourner et brider son allié israélien. Le faux pas israélien vis-à-vis du Qatar le 9 septembre 2025 a conduit à une pression américaine renouvelée sur Jérusalem pour plus de discernement et l’acceptation d’une fin effective du conflit à Gaza, que l’Etat hébreu semble avoir accepté le 9 octobre. Si les Etats-Unis ont repris aujourd’hui les rênes de cet hegemon, l’équilibre reste encore fragile et sera lié à l’application entière ou pas du plan Trump pour Gaza, mais également aux équilibres régionaux que Washington tente de refaçonner avec la Turquie, la Syrie, l’Arabie Saoudite ou le Qatar.
Un relatif alignement israélo-américain dans la lutte contre « l’axe de la Résistance » iranien
Face à l’échec de l’endiguement des attaques houthies en mer Rouge[1], la nouvelle administration américaine a décidé le 15 mars 2025 de débuter des opérations aériennes massives contre les infrastructures et les cadres houthis, quelques jours après avoir réinscrit le mouvement yéménite sur la liste américaine des organisations terroristes. Le rapport de force militaire devait alors imposer une issue diplomatique à l’avantage de Washington, conformément à la doctrine trumpienne de la « paix par la force ». Après deux mois d’opérations, le Président américain a finalement annoncé le 6 mai 2025, en amont de sa visite d’Etat dans la péninsule arabique, un cessez-le-feu avec les houthis[2] qui a pris par surprise son partenaire israélien. Cette interruption des combats entre les Etats-Unis et les houthis visait tant à « garantir la liberté de navigation et la fluidité du commerce maritime international »[3] qu’à satisfaire les volontés d’apaisement régional des Etats du Golfe. Le cas yéménite avait aussi valeur de test dans le bras de fer avec Téhéran, afin de faire évaluer le rapport de force en faveur de Washington. En effet, des hauts-représentants américains affirmaient clairement que « puisque l’Iran finance la campagne militaire des houthis, il fallait accroître la pression sur le régime de Téhéran, y compris via des frappes massives sur leur allié yéménite »[4].
Mais l’intervention américaine au Yémen visait aussi à empêcher son allié israélien de mener des actions unilatérales pouvant nuire à la politique régionale de Washington. En effet, suite aux tirs récurrents de missiles et drones houthis sur Israël (effectués depuis 2023 en représailles aux opérations militaires israéliennes à Gaza), Jérusalem avait choisi de riposter en conduisant des raids massifs contre les ports et aéroports houthis[5]. Le premier ministre Benjamin Netanyahu avait averti que son pays continuerait à frapper les houthis « jusqu’à ce que le travail soit fini ; nous sommes déterminés à couper cette branche terroriste de l’axe du mal iranien »[6]. L’action américaine devait donc rendre tout interventionnisme israélien au Yémen caduc, apaisant dès lors les tensions, notamment avec les pays du Golfe, très inquiets des risques de dérapage sur leur flanc sud[7]. L’action diplomatique américaine a déçu Jérusalem qui n’a d’abord pas été informée du cessez le feu du 6 mai 2025 entre les Etats-Unis et les houthis, et qui a ensuite compris que celui-ci ne concernait pas l’affrontement entre le groupe yéménite et Israël. Les houthis ont en effet continué à cibler l’Etat hébreu en représailles aux opérations israéliennes à Gaza, tant dans le domaine maritime, en visant des navires ayant des liens supposés avec Israël[8], que par des frappes de missiles balistiques ou de drones sur le territoire israélien, sans réaction de la part des Etats-Unis. Le cycle d’attaques/représailles de ces deux acteurs n’a d’ailleurs pas diminué depuis le 6 mai 2025[9].
Cette perception israélienne d’une perte de confiance dans la stratégie régionale suivie par Washington[10] a sans doute conduit Netanyahu, en complément d’impératifs internes[11], à déclencher une offensive surprise (13 juin 2025) contre le programme nucléaire et les forces armées iraniennes[12] (opération Rising Lion) alors que l’ultimatum de deux mois posé mi-mars par le président américain à Téhéran pour aboutir à un résultat négocié venait de se terminer et que les discussions n’avançaient pas[13]. Israël ajustifié son attaque par la menace « existentielle » que le programme nucléaire iranien faisait peser sur la survie d’Israël. « Nous sommes à un tournant décisif. Si nous le manquons, nous n’aurons aucun moyen d’empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires qui mettront en danger notre existence »[14], avait affirmé Israel Katz, ministre de la Défense israélien.Benyamin Netanyahou ne cessait de clamer depuis des années que « Nous ne laisserons pas le régime le plus dangereux du monde obtenir l’arme la plus dangereuse du monde »[15].
Les frappes israéliennes ont pris de court l’administration américaine[16], surprise par le coup de poker de Netanyahu. Selon certains médias américains[17], Trump aurait explicitement demandé au premier ministre israélien de se retenir de frapper l’Iran tant que la diplomatie américaine était à l’œuvre. De même, Donald Trump se serait opposé au projet israélien d’élimination du guide suprême iranien Ali Khamenei[18]. Mais devancé par Netanyahu et sous la pression des lobbies anti-iranien de son propre camp, le président américain a finalement décidé de reprendre l’ascendant (tant vis-à-vis de Téhéran que de Jérusalem) en frappant, dans la nuit du 21 au 22 juin 2025, les installations nucléaires iraniennes d’Ispahan, Natanz et Fordo, au travers de raids de bombardiers B-2 et de frappes de missiles de croisière. Ces attaques, ainsi que la protection anti missiles balistiques assurée au profit d’Israël par les forces américaines au Moyen-Orient, ont engendré les remerciements appuyés de l’Etat hébreu[19] qui s’est félicité du retour du mécanisme de la « paix par la force » dans son acception la plus complète. Après ces frappes, Donald Trump a mis en garde l’Iran contre d’éventuelles « représailles envers les Etats-Unis, qui répondront si nécessaire avec une force bien plus grande que ce qui a été observé »[20] tout en indiquant, par la voix de son secrétaire d’Etat à la Défense, que les opérations américaines n’annonçaient pas un projet américain de changement de régime à Téhéran[21]. Tout en intimidant Téhéran, Washington a appelé à un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran et a réussi à l’imposer aux deux belligérants dès le 24 juin, mettant un terme à la « guerre des 12 jours ».
Les cas yéménite et iranien du printemps 2025 illustrent ainsi toute la complexité de la relation politique israélo-américaine et la compétition Netanyahu/Trump quant à la gestion des intérêts de sécurité des deux pays. Si les deux pays partagent l’objectif d’endiguer l’Iran, les moyens pour y parvenir diffèrent, l’Etat hébreu tentant souvent de forcer les Etats-Unis à intervenir en soutien de leur politique maximaliste.
Un désalignement progressif entre Washington et Jérusalem sur les conditions d’une stabilité régionale renforcée
Si l’alignement stratégique entre Washington et Jérusalem reste présent vis-à-vis de l’Iran, les choses sont plus compliquées au sujet des relations d’Israël avec les Etats arabes du Moyen-Orient. Les actions unilatérales d’Israël dans la région ainsi que son intransigeance quant à la conduite de la guerre à Gaza irritent l’administration américaine qui y voit une menace pour ses relations avec les Etats du Golfe et pour l’élargissement des accords Abraham qui reste le grand dessein du président américain au Moyen-Orient.
Le sujet syrien est un premier point d’achoppement entre les deux alliés, tant l’approche américaine quant à la Syrie est radicalement opposée à celle de Jérusalem. La rencontre historique entre le président Trump et le président syrien, Ahmed al-Charaa, sous les auspices de l’Arabie Saoudite et de la Turquie le 14 mai 2025, puis la levée des sanctions américaines frappant la Syrie, ont constitué un choc en Israël. Le gouvernement israélien perçoit en effet le nouveau régime syrien comme une menace (notamment vis-à-vis des minorités proches de l’Etat hébreu) et avait demandé à Washington de maintenir ses sanctions vis-à-vis du nouveau régime[22], tout comme le maintien de ses troupes dans le Nord-Est syrien. Israël a d’ailleurs frappé des positions du régime (y compris le ministère de la Défense syrien) à la mi-juillet 2025, en protection de la communauté druze du sud-syrien, menacée par des factions radicales alliées au régime de Damas. Si ces frappes n’ont pas été condamnées par les Etats-Unis qui l’ont mis sur le compte d’une « incompréhension » entre les deux pays[23], elles ont fragilisé la manœuvre diplomatique américaine de normalisation du régime syrien en affaiblissant l’autorité centrale du pays. De même, la capture par Israël de plusieurs positions dans le Sud syrien après la chute du régime Assad et les appels successifs de Jérusalem à une démilitarisation complète du Sud syrien compliquent les efforts américains en faveur d’un rétablissement de la souveraineté syrienne, tout en irritant les autres alliés régionaux des Etats-Unis (Arabie Saoudite, Turquie). Israël préfèrerait un partage de la Syrie en zones d’influence, plutôt qu’une souveraineté de Damas sur l’intégralité de son territoire[24]. Washington cherche de son côté à accélérer une normalisation des relations entre la Syrie et Israël. Début juillet, Damas s’était même déclarée prête à coopérer avec les États-Unis pour cela. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a affirmé quant à lui que si son pays était intéressé par une normalisation avec la Syrie, Israël n’avait aucune intention de restituer la partie du Golan syrien qu’il a conquise en 1967 et annexée en 1981[25]. Les discussions sur la signature potentielle par la Syrie d’un accord de paix avec Israël restent considérées comme « prématurées » pour Damas[26], même si le gouvernement israélien négocie un accord de sécurité avec Ahmed al-Charaa pour limiter les risques de friction entre les deux pays[27]. Les bonnes relations entre Recep T. Erdogan, très actif sur le front anti-israélien tant à Gaza que sur le dossier syrien, et Donald Trump, sont une autre déception pour Benjamin Netanyahou.
L’attaque israélienne du 9 septembre 2025 contre des représentants du Hamas au Qatar, en ne prévenant l’allié américain qu’au dernier moment, a été un nouveau point de crispation entre les deux capitales, suscitant la colère de l’administration républicaine vis-à-vis de son allié israélien[28]. Elle a en effet obligé Washington à offrir au Qatar des « garanties de sécurité contre toute agression étrangère » et à forcer le premier ministre israélien à s’excuser auprès du gouvernement qatari[29]. Pour de nombreux Etats du Golfe, Israël est devenu aujourd’hui un facteur d’instabilité qui met en danger leurs ambitions d’ouverture et de transformation, et qui doit donc être repris en main par « son parrain » américain même si ce statut semble s’effriter.
Enfin, le conflit à Gaza reste un sujet de tension entre les dirigeants américain et israélien, Trump reprochant depuis longtemps à Netanyahu de faire durer cette guerre trop longtemps alors que ce conflit nuit à l’image d’Israël et indirectement à celle des Etats-Unis. Il a ainsi demandé à plusieurs reprises aux dirigeants de l’Etat hébreu de finir cette guerre « le plus vite possible »[30]. Lors de sa tournée dans le Golfe au mois de mai 2025, le président américain avait de nouveau indiqué qu’il souhaitait que le conflit de Gaza cesse[31]. Surtout, l’administration américaine a compris que l’acharnement israélien à poursuivre ses opérations militaires dans l’enclave palestinienne, essentiellement pour des raisons de politique intérieure (garder une coalition gouvernementale stable incluant l’extrême droite) ne faisait que mettre en péril le grand dessein de Trump visant à élargir les accords Abraham à d’autres pays de la région, notamment l’Arabie Saoudite[32].
Dans ce contexte, le président américain n’a eu de cesse de présenter différents projets de règlement du conflit, certains pour le moins fantasques[33], mais ayant toujours pour but de faire bouger les lignes et de mettre tout le poids américain dans l’aboutissement des négociations. Cette volonté d’aboutir à un règlement pérenne du conflit met toutefois les Etats-Unis en ferme opposition à l’intransigeance et à la conception messianique de l’influente extrême droite israélienne qui souhaite occuper Gaza et en expulser la population palestinienne. Le 29 septembre 2025, le président américain a publié un nouveau plan de paix pour Gaza, composé de 20 points, et qui envisage le retour des otages dans les 72 heures après un cessez le feu. Ce plan, s’il reprend des aspects des précédents projets, insiste sur le retrait progressif mais total et complet des forces israéliennes de l’enclave, une fois les otages libérés et le temps qu’une force internationale de stabilisation soit déployée dans la zone. Le Hamas et les factions armées de l’enclave doivent accepter de déposer leurs armes et de ne plus avoir aucun rôle politique dans l’enclave. Cette option prépare un Gaza « déradicalisé » qui ne doit plus constituer une menace pour Israël, et qui peut être économiquement reconstruit (projet de « nouvelle Gaza » à l’image des grands projets immobiliers du Golfe) et bénéficier d’un afflux d’aide humanitaire. L’administration de Gaza sera internationalisée au travers d’un « comité pour la paix » composé de technocrates palestiniens et internationaux sous la direction de Washington, le temps que l’Autorité Palestinienne se « réforme ». Selon ce plan, aucun Palestinien ne sera forcé de quitter Gaza. Enfin, une fois tous les points de ce plan réalisés et l’Autorité Palestinienne réformée, les conditions d’un chemin crédible pour un Etat palestinien seraient alors créées, les Etats-Unis acceptant le rôle de médiateur entre Israël et les Palestiniens[34]. Ce plan, du moins ses premières phases, a été accepté par les deux parties le 9 octobre 2025, suite à l’intense pression diplomatique des Etats-Unis sur Israël, ainsi qu’à celle de la Turquie et du Qatar sur le Hamas. Le président Trump a certainement forcé le premier ministre israélien à l’accepter quel qu’en soient les conséquences politiques intérieures, notamment vis-à-vis de ses alliés d’extrême droite. Le plan Trump est en effet très différent de ce que proposait Netanyahu le 7 août quand il a annoncé son intention de « prendre le contrôle de l’enclave palestinienne, mais pas de la gouverner » via le maintien d’un contrôle sécuritaire israélien de Gaza[35].Toutefois, il est possible que B. Netanyahu cherche à gagner du temps pour s’attirer les bonnes grâces de Washington et de sa population, en prévision des élections de 2026. Car le plan Trump, mis à part les premières phases (retour des otages, cessez-le-feu), reste très fragile : personne en Israël n’imagine voir le Hamas déposer les armes et le mouvement islamiste n’en a d’ailleurs pas fait mention dans ses déclarations. Il a même indiqué que l’enclave palestinienne devait être gouvernée par des technocrates palestiniens uniquement, s’opposant ainsi au point 13 du plan Trump[36].
Dans l’enclave, la fin des combats a permis le retour du Hamas qui s’est empressé d’éliminer nombre d’opposants et de groupuscules rivaux afin d’y rétablir sa gouvernance. Benjamin Netanyahu continue quant à lui de déclarer que la guerre avec le Hamas neprendrait fin qu’une fois achevée la seconde phase de l’accord de cessez-le-feu, celle qui prévoit justement le désarmement du groupe[37]. La fragilité de la situation n’échappe pas non plus aux Etats-Unis : le vice-Président J.D. Vance, l’envoyé spécial Steve Wittkoff ainsi que Jared Kushner, artisans du plan Trump, ont été dépêchés en Israël mi-octobre pour maintenir la pression sur les deux parties. Le vice-président Vance a reconnu que les prochaines étapes de l’accord, dont le désarmement du Hamas et la reconstruction de Gaza, seraient « très difficiles »[38]. Les Etats-Unis restent cependant à la manœuvre quant à l’application de ce plan, y compris dans ses aspects humanitaires qui devraient monter en puissance dans les prochains mois. L’Etat hébreu semble ainsi avoir accepté que le sujet Gaza soit géré par son partenaire américain, tout en étant dubitatif quant à ses chances de réussite et se préparant à une reprise des hostilités avec le Hamas.
Enfin, dans ce contexte tendu, le sujet de la Cisjordanie devient un irritant croissant entre les deux pays. Le 22 octobre 2025, le parlement israélien s’est prononcé en faveur de l’examen de deux projets de loi[39] visant à étendre la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée, ce qui a suscité la condamnation de nombreuses puissances arabes et musulmanes[40] mais également celle de Washington.
Si le président américain avait déclaré le 26 septembre « qu’il ne permettra pas à Israël d’annexer la Cisjordanie »[41], cette position a été réitérée par le vice-Président américain lors de sa visite officielle en Israël du mois d’octobre[42], ajoutant même que l’Etat hébreu « pourrait perdre le soutien des Etats-Unis si une telle annexion était décidée »[43]. Car une décision israélienne en ce sens constituerait une véritable ligne rouge pour l’Arabie Saoudite[44], les Emirats Arabes Unis et de nombreux autres pays[45], et signifierait l’effondrement des accords Abraham, le grand dessein de Trump au Moyen-Orient.
* * *
Le mécanisme de la « paix par la force » mis en œuvre par les Etats-Unis avait pour objectif initial de favoriser le rôle d’Israël dans la région mais aussi de permettre un désengagement des Etats-Unis (une fois la question iranienne traitée[46]) et son recentrage sur la zone Indopacifique. Cette action a eu pour effet de créer un hegemon israélo-américain au Moyen-Orient. Si l’alignement stratégique des deux partenaires vis-à-vis de l’Iran reste solide, la situation est différente quant à Gaza et aux relations d’Israël avec son voisinage. L’intransigeance et l’unilatéralisme militaire israélien mettent en effet en difficulté les partenaires du Golfe des Etats-Unis, en premier lieu l’Arabie Saoudite et le Qatar, très courtisés par Washington dans un contexte de rivalité globale avec la Chine. De fait, un désalignement progressif des deux pays s’est esquissé à la suite de la frappe israélienne au Qatar et du plan Trump pour Gaza. L’hegemon israélo-américain reste donc déséquilibré par des divergences chroniques entre les deux pays. Cette situation devrait perdurer car aucune des crises gérées par ce duopole ne semble réglée. Malgré les frappes américaines et la « guerre des 12 jours », de grandes incertitudes demeurent quant à l’avenir du programme nucléaire iranien. Si le Président Trump souhaite toujours relancer les discussions avec Téhéran et sceller un accord régional, il n’est pas sûr que le régime iranien le souhaite et qu’Israël l’accepte non plus. La question de la normalisation du régime syrien reste entière, la menace houthie perdure tandis que le cessez le feu à Gaza reste structurellement fragile, aucune des deux parties n’ayant finalement accepté la totalité du plan Trump. Enfin, un tabou est tombé en 2025 : Israël s’est arrogé le droit de frapper loin de ses bases (Yémen, Iran, Qatar) quand il le souhaitait, de façon unilatérale, même sans l’accord des Etats-Unis. Plus que jamais, l’avenir de la région s’écrit à l’aune des relations compliquées entre Jérusalem et Washington.
[1] Poursuite continue des attaques contre Israël, les bâtiments américains (plus de 174 attaques recensées) et le trafic maritime marchand en mer Rouge. Naval news, 17/03/2025.
[2] Le Figaro, 07/05/2025.
[3] France 24, 06/05/2025.
[4] Washington Post, 26/03/2025.
[5] Frappes du juillet, décembre 2024 puis juin et juillet 2025 contre le port d’Hodeïda. Frappes du 26 décembre 2024 et surtout du 6 mai 2025, conduisant à la destruction de l’aéroport de Sanaa.
[6] France 24, 26/12/2024.
[7] Notamment suite aux très lourds dégâts causés par l’aviation israélienne au port d’Hodeïda et à l’aéroport de Sanaa
[8] The maritime executive, 07/05/2025.
[9] Tirs quasi-quotidiens de missiles balistiques iraniens sur Israël, frappes israéliennes sur les ports yéménites. Les attaques houthies contre deux navires marchands ayant des liens supposés avec Israël[9] les 7 et 8 juillet 2025 en mer Rouge et la poursuite des attaques de missiles balistiques sur Israël ont engendré de fortes représailles israéliennes.
[10] Le premier ministre israélien avait pris ombrage des nouvelles ouvertures diplomatiques américaines et craignait un accord américano-iranien « au rabais » qui aurait compromis ses intérêts de sécurité, sacrifiés sur l’autel de la diplomatie trumpienne qui se rêve en « faiseuse de paix » Le Figaro, 13/06/2025.
[11] Le traumatisme du 7 octobre 2023, la défaite militaire du Hezbollah au Liban, l’effondrement du régime syrien, l’affaiblissement des défenses sol-air iraniennes depuis octobre 2024, et les difficultés politiques internes de B. Netanyahu ont aussi contribué à cette décision unilatérale israélienne.
[12] Sites liés au programme nucléaire, scientifiques associés à ce projet, dépôts et rampes de lancement de missiles balistiques, sites sol-air, aviation, haute hiérarchie militaire de l’Artesh et des Pasdarans.
[13] Al Monitor, 20/03/2025.
[14] Le Figaro, 14/06/2025.
[15] Le Figaro, 15/06/2025.
[16] Le Président américain aurait même dit au premier ministre israélien le 9 juin 2025 de ne pas attaquer l’Iran, s’inclinant toutefois dès le 11 juin en voyant que la décision israélienne était irrévocable et donnant l’ordre d’évacuation de nombreuses bases américaines de la région. Wall Street Journal, cité in The Guardian, 13/06/2025.
[17] Wall Street Journal, Washington Post, 16/06/2025.
[18] Reuters cité in Le Figaro, 15/06/2025.
[19] « Votre décision audacieuse de viser les installations nucléaires de l’Iran avec la puissance impressionnante et juste des Etats-Unis changera l’histoire » a déclaré le 1er Ministre israélien. Le Monde, 22/06/2025.
[20] Ibid.
[21] Expliquant aussi la frappe de riposte « symbolique » de l’Iran sur la base américaine d’Al-Udeid au Qatar le 23 juin, la survie du régime n’étant finalement pas menacée.Reuters, 23/06/2025.
[22] Associated Press, 16/05/2025.
[23] Washington Post, 16/07/2025
[24] Middle East Eye, 16/07/2025.
[25] Le Figaro, 12/07/2025.
[26] Ibid.
[27] Comme en témoignent les débats de la table ronde « Levant » des Rencontres Stratégiques de la Méditerranée de la FMES, Toulon, 8 octobre 2025.
[28] “Unilaterally bombing inside Qatar, a sovereign Nation and close ally of the United States, that is working very hard and bravely taking risks with us to broker peace, does not advance Israel or America’s goals” a ainsi déclaré Donald Trump sur son réseau Truth Social, Washington Post, 10/09/2025.
[29] Washington Post, 03/10/2025.
[30] Neue Zürchen Zeitung, 27/05/2024.
[31] New York times, 16/05/2025.
[32] Riyadh a toujours indiqué qu’une normalisation de ses relations avec Israël ne s’effectuerait qu’après la fin de la guerre à Gaza et si un chemin pour un Etat palestinien souverain était mis en place.
[33] Projets de « Riviera Gaza » et de « zone de liberté », Al Jazeera, 16/05/2025.
[34] Reuters, 29/09/2025.
[35] Le Figaro, 08/08/2025.
[36] Middle East Institute, 07/10/2025.
[37] Le Figaro, 19/10/2025.
[38] Le Figaro, 23/10/2025.
[39] L’un cherche à étendre la souveraineté israélienne sur Maalé Adumim à l’est de Jérusalem, l’autre vise à appliquer la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Cisjordanie. Le Figaro, 23/10/2025.
[40] Le Figaro, 23/10/2025.
[41] Le Figaro, 23/10/2025.
[42] New York Times, 24/10/2025.
[43] Ibid.
[44] Riyadh a toujours indiqué qu’une normalisation de ses relations avec Israël ne s’effectuerait qu’après la fin de la guerre à Gaza et si un chemin pour un Etat palestinien souverain était mis en place.
[45] Le Figaro, 23/10/2025.
[46] A l’instar de la question russo-ukrainienne sur le théâtre européen.