« Tout seul on va plus vite ; ensemble on va plus loin » Sagesse populaire.
Depuis octobre 2024, les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants ont pu concrètement aborder, sur le territoire national et à l’étranger, les six grandes fonctions stratégiques qui structurent la stratégie de puissance et de défense d’un pays au travers de l’exemple français. Ils ont pu constater qu’étudier sous l’angle de ces six fonctions stratégiques des domaines qui, de prime abord, peuvent en sembler éloignés comme, par exemple, ceux de l’énergie ou du trafic maritime en mer Rouge, les éclaire d’un jour différent et les replace dans une logique d’ensemble, une vision et un projet. Ce projet et cette vision sont ceux de la souveraineté, de l’autonomie d’appréciation, de décision et d’action, capacités cardinales pour tout pays qui entend peser sur les affaires du monde mais qui recherche aussi des positions d’équilibre. Or cette dernière notion porte intrinsèquement en elle la nécessité de prendre en considération l’altérité et de rechercher les interactions avec les autres : alliés, amis, concurrents, compétiteurs mais aussi adversaires et parfois ennemis. Dans le monde d’interdépendances qui fut le nôtre et dans celui des affrontements et des rapports de force qui caractérisent celui qui vient, l’isolement et le repli sur soi ne sont tout simplement plus des options. Aussi, la puissance, le rôle, l’ambition et la vision de la France ne peuvent se comprendre et véritablement s’apprécier que si on les replace dans le contexte des alliances majeures auxquelles le pays est partie et tout particulièrement l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Union Européenne (UE). Rappelons que notre pays est un membre fondateur de l’une et de l’autre, et il faut toujours se souvenir que la France était présente et que son action a été centrale lorsque l’OTAN puis l’UE furent imaginées puis créées !

Il était donc indispensable pour les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants de venir à Bruxelles afin de comprendre comment la France articule ses politiques : défense, économie, commerce, agriculture, environnement, recherche, affaires étrangères, avec et dans le cadre de l’Union européenne et de l’Otan. C’était aussi, et peut-être avant tout une formidable occasion pour la session de comprendre de l‘intérieur le fonctionnement de l’Union Européenne et de l’Otan et, ce faisant, d’en revisiter la genèse, le sens, le projet, l’action et les perspectives d’évolution. Les mots ont un sens, et on remarque que si on parle d’alliance pour l’Otan et d’union pour l’UE c’est bien le signe que ces deux entités sont différentes malgré la proximité sémantique de leur dénomination. Une union implique la création d’un ensemble nouveau qui capte une part de souveraineté en vue d’une meilleure efficacité par l’effet de groupe et de masse, tandis qu’une alliance exprime la volonté de solidarité entre des parties sans perte de souveraineté.
A l’origine de l’idée d’une Union européenne est le constat que la mise en commun de domaines centraux comme par exemple la politique commerciale, agricole ou migratoire est aujourd’hui une solution bien plus bénéfique et efficace que de les conserver sous stricte compétence nationale. En corollaire, une union suppose aussi la création d’institutions législatives et exécutives capables de gérer en commun, au nom et au bénéfice de tous, les domaines qui leur ont été transférés. C’est à cela que servent essentiellement le Parlement et la Commission européenne. Par ailleurs, les autres domaines qui restent de la responsabilité des États membres : la politique étrangère, la défense ou les questions sanitaires par exemple gagnent aussi à être davantage coordonnés entre États membres. Cette coordination se fait selon une approche intergouvernementale au sein du Conseil européen où les Etats membres discutent et se concertent sur ces domaines dont la responsabilité n’a pas été transférée à la Commission.
L’Otan est, quant à elle, une alliance et l’idée qui la fonde est donc bien différente de celle de l’Union européenne. L’OTAN est née de la décision d’États souverains de se garantir mutuellement assistance et solidarité en cas d’agression ; c’est la notion de défense collective par solidarité que le fameux article 5 du Traité de l’Atlantique Nord instaure. Autrement écrit, l’OTAN est en substance et au quotidien un espace de concertation et d’étroite coopération entre Etats souverains s’agissant de leur sécurité et de leur défense commune. Dans l’OTAN, ce sont les États entre eux qui tranchent et décident de tout ; chacun d’entre eux est l’égal des autres et garde un pouvoir immense qui est celui de s’opposer à une initiative qui ne lui convient pas ; c’est le principe de consensus. Toutes les décisions à l’OTAN sont en effet prises par consensus, après échanges de vues et consultations entre les pays membres. Dès lors, toute décision « OTAN » exprime la volonté collective de tous les États souverains qui en sont membres et c’est alors une force redoutable et redoutée.

Toutefois, avant d’aller au contact de l’OTAN et de l’UE, il a paru pertinent à l’équipe d’encadrement des SMHES de profiter de ce séjour à Bruxelles pour aller aussi à la rencontre de la défense belge. C’est ainsi que le 13 mars matin, la session a été reçue dans les murs prestigieux de l’École Royale Militaire (ERM). Située au centre de la métropole bruxelloise, l’ERM est le creuset de formation initiale de tous les officiers belges mais son campus universitaire inclut aussi des formations de perfectionnement équivalentes en France à l’École de Guerre et au Centre des Hautes Études Militaires. Cette école est donc, à bien des égards, le reposoir des traditions et donc de l’âme des forces armées belges. En la matière il est intéressant de noter qu’à la différence de bien d’autres pays, les jeunes officiers belges des trois armées ont une scolarité initiale en grande partie commune. Cette singularité permet ab initio aux jeunes officiers belges de tous bien se connaître et donc de développer d’emblée un solide esprit interarmées.
Accueillis avec beaucoup de chaleur dans le grand amphithéâtre de l’ERM, les auditrices et les auditeurs y ont entendu une conférence prononcée par le Vice-Chief of Defence des forces armées belges. Équivalent en France du major général des armées, adjoint direct et bras droit du CEMA, cet officier général a brossé un tableau très complet de la défense belge au travers de ses enjeux, de ses défis et de ses perspectives. Soulignant que la culture du compromis est une donnée centrale dans une Belgique formée de trois grandes communautés linguistiques, le Vice-CHOD a montré comment la défense s’en inspire en développant des partenariats opérationnels et capacitaires avec ses voisins luxembourgeois, allemands, néerlandais et français. Les questions organiques : équipements, recrutement, fidélisation, résilience ont également été évoquées sans oublier le contexte géopolitique actuel dont les impacts potentiels peuvent être profonds pour un pays très attaché à l’Alliance Atlantique comme l’est la Belgique. Au bilan, au fil des deux heures qu’a duré cet échange, les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants ont beaucoup appris sur la défense de ce pays voisin et ami mais finalement peu connu. La nature de son régime : une monarchie parlementaire, sa structure politico-administrative (État fédéral) et sa composition en trois communautés linguistiques entre lesquelles les relations ne sont pas toujours linéaires méritaient que la session s’y arrêtât sur le chemin de l’OTAN et de l’UE.

L’après-midi du 13 mars a ensuite été consacré à l’OTAN et les auditeurs ont eu le privilège d’être accueillis dans les murs de son nouveau siège situé à Evere, au nord Est de Bruxelles. Inauguré en 2017, ce nouveau siège a remplacé les bâtiments dans lesquels l’OTAN était installée dans le même secteur depuis 1967. Avant cette date, l’OTAN avait son siège à Paris jusqu’à ce que le général de Gaulle décide de retirer la France d’un commandement intégré qu’il jugeait trop attentatoire à la nécessaire souveraineté qu’un pays doit garder sur ses capacités nationales en matière de défense. Aujourd’hui, le siège de l’OTAN est un impressionnant bâtiment de verre et d’acier dont l’aspect à la fois grandiose et austère intimide tout nouveau visiteur. À la manière de l’ancien siège de l’ordre des Chevaliers teutoniques, à Malbork en Pologne, le message envoyé est intentionnellement clair : l’organisation qui se dote d’un tel siège est solide, sérieuse et puissante ; nul ne s’y frotte impunément !

Accueillie et guidée par le coordinateur des engagements et des relations stratégiques au sein du service diplomatique de l’OTAN, la session l’a ensuite entendu pour une introduction brossant l’histoire de l’OTAN et le panorama des défis qui l’attendent. Revenant sur les différentes périodes que l’Alliance a traversées depuis sa création, l’intervenant a souligné sa capacité d’adaptation et sa réactivité sans que pour autant ses principes fondamentaux n’eussent jamais été remis en cause. Parmi ces principes figure en premier lieu le fait que l’OTAN est et reste une alliance d’Etats souverains qui ont consenti à se concerter pour mieux se défendre collectivement. La nature profonde de l’OTAN est donc très différente de celle de l’UE car l’Alliance n’implique aucun transfert de souveraineté. L’Alliance est et reste avant tout un forum où les Etats se parlent et se concertent. Lorsqu’ils décident de coopérer et d’agir, c’est exclusivement en vertu d’un consensus. À la différence de l’unanimité où tout le monde doit donner la même réponse, le consensus c’est quand personne ne dit non. La nuance peut paraître subtile mais elle change tout car elle évite bien des blocages.

Ensuite, deux exposés ont été proposés à la session. Le premier portait sur les perspectives de l’alliance sur son flanc Sud et l’intervenant a clairement insisté sur la nécessité pour l’OTAN de maintenir attention et capacités dédiées à cette région qui reste un foyer important d’instabilité et une option de contournement pour ses adversaires. Nombreux sont en effet les défis que l’OTAN identifie sur son flanc Sud : migrations, flux commerciaux et énergétiques, ingérences russes et chinoises, emballement des crises en Libye, en Syrie, en Irak, à Gaza, tensions avec l’Iran, instabilité politique et sociale dans les pays du Maghreb, frictions entre la Turquie et la Grèce, etc. Le catalogue semble sans fin et il montre bien que le flanc Sud de l’Alliance est au moins aussi inquiétant que son flanc Est. L’Otan en est consciente et elle agit pour ne se faire ni surprendre ni contourner dans cette zone très sensible. Le second exposé a été consacré à la dissuasion et à la défense de l’OTAN. Dans un contexte de forte incertitude s’agissant de la poursuite de l’engagement américain au profit des autres États membres, cette intervention a suscité d’intéressants débats et de nombreuses questions de la part des auditrices et des auditeurs. Parmi ces questions, la perspective d’un partage de la dissuasion nucléaire française et britannique a été évoquée en remplacement du parapluie nucléaire américain. Quels seraient les principes et les conditions d’un tel partage, comment imaginer la décision collégiale d’emploi du feu nucléaire, faudrait-il stationner des armes françaises et britanniques sur le territoire des membres non dotés sont autant de sujets, éminemment délicats, qui ont été abordés lors de la séquence des questions réponses qui a clos l’intervention. L’après-midi s’est ensuite achevée par l’intervention de Monsieur l’Ambassadeur chef de la représentation permanente française auprès de l’OTAN. Ce haut diplomate a décrit avec beaucoup de finesse et d’humour la situation singulière qui est la sienne depuis le 20 janvier et les déclarations peu amènes de l’administration Trump à l’égard de l’Europe et des Européens. D’une position de membre souvent perçu comme rétif, imprévisible et individualiste, la France est passée à celle d’un pays allié qui rassure et dont on tient à gagner les bonnes faveurs. L’ambassadeur a souligné le caractère entièrement nouveau du paysage géopolitique qui se redessine sous nos yeux : l’ennemi d’hier n’en est plus un tandis que les amis fidèles et obéissants sont traités sans ménagement. Il en résulte un climat de sidération chez la plupart des États membres tandis que quelques autres, dont la France fait partie, tentent d’aborder la situation avec pragmatisme en imaginant des alternatives crédibles à une alliance atlantique où les Américains se mettraient en retrait partiel ou total.
Au terme de cette après-midi très dense, la session n’était cependant pas au bout de ses efforts car une dernière séance relative aux travaux sur le thème de l’année l’attendait à l’hôtel. Dans le déroulement des travaux que les auditrices et les auditeurs mènent pour obtenir leur diplôme universitaire, le mois de mars est une étape importante. C’est en effet à ce moment que la session doit rendre la version écrite et définitive de la première partie du mémoire final. Cette première partie dresse l’état des lieux de la région étudiée, celle de la mer Rouge, sous l’angle de l’histoire, de la géographie, de la démographie, de l’économie et bien évidemment des enjeux de sécurité. Par ailleurs, lors de ce rendez-vous de Mars, chaque comité doit présenter à l’équipe pédagogique trois scenarii prospectifs relatifs à une problématique de la région étudiée et dégager le scenario qui lui paraît le plus riche et intéressant, afin de le développer ensuite de manière complète pour l’incorporer au document final. Au cours d’une séance notée, chaque comité s’est donc exprimé par oral et pendant trente minutes sur ses trois scenarii et a défendu celui qui lui paraît le plus intéressant. L’équipe pédagogique a interrogé chaque comité sur des points clés de la méthode utilisée pour concevoir et bâtir les scenarii mais elle a aussi jugé de la qualité générale du fond, de l’aisance oratoire des auditrices et des auditeurs, de leur capacité à convaincre comme à maîtriser leur temps de parole et leurs émotions. Même si c’est avec des fortunes diverses, les trois comités ont franchi l’obstacle et vont maintenant s’engager dans le développement complet du scenario retenu pour chacun d’eux.
Après une soirée pendant laquelle la session a fait honneur à la gastronomie belge, la seconde journée du séminaire bruxellois de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants a été consacrée aux organes et outils de l’UE en matière de défense et de gestion de crise. Cette journée s’est articulée entre une matinée consacrée à l’état-major de l’Union européenne (EUMS) et à la représentation de défense auprès de l’UE et une après-midi pendant laquelle la session a été reçue par le Service Européen d’Action Extérieure (SEAE) ; c’est l’organisme en charge de la diplomatie et des affaires extérieures de l’UE.
La matinée a débuté par une intervention du général adjoint au représentant militaire de la France auprès de l’UE qui a décrit son rôle et celui de son Etat-major. De son propos il ressort aussi très clairement que la Boussole Stratégique d’une part et les crises récentes d’autre part ont sorti l’UE de sa frilosité et de sa léthargie et qu’elle assume désormais pleinement d’être un acteur majeur de la sécurité et de la défense en Europe. Il souligne aussi qu’opposer OTAN et UE sur ces questions n’a pas de sens et que les considérer dans une perspective de complémentarité en a bien plus. S’il ne fallait retenir qu’une leçon du séjour bruxellois de la 35me SMHES /Cadres-Dirigeants c’est que l’OTAN et l’UE ont des approches bien plus complémentaires que différentes en matière de défense et de sécurité. Les crises du monde qui vient représenteront de tels défis que pour les résoudre il faudra certainement à la fois plus d’OTAN et plus d’UE.

Sous la direction du général de brigade français, directeur des opérations de l’état-major de l’Union européenne à Bruxelles, des officiers français de l’EUMS (European Union Military Staff) ont ensuite pris le relais et ont présenté la place, le rôle et les missions des différents organes à vocation militaire au sein des institutions européennes. L’officier français qui occupe la fonction d’assistant militaire du président du comité militaire de l’UE (CMUE), a ouvert la séquence en présentant la composition, le rôle et le fonctionnement du CMUE. Organe sommital de nature militaire au sein des institutions européennes, le CMUE est une structure mise en place dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne pour donner des avis militaires et émettre des recommandations sur les questions militaires au profit du comité politique et de sécurité du Conseil de l’UE (COPS). Son rôle est donc essentiellement d’éclairer les décisions de ce conseil de l’UE en matière militaire et de ce fait le CMUE n’a pas de responsabilités directes de commandement.
Le CMUE donne aussi des directives à l’état-major de l’Union européenne (EMUE) qui est la seconde instance de l’UE à vocation militaire. Dépendant organiquement du SEAE déjà évoqué plus haut, l’EMUE est quant à lui un état-major de niveau politico-militaire dont les principales fonctions sont l’alerte stratégique, l’évaluation de situation et la planification stratégique. De l’EMUE dépend enfin la capacité militaire de planification et de conduite (MPCC selon son acronyme anglais) qui a pour rôle essentiel d’assurer le commandement des missions militaires non exécutives de l’UE. Il assure le contrôle stratégique militaire hors théâtre afin de garantir la planification de la conduite des opérations. On comprend rapidement de cette structure générale et de la définition du rôle de chacune de ses strates que l’UE n’a pas vocation à conduire des opérations dites exécutives, c’est-à-dire qui impliquent l’usage délibéré de la force pour accomplir les missions. Il faut en effet se rappeler que jamais les Traités ne le suggèrent et si l’UE peut donner l’impression d’être un acteur en matière militaire c’est strictement dans le cadre de la Politique de Défense et de Sécurité Commune (PSDC). Cette dernière ne reconnaît en effet de responsabilité à l’UE que dans le cadre des missions dites de Petersberg : missions humanitaires et d’évacuation de ressortissants, missions de maintien de la paix, missions de gestion de crise avec éventuellement rétablissement de la paix. Cependant, les crises de la dernière décennie et essentiellement la guerre en Ukraine, ont néanmoins conduit les Européens à repenser cette approche et ils l’ont fait dans le cadre des travaux sur la Boussole Stratégique.
Pour autant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres et il apparaît que des freins importants se dressent sur le chemin d’une UE qui prendrait vraiment en main sa sécurité. Le premier de ces freins, c’est la grande faiblesse des ressources et des capacités militaires dont les États membres disposent. Même si sous la pression géopolitique actuelle, elles repartent à la hausse, elles ont considérablement fondu durant les 3 dernières décennies. Ces capacités sont aussi partagées avec l’OTAN et elles demandent beaucoup de temps et d’argent pour se reconstituer notamment lorsque plus rien n’existe. Le second frein c’est le mode de gestion de l’UE. Différente de l’approche de l’OTAN par consensus, l’UE gère les questions et les sujets de la PSDC à l’unanimité, et si un seul membre dit non c’est le blocage. Le dernier frein c’est l’absence d’une structure de commandement et de contrôle (C2) permanente, intégrée, équipée et entraînée propre à l’UE et capable de planifier et de conduire sur un théâtre une opération complexe de nature exécutive. S’il faut le faire, l’UE doit alors faire appel aux capacités de l’OTAN en application des accords de coopération dits de « Berlin + » ou à des capacités nationales or, on a vu qu’elles sont rares et beaucoup d’entre elles sont généralement déjà entièrement dédiées à l’OTAN. Néanmoins, sous la pression des crises actuelles : la guerre en Ukraine et le conflit à Gaza avec ses répercussions en Mer Rouge, les choses ont évolué dans le bon sens. Des outils peuvent aussi être remarquablement réactifs et efficaces lorsque les États membres s’entendent et le veulent. C’est notamment le cas de l’engagement de l’Europe au profit de l’Ukraine qui est l’exemple le plus parlant de l’implication active et concrète de l’UE dans la crise par la mission EUMAM (EU Military Assistance Mission in support of Ukraine). EUMAM, c’est hélas peu connu, a permis des transferts de matériels, des financements spectaculaires et l’entraînement de milliers de soldats ukrainiens. L’Union agit en particulier grâce à la facilité européenne pour la paix (FEP) qui s’est révélée être un mécanisme de financement particulièrement réactif. La FEP permet le financement des coûts communs des opérations et missions de la PSDC, le soutien des opérations de maintien de la paix des organisations internationales et le développement des capacités militaires des Etats y compris des capacités létales et tout particulièrement la livraison de matériel militaire. Le commissaire en chef de 1ère classe français, en charge de ce dossier au sein de l’EMUE, a détaillé aux auditeurs les effets de cet outil de financement dans la panoplie de ceux dont l’UE dispose. Le budget initial de la FEP était fixé à 5,7 milliards prévus pour 7 ans et il a été dépensé au profit de l’Ukraine dès 2023. Depuis il a été abondé à 2 reprises pour atteindre aujourd’hui les 12 milliards d’euros. La FEP a véritablement pris son essor à l’occasion du conflit en Ukraine et elle s’avère très structurante en termes de financement rapide et massif des missions et des opérations de l’UE mais plus encore comme un outil de politique étrangère. De cette riche matinée se dégage la conclusion que même si l’UE ne s’engage pas dans des opérations majeures et de haute intensité, les Traités ne le prévoient pas et l’OTAN est faite pour cela, elle fait pourtant beaucoup en matière de gestion de crise mais on ne le dit pas suffisamment.

À l’issue, les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants ont dirigé leurs pas vers le bâtiment du SEAE où ils ont pu approfondir deux thématiques plus précisément liées à la mer Rouge et à sa région. Leur ont été présentés d’une part la vision et la stratégie de l’UE dans le bassin méditerranéen et, d’autre part, la crise des Houthis au Yémen et l’opération Aspidès que l’UE conduit dans le golfe d’Aden et en mer Rouge depuis un an. Les intervenants du SEAE ont détaillé la structure de commandement de cette mission et ses modes opératoires, soulignant que malgré son caractère défensif puisque cette mission vise à protéger les convois de navires marchands, Aspidès est néanmoins une opération à caractère exécutif. En effet, les bâtiments militaires européens qui y sont engagés sont fortement et longuement exposés aux tirs adverses et ils ont eux-mêmes ouvert le feu à maintes reprises pour remplir leur mission de protection des convois. Au bilan, Aspidès est l’illustration concrète du radical changement de paradigme que les conflits récents ont généré au sein de l’Union européenne, et son exemple ouvre la voie à davantage d’implication directe de l’UE dans les crises et les conflits par des missions exécutives.
Ainsi, c’est par ce constat d’une Union européenne qui s’implique davantage et de manière concrète et efficace dans les crises et les conflits qui affectent directement sa sécurité, que les auditrices et les auditeurs ont achevé ces deux intenses journées passées à Bruxelles. Leurs idées sont désormais beaucoup plus claires s’agissant de l’OTAN et de l’UE et sur ce qu’implique le fait d’être membre de l’une comme de l’autre. Dans la même veine qu’à Bruxelles, c’est à Genève que la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants se rendra au mois d’avril dans le but d’y approcher et de mieux comprendre la part que prennent les ONG et les organisations internationales dans la gestion des affaires de notre monde, mais surtout dans les crises et les conflits qui l’affligent sans cesse. À une époque où d’aucuns parlent de la fin du multilatéralisme dans les relations internationales, venir à Genève, qui, avec Vienne et New York, en est certainement l’incarnation la plus emblématique, aura donc beaucoup de sens pour la session.
