SÉMINAIRE DE RENTRÉE POUR LA 32ÈME SESSION MÉDITERRANÉENNE DES HAUTES ÉTUDES STRATÉGIQUES (SMHES) – CEA CADARACHE ET BASE AÉRIENNE 125 D’ISTRES

Par Patrick Lefebvre Général de corps aérien (2s). Directeur des Sessions méditerranéennes des hautes études stratégiques.

Un séminaire de rentrée placé sous le signe de l’enthousiasme ! Evidemment, les sessions méditerranéennes des hautes études stratégiques ont toujours suscité l’enthousiasme des auditeurs. Ceux des dernières sessions l’ont très largement démontré dans un contexte difficile avec la crise de la COVID 19. Mais en se retrouvant tous ensemble à la résidence des hôtes du CEA de Cadarache, cette démonstration était encore plus visible. Cette rentrée prenait donc une dimension singulière renouant avec les fondamentaux qui fertilisent toute forme de rassemblement : être ensemble. C’est donc traditionnellement en ce lieu très agréable que les auditeurs de la 32ème SMHES allaient faire plus ample connaissance en démarrant une année académique qui s’annonce très riche. Quelques invariants subsistent. En particulier, la session dans son format traduit toujours cette volonté de disposer d’une grande diversité d’auditeurs dans les parcours professionnels et les origines en termes de formation. C’est en effet toujours une immense plus-value pour aborder ensemble un thème d’étude de portée stratégique. Les auditeurs se sont donc retrouvés le mercredi 13 octobre en soirée.  Cette première rencontre a permis de présenter l’institut FMES dans les différents pôles qu’il anime. Elle a aussi été l’occasion d’une présentation mutuelle des auditeurs. Cette présentation est indispensable pour mieux équilibrer les trois comités qui formeront le socle permettant de conduire les travaux du futur mémoire de cette promotion.  

Pour conclure cette journée, le dîner a consolidé les premiers échanges et l’esprit de la session semble déjà se caractériser. L’enthousiasme ne faiblira pas en cette fin de journée dont l’amplitude fut pour certains assez importante compte tenu de leur lieu de résidence et des délais de transport pour rallier le site.  En première analyse, cet esprit a donc pris forme et ne demande qu’à se consolider au fil du temps. 

La journée du jeudi 14 octobre était consacrée au fait « nucléaire » dans toutes ses dimensions. Il était aussi consacré à la présentation d’un centre, celui de Cadarache, dont les recherches se focalisent sur les enjeux de la transition énergétique. Dans le contexte actuel, il n’aura échappé à personne que ces enjeux sont structurants dans leur dimension politique au moment où la nécessité de décarboner notre environnement constitue désormais un objectif majeur à l’horizon 2050. Monsieur Jean-Michel Morey, directeur de l’IRESNE [simple_tooltip content=’IRESNE : acronyme en référence à Irène Joliot-Curie – En 1935, Frédéric et Irène Joliot-Curie partagent le prix Nobel de chimie pour leurs travaux en radioactivité artificielle.’][1][/simple_tooltip] (institut de recherche sur les systèmes nucléaires pour la production d’énergie bas carbone) a très largement souligné l’implication dans la durée du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables pour préparer les énergies futures. Décidé par le général de Gaulle, le CEA dont la création remonte au 18 octobre 1945, a multiplié les efforts sur le développement des énergies renouvelables. Des recherches sont menées pour améliorer la sécurité et l’efficacité des centrales, c’est en particulier la vocation du réacteur Jules Horowitz (RJH) dont le projet est présenté aux auditeurs. Le RJH est un réacteur expérimental qui, contrairement à un réacteur de production, n’est pas destiné à produire de l’électricité, mais à fournir des données scientifiques sur le comportement des matériaux et combustibles nucléaires lorsqu’ils sont exposés à de très fortes sollicitations (forts flux de neutrons). Enfin, de nouveaux réacteurs, de plus petites tailles, sont à l’étude pour optimiser les performances, les coûts ou la sûreté et permettre des développements en cogénération électricité-chaleur. Au terme de cette matinée, les perspectives apportées par l’exploitation de l’énergie nucléaire replacent cette source au cœur des grands sujets énergétiques. Enfin, en matière d’innovation, la fusion nucléaire ouvre la voie à une potentielle rupture technologique. Le réacteur de fusion ITER constitue l’un des plus grands défis technologiques du monde. L’institut de recherche sur la fusion par confinement magnétique (IRFM) du Commissariat à l’énergie atomique avait largement travaillé ce dossier.  En un mot, le CEA démontre que la recherche n’a de sens que si elle contribue à faire changer les choses. Cette visite l’a parfaitement illustré.

« Bringing the power of the sun to earth! » Cette expression anglaise est connue de toutes les nations parties-prenantes au programme ITER [simple_tooltip content=’ ITER : A l’origine cet acronyme signifiait « International Thermonuclear Experimental Reactor » aujourd’hui il désigne le chemin et reprend son sens latin originel.’][2][/simple_tooltip]. Pour les auditeurs de la 32ème SMHES, cette visite s’imposait. Elle s’imposait d’autant plus qu’elle met en avant une énergie de fusion qui respecte l’environnement et n’émet ni monoxyde de carbone et ne dégage qu’un gaz inoffensif et inerte, l’hélium. ITER préfigure un accès à des énergies nucléaires alternatives où la fusion élimine les risques connus des centrales classiques avec en corollaire une réponse pour le traitement des déchets. 

La suite de la visite a donc été consacrée au chantier ITER et c’est monsieur Christophe Ramu, chef de la santé, sécurité et sûreté d’ITER qui s’est livré à cet exercice où le moindre détail est mis en avant pour une meilleure compréhension d’un projet sans égal à l’échelle planétaire. Ce projet de réacteur de recherche à fusion nucléaire est en effet une exception mondiale. 35 pays participent à la mise en œuvre de ce laboratoire avec, pour simplifier, parmi les principaux, les Etats-membres de l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et la Russie. La fusion par compression magnétique… Un premier rendez-vous est donné en 2025 pour cette démonstration. Cela confirmera qu’il est possible d’accéder à une source naturelle d’énergie, celle qui alimente les étoiles et le soleilLe réacteur, dans sa version productive, est quant à lui programmé un peu plus tard vers 2050.

A l’issue de cette présentation et visite exceptionnelles, les auditeurs se sont retrouvés à la maison des hôtes de Cadarache où le vice-amiral d’escadre (2s) Pascal Ausseur, directeur général de l’institut FMES, leur avait donné rendez-vous pour une introduction à la géopolitique. Il s’agit là d’une véritable attente des auditeurs de la session. Leur thème d’étude, centré sur les conséquences géopolitiques de la crise de la COVID 19 en Méditerranée, nécessite un état des lieux géopolitique qui se renforcera au fil des échanges et des conférences inscrits dans leur cycle.  En un mot, le message délivré est très clair. Il faut donner du temps à la réflexion et au débat. Il faut, quelle que soit la forme choisie, se livrer au combat des idées. C’est celui où l’on peut s’exprimer et celui où on écoute les autres. Dans un monde où s’affirment sans détour des logiques de rapport de force, cet espace d’échanges et de débats doit être privilégié. C’est l’esprit qui anime nos sessions depuis leur création.

Dès le lendemain, le vendredi 15 octobre, les auditeurs allaient apprécier un autre rendez-vous, celui programmé avec l’armée de l’air. Le colonel Pierre Asencio, commandant en second la base aérienne, s’est livré à une présentation de ce précieux outil opérationnel et a partagé son expérience à partir d’un parcours déjà très riche en ayant servi aux Etats-Unis auprès du commandement suprême allié de la transformation et en qualité d’officier planificateur des opérations au centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées. Dans un exposé particulièrement riche et précis, il a su souligner le rôle crucial de l’armée de l’air et de l’espace dans le cadre des opérations militaires proprement dites et dans celui assurant la sûreté aérienne de la métropole et des outre-mer.  Au-delà, il a pu expliquer le rôle central de la dissuasion à partir de la complémentarité des moyens de l’armée de l’air et de la marine nationale.

La base aérienne 125 « Charles Monier » d’Istres est une base aérienne qui n’a pas d’équivalent en métropole en étant un véritable tremplin de projection de nos forces armées où sont regroupées les capacités concourant à l’ensemble des fonctions stratégiques. Elle est aussi la base aérienne la plus importante en Europe à l’image de la base navale de Toulon. 

La visite dynamique qui a suivi a permis de découvrir le nouvel avion ravitailleur stratégique Phénix, véritable game changer pour les forces aériennes. Il faut comprendre ainsi le rôle polyvalent de ce nouveau vecteur qui élargit d’emblée le spectre d’actions dans la nature des opérations aériennes qu’il peut conduire.

Pour clore cette rencontre, les auditeurs ont pu apprécier un déjeuner dans les salons du mess de la base aérienne où les échanges se sont poursuivis avec le colonel David Marty, commandant cette emprise majeure de l’armée de l’air. A n’en pas douter, les auditeurs de la 32ème SMHES ont acquis les fondamentaux de la puissance aérospatiale au cours d’une visite qui constitue toujours un temps fort de ces sessions.

Pour appréhender le fait aérien dans sa globalité, il était indispensable de mesurer les défis à venir dans le domaine industriel. Evidemment, Dassault aviation, filière d’excellence historique pour notre pays dont celle des essais devait être visité. Le site des essais en vol jouxtant la base aérienne 125 fut à cette occasion une formidable opportunité. Accueilli par monsieur Pierre-Louis Aumont adjoint au directeur des expérimentations, les auditeurs ont mesuré le chemin parcouru et les perspectives d’un groupe où l’innovation a toujours été au cœur des préoccupations des ingénieurs. Plusieurs ateliers ont été successivement présentés, avec notamment celui consacré au démonstrateur nEUROn, un système de combat non piloté dont l’objectif était de valider l’acquisition de techniques complexes et représentatives de la totalité des systèmes de mission. Ce démonstrateur européen (Italie, Suède, Espagne, Grèce, Suisse et France) s’inscrit donc dans la perspective du développement du futur avion de combat successeur du Rafale dont les standards ont considérablement évolué et ont été réellement éprouvé au cours de multiples opérations aériennes. A n’en pas douter, Dassault aviation sera au rendez-vous !

La matinée du samedi 16 octobre était consacrée à deux interventions importantes pour marquer le lancement de la 32ème SMHES. La première, celle de Pierre Razoux, directeur académique de l’institut était centrée sur une analyse géopolitique. Vers quel monde allons-nous ? Cette présentation livrant quelques clés de lecture aux auditeurs aurait pu se prolonger car, au-delà de l’intérêt qu’elle suscitait, elle ouvrait la voie à de nombreuses pistes de réflexion. Cette intervention en appellera bien sûr beaucoup d’autres au cours du cycle académique ainsi qu’un dîner géopolitique que nous programmerons pour laisser une large place aux échanges.

La seconde intervention réservée à monsieur Emmanuel Aragon, ancien auditeur de la 31ème SMHES et professeur des universités, était consacrée à la méthodologie préconisée pour produire collectivement un mémoire d’étude. Elle répond bien sûr aux exigences du diplôme universitaire mais plus globalement elle propose des approches possibles et les pièges à éviter face à un exercice toujours délicat.

Au terme de ce séminaire, les racines de la 32ème SMHES ont pris forme et augure une belle aventure collective.  Rendez-vous au mois de novembre à Paris pour aller à la rencontre des grands organismes institutionnels. 

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