La 3ème session des hautes études maritimes (SHEM) était en séminaire à Toulon du 4 au 6 décembre pour un module qui a permis aux auditeurs de découvrir deux organismes essentiels à l’autonomie stratégique de la France dans le domaine maritime : Orange Marine et l’IFREMER. Ils ont également bénéficié d’une visite de la base navale de Toulon sur la thématique de la préparation opérationnelle de la marine nationale au combat.
Orange Marine : un leader mondial des câbles sous-marins, depuis la phase d’étude et d’ingénierie, jusqu’à l’installation de liaisons sous-marines et la maintenance des câbles existants.
Cyril Defais, directeur adjoint de la base marine Méditerranée et responsable du département opérationnel de Orange Marine, a reçu les auditeurs de la 3ème session des hautes études maritimes (SHEM) sur la base Méditerranée de Orange Marine à La Seyne sur Mer, pour une demi-journée consacrée aux enjeux stratégiques des câbles sous-marins.
Un rappel historique a permis de mettre en lumière l’importance stratégique des câbles sous-marins, dont le déploiement a commencé en 1850 et s’est très rapidement développé pour accompagner le développement des échanges commerciaux et la mondialisation de l’économie. Ce rappel a fait écho à la brillante présentation de Cyrille Poirier-Coutansais, directeur de recherches au Centre d’Études Stratégiques de la Marine, dont les auditeurs ont bénéficié lors de leur premier séminaire à Paris en octobre sur « la dimension stratégique de la mer et sa géopolitique ». Cyrille Poirier-Coutansais avait en effet rappelé que lors de l’entrée dans la première guerre mondiale, des navires britanniques sont parvenus à couper les câbles allemands allant aux Açores, à Vigo et à Tenerife afin d’isoler l’Allemagne de ses communications. L’actualité de la guerre hybride, à laquelle se livre la Russie, nous montre que les câbles sous-marins sont aujourd’hui des cibles de choix, qui nécessitent des moyens de surveillance et de disposer de capacités de réparation réactives.
Dans ce contexte, la France bénéficie d’un avantage stratégique grâce à Orange Marine, seule filiale marine européenne du secteur des câbles sous-marins, dont la flotte câblière représente 15% de la flotte mondiale avec six navires câbliers et un navire de surveillance. Ses navires assurent une alerte pour être en mesure d’appareiller en 24 heures. A ce jour, Orange Marine a installé plus de 257.000 kilomètres de câbles sous-marins de fibre optique dans tous les océans. Ses navires ont réalisé plus de 800 réparations sur des liaisons sous-marines, jusqu’à 6.000 mètres de profondeur.
La problématique de souveraineté induite par les prises de propriété des GAFAM, qui n’est pas sans rappeler le monopole britannique aux débuts de l’histoire des câbles sous-marins, a également été mise en lumière. Google a dépensé 47 milliards de dollars dans son infrastructure, dont une partie pour les câbles sous-marins. Facebook a injecté 3 milliards de dollars dans ces liaisons sous-marines. Grace à leurs ressources financières, les GAFAM ont modifié le modèle économique historique des câbles sous-marins et contrôlent aujourd’hui une grande partie du réseau. Il y a dix ans, 5 % des câbles étaient contrôlés par les GAFAM. Aujourd’hui ils ont la main mise sur 50 % du réseau.
A l’issue de ces passionnants échanges, une visite du navire câblier Sophie Germain a permis aux auditeurs de mesurer la haute technicité des moyens mis en œuvre par les navires de Orange Marine. Ce navire, baptisé en septembre 2023, est le premier navire conçu spécifiquement pour la réparation de différents types de câbles sous-marins, qu’il s’agisse de câbles de télécommunications à fibre optique ou de câbles d’alimentation intra-réseau pour parcs éoliens. D’une longueur de 100 mètres, ce magnifique navire est équipé d’un robot sous-marin filoguidé ou ROV (Remotely Operated Vehicle) de nouvelle génération, d’une puissance de 450 kW, conçu et fabriqué par Orange Marine, utilisé pour couper, inspecter et enfouir les câbles.
L’IFREMER, un organisme de recherche marine unique en Europe, opérant la flotte océanographique française, et agissant sur les trois grands océans de la planète.
Bruno Andral, directeur adjoint du centre IFREMER Méditerranée, a accueilli les auditeurs sur le site de l’Ifremer de Brégaillon à La Seyne-sur-Mer pour une matinée consacrée à la recherche scientifique en mer et aux capacités d’investigation du milieu marin.
Bénéficiant de l’atout offert par ses vingt-quatre implantations sur le littoral de métropole et dans les Outre-mer, les scientifiques de l’Ifremer ont accès à une grande diversité d’écosystèmes marins. Ils peuvent également s’appuyer sur la Flotte océanographique française, opérée par l’Ifremer, l’une des cinq plus importantes au monde, qui sillonne les océans du globe au service de la communauté scientifique avec quatre navires hauturiers, six navires côtiers et engins sous-marin de haute technologie capable de plonger à 6000 mètres de fond. Lors de la visite du site, les auditeurs ont eu la chance de pouvoir découvrir ces engins d’exploration.
Monsieur Andral a détaillé les domaines d’actions de l’Ifremer : gestion durable des ressources marines, protection et restauration des écosystèmes marins, partage des données et informations marine. Dans tous ces domaines, l’Ifremer appuie les politiques publiques, soutient la croissance bleue et contribue à la recherche scientifique.
A l’issue de cette visite, les auditeurs ont pu mesurer le formidable apport des analyses scientifiques produites par l’Ifremer, pour éclairer les autorités politiques et leur apporter des éléments de prise de décision raisonnée permettant de définir les différentes règlementations destinées à préserver l’environnement et les ressources marines, tout en permettant la poursuite de leur exploitation durable.
Une marine à la pointe de la technologie et qui compte sur chacun de ses marins.
Une journée a été consacrée à la marine nationale pour permettre aux auditeurs de bénéficier d’une présentation de très grande qualité de trois composantes de la marine nationale par le vice-amiral Pierre de Briançon, chef d’état-major de la force d’action navale, le capitaine de vaisseau Jean-Marc Pochon, chef de l’état-major de la force de l’aéronautique navale, le capitaine de vaisseau Matthieu Delafoy, commandant l’escadrille des sous-marins nucléaires. En février, les auditeurs seront à Lorient, où ils auront le privilège de découvrir la force des fusiliers marins et commandos.
S’adaptant au durcissement des conditions d’exécution de ses missions en mer, la marine s’est adaptée pour accroitre la résilience de ses navires et de ses équipages, et adapter ses boucles de décision, notamment dans le domaine de l’évolution de ses armements pour intégrer l’innovation en boucle courte avec les industriels.
Les échanges avec les autorités de la marine rencontrées, ont permis aux auditeurs de comprendre l’avantage stratégique dont dispose la France grâce à sa marine de haute mer dotée de capacités capables d’agir dans tout le spectre des opérations aéromaritimes.
Des visites des simulateurs d’entraînement de la force d’action navale, puis de la frégate de défense aérienne Chevalier Paul, ont ensuite illustré ces présentations et offert aux auditeurs des opportunités d’échanges avec des équipages jeunes et passionnés.
Au terme de cette journée, les auditeurs ont parfaitement mesuré les enjeux de la préparation opérationnelle d’une marine employée sur des théâtres où elle conduit des actions de feu comme, en mer Rouge.
L’action de l’Etat en mer, une organisation efficiente, adaptée aux enjeux de sûreté et sécurité maritimes de la France.
Profitant de ce séminaire à Toulon, les auditeurs ont enfin pu compléter leur compréhension des principes de l’action de l’Etat en mer (AEM). Le commissaire général Thierry de la Burgade, adjoint du préfet maritime de la Méditerranée, a ainsi présenté aux auditeurs les missions principales et l’organisation générale de l’AEM.
Il s’agit d’une organisation administrative et opérationnelle qui confie :
- la représentation de l’État à une autorité administrative unique, le préfet maritime ;
- la réalisation des nombreuses missions aux administrations disposant de moyens d’intervention en mer ;
- une capacité pour toutes les administrations intervenant en mer à constater les infractions en mer dans un large spectre de missions.
L’organisation administrative et opérationnelle de l’action de l’Etat en mer en France repose ainsi sur la coordination interministérielle et le partage de 45 missions, avec la désignation d’administrations pilotes. Alors que l’action régalienne en mer est confiée à un seul corps constitué dans certains Etats (comme l’US Coast Guard aux Etats-Unis), plusieurs administrations françaises agissent en mer, avec la capacité commune à constater des infractions dans une vaste palette de missions et une coordination au niveau central comme local.
Le comité interministériel de la mer, présidé par le Premier ministre et réunissant l’ensemble des ministres intéressés, fixe les orientations gouvernementales dans le domaine maritime.
Placé directement sous l’autorité du Premier ministre, le secrétariat général de la mer assure la coordination de l’action de l’Etat en mer au niveau central.
Au niveau local, le préfet maritime anime et coordonne opérationnellement les moyens des administrations, sans faire obstacle à l’exercice de leurs compétences, mais en faisant le meilleur usage de leurs compétences respectives. Il s’appuie ainsi sur les moyens des services de l’Etat (marine nationale, affaires maritimes, douane, gendarmerie) concourant à l’action de l’Etat en mer.
L’efficience dans l’emploi des moyens est la principale caractéristique de cette organisation de l’AEM, dont il n’est pas étonnant qu’elle soit de plus en plus imitée par des pays ayant des enjeux maritimes importantes et souhaitant optimiser l’emploi des moyens de leurs administrations agissant en mer.
Les auditeurs de la 3ème session des hautes études maritimes se retrouveront le 8 janvier prochain à Marseille pour un séminaire qui les amènera à la rencontre des acteurs économiques du monde maritime.