Retour sur le 7ème séminaire des SHEM à Monaco et à Cannes

Les auditeurs de la 3ème session des hautes études maritimes étaient en séminaire du 2 au 4 avril 2025 à Monaco et Cannes pour bénéficier d’un complément de connaissances sur la protection de l’environnement en mer, avec une rencontre des représentants des différents accords internationaux de préservation du milieu marin en Méditerranée.

Le séminaire a également été mis à profit pour découvrir les enjeux de la grande plaisance au Yacht Club de Monaco, visiter le site de THALES UNDERWATER SYSTEM à Sophia Antipolis et comprendre les enjeux maritimes des communes grâce à une table ronde dédiée à ce sujet à Cannes.

Une biodiversité marine confrontée à une combinaison de menaces, mais faisant l’objet d’une protection de plus en plus efficace permettant la préservation et la restauration d’habitats

La biodiversité marine est confrontée à une combinaison de menaces telles que la destruction des habitats, la pollution (notamment plastique), la surexploitation, l’arrivée d’espèces invasives, le changement climatique et les pressions humaines croissantes. Ces facteurs interagissent et aggravent la situation, mettant en péril de nombreuses espèces emblématiques et la résilience des écosystèmes marins.

En s’appuyant sur l’exemple de la Méditerranée, les initiatives présentées aux auditeurs, leur ont permis de mesurer que la préservation de l’environnement marin n’est pas qu’un vœu pieux. Des résultats concrets ont été obtenus grâce à une coopération internationale sans précédent, des innovations réglementaires et technologiques et une implication croissante des acteurs locaux. Ces progrès démontrent qu’il est possible d’inverser la tendance et de restaurer la biodiversité marine lorsque des moyens adaptés et une volonté collective sont réunis

Pour étudier ces enjeux, les auditeurs ont été accueillis par Eric Béraud dans le cadre privilégié du Centre Scientifique de Monaco (CSM), dont les travaux ont été présentés. Le CSM est de réputation mondiale dans le monde scientifique par la qualité des travaux de ses chercheurs en biologie marine, en particulier pour les recherches biomédicales et en biologie polaire, pour lesquelles le CSM est un centre d’excellence. 

Dédié à la recherche scientifique, fondamentale et appliquée, les travaux développés par les équipes du CSM de Monaco étudient les bases du fonctionnement des organismes dans le but de mieux comprendre, et donc de mieux anticiper, les effets des stress environnementaux (Physiologie de la Conservation) ou de traitements thérapeutiques potentiels.

La proximité de différentes équipes au sein d’un même établissement favorise des échanges riches et rend possible la création de programmes interfaces prometteurs et originaux, utilisant par exemple le corail pour mieux élucider les mystères du vieillissement. Le Centre possède une large attractivité internationale avec plus de 70 collaborateurs de 15 pays (dont Europe, USA, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Palau, Brésil, Caraïbes, Canada, Oman, Arabie Saoudite…). Les auditeurs ont en particulier été impressionnés par les travaux d’étude des coraux et des récifs coralliens.

Le rôle de l’office français de la biodiversité (OFB) dans la protection de l’environnement en mer en Méditerranée a ensuite été présenté aux auditeurs par Isabelle Terrier, directrice déléguée de façade maritime Méditerranée de l’Office Français de la Biodiversité.

L’OFB en Méditerranée agit comme un acteur clé pour la connaissance, la protection, la gestion et la restauration de la biodiversité marine et côtière, tout en accompagnant la mise en œuvre des politiques publiques et en mobilisant l’ensemble des parties prenantes du territoire.

Il contribue ainsi à la gestion des sites Natura 2000 en Méditerranée, couvrant des espaces marins et côtiers essentiels à la reproduction et à la préservation de nombreuses espèces, réalise des appels à projets dédiés à la préservation des fonds marins méditerranéens et à la restauration d’habitats dégradés et supervise le suivi scientifique des écosystèmes marins, notamment pour mieux comprendre l’état de santé des habitats et des espèces marines.

Et qui nécessite une très forte coopération internationale

Ouvrant l’approche offerte aux auditeurs, aux aspects internationaux de la protection de l’environnement en mer, la convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée et le Plan Bleu ont été présentés par Robin Degron, directeur du Plan Bleu.

La Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, intitulée à l’origine Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, appelée la Convention de Barcelone, est une convention régionale adoptée en 1976 pour prévenir et réduire la pollution marine par les navires, les aéronefs et les sources terrestres en mer Méditerranée. La Convention de Barcelone et ses protocoles constituent le cadre juridique du Plan d’action pour la Méditerranée (approuvé en 1975), élaboré dans le cadre du Programme pour les mers régionales du Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE).

Il est à noter que dans le monde multipolaire dans lequel nous vivons, où les tensions entre le nord et le sud s’exacerbent, la Convention de Barcelone parvient toujours à réunir l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée dans un objectif commun : réduire la pollution en mer Méditerranée et la protéger, pour améliorer l’environnement marin de la zone, contribuant ainsi à son développement durable.

Dans ce cadre, depuis plus de 40 ans, le Plan Bleu, qui est l’un des Centres d’activités régionales du Plan d’Action pour la Méditerranée, mis à disposition par la France depuis 1977, produit des études et élabore des scénarios pour l’avenir afin de sensibiliser les parties prenantes et les décideurs méditerranéens aux questions d’environnement et de développement durable de la région.

Pour terminer ce cycle consacré à la protection de l’environnement, les auditeurs ont bénéficié d’une présentation des accords internationaux de protection de l’environnement avec les interventions de Florent Champion, secrétaire exécutif de l’accord RAMOGE et Costanza Favili, secrétaire exécutive de l’Accord Pelagos.

Né du constat de la mortalité accidentelle élevée de dauphins dans des filets de pêche, l’Accord Pelagos pour la protection des mammifères marins en Méditerranée, est un accord tripartite franco-italo-monégasque signé en 2002. Il institue un vaste sanctuaire dans le bassin Corso-Liguro-Provençal. Dans cette aire marine protégée, l’objectif poursuivi est d’instaurer des actions concertées et harmonisées entre les trois pays pour la protection des cétacés et mammifères marins et de leurs habitats contre toutes les causes de perturbation : pollutions, bruit, captures et blessures accidentelles. La philosophie du plan consiste néanmoins à rendre compatible les exploitations humaines dans la zone avec la protection des mammifères marins. Le retour observé de phoques moines sur la côte Ligure est très encourageant et montre que la nature peut reprendre ses droits si des conditions favorables sont instaurées.

L’Accord Ramoge est un accord intergouvernemental de coopération entre les Etats français, italien et monégasque pour la préservation du milieu marin. S’appuyant sur un secrétariat permanent basé à Monaco, il s’agit d’un instrument de coordination multidisciplinaire impliquant les administrations territoriales, les institutions scientifiques, et les utilisateurs et usagers de la mer afin de mener des actions communes dans sa zone de compétence. Il a pour ambition de faire en sorte que les espaces maritimes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Principauté de Monaco et de la Ligurie constituent une zone pilote de prévention et de lutte contre la pollution du milieu marin. Cet accord comporte un volet opérationnel avec le plan RAMOGEPOL, qui est un plan d’intervention commun franco-italien-monégasque, faisant l’objet d’un exercice annuel. En situation de crise, il a été activé à plusieurs occasions dont la plus récente est pour lutter contre la pollution causée par la collision entre le porte-conteneurs chypriote Virginia et le ferry tunisien Ulysse en octobre 2018. Grâce à ses campagnes d’exploration scientifiques qui permettent une argumentation objective de ses recommandations, Ramoge a également pu faire adopter plusieurs chartes de bonnes conduites, pour promouvoir la protection de l’environnement.

La grande plaisance, un enjeu économique important pour la France, nécessitant une gestion équilibrée pour en maximiser les bénéfices tout en minimisant les impacts négatifs

A l’invitation de Bernard d’Alessandri, son directeur général, une remarquable séquence a été organisée au Yacht Club de Monaco (YCM) pour faire découvrir aux auditeurs le monde de la grande plaisance. Intervenant à ses côtés, l’administratrice en chef Armelle Roudaut-Lafon, directrice des affaires maritimes de Monaco et Stéphane Garziano, chef du guichet unique du Registre international français (RIF), se sont livrées aux questions de Thierry Duchesne pour faire mesurer aux auditeurs l’étendue des enjeux liés à la grande plaisance.

Sous le terme de grande plaisance, ce sont les yachts de plus de 24 mètres qui sont à considérer. Depuis 2006 et la création du registre international français (RIF), près de 150 yachts de 24 à 45 mètres ont été immatriculés au RIF, attestant de l’attractivité de ce pavillon français. Dans un contexte fortement concurrentiel des pavillons maltais et anglo-saxons, l’enjeu pour le RIF est à présent de gagner des parts de marché sur les très grands yachts, ce qui auraient des effets bénéfiques pour l’emploi des marins français.

Le RIF incarne donc une ambition de reconquête maritime française, combinant attractivité économique et exigences sociales, mais doit surmonter des défis de notoriété et d’adaptation aux réalités du marché international.

Au plan économique, 50% de la grande plaisance mondiale navigue en Méditerranée en période estivale, faisant de la grande plaisance une activité industrielle d’une importance majeure pour la Région sud. Un défi à relever est celui de la concurrence nouvelle de zones comme les Baléares, la Croatie ou la Turquie. Compte tenu de l’enjeu économique, une grande vigilance est nécessaire pour éviter le déplacement de cette clientèle vers d’autres zones.

Fortement attaquée pour son impact sur l’environnement, plusieurs initiatives sont mises en œuvre pour en mesurer de façon objective la réalité et inciter les armateurs de grands yachts à adopter des démarches vertueuses pour la préservation de l’environnement. La création du Sea Index, porté par la Yacht club de Monaco pour soutenir les armateurs dans leur démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’expérimentation d’une installation de production d’hydrogène alimentée par de l’énergie photovoltaïque, ont en particulier retenu l’attention des auditeurs.

THALES

Les auditeurs de la 3ème SHEM, ont eu l’opportunité d’être accueillis le 3 avril par l’amiral (2s) Xavier Baudouard, directeur stratégie et marketing et par Sandrine Heinis, marketing manager de systèmes sous-marins, tous les deux appartenant à l’unité Thalès Under Water Systems (UWS).

Ils ont pu découvrir que l’activité de Thalès se répartit désormais entre 60 % d’activité civile (notamment identité et sécurité numérique, en plein développement) et 40 % d’activité défense. Au sein de la branche « défense et sécurité », l’activité d’UWS porte notamment sur la détection sous-marine (sonar) dans un cadre militaire. Elle représente 1 milliard d’euros, soit un tiers du chiffre d’affaires annuel de la branche « défense et sécurité ». Grâce à cette activité, Thalès est désormais le premier fournisseur mondial de sonars depuis 2020.

Cette présentation a permis aux auditeurs de réaliser l’importance des sonars dans la lutte anti sous-marine qui sont :

  • soit actifs et délivrent alors une information rapide et fiable (azimut distance), mais rendent rapidement détectable le navire émetteur ;
  • soit passifs ce qui a pour avantage la discrétion mais fait perdre de la qualité d’information.

Aujourd’hui, Thalès UWS couvre quatre secteurs d’activité :

  • les systèmes et équipements de contremesures mines ; THALES pilote notamment le programme de guerre des mines conjoint entre la marine nationale et la Royal Navy britannique ;
  • les systèmes et équipements de lutte anti sous-marine ;
  • les suites sonar pour sous-marins (capteurs, systèmes d’exploitation des sonars) ;
  • les systèmes de protection des infrastructures critiques

Cette présentation a bien permis de comprendre comment Thalès prend déjà en considération le contexte général international qui se caractérise par un réarmement naval généralisé, l’élargissement du spectre de la conflictualité, le renforcement des politiques de puissance, la multiplication des incidents en mer, la crise climatique et la course aux ressources.

Pour répondre à ces défis Thalès s’efforce d’apporter les outils aux marines alliées en permettant de pérenniser la dissuasion nucléaire (pour la France), de maximiser la résilience des unités (MCO, « survivabilité »), d’acquérir une supériorité informationnelle et de favoriser l’intégration des drones dans les systèmes de combat ainsi que la lutte contre ces engins.

Les auditeurs ont pu, enfin, bien mesurer la volonté de Thalès UWS de continuer à innover pour conserver le leadership mondial, d’améliorer toujours sa compétitivité et de développer des stratégies locales pour toujours être un leader régional.

CANNES

A l’invitation de la ville de Cannes, une importante table ronde a été organisée le 4 avril à la capitainerie du port Canto. Présidée par Mme Ana-Paula Martins de Oliveira, adjointe au maire de Cannes en charge des ports et des services maritimes, cette table ronde a rassemblé la directrice de la mer et du littoral de la ville de Cannes, Diane Lévêque, le directeur du Vieux-Port de Cannes, Olivier Messian et le délégué général de l’Association nationale des élus des littoraux (ANEL), Alain Blanchard.

Cannes constitue une illustration très pertinente des enjeux maritimes auxquels sont confrontés une commune littorale car toutes les activités maritimes y sont représentées : plaisance et grande plaisance, croisière, plongée, transports à passagers, baignade, tourisme littoral, ports, pêche, avitaillement….

Avec 320 jours de festival par an et 200 000 personnes présentes l’été, cette ville connait une forte activité avec des pointes d’affluence complexes à gérer. La ville doit aussi gérer une densification de plus en plus grande des activités en mer liées à la l’« uberisation » de la mer (location de navires notamment aux particuliers) et au développement de la copropriété des navires.

Cannes a aussi fait le choix de la concession à une société privée de son Vieux Port. Face aux défis des importants investissements nécessaires pour remettre le port central de Cannes (60 millions d’€) et de la nécessaire adaptation aux nouvelles activités maritimes, c’est ce choix qui est apparu comme étant le plus adapté pour les finances de la ville.

Cannes est aussi une ville qui a décidé de s’engager dans une politique environnementale de haut niveau. Pour y parvenir elle s’est engagée dans la réduction des rejets en mer par les navires de plaisance, la protection des herbiers de posidonie (implantation de bouées et de coffres pour l’arrêt des navires de plaisance et de plongée), récupération des macro-déchets dans les lits des fleuves, installation de corps-morts écologiques, définition d’une zone de mouillages organisés, projet de cantonnement de pêche…

Enfin, le délégué général de l’ANEL, Alain Blanchard (auditeur également de cette session) a conclu cette table ronde liée à la dimension maritime des communes en apportant une vision nationale des enjeux pour les communes littorales. Ces dernières qui représentent 4% du territoire nationale rencontrent une concentration de beaucoup de problèmes qui s’exacerbent entre eux.

Le principal est sans doute celui qui concerne l’érosion du littorale qui est en train de s’accélérer. Or, c’est maintenant qu’il faut prendre les décisions qui permettront d’anticiper le très fort recul du trait de côte prévu à partir de 2050. Les difficultés liées au logement sont aussi un enjeu majeur pour les communes littorales avec une vraie difficulté d’accès au foncier pour les habitants permanents. L’effet Airbnb génère, en effet, une forte réduction des possibilités de logements à l’année. L’accès à l’eau douce est aussi un nouveau défi pour bien des communes littorales en raison du changement climatique.

……

Le prochain séminaire de la 3ème session des hautes études maritimes aura lieu en Italie du 14 au 16 le 4 mai 2025 où les auditeurs pourront mener une analyse comparée des politiques publiques maritimes qui y sont conduites grâce notamment à des visites à l’ambassade de France, à la Federazion del Mare, chez ENI Plenitude et de la Guardia Costiera.

Partager sur les réseaux sociaux

Rejoignez-nous

La newsletter FMES

Déposez votre mail pour vous abonner à notre newsletter mensuelle
et autres mailings (conférences, formations, etc.)