Rentrée de la 35ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques (SMHES)

L’Europe sera-t-elle le Dodo du monde de demain ?

C’est ainsi que, le 17 Octobre dernier, le Vice-amiral d’escadre (2S) Pascal AUSSEUR, directeur général de l’institut FMES a conclu la brillante conférence inaugurale qu’il a donnée au profit de la 35ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques/Cadres-dirigeants (35ème SMHES/cadres-dirigeants) qui effectuait sa rentrée. Il a voulu ainsi souligner que le vieux continent semble mal armé et peu préparé à défendre sa place dans un monde où le rapport de force entre blocs antagonistes sera la norme et l’étalon des relations internationales. Par cette conférence et cette formule finale, l’Amiral a voulu marquer les esprits d’auditrices et d’auditeurs qui, en rejoignant les SMHES/Cadres-dirigeants, souhaitent mieux comprendre les évolutions du monde en les abordant par la géopolitique et la géostratégie.  La FMES tient en effet ces disciplines pour essentielles pour de futurs décideurs et elle s’évertue à les faire mieux connaître et pratiquer à travers une formation dédiée, sans équivalent en France. Les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants débutent donc un long et beau périple riche de conférences, de visites, de rencontres et d ’échanges nombreux qui leur feront, petit à petit, prendre conscience de la réalité du monde qui vient et de ce qui est nécessaire à un pays comme la France pour continuer d’y peser. Or le monde qui se met en place sous nos yeux est en effet bien différent de ce qu’il était il y a dix ans mais surtout il ne ressemble en rien aux projections qu’on en faisait à l’époque. Alors qu’on espérait avoir pérennisé le modèle occidental globalisé et centré sur le commerce et l’économie, ce dernier se dérobe sous nos pas et laisse place à un monde en fragmentation, déstabilisé, parcouru de forces centrifuges et qui laisse craindre que le chaos soit sa seule matrice. De surcroît, de cette profonde mutation émerge une relégation de l’Occident et une contestation des règles qu’il a édictées et qui toutes se fracassent sur la quadruple réalité du retour des rapports de force, des Etats autoritaires, de la puissance et du fait religieux comme clefs de compréhension et comme ferments des relations internationales. Le Docteur Pierre RAZOUX qui est le directeur académique de l’Institut FMES et qui s’est lui aussi adressé à la session au terme de ce premier séminaire, n’a pas dit autre chose tout en détaillant pourquoi et comment le Moyen Orient est à la fois le théâtre et l’enjeu des recompositions géopolitiques globales en cours depuis une petite décennie.

Il appartiendra ensuite aux auditrices et aux auditeurs de la 35ème SMHES/cadres-dirigeants d’inscrire dans ce cadre général en pleine ébullition leurs réflexions et leurs travaux sur le thème de cette année «  la mer rouge , carrefour des recompositions géopolitiques et géostratégiques globales » Les  huit séminaires qui suivront nourriront leur réflexion au fil des différents thèmes abordés lesquels visent tous, à partir de l’exemple français, à montrer pourquoi, comment et à partir de quoi un pays comme la France est et entend rester un acteur géopolitique.

Ce premier rendez-vous de la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants organisé à Cadarache puis à Istres aurait pu recevoir le titre de « séminaire des enjeux et des outils de la puissance ». A Cadarache les auditeurs ont en effet pu aborder le thème de l’énergie.  A Istres, au sein de la Base Aérienne 125 et dans l’enceinte de Dassault aviation, leur ont été présentées la dissuasion nucléaire, la projection de puissance et l’excellence technologique et industrielle.

La journée du 17 octobre, consacrée à l’énergie a été partagée entre une visite du centre du commissariat à l’énergie atomique de Cadarache le matin et celle du projet ITER dans l’après-midi. L’adjointe au directeur du CEA de Cadarache a présenté le centre, son organisation, ses missions et ses perspectives d’avenir. Ensuite la session a pu entendre trois présentations absolument passionnantes sur la division des applications militaires, sur le programme West et enfin sur le projet de réacteur Jules Horowitz. Ces présentations, très complètes et détaillées mais aussi très sensibles et confidentielles ont toutes souligné l’importance et la pertinence des efforts faits par la France depuis plus de soixante ans pour rester en pointe dans la maîtrise de l’énergie atomique et dans ses applications civiles et militaires.

L’après-midi la visite du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) a dévoilé un autre aspect du thème de l’énergie, celui de la conquête d’une source propre, fiable et quasi-infinie. ITER, projet multinational aux ambitions et aux dimensions prométhéennes ne vise rien moins qu’à reproduire sur terre la fusion nucléaire telle qu’elle se produit dans les étoiles. Rassemblant 35 pays, ITER est l’incarnation de la capacité humaine, en dépit des différends politiques, à unir les volontés autour d’un projet dont la portée dépasse l’horizon d’une vie. Le cœur du projet est l’assemblage puis la mise en service à horizon 2040 d’un gigantesque tokamak expérimental. Ce nom d’origine russe désigne un dispositif de confinement magnétique permettant la physique des plasmas et ouvrant donc la possibilité de produire de l’énergie par fusion nucléaire. De la taille d’un immeuble de dix étages, le tokamak ITER est actuellement en cours d’assemblage. Les premiers essais de fonctionnement avec plasma inerte sont prévus vers 2030 puis un essai réel de fusion nucléaire pourra être tenté dans la décennie qui suivra. Bien préparé par les expérimentations menées notamment par le programme WEST du CEA voisin, le bon fonctionnement d’ITER permettra la construction puis la mise en service de tokamaks industriels, encore plus imposants que celui de Cadarache, ouvrant alors la voie à une sortie définitive des énergies fossiles avant la fin du siècle.

Au bilan, au cours de cette riche journée les auditrices et les auditeurs de la 35ème SMHES/ Cadres-dirigeants ont vraiment pu appréhender les enjeux liés à l’énergie et à quel point ces derniers sont déterminants pour les Etats. Posséder des ressources énergétiques fiables, propres et variées, maîtriser leur production, leurs flux ainsi que tous les facteurs qui déterminent leur marché sont aujourd’hui et resteront demain des atouts précieux pour tout pays qui entend compter sur l’échiquier mondial.

La journée suivante, celle du 18 Octobre s’est entièrement déroulée sur le site de la base aérienne N°125 d’Istres. Après le thème de l’énergie, l’objectif était de présenter aux auditrices et aux auditeurs d’autres outils de puissance. Le premier est purement militaire puisqu’il s’est agi d’explorer des aspects importants de notre défense : la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire et l’armée de l’air et de l’espace. Le second volet était plus industriel et civil grâce à la visite du centre d’essais en vol du groupe Dassault Aviation.

Reçus avec beaucoup de chaleur par le commandant la base aérienne 125, les auditrices et les auditeurs ont pu grâce à cette visite du 18 octobre matin entrer de plain-pied dans les problématiques auxquelles l’armée de l’air et de l’espace est aujourd’hui confrontée dans un monde où la conflictualité évolue vite et dans lequel les crises s’articulent selon le triptyque compétition, contestation, confrontation. Le commandant de la base a également présenté les enjeux propres au commandement d’une base aérienne qui reste la plus grande d’Europe ce qui lui vaut le surnom de « base XXL ». Sa modernisation dans le segment du transport de passagers et de fret militaires, la protection spécifique liée à sa vocation nucléaire et son armement en personnels qualifiés sont des combats permanents mais très illustratifs de l’effort global de modernisation et d’adaptation que fait l’armée française de l’air et de l’espace pour rester parmi les toutes meilleures au monde. Dans le détail, la BA 125 étant une base en partie dédiée à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, un exposé et des visites spécifiques d’unités et d’appareils affectés à cette mission ont permis aux auditrices et aux auditeurs de mesurer ce qu’implique pour un pays le fait d’être un Etat dit « doté ». Ce sont des efforts financiers, techniques et humains considérables mais c’est le prix à payer pour rester un acteur majeur et influent dans la conduite des affaires du monde. Depuis soixante ans, nul chef de l’Etat n’a jamais remis en question cet effort. A l’issue de la visite des unités et des appareils, un excellent déjeuner a été partagé avec quelques aviateurs de la BA 125 permettant ainsi aux auditrices et aux auditeurs de poursuivre avec eux les échanges initiés au cours de la matinée mais aussi d’évoquer des sujets plus intimes comme, par exemple, les conditions d’exercice du métier. Au bilan, cette matinée très riche et dense a permis aux auditrices et aux auditeurs de la 35ème SMHES d’approcher les problématiques d’une des trois grandes composantes des armées françaises et de mesurer l’effort fait par la nation pour se doter d’un tel outil moderne, efficace, ouvert sur le monde et la société tout en restant totalement dédié à sa mission centrale de défense de la France et des Français.

L’après-midi du 18 octobre a été consacrée à la visite du centre d’essais en vol du groupe Dassault Aviation. Situé dans l’enceinte de la BA 125, ce centre d’essais en vol bénéficie ainsi d’infrastructures exceptionnelles et notamment de la plus longue piste d’Europe (5000 mètres) mais également du proche voisinage d’organismes, comme la DGA, avec lesquels Dassault Aviation coopère quotidiennement. Accueillis et guidés par un ancien auditeur de la 32ème SMHES/cadres dirigeants, les auditrices et les auditeurs ont reçu une présentation en salle leur permettant de mesurer les enjeux technologiques, industriels et commerciaux du groupe tout comme l’importance d’un centre d’essais comme celui d’Istres pour rester au meilleur niveau de performance tout en innovant. Après cette présentation générale faite en salle, les auditeurs ont ensuite visité les bancs d’essai et les ateliers. Ils ont approché de très près les appareils « Rafale » et « Falcon 8X » et ils ont longuement échangé avec des techniciens passionnés et passionnants dont ils pu apprécier l’impressionnant travail fait pour moderniser ces fleurons de l’aviation civile et de combat française dont les succès à l’export ne se démentent pas ; bien au contraire.  Au bilan, les auditrices et les auditeurs ont pu mesurer les problématiques et les enjeux d’un groupe industriel de classe mondiale qui opère dans un secteur de très haute technicité : celui de l’aéronautique militaire et civile. Les choix stratégiques à faire en matière d’organisation, d’implantations, d’alliances, de coopérations, d’axes de développement sont tous d’importance majeure pour conserver au groupe sa position parmi les tous meilleurs mondiaux et son impact pour la France en matière de partenariats et d’influence.

Au terme de ces deux journées riches et denses, les auditrices et les auditeurs peuvent retenir quelques leçons cardinales concernant les outils de la puissance. Comment et à quel prix les maintenir au meilleur niveau et en user, à quelles fins et pour quels résultats ? Telles sont les questions qu’ils ont pu se poser dans le cadre de leur cheminement intellectuel à la découverte de la géopolitique, des paramètres, des outils et des facteurs qui la déterminent. C’est d’ailleurs le bilan que les membres de la s 35ème SMHES/cadres-dirigeants ont pu dresser lors de la matinée du samedi 14 Octobre qui s’est déroulée à Toulon au siège de la FMES.  En clôture de ce premier séminaire les auditeurs y ont entendu le Docteur Pierre Razoux et ils ont reçu de la part de l’équipe pédagogique de la FMES et de l’Université de Toulon des informations importantes de calendrier, de méthode et d’organisation afin de commencer au mieux et au plus vite le travail académique sachant que le prochain séminaire se profile déjà à l’horizon. Il conduira la 35ème SMHES/Cadres-dirigeants à Paris pour y découvrir quelques institutions et organes importants dans la prise de décision en matière de défense et de politique étrangère.

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