Présence et influence des puissances moyen-orientales en Afrique sub-saharienne

Dr Niagalé Bagayoko, Responsable du programme Afrique de la FMES Présidente de l’African Security Sector Network (ASSN)

Fondées sur une forte personnalisation, l’activation de réseaux religieux et des politiques offensives dans le domaine de l’armement ou de la coopération sécuritaire, les diplomaties des pays du Moyen-Orient en Afrique ont pour caractéristique commune la recherche de davantage d’influence au sein des instances multilatérales, ainsi qu’une implication croissante dans les processus de médiation visant à résoudre les conflits du continent. Ces diplomaties visent tout particulièrement la Corne de l’Afrique, l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. Si l’Arabie saoudite a été historiquement un partenaire particulièrement actif en Afrique, la Turquie, Israël, le Qatar, les Émirats arabes unis (EAU) et l’Iran œuvrent désormais de manière de plus en plus visible et active pour s’y implanter durablement.  

Introduction

Longtemps essentiellement empreintes du souvenir et de l’héritage douloureux de la traite négrière orientale[1], les relations entre le continent africain et les puissances moyen-orientales ont connu un renouveau depuis le tournant des années 2000. Les États de la région ont en effet, pour la plupart, cherché à étendre de manière croissante leur présence et leur influence en Afrique.

Les politiques menées respectivement par la Turquie, Israël, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis (EAU) et l’Iran présentent un certain nombre de caractéristiques communes telles que :

  • la forte personnalisation des relations diplomatiques, à travers l’investissement des plus hautes autorités elles-mêmes ;
  • la recherche du soutien des États africains au sein des instances multilatérales, onusiennes ou régionales ;
  • l’inclination naturelle vers le tropisme géographique exercé par la Corne de l’Afrique ;
  • la recherche d’un élargissement et d’une diversification des relations bilatérales vers les autres régions du continent, notamment le Sahel et l’Afrique de l’Ouest ;
  • l’implication de plus en plus fréquente dans la médiation de certains conflits africains ;
  • le développement de partenariats en matière de défense et de sécurité, dans le domaine de l’armement, de l’assistance militaire et de la formation, notamment à la lutte anti-terroriste ;
  • la mise en œuvre de stratégies d’influence à travers le financement de programmes à vocation sociale, culturelle ou religieuse, souvent par le biais de sous-traitants non-étatiques.

Au-delà de ces traits saillants, la politique africaine de chacune des six puissances  moyen-orientales ici considérées, comporte des spécificités propres, que le présent article se propose de mettre en lumière.

La Turquie

L’empire ottoman a entretenu des relations très anciennes avec l’Afrique subsaharienne, notamment à travers ses implantations dans les territoires qui deviendront ensuite l’Érythrée, la Somalie[2] et le Soudan[3].

Après l’avènement de la République turque en 1923 et durant la guerre froide, la Turquie a eu tendance à aligner sa politique étrangère africaine sur celle des États-Unis, sans porter une attention particulière au continent[4]. Ce n’est que depuis la fin des années 1990 qu’Ankara a manifesté un réel intérêt pour l’Afrique subsaharienne[5], qui n’a depuis cessé de croître. Le rejet de la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), en 1997, a incité le pays à considérer sous un jour nouveau les opportunités potentiellement offertes par le continent africain.

Dès 1998, les autorités turques ont ainsi mis en place un ’’Plan d’action pour une ouverture à l’Afrique’’. C’est cependant à la faveur de l’accession au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan en 2002 qu’a été affirmée une ambitieuse politique de coopération avec les pays africains.

En 2005, a ainsi été organisée une « Année de l’Afrique » par le gouvernement turc[6] tandis que la Turquie devenait membre observateur de l’Union africaine. En 2008, s’est tenu le Premier sommet Afrique-Turquie, dans le cadre dudit « Partenariat stratégique avec l’Union africaine ». Des relations ont aussi été nouées avec la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) et l’IGAD (Intergovernmental Authority on Development). Ce sont cependant les relations bilatérales qui sont privilégiées par Ankara qui propose à ses partenaires africains une « troisième voie » basée sur une nouvelle forme de non-alignement, en rupture à la fois avec les puissances occidentales et des pays comme la Chine, l’Inde et la Russie[7]. L’un des enjeux pour la Turquie est aussi de contenir l’influence de certains pays musulmans sunnites qu’elle perçoit comme ses rivaux, à l’instar de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Avec plus de 40 visites effectuées (parfois deux par an), le Président Erdogan est le dirigeant non-africain qui s’est rendu dans le plus grand nombre d’États du continent[8]. Cherchant à exploiter la proximité revendiquée sur les plans historique, culturel et religieux de la Turquie avec le continent, il a qualifié en 2021 les Africains de frères et sœurs du peuple turc[9]. Cet intérêt pour l’Afrique s’est traduit par l’augmentation du nombre d’ambassades turques sur le continent, passé de 10 en 2008 à 37 en 2021, tandis que l’on dénombre 37 représentations diplomatiques africaines à Ankara. Via Diyanet, son administration dévolue aux affaires religieuses, la Turquie a financé la construction ou la restauration de mosquées au Mali et au Niger mais aussi dans des États africains à majorité non-musulmane tel le Ghana[10]. Au cours des années 2010, la coopération entre la Turquie et l’Afrique, qui était jusqu’à présent principalement axée sur des projets économiques et humanitaires (notamment dans le BTP et le trafic aérien grâce à la stratégie très dynamique de Turkish Airlines qui assure un nombre croissant de liaisons internes et externes avec l’Afrique), a pris une dimension plus politique et sécuritaire. Les ventes d’armes turques en Afrique se sont ainsi particulièrement développées. Même si la part de la Turquie sur le marché africain des armes semble insignifiante avec seulement une part de 0,5 %, loin derrière la Russie, la Chine, les États-Unis et la France, la croissance de ses exportations d’armes est la plus importante du continent. L’année 2020-2021 est révélatrice à cet égard avec une hausse de 455%[11]. Le prix particulièrement compétitif ainsi que la rapidité de livraison et la facilité d’utilisation expliquent l’attractivité particulièrement exercée par les drones TB2 Bayraktar auprès des pays africains. Parmi les États qui en ont fait l’acquisition, on trouve le Togo, le Niger, le Mali, le Burkina Faso, l’Éthiopie et Djibouti. La Turquie vend également à ses partenaires africains des véhicules blindés, des systèmes de capteurs électro-optiques et des systèmes de surveillance[12]. Les transactions d’équipements militaires turcs avec les pays africains s’accompagnent souvent de transferts de technologies et de propositions de développement industriel conjoint, qui s’appuient sur la

politique « no-strings-attached » de la Turquie, n’imposant aucune condition sur l’utilisation des équipements, contrairement aux États-Unis ou à la France. Outre la fourniture d’armes, la Turquie dispose de 19 attachés militaires déployés en Afrique[13] et a conclu des accords de défense avec 30 États africains[14] afin de renforcer la coopération militaire et technique bilatérale. Ces accords prévoient souvent la formation de forces armées locales, y compris à la lutte contre le terrorisme et la criminalité. Le pays a apporté une aide à la force conjointe du G5-Sahel d’un montant de 5 millions de dollars[15].

La Turquie a volontiers été accusée par l’Arabie saoudite et les EAU de soutenir des acteurs locaux proches des Frères musulmans, à l’instar du Qatar. En Libye, la Turquie a en effet, comme le Qatar, apporté son soutien au régime de Fayez el-Sarraj en 2020 contre l’offensive du général Khalifa Haftar. La Turquie possède par ailleurs en Somalie (depuis 2017) une base militaire, le camp TURKSOM,[16] la plus grande infrastructure dont dispose le pays à l’étranger. Le Soudan présente aussi un intérêt particulier pour la Turquie : si elle n’a pas réussi à faire aboutir le projet de port soudanais de Suakin, en raison du renversement de son interlocuteur privilégié Omar el-Béchir[17], la Turquie pourrait cependant chercher à poursuivre son objectif de développement de ses activités sur les rives de la mer Rouge en se rangeant du côté du général al-Burhan, avec lequel elle semble avoir davantage de proximité qu’avec son rival le Général Hemetti soutenu par les Émirats et le groupe Wagner[18].

La Turquie est également engagée de longue date, avec ses alliés de l’OTAN[19], dans la sécurité maritime autour de la Corne de l’Afrique. Depuis 2009, elle participe ainsi à la Combined Task Force 151 au large des côtes somaliennes afin de lutter contre la piraterie et de sécuriser les routes commerciales maritimes vers la mer Rouge.

Israël

Les relations de l’État hébreu avec le continent africain ont toujours oscillé entre frictions et normalisation[20]. L’immédiat après-guerre de la Seconde Guerre mondiale a été marqué par une courte période de relations cordiales entre certains pays du continent africain et Israël, progressivement reconnu par plusieurs États, dont le premier fut le Ghana à la veille de son indépendance. Au début des années 1970, Israël entretenait ainsi des relations diplomatiques avec 33 pays du continent. Cependant, les frictions avec les États du continent africain se sont accrues après la guerre des Six Jours de 1967, qui a conduit à l’occupation de la péninsule du Sinaï, et plus encore avec la guerre israélo-arabe de Yom Kippour en 1973. La plupart des États africains ont alors décidé de rompre leurs liens diplomatiques avec Israël, les seuls à maintenir des relations officielles étant le Malawi, le Lesotho et le Swaziland [21]. Les années 1970 ont été marquées par la solidarité croissante du continent africain envers la Palestine[22], avec une prise de position majeure de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), précurseur de l’Union africaine (UA), qui a choisi de rompre toutes les relations diplomatiques avec Israël en solidarité avec l’Égypte : il s’agit de l’une des rares décisions communes de politique étrangère prise par les États africains. En 2002, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’est vu accorder le statut d’observateur non-membre de l’Union africaine (UA).

Les années 1990 ont vu une légère amélioration des relations entre Israël et certains pays du continent désireux de renforcer les liens de coopération. Le Zaïre (en 1982) et le Cameroun (en 1986) [23] ont été les premiers pays à renouer des relations avec l’État hébreu[24]. Les accords d’Oslo ont conduit la plupart des pays du continent africain à se réengager diplomatiquement avec Israël, désormais reconnu par 46 des 54 pays du continent[25].

Cependant, le rapprochement entre Israël et certains pays du continent est véritablement intervenu avec l’arrivée au pouvoir de Benyamin Netanyahou en 1999 et plus encore lors de son retour à la tête du pays en 2009. Au cours de ses mandats successifs (1996-1999 ; 2009-2021 ; 2022-), particulièrement durant les deux derniers, le Premier ministre israélien s’est personnellement beaucoup investi dans ce qu’il a lui-même qualifié de « retour à l’Afrique ». Après avoir participé au Liberia en 2017 au 51ème Sommet de la CEDEAO, B. Netanyahou a même affirmé envisager de « fermer certaines représentations diplomatiques […] à l’étranger pour en ouvrir de nouvelles en Afrique »[26], montrant ainsi sa volonté de renforcer les liens avec le continent. La stratégie de B. Netanyahou repose aussi sur le développement de liens personnels avec les dirigeants de certains États ayant entretenu des relations avec Israël depuis les années 1970, ou avec d’autres ayant autrefois soutenu l’OLP. En Afrique de l’Ouest, le Ghana, le Togo et la Côte d’Ivoire font figure de partenaires particulièrement proches. En Afrique de l’Est, comme l’a illustré la tournée effectuée par le Premier ministre israélien en 2016, ce sont les pays anglophones à majorités chrétiennes, tels le Kenya, le Rwanda, l’Éthiopie et l’Ouganda qui font figure de partenaires privilégiés. En effet, Israël dirige aussi sa politique étrangère vers les communautés chrétiennes, notamment évangéliques de plus en plus nombreuses en Afrique[27]. Le Rwanda a développé des relations de proximité avec Israël à la suite du génocide de 1994, bien qu’une ambassade israélienne n’ait été ouverte dans le pays qu’en 2019. Israël a en outre été l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance du Soudan du Sud : en réalité, Israël a depuis 1967 entretenu des relations dégradées avec l’Etat soudanais, qui avait officiellement soutenu l’Égypte lors de la guerre des Six Jours et lui restait très hostile jusqu’à ce que Benjamin Netanyahou rencontre le Général Al Burhan en 2020[28]. Dans le domaine civil, l’action de MASHAV, agence israélienne pour la coopération au développement, se concentre principalement sur le renforcement des capacités dans les domaines de l’agriculture, de l’hydraulique et de la santé. Si Israël n’est pas directement impliqué dans des opérations militaires sur le continent africain, le commerce des armes – notamment dans le domaine de l’armement léger, des missiles, des drones et du retrofit d’aéronefs et de blindés soviétiques – est un élément majeur de sa coopération avec l’Afrique en matière de sécurité. Parmi ses principaux partenaires figurent le Sénégal, le Nigeria, le Cameroun et l’Éthiopie. Les ventes militaires d’Israël au continent sont le plus souvent effectuées par des entreprises privées israéliennes mais elles sont promues et coordonnées par la Direction de la coopération internationale de défense (SIBAT) du ministère de la Défense. La coopération israélienne en matière de renseignement en Afrique joue également un rôle important, impliquant directement les services du Mossad mais s’orientant aussi de manière croissante vers une privatisation ou une sous-traitance dans le domaine de la cybersécurité. Israël a notamment développé une coopération étroite en la matière avec l’Ouganda et l’Éthiopie. En outre, les sociétés militaires privées, dirigées par d’anciens militaires israéliens, spécialisées dans la fabrication d’équipements de sécurité ou fournissant des services pour la sécurisation d’événements sur le continent africain, se sont récemment multipliées pour offrir leurs services dans la lutte contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique et en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, les forces armées israéliennes ont été très impliquées dans la formation des forces de certains États africains. Historiquement, l’exemple le plus significatif est celui du Cameroun dont le président Paul Biya a fait appel au soutien de Tel-Aviv pour la formation du fameux « Bataillon d’intervention rapide » (BIR), inspiré du modèle de Tsahal et dont le format a fait de nombreux émules au sein des armées africaines : cette unité d’élite de l’armée camerounaise a été créée dès 1999 par Abraham Avi Sivan[29], ancien commandant de plusieurs unités de l’armée israélienne.

Alors que pendant plusieurs décennies, Israël a cherché à faciliter l’immigration des juifs africains en Israël, particulièrement des Falachas d’Éthiopie, il a par ailleurs développé dès les années 1990 une politique visant à restreindre l’afflux sur son territoire de réfugiés africains non-juifs, arrivant en nombre croissant, principalement du Soudan et de la Corne de l’Afrique. En 2012, la Knesset a modifié la loi de 1954 sur la prévention de l’infiltration, permettant d’expulser les Palestiniens, pour permettre la détention des Érythréens et des Soudanais arrivés illégalement en Israël pour une durée de trois ans à compter de leur arrivée[30]. Cet amendement a cependant dû être modifié pour limiter la détention à 20 mois à la suite d’une décision de la Cour suprême. En outre, ces dernières années, Israël a cherché à conclure des accords politiques avec le Rwanda et l’Ouganda pour renvoyer les réfugiés africains dans ces deux pays, accords qui ont été abandonnés à la suite de condamnations de l’opinion publique internationale.

Plus généralement, de très nombreux travailleurs africains ont remplacé au fil des ans les Palestiniens dans les emplois peu qualifiés des secteurs agricoles, du BTP et de la restauration.

Israël a aussi essuyé quelques échecs dans sa diplomatie à l’égard de l’Afrique, notamment avec l’annulation du sommet israélo-africain de 2017 à Lomé[31] ou encore la tentative infructueuse d’intégrer l’Union africaine en tant que membre observateur, remise en cause à la suite de désaccords entre les États membres de l’UA : alors que les deux tiers des pays du continent ont voté en faveur de l’attribution de ce statut, le rejet d’Israël en tant que membre observateur de l’UA a été principalement le fait de l’Algérie et de l’Afrique du Sud. Il est intéressant de noter à cet égard que l’Afrique du Sud prend toujours position contre l’État hébreux dans le domaine politique depuis la fin du régime d’apartheid, avec lequel Israël avait entretenu de troubles relations[32] : depuis l’arrivée au pouvoir de l’ANC, l’Afrique du Sud est en effet un fervent défenseur de la cause palestinienne, ainsi que l’a confirmé la plainte contre Israël déposée devant la Cour internationale de justice[33].

Un certain nombre de pays ne reconnaissent traditionnellement pas Israël : l’Algérie, la Tunisie, le Mali, le Niger, la Mauritanie, Djibouti, la Somalie, les Comores. Lors du vote de la résolution ES-10/L22 de l’AGNU en 2017, condamnant toute action visant à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, seul le Togo a pris position contre la résolution, exprimant ainsi son plein soutien à Israël. En 2018, seuls sept pays du continent (le Rwanda, le Soudan du Sud, l’Érythrée, le Malawi, le Liberia, le Lesotho and le Cap Vert) ont voté en faveur de la résolution américaine visant à condamner le Hamas en tant que groupe terroriste. Selon une logique comparable, les États d’Afrique subsaharienne ont, dans leur grande majorité, réagi tardivement et timidement à la suite des attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas[34] .Ce sont les alliés traditionnels d’Israël qui ont fermement condamné ces attaques (le Kenya, la RDC, le Togo, le Rwanda, l’Ouganda et le Cameroun) mais beaucoup ont adopté une position, sinon de neutralité, du moins médiane, appelant à l’apaisement des tensions tandis que d’autres ont préféré s’abstenir de commentaires. Beaucoup se sont alignés sur la position de l’Union africaine, qui n’a pas qualifié de terroriste l’action du Hamas tout en insistant sur la résolution du conflit par la création de deux États.

L’Arabie saoudite

Depuis les années 1970, et plus encore depuis la révolution iranienne de 1979, le réseau diplomatique saoudien est particulièrement dense dans les pays à majorité musulmane d’Afrique de l’Ouest et de la Corne de l’Afrique[35]. Historiquement soucieuse de contenir l’expansion du chiisme sur le continent[36], l’Arabie saoudite s’est aussi, au cours des dernières années, préoccupée tout autant de contrer l’influence croissante de son rival qatari sur le continent.

L’Arabie saoudite entretient des liens étroits avec les pays africains musulmans, dont des millions de ressortissants effectuent chaque année le pèlerinage dans les lieux saints de l’Islam, la délivrance de visas pour les pèlerins constituant un puissant instrument de politique étrangère sur le continent[37]. L’Arabie saoudite investit par ailleurs dans l’éducation des érudits africains musulmans en leur accordant des bourses pour étudier dans les plus grandes universités du royaume (Islamic University of Medinah, l’Umm Al-Qura University et l’Imam Muhammad Ibn Saud Islamic University). De nombreux oulémas et imams africains ont ainsi été formés à une approche wahhabite de l’islam depuis plus de trois décennies et occupent depuis leur retour, de hautes fonctions, souvent dans des mosquées édifiées grâce aux fonds de Riyad ou plus largement au sein des institutions religieuses étatiques[38]. À ce titre, ils exercent une influence considérable dans leurs États respectifs, non seulement au niveau politique mais aussi sociétal.

Les prêts ou dons consentis par le Fonds saoudien pour le développement (FSD) ont en outre beaucoup bénéficié à l’Afrique, qui a reçu en moyenne 50% des fonds décaissés, pour des projets majoritairement centrés sur les infrastructures routières, hydrauliques, sanitaires ou scolaires. Les principaux bénéficiaires de cette aide ont été l’Égypte, Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Gabon, le Sénégal et la Mauritanie[39]. L’organisation saoudienne “International Islamic Relief Organization” (IIRO), l’une des premières organisations caritatives islamiques, a par ailleurs été très impliquée en Afrique[40].

Les cadres d’intervention multilatéraux, notamment à vocation fonctionnelle, ont aussi été utilisés comme vecteurs d’influence de l’Arabie saoudite sur le continent africain. C’est particulièrement le cas de de la Banque islamique de développement (BID) dont le siège est à Djeddah et de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dont désormais six pays africains (Algérie, Libye, Nigeria, Congo, Gabon et Guinée équatoriale)[41] sont membres. Plus récemment, l’Arabie saoudite s’est investie de manière croissante dans la médiation et la résolution négociée des conflits africains. La signature en 2018 de l’accord de paix de Djeddah entre l’Érythrée et l’Éthiopie a constitué une étape majeure dans sa politique africaine. Après plus de 20 ans de conflit, la signature de cet accord par les dirigeants des deux pays est considérée comme un grand succès pour l’Arabie saoudite[42]. Le royaume wahhabite a, tout comme le Qatar, également œuvré à la normalisation des relations entre Djibouti et l’Érythrée dans leur conflit relatif à la frontière de RAS-Doumeira[43]. En Libye, l’Arabie saoudite s’est essentiellement cantonnée à soutenir politiquement le général Khalifa Haftar, sans lui fournir de matériel à l’inverse des EAU. Elle s’est aussi engagée à financer le G5 Sahel dont le siège se situait en Mauritanie, l’un des principaux partenaires de l’Arabie saoudite en Afrique, particulièrement depuis la détérioration de ses relations avec le Qatar. En 2019, à la suite des manifestations ayant contraint Omar El-Bechir au départ, c’est au dossier soudanais que l’Arabie saoudite s’est particulièrement consacrée, en collaboration avec son allié émirati. En 2023, l’Arabie saoudite a accueilli des pourparlers visant à rapprocher les Généraux Al Burhan et Hemmeti[44].

En matière de sécurité et de défense, l’Arabie saoudite est demeurée assez peu influente sur le continent africain. Elle a cependant beaucoup œuvré pour obtenir des bases militaires dans la Corne de l’Afrique. Elle a ainsi négocié en 2017 un accord avec Djibouti pour la création d’une base militaire saoudienne, particulièrement importante à ses yeux dans le contexte de la guerre au Yémen. Stratégiquement située près du détroit de Bab-el-Mandeb aux portes de la mer Rouge, cette base militaire n’a cependant toujours pas vu le jour. Alliés de l’Arabie saoudite dans la guerre contre les houthis yéménites, les EAU ont quant à eux obtenu la possibilité d’utiliser le port érythréen d’Assab, qui a servi de base principale pour leurs opérations avant que les Émiriens ne s’en retirent.  Les ambitions africaines de l’Arabie saoudite ont été plus clairement encore affichées à la faveur de la tenue du premier sommet Arabie saoudite-Afrique qui s’est tenu en 2023[45].  

Le Qatar

L’influence du Qatar en Afrique est assez récente. Longtemps, l’ONG Qatar Charity est demeurée la principale marque de présence qatarie dans de nombreux pays d’Afrique.

Les principaux partenaires du pays en Afrique sub-saharaienne ont été historiquement la Mauritanie et le Soudan qui ont disposé de représentations diplomatiques dès l’accès du Qatar à la souveraineté en 1971. Le Qatar accueille d’ailleurs un nombre significatif de ressortissants de ces pays dont certains occupent des fonctions au sein de l’administration de l’émirat dans des domaines régaliens (police, justice notamment)[46]. La chute d’Omar El Béchir en 2019 a cependant éloigné le Soudan du Qatar, en mettant notamment un frein aux projets qataris de réhabilitation du port de Suakin, qui aurait dû permettre à la Turquie, dont l’émirat est très proche, d’y installer une base militaire, au grand dam du Caire[47].

Ce n’est en revanche qu’entre 2000 et 2020 qu’ont été ouvertes des ambassades qataries en Afrique ou africaines au Qatar. Parmi les pays africains qui, depuis, entretiennent des relations privilégiées avec le Qatar figurent notamment le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui ont conclu des accords dans le domaine de l’énergie gazière.

Cependant, c’est-à-travers sa diplomatie idéologico-religieuse particulièrement favorable à l’Islam politique et aux Frères musulmans que le Qatar s’est progressivement révélé de plus en plus influent sur le continent, notamment pour contrer le wahhabisme saoudien.  Durant l’embargo auquel il a été soumis entre 2017 et 2021, l’objectif majeur du Qatar en Afrique a été de s’affirmer face à ses deux voisins, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite[48], qui avait sommé ses partenaires africains de mettre un terme à leurs relations diplomatiques avec Doha. L’Arabie saoudite a alors démontré le poids qu’elle avait acquis en Afrique au fil des ans. Lors du déclenchement de la crise, la Mauritanie, le Gabon, Djibouti, les Comores, le Sénégal, le Tchad et  le Niger avaient rappelé leurs ambassadeurs présents au Qatar, ou interrompu les relations. Cet épisode a convaincu le Qatar que le continent africain ne pouvait plus être négligé. La méthode qatarie a cependant été de ne pas exiger de relations exclusives. De nombreux pays d’Afrique de l’Ouest ont choisi de rester neutres, comme le Mali, le Nigeria, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée et finalement le Sénégal. Le Qatar y a vu une opportunité de nouer de nouvelles alliances en Afrique de l’Ouest, inexistantes auparavant. Ainsi, en 2017, l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani, a-t-il effectué une tournée dans six de ces pays d’Afrique de l’Ouest pour les remercier de leur neutralité ou leur témoigner sa reconnaissance de n’avoir pas rompu ou d’avoir rapidement rétabli leurs relations avec Doha.  D’autres pays africains se sont pour leur part clairement rangés du côté de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, tels les Comores, l’Érythrée, la Mauritanie et Maurice.

C’est cependant dans la Corne de l’Afrique que les enjeux sont particulièrement cruciaux pour le Qatar. Un temps médiateur du conflit frontalier entre Djibouti et l’Érythrée, Doha a retiré ses troupes de maintien de la paix présentes depuis 2010 dans la région frontalière entre les deux pays, à la suite du choix de ces pays de se ranger du côté de l’Arabie saoudite[49]. L’armée érythréenne s’est alors emparée de la zone tandis que la diplomatie saoudienne a cherché à participer à la normalisation des relations entre les deux pays (cf. supra). Le blocus a en outre contraint le Qatar à rechercher de nouvelles sources d’approvisionnement, provoquant le déplacement de ses différends avec les EAU et l’Arabie saoudite sur le terrain somalien. Recherchant des points d’appui pour leurs opérations au Yémen, les Émirats ont en effet passé un accord en février 2017 avec le Somaliland qu’ils n’avaient pu obtenir à Djibouti, afin d’implanter une base navale à Berbera. Le Somaliland est en effet résolument pro Abou Dabi. Le Puntland a quant à lui appelé les EAU à maintenir leur présence sur leur territoire semi-autonome. Si la Somalie n’a pas officiellement pris parti dans la crise du Golfe, elle a interrompu sa coopération militaire avec Abou Dabi pour dénoncer cette atteinte à sa souveraineté. Face à des Émirats accusés de soutenir la partition du pays, Doha a en réponse soutenu l’unité et la stabilité de la Somalie qui est apparue comme le seul Etat pro-Qatar parmi des pays ayant pris fait et cause pour l’alliance émirati-saoudienne. En revanche, l’Éthiopie s’est efforcée de conserver une relation équilibrée entre les deux parties rivales.

Le Qatar est en outre devenu au fil des années un médiateur important dans la résolution des crises politiques africaines[50]. Outre son investissement dans la médiation du conflit entre Djibouti et l’Érythrée ci-dessus mentionné, le Qatar a participé activement depuis 2008 au processus de médiation du conflit du Darfour au Soudan. Des négociations ont été engagées à Doha entre le principal groupe rebelle du Darfour, le Mouvement pour la justice et l’équité (JEM), et le gouvernement soudanais, aboutissant à la conclusion d’un « mémorandum d’entente ». Le Qatar, est ainsi devenu à l’époque un acteur important, considéré par les deux parties comme digne de confiance.

Doha a également endossé le rôle de médiateur dans le conflit politico-militaire interne du Tchad, qui a permis la conclusion d’un accord entre le Comité militaire de transition (CMT) dirigé par Mahamat Idriss Deby (cf. supra) et diverses factions rebelles ainsi que la mise en place d’un Dialogue national[51]

Ailleurs, l’Arabie saoudite et le Qatar ont tendu à soutenir des parties différentes, comme en Libye où l’émirat a joué un rôle actif dans la campagne militaire visant à renverser Mouammar Kadhafi en 2011 avant de soutenir, tout comme la Turquie, le gouvernement d’entente nationale dirigé à l’époque par Fayez Al Sarraj, tandis que l’Arabie saoudite et ses alliés émiriens ont apporté leur soutien au Maréchal Haftar[52].

Désormais, le Qatar cherche à étendre son rôle de médiateur à la région sahélienne : en effet, longtemps très proches, l’Algérie et le Mali ont connu en 2023 de profonds désaccords, notamment liés à l’application de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé en 2015 et à la résurgence des affrontements entre Bamako et les groupes autonomistes du Nord du pays. Proche de l’Algérie, Doha a proposé d’œuvrer en faveur de la réconciliation malo-algérienne[53]. Le Qatar a aussi proposé à cette occasion de développer des relations bilatérales avec le Mali.

Enfin, la couverture de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera apparaît particulièrement large sur le continent africain en comparaison de celle de Sky News Arabia (financée par Abou Dabi) et Al Arabiya (financée par Riyad). À travers elle, Doha a la capacité de s’adresser aux sociétés civiles africaines, dont le rôle est de plus en plus prégnant sur les scènes politiques du continent.

Les Émirats arabes unis

Les liens entretenus par les Émirats arabes unis (EAU) avec le continent africain sont anciens. Ce n’est cependant que depuis une quinzaine d’année qu’a commencé à émerger une véritable politique africaine émirienne[54]. Neuf nouvelles ambassades émiraties ont ainsi été ouvertes en Afrique entre 2010 et 2020. Initialement impulsée par Dubaï autour de priorités économiques (dans le domaine des infrastructures et de l’agriculture notamment), la politique africaine des EAU a été largement redéfinie dans le cadre des réorientations de la politique étrangère d’Abou Dabi après les printemps arabes de 2011 et, depuis, se concentre également sur les questions politico-militaires[55].

Durant la crise qui les a opposés au Qatar entre 2017 et 2021, les Émirats ont cherché à conditionner leurs investissements et leur aide au développement en Afrique à l’expression explicite du soutien des États du continent à leurs orientations stratégiques, tendant à considérer que l’absence d’approbation ou le choix de la neutralité équivalait à une légitimation de facto de la position qatarie[56].  

La politique africaine des EAU reflète aussi la stratégie internationale de Mohammed Ben Zayed, dont la lutte contre l’islam politique est devenue l’axe central, notamment en raison des tensions entre la famille régnante d’Abou Dabi et le mouvement Al Islah, branche locale des Frères musulmans. Abou Dabi a ainsi soutenu politiquement et financièrement des partenaires africains se présentant comme en opposition avec les représentants locaux de l’islam politique, et plus particulièrement avec tout groupe lié aux Frères musulmans[57], développant des liens étroits avec leurs forces armées. Abou Dabi apparaît comme l’un des principaux partenaires du président égyptien Sissi, tout comme le Soudan où les EAU ont pesé sur le revirement du Président Omar El Bashir de l’Iran vers les monarchies du Golfe. À sa chute en 2019, ils ont immédiatement apporté un soutien au Conseil militaire de transition (CMT), dont ils appréciaient les deux dirigeants, Abdel Fattah al Burhan (qui avait supervisé l’engagement soudanais au Yemen) et Mohammed Hamdan Dagalo, dit Hemetti (dont les unités paramilitaires des « Forces de Soutien Rapide » (FRS) avaient également été déployées sur le territoire yéménite). Depuis le déclenchement de la guerre entre les deux hommes, c’est davantage vers le Général Hemetti que les EAU semblent pencher[58].

En outre, en vue de sécuriser ses routes d’approvisionnement via le détroit de Bab el Mandeb, de disposer de points d’ancrage pour déployer un dispositif militaire et d’organiser son déploiement contre les forces houthis du Yémen à partir de 2015, Abou Dabi a cherché à développer les partenariats avec les pays de la Corne, particulièrement avec l’Érythrée et le Somaliland. La stratégie des EAU vise en effet à assurer leur présence sur les côtes de la mer Rouge et de la Corne de l’Afrique. S’appuyant particulièrement sur le géant émirien DP World, les Émirats construisent ports et bases navales sur le pourtour de la Corne. Face aux réticences de Djibouti à répondre à ses sollicitations, Abou Dabi s’est tournée vers l’Érythrée, où elle a obtenu une concession de 30 ans avec le port d’Assab et la construction d’une piste d’atterrissag [59]. Les EAU ont également obtenu des droits d’accès et de construction au Somaliland à Berbera. Un représentant diplomatique des EAU a été nommé auprès du Somaliland. Ce rapprochement avec Argheisa a largement provoqué la détérioration des relations avec la Somalie, qui a accusé en 2018 Abou Dabi de transférer illégalement de l’argent aux forces de sécurité du Somaliland, ou en 2021 d’orchestrer une campagne de désinformation pour saper le processus électoral local. Les EAU ont suspendu en réponse leurs relations diplomatiques et leur contribution financière au développement de la Somalie.

Au-delà de leurs zones d’influence historiques dans la Corne de l’Afrique, les EAU cherchent eux aussi à devenir un acteur clé de la médiation dans les conflits africains, par exemple dans le processus de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Depuis janvier 2021, Abou Dabi s’est aussi posé en médiateur du contentieux entre l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan sur la question du partage des eaux du Nil[60]. En Libye, dès 2014, les EAU ont mené des opérations aériennes aux côtés des Égyptiens contre des groupes islamistes, soutenus, selon Abou Dabi, par le Qatar, avant d’apporter un discret soutien logistique et aérien au maréchal Haftar. Les EAU se sont également positionné de manière croissante en Afrique de l’Ouest, par exemple à travers le soutien apporté au Président Alpha Condé de Guinée avant son renversement par une junte militaire. C’est cependant auprès des pays sahéliens que leur engagement est le plus manifeste, en particulier la Mauritanie et le Tchad. Comme le Soudan, la Mauritanie a déployé un contingent au Yémen durant les premières années de la guerre tout en s’alignant sur l’axe Riyad-Abou Dabi à travers le soutien au boycott du Qatar à l’été 2017. Nouakchott avait précédemment accusé Doha de financer certains groupes terroristes au Mali dès 2013. La proximité entre les EAU et la Mauritanie s’est confirmée après l’accession au pouvoir du Général Mohamed Ould Ghazouani. En outre, Abou Dabi a financé, à proximité de la capitale mauritanienne, la construction d’une base militaire, le Camp Mohammed Bin Zayed, voué à la formation militaire. Cette structure accueille l’école d’état-major mauritanienne ainsi que le Collège de défense du G5 Sahel. Les EAU avaient d’ailleurs très rapidement apporté leur soutien à la mise en place du G5 Sahel et de sa force conjointe qu’Abou Dabi s’était engagé (en 2018) à financer à hauteur de 30 millions de dollars. Ce soutien au G5 Sahel s’est inscrit dans la stratégie émirienne de lutte contre les mouvements islamistes. Les EAU entretiennent également des relations privilégiées avec le Tchad[61], en dépit des ambiguïtés tchadiennes dans le différend avec le Qatar[62]. Ils ont immédiatement apporté leur soutien au Conseil militaire de transition dirigé par le fils du Maréchal-Président, Mahamat Idriss Deby, parvenu au pouvoir en violation des dispositions constitutionnelles en vigueur. Cette position des EAU vis-à-vis du Tchad s’inscrit logiquement dans le droit fil de leur implication au Soudan et en Libye. Désormais, les EAU cherchent à tisser des relations plus étroites avec les élites militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso.[63].*

L’Iran

Au XXe siècle, Mohammad Reza Pahlavi a instauré une véritable politique africaine de l’Iran[64], mettant notamment en place une coopération avec l’Afrique du Sud en matière nucléaire et développant la présence maritime iranienne dans l’océan Indien et sur les côtes de l’Afrique de l’Est[65]. Depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran a cherché à exporter son idéologie révolutionnaire sur le continent africain, principalement axée sur une rhétorique anti-impérialiste, dénonçant à la fois la suprématie américaine et l’existence d’Israël. Dès les années 1980, Téhéran a ainsi ouvert des ambassades à travers le continent, notamment afin de limiter l’influence de l’Irak qu’il a affronté entre 1980 et1988. Plus largement, l’Iran s’est beaucoup investi pour contrer l’influence des puissances moyen-orientales rivales dans la Corne de l’Afrique, particulièrement Israël et l’Arabie saoudite. L’Iran a notamment tissé dans cet espace des liens via les Pasdaran (Corps des gardiens de la Révolution islamique). La présence iranienne y est cependant demeurée relativement modeste. Le président Hashemi Rafsandjani, à la tête du pays entre 1989 et 1997 a joué un rôle particulièrement important dans le renforcement des relations entre l’Iran et le continent africain, notamment à travers le rapprochement (dès 1991) avec le Soudan gouverné par Omar Al-Béchir, isolé par l’embargo imposé par la plupart des autres partenaires internationaux. Des relations plus étroites ont également été tissées avec des pays tels le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, les Comores en Afrique de l’Est ; le Nigéria, le Ghana, le Sénégal, le Niger et le Cameroun en Afrique de l’Ouest et dans le Golfe de Guinée ou encore le Zimbabwe et l’Afrique du Sud post-apartheid en Afrique australe. Sous le mandat d’Hahmed Ahmadinejad entre 2005 et 2013, des organisations iraniennes telles que l’Organisation pour la culture et les relations islamiques (ICRO) auraient été utilisées comme façade pour les activités secrètes de la Force Al-Qods[66]. Un désengagement diplomatique a en revanche été constaté sous le Président Rohani[67]. La diplomatie iranienne a apporté fréquemment un soutien à des établissements éducatifs, à des centres culturels, à des associations humanitaires ou à la construction de mosquées sur le continent. L’Iran s’est également efforcé de mobiliser les États africains au sein des enceintes multilatérales. La mise en place d’alliances avec les pays africains est un moyen pour Téhéran d’obtenir des votes en sa faveur à l’ONU, notamment sur les résolutions relatives à son programme nucléaire. L’objectif poursuivi vise aussi à contrer l’influence saoudienne et israélienne sur le continent[68].

Cependant, la large prédominance de l’islam sunnite et la faible représentation du chiisme sur le continent africain a limité l’influence iranienne. Le Nigeria, qui constitue un pays prioritaire pour la diplomatie iranienne, est une exception intéressante car s’y trouve une importante communauté chiite, estimée à environ 12 % de la population de confession musulmane dans le pays. Ce pourcentage a considérablement augmenté depuis les années 1980, période où la présence du chiisme était tout à fait marginale[69]. Par ailleurs, l’Iran a appuyé sa politique africaine sur les réseaux des communautés chiites libanaises, dont certains proches du Hezbollah, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Globalement, si le modèle de la Révolution islamique a pu attirer quelques Africains, on constate en revanche que les conversions au chiisme ont été limitées ou ont parfois provoqué des affrontements avec les courants sunnites traditionnels, par exemple au Nigeria et au Cameroun. Le Cameroun est néanmoins un partenaire de l’Iran, qui lui propose des programmes d’assistance sécuritaire. Ce pays a également été accusé d’avoir aidé l’Iran à contourner les sanctions américaines grâce au transfert de produits pétroliers.[70]  

L’Iran du Président Raïssi semble aujourd’hui décidé à poursuivre l’expansion de sa présence et de son influence sur le continent africain[71]. L’exportation vers le marché africain de ses drones apparaît en outre comme une opportunité pour l’Iran, qui a passé notamment un accord dans ce domaine avec l’Éthiopie[72]. Par ailleurs, l’Iran a développé des liens de plus en plus étroits avec les pays sahéliens, qui depuis l’accession de militaires au pouvoir au Mali en 2020, au Burkina Faso en 2022 et au Niger en 2023, se réclament d’une rhétorique nationaliste et dénoncent l’impérialisme occidental. La présence de l’Iran est particulièrement notable au Mali où ont été renforcées les relations aussi bien au niveau bilatéral[73] qu’avec des acteurs de la société civile[74]. Le régime militaire du Burkina Faso a annoncé quant à lui la réouverture de l’ambassade burkinabé à Téhéran, après plus de vingt ans de fermeture tandis qu’une commission mixte de coopération Burkina Faso-Iran a été instaurée. L’Iran a également indiqué être prêt à coopérer avec le Niger. Dans la région, des synergies pourraient ainsi se développer entre Russes (de plus en plus présents depuis décembre 2021) et Iraniens, alliés sur d’autres fronts internationaux, notamment en Ukraine et au Levant. Le président Raïssi [75] a lui-même fait « l’éloge de la résistance des pays africains face au colonialisme et au terrorisme » tandis que le ministre des Affaires étrangères évoque volontiers l’injustice des sanctions de la communauté internationale contre les pays sahéliens, établissant un parallèle à peine voilé avec les sanctions auxquelles l’Iran est lui-même soumis.

Conclusion

Depuis quelques années, l’Afrique est devenue le théâtre de la rivalité entre les pays du Moyen-Orient, tantôt guidés par leur lecture respective de la religion musulmane, vecteur d’influence majeur sur un continent où l’Islam est en croissance. Ces acteurs moyen-orientaux sont tantôt mus par leurs intérêts géostratégiques ou par la recherche d’un soutien dans le cadre des conflits qui les opposent ou les déchirent. Proche géographiquement du Golfe, la Corne de l’Afrique[76] est la première région africaine vers laquelle se concentrent leurs politiques étrangères. La sécurisation du détroit de Bab al-Mandeb et du corridor conduisant vers le canal de Suez à travers la mer Rouge constitue une préoccupation majeure[77], même si ces pays ont aussi cherché à étendre leur périmètre d’intervention sur le reste du continent.

Souvent enclins à exercer des pressions pour obtenir un soutien explicite, les pays du Moyen-Orient se sont heurtés fréquemment au refus de la plupart des États africains de prendre explicitement partie en leur faveur. Si des jeux d’alliances géopolitiques ont pu parfois s’esquisser, il apparaît le plus souvent que les États africains entendent rester maître du jeu géopolitique sur leur propre continent.  



[1] Entre le XVIème et le XIXème siècles, plusieurs millions d’Africains ont été déportés vers le Moyen-Orient et l’Inde par des esclavagistes arabes.

[2] C’est au XVIème siècle que fut créée la province du Habesh, comprenant des parties des États érythréens et somaliens actuels. Pouvreau Ana (2020), « La Turquie dans la Corne de l’Afrique », Conflits : Revue de Géopolitique : www.revueconflits.com/la-turquie-dans-la-corne-de-lafrique/

[3] « Le Soudan est incorporé dans l’Empire ottoman de 1820 à 1885 mais, contrairement à la tradition historiographique qui évoque à ce propos la période « turque », il est plus exact de rendre compte d’une occupation « égypto-ottomane » dans la mesure où l’élément proprement turc ne prit qu’une part très modeste à l’histoire que connut alors cette région africaine bien marginale dans l’empire des sultans de Constantinople, à l’époque où celui-ci est déjà « l’homme malade » dont les puissances surveillent l’agonie jugée inéluctable » : www.clio.fr/chronologie/pdf/pdf_chronologie_soudan.pdf   

[4] Kaya K. and Warner J. (2013), Turkey and Africa: A Rising Military Partnership?, Fort Leavenworth, Kansas: Foreign Military Studies Office.

[5] Dans les années 1990, la Turquie a néanmoins participé à plusieurs opérations de maintien de la paix de l’ONU en Afrique (en Sierra Leone, en Somalie ou en République démocratique du Congo) et a même assumé le commandement de l’ONUSOM II entre 1993 et 1995.

[6] Les Relations turco-africaines / Ministère des Affaires étrangères de la République de Türkiye (mfa.gov.tr) : www.mfa.gov.tr/les-relations-entre-la-turkiye-et-l_afrique.fr.mfa

[7] Donelli Federico (2021), Can Turkey-African Relations Withstand Ankara’s Currency Crisis?, ISPI : www.ispionline.it/en/publication/can-turkey-african-relations-withstand-ankaras-currency-crisis-32779

[8] www.rfi.fr/fr/afrique/20230513-entre-l-afrique-et-la-turquie-un-partenariat-qui-s-enracine

[9] www.tccb.gov.tr/fr/actualit-s/1861/116453/-nous-voyons-les-peuples-africains-comme-nos-fr-res-et-s-urs-avec-lesquels-nous-partageons-un-destin-commun-

[10] www.la-croix.com/Religion/En-Afrique-Turquie-joue-carte-islam-2021-09-20-1201176335

[11] Yaşar, Nebahat Tanrıverdi (2022), Unpacking Turkey’s Security Footprint in Africa, SWP 2022/C 42 : www.swp-berlin.org/10.18449/2022C42/

[12] Hairsine, Kate, and Burak Ünveren (2022), Turkey Deepens Its Defense Diplomacy in Africa, www.dw.com/en/turkey-deepens-its-defense-diplomacy-in-africa/a-63586344

[13] www.atalayar.com/en/articulo/politics/africa-and-turkey-consolidate-their-military-trade-idyll/20221103135957158922.html

[14] Aksoy, Hürcan Aslı et al. (2022), Visualizing Turkey’s Activism in Africa, Centre for Applied Turkey Studies.

[15] Armstrong Hannah (2021). La Turquie au Sahel, International Crisis Group, www.crisisgroup.org/fr/africa/sahel/turkey-sahel

[16] Turkey sets up largest overseas army base in Somalia | News | Al Jazeera : www.aljazeera.com/news/2017/10/1/turkey-sets-up-largest-overseas-army-base-in-somalia

[17] Alhassan, Abubakar (2021). Turkey’s Ambitious Plans for Africa. Geopolitical Futures : geopoliticalfutures.com/turkeys-ambitious-plans-for-africa/

[18] www.rfi.fr/fr/afrique/20230913-soudan-le-général-al-burhan-rencontre-le-président-turc-à-ankara

[19] L’appartenance de la Turquie à l’OTAN contribue à renforcer son attractivité aux yeux des Etats africains, car elle est perçue comme la garantie de standards élevés en matière de formation et d’armes fournies par Ankara.

[20] Gidron, Yotam (2020), « Israel in Africa: Security, Migration, Interstate Politics, », African Arguments, London: Zed.

[21] ISRAEL PARMI LES NATIONS : Afrique (embassies.gov.il)

[22] Onana Jean-Baptiste (2000), « L’Afrique, les Palestiniens et Israël : système à double entente », Outre-Terre, (no 14), p. 393-401. DOI : 10.3917/oute.014.0393. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-1-page-393.htm

[23] Bishku, Michael B (2021), »Israel and the Francophone Central African States of the Democratic Republic of the Congo and Cameroon: The Development of Long-Term Relationships with Autocrats. » The Maghreb Review, vol. 46 no. 1, p. 3-22. Project MUSEhttps://doi.org/10.1353/tmr.2021.0022.

[24] Nouhou Alhadji Bouba (2018), Offensive diplomatique d’Israël en Afrique, Fondation pour la recherche stratégique (FRS) : www.frstrategie.org/programmes/observatoire-du-monde-arabo-musulman-et-du-sahel/offensive-diplomatique-disrael-afrique-2018

[25] Hochet-Bodin Noé (2023), “Le cas israélien divise à nouveau l’Union africaine,” : https://www.lemonde.fr/afrique/article/202 3/02/20/le-cas-israelien-divise-a-nouveau-l -union-africaine_6162543_3212.html

[26] www.i24news.tv/fr/actu/israel/diplomatie-defense/147001-170604-netanyahou-au-liberia-pour-resserer-les-liens-d-israel-avec-l-afrique

[27] La World Christian Database estime que les pentecôtistes représentent 12 % de la population africaine, soit environ 177 millions de personnes sur 400 millions de chrétiens.

[28] Augé Benjamin (2020), “Israel-Africa Relations: What Can We Learn from the Netanyahu Decade?”. Études de l’Ifri, Ifri. November 2020 :  www.ifri.org/en/publications/etudes-de-lifri/israel-africa-relations-what-can-we-learn-netanyahu-decade . Il convient aussi de souligner que, selon la logique de soutien aux « Accords d’Abraham », les Etats-Unis de Donald Trump ont poussé en Afrique à la conclusion d’accords bilatéraux avec l’État hébreux, comme en témoigne le conditionnement, en 2020, de retirer le Soudan « de la liste des États soutenant le terrorisme en échange d’une normalisation des relations » entre Karthoum et Israël ».

[29] www.jeuneafrique.com/193707/politique/l-isra-lien-qui-prot-geait-biya/

[30] Gidron 2020, 139.

[31] www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/le-sommet-entre-israel-et-des-pays-africains-annule-par-le-togo_3059017.html

[32] Lissoni, Arianna (2011), “Africa’s ‘Little Israel’: Bophuthatswana’s Not-So-Secret Ties With Israel.”, South African Review of Sociology, 42 (3): 79–93.

[33] www.courrierinternational.com/article/genocide-devant-la-cour-internationale-de-justice-l-afrique-du-sud-sonne-la-charge-contre-israel

[34] Le Gouriellec Sonia (2023), Israël-Hamas : les pays d’Afrique subsaharienne dans la guerre de Soukkot | Le Grand Continent : legrandcontinent.eu/fr/2023/10/20/israel-hamas-les-pays-dafrique-subsaharienne-dans-la-guerre-de-soukkot/

[35] Gresh Alain (1983), L’Arabie Saoudite en Afrique non arabe. Puissance islamique ou relais de l’Occident ? – Persée (persee.fr) : www.persee.fr/doc/polaf_0244-7827_1983_num_10_1_3644  

[36] Duteil Mireille (2016), Géostratégie – Arabie saoudite-Iran : le duel africain (lepoint.fr) : www.lepoint.fr/afrique/geostrategie-arabie-saoudite-iran-le-duel-africain-26-01-2016-2012961_3826.php

[37] www.rfi.fr/fr/afrique/20230110-les-fidèles-africains-saluent-la-levée-des-quotas-pour-le-pèlerinage-à-la-mecque

[38] Bregand Denise (2009), « Du soufisme au réformisme : la trajectoire de Mohamed Habib, imam à Cotonou », Politique africaine, n° 116, p. 121-142. DOI : 10.3917/polaf.116.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-4-page-121.htm

[39] Augé Benjamin (2020), La politique de l’Arabie Saoudite en Afrique : vecteurs et objectifs | IFRI – Institut français des relations internationales : www.ifri.org/fr/publications/editoriaux-de-lifri/lafrique-questions/politique-de-larabie-saoudite-afrique-vecteurs

[40] Perouse De Montclos Marc-Antoine (2011), « Les ONG humanitaires islamiques en Afrique : une menace ou un bienfait ? », Sécurité globale, n° 16, p. 7-28. DOI : 10.3917/secug.016.0007. URL : https://www.cairn.info/revue-securite-globale-2011-2-page-7.htm

[41] L’Angola a quitté l’organisation en 2023 : www.courrierinternational.com/article/economie-l-angola-claque-la-porte-de-l-opep-sur-fond-de-desaccord-sur-les-quotas-petroliers

[42] legrandcontinent.eu/fr/2018/09/23/lerythree-et-lethiopie-signent-un-accord-de-paix-historique-en-arabie-saoudite/

[43] www.adi.dj/index.php/site/Plus/6883

[44] www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/08/soudan-pas-de-progres-sur-un-cessez-le-feu-dans-les-pourparlers-en-arabie-saoudite_6198962_3212.html

[45] timbuktu-institute.org/index.php/toutes-l-actualites/item/772-sommet-arabie-saoudite-afrique-vers-la-redynamisation-d-un-axe-sud-sud

[46] Augé Benjamin (2016), La relation diplomatique entre le Qatar et l’Afrique subsaharienne. Une histoire en construction | IFRI – Institut français des relations internationales : www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/auge_qatar_afrique_oksl_0.pdf

[47] www.jeuneafrique.com/mag/767701/politique/qatar-arabie-saoudite-la-bataille-pour-lafrique/

48] www.lemonde.fr/afrique/article/2019/05/10/malgre-ses-efforts-en-afrique-le-qatar-ne-semble-pas-paye-de-retour_5460369_3212.html

[49] www.aljazeera.com/opinions/2017/6/18/why-did-qatar-leave-the-djibouti-eritrea-border

[50] www.jeuneafrique.com/1368057/politique/le-qatar-dans-le-grand-jeu-africain/

[51] www.francetvinfo.fr/monde/afrique/tchad/tchad-ce-qu-il-faut-savoir-sur-l-accord-qui-ouvre-la-voie-a-un-dialogue-national_5302132.html

[52] www.rfi.fr/fr/afrique/20111026-le-qatar-reconnait-son-implication-directe-intervention-libye   

[53] www.rfi.fr/fr/afrique/20240110-le-qatar-médiateur-dans-la-résolution-de-la-crise-diplomatique-entre-l-algérie-et-le-mali

[54] Jean-Loup Samaan, « Les Émirats arabes unis en Afrique : les ambitions parfois contrariées d’un nouvel acteur régional », Notes de l’Ifri, Ifri, septembre 2021 : www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/saaman_eau_afrique_2021.pdf

[55] www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/12/de-l-egypte-au-mozambique-les-emirats-arabes-unis-a-la-conquete-des-ports-d-afrique-de-l-est_6169254_3212.html

[56] International Crisis Group (2019), Intra-Gulf Competition in Africa’s Horn: Lessening the Impact, Middle East Report, n° 206 : www.crisisgroup.org/middle-east-north-africa/gulf-and-arabian-peninsula-horn-africa-turkiye/intra-gulf-competition

[57] www.africaintelligence.fr/le-continent/2022/05/25/les-premiers-chefs-d-etat-africains-appeles-par-mohammed-bin-zayed-tout-juste-devenu-president,109787039-art

[58] www.liberation.fr/international/afrique/soudan-qui-sont-les-parrains-etrangers-de-la-guerre-civile-20231228_EGWPLXEKANHOTHXIOFQ5DJ3AXY/

[59] C’est aussi sur la base d’Assab que les forces yéménites soutenues par Abu Dhabi auraient bénéficié d’un entraînement par la Garde présidentielle émirienne.

[60] K. Hassan (2021), « Egypt Weighs UAE Mediation Initiative in Nile Dam Crisis », Al Monitor : www.al-monitor.com/originals/2021/03/egypt-weighs-uae-mediation-initiative-nile-dam-crisis

[61] L’un des fils du défunt président Idriss Deby Itno, Zakaria Idriss Deby, a occupé à partir de 2017 le premier poste d’ambassadeur du Tchad à Abu Dhabi.

[62] N’Djamena a initialement soutenu l’axe Riyad-Abu Dhabi contre le Qatar qui accueille Timan Erdimi, neveu de feu le président Deby à la tête de l’Union des forces de résistance, l’un des principaux mouvements d’opposition. Cependant, après la suspension de ses relations diplomatiques avec Doha en 2017, le Tchad a finalement renvoyé un ambassadeur dans le pays un an plus tard.

[63] www.jeuneafrique.com/1408895/politique/pourquoi-abou-dhabi-simplique-discretement-au-sahel/

[64] C’est à travers le commerce d’esclaves en provenance du continent africain pour rejoindre le Golfe persique que l’Iran a tout d’abord tissé des liens avec l’Afrique de l’Est. Conséquence de cette histoire douloureuse, il existe une communauté afro-iranienne en Iran. B. A. Mirzai, « African Presence in Iran: Identity and Its Reconstruction », Outre-Mers. Revue d’histoire, n° 336-337, 2002, p. 229-246.

[65] Clément Therme, « Les ambitions iraniennes en Afrique. Une présence idéologique, sécuritaire et économique », Notes de l’Ifri, Ifri, décembre 2022 : www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/therme_ambitions_iran_afrique_2022_final.pdf

[66] A. Mohammad Abdulhalim (2018), « Iranian Revolutionary Guard Corps’ Influence in Africa Intensive Interventions and Challenges », Journal For Iranian Studies, vol., n° 6, p. 109.

[67] Voir R. Bagheri et E. Lob (2022), « Rouhani’s Africa Policy: Disengagement, 2013–2021 », Middle East Policy, vol. 29, n° 1, p.154-173

[68] G. M. Feierstein (2017), « The Fight for Africa: The New Focus of the Saudi-Iranian Rivalry », The Middle East Institute: www.mei.edu

[69] Ailleurs sur le continent, le pourcentage de chiites atteint 21 % pour les musulmans du Tchad, 20 % pour la Tanzanie et 8 % pour le Ghana. Selon les chiffres d’une étude du Pew Research Center et selon Y. Trofimov, « With Iran-Backed Conversions, Shiites Gain Ground in Africa. The Growth of Shiite Islam in Sub-Saharan Africa Is Occurring as the Muslim World Becomes Polarized Along Sectarian Lines », The Wall Street Journal, 12 mai 2016, disponible sur : www.wsj.com ,  cités par Clément Therme, ibidem.

[70] C. Jungman et D. Roth, « December 2021 Iran Tanker Tracking and Year Review », UANI, 3 janvier 2022, disponible sur : www.unitedagainstnucleariran.com

[71] « Ayatollah Raisi: Iran’s Cooperation Potential with the African Continent Will Be Pursued with Utmost Determination », Irna, 6 août 2021, www.irna.ir.

[72] www.bellingcat.com/news/rest-of-world/2021/08/17/is-ethiopia-flying-iranian-made-armed-drones/

[73] A été signé un protocole d’accord (MoU) pour la mise en place d’une commission mixte de coopération Iran-Mali. Voir « L’Iran accorde la priorité à la coopération avec le Mali dans tous les domaines (Amirabdollahian) », IRNA, 23 août 2022, disponible sur : https://fr.irna.ir . Par ailleurs, au Mali, où le Conseil national de transition (CNT) a annoncé, le 3 janvier, l’ouverture, durant l’année à venir, de « deux facultés de l’université d’Iran », « une technique et professionnelle et un centre d’innovation informatique » tandis que les deux pays se sont engagés à « renforcer les liens de coopération à travers la défense et la sécurité ». Voir Morgane Le Cam, Au Sahel, l’Iran en pleine offensive diplomatique (lemonde.fr) : www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/09/au-sahel-l-iran-en-pleine-offensive-diplomatique_6209852_3212.html

[74] mondafrique.com/politique/mali-larrestation-de-linfluenceur-pro-hezbollah-ben-le-cerveau/

[75] Le Président iranien a également effectué en juillet 2023 une tournée au Kenya, en Ouganda et au Zimbabwe.

[76] blog.sciencespo-grenoble.fr/index.php/2022/03/15/quand-les-puissances-du-moyen-orient-exportent-leurs-rivalites-dans-la-corne-de-lafrique/

[77] MOURAD Hicham, « La ruée sur la mer Rouge », Confluences Méditerranée, 2019/3 (N° 110), p. 205-223. DOI : 10.3917/come.110.0205. URL : https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2019-3-page-205.htm


 

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