« Lisboa cidade da tolerância »
Belle devise pour une capitale magnifique ouverte sur le monde ! L’histoire portugaise est évidemment très riche et intimement liée aux découvertes réalisées entre le début du XVème siècle et le milieu du XVIème siècle. Si ces découvertes ont permis au Portugal de rayonner et d’accroître la performance technique dans de nombreux domaines, dont ceux de la sécurité maritime et de la navigation, elles ont aussi contribué à dessiner la carte du monde. Lorsque l’on s’intéresse aux questions géopolitiques, la géographie et sa représentation plane, quel que soit le type de projections utilisées, ont un intérêt évident. Il suffit d’observer la carte du monde à l’entrée du musée navale de Lisbonne pour le comprendre.
Aujourd’hui, la représentation du monde est un véritable symbole et les Nations Unies s’en sont d’ailleurs inspirées pour schématiser une forme d’équilibre entre les puissances en évitant toute discrimination. Si les voyages ont permis ces découvertes essentielles, “ le véritable voyage ne consiste plus à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux ” (Marcel Proust). En l’occurrence, la réalisation de la Session Méditerranéenne des Hautes Etudes Stratégiques en format 5+5 affiche cette ambition, celle d’ouvrir les yeux, de changer au besoin le regard sur le monde d’auditeurs issus des deux rives de la Méditerranée. En tout état de cause, ce regard nouveau ne peut reposer que sur la libre appréciation de chacun au cours d’une semaine d’échanges.
Cette session, la troisième du genre, reste donc fidèle aux principes qui ont été arrêtés lors du Sommet des deux rives, organisé à Marseille au mois de juin 2019 et présidé par le Président Emmanuel Macron. La Session Méditerranéenne des Hautes Etudes Stratégiques s’articule autour de deux séminaires, le premier réalisé au Nord et le second au Sud. Ils donnent à ces sessions un caractère original et assez extraordinaire en offrant une totale liberté d’approches dans les échanges. Pour mémoire, la cible en termes de participation était fixée à deux auditeurs par pays, avec un étudiant des universités ou organismes équivalents dans le domaine des relations internationales, et un officier-élève des académies militaires de l’armée de l’air des pays du Dialogue 5+5. Les auditeurs étaient attendus pour suivre un parcours conjuguant des conférences, des visites thématiques et des travaux de comité, visant à échanger et partager pour mieux comprendre ensemble les grands enjeux du bassin méditerranéen. Certains pays, pour des raisons différentes, n’ont pas proposé de participants. Nous le regrettons évidemment tout en poursuivant les actions pouvant les inciter à nous rejoindre, avec en ligne de mire, le second séminaire en cours de préparation qui devrait se dérouler à Fès à l’université EuroMed au mois de juin prochain.
Pour entrer dans le vif du sujet, l’Université de Lisbonne avec l’Institut Supérieur de Sciences Sociales et Politiques (ISCSP) a proposé le lundi 6 mars une séquence d’ouverture associant des personnalités de l’enseignement supérieur et des corps diplomatiques des pays du Dialogue 5+5. Soulignons en particulier la présence des ambassadeurs de Libye, du Maroc et de Malte qui ont participé, au terme des introductions réalisées par le vice-président de l’université et moi-même, à une table ronde portant sur les grands enjeux de cet espace méditerranéen des pays du 5+5. Je souligne, au passage, que cette table ronde fut animée par le docteur Teresa de Almeida e Silva, à qui nous devons l’organisation de ce séminaire au Nord. Bien sûr, elle fut accompagnée par une équipe remarquable et je m’excuse par avance de ne pas tous les citer ici. Monsieur Diogo Cardoso, qui avait lui-même participé à la deuxième session en qualité d’auditeurs, compte parmi les chercheurs doctorants de l’équipe dont le rôle fut majeur dans la réussite de ce séminaire.
Sans détailler toutes les étapes du parcours de nos auditeurs, j’aimerais ici rappeler le rendez-vous du mardi 7 mars avec le ministre de l’Intérieur, Monsieur José Luis Carneiro. Il a permis un échange long et détendu sur les enjeux de sécurité pour les pays du 5+5. Et ils sont nombreux ! Le simple fait de venir à la rencontre des auditeurs témoignent de l’importance qu’il accorde à la Session Méditerranéenne des Hautes Etudes Stratégiques en format 5+5. Sa venue devrait convaincre d’autres personnalités au Nord et au Sud d’aller à la rencontre de nos jeunes diplômés. Il a pu mesurer, à cette occasion, l’enthousiasme et la volonté des participants d’approfondir de très nombreuses questions dans un contexte international agité et fragilisé par la guerre en Ukraine.
Le programme avait aussi retenu des visites dynamiques, notamment celle du Coastal Control Unit of the National Republican Guard le mercredi 8 mars. Cette visite a mis en évidence les grands sujets pesant sur les deux rives avec notamment les questions migratoires. Au regard des risques et menaces d’origine économique, climatique ou conflictuel, ce sujet continuera de peser, induisant une instabilité croissante dans les pays déjà affaiblis, et des risques évidents de sécurité intérieure dans d’autres.
Le jeudi 9 mars a permis aux auditeurs de vivre une journée au sein de l’Institut Militaire Universitaire de Lisbonne. Il faut ici saluer l’accueil du général Antonio Martins Pereira très séduit par l’originalité des sessions méditerranéennes avec lesquelles il souhaite tisser des liens durables. Enfin, nos jeunes participants ont assisté à une conférence portant sur la stratégie et l’art de la guerre. Le colonel Machado Barroso s’est livré à cet exercice avec beaucoup de talent. Au passage, ont été cité certaines analyses de monsieur Hervé Coutau-Bégarie (in memoriam) ne m’ont pas laissé indifférent et m’ont rappelé les cours dispensés lorsque j’étais à l’école de guerre.
Enfin, pour clore cette semaine très dense, des conférences thématiques relatives à l’histoire, aux enjeux sociaux, à la place de l’Islam dans le monde, aux technologies disruptives ou de cybersécurité ont permis aux auditeurs d’enrichir leurs réflexions pour présenter à un parterre académique quelques recommandations s’inscrivant dans leur thème d’étude ; la sécurité sur les deux rives de la Méditerranée – défense et coopération du Dialogue 5+5. Nullement impressionnés par l’ampleur de la tâche, ils ont étonné des professeurs très attentifs et ont été ravis d’avoir fait mouche sur certains sujets au cours de leurs interventions.
Pour finir et donner une appréciation plus personnelle de l’action de nos jeunes auditeurs, j’aime bien cette remarque d’Honoré de Balzac qui disait que “la jeunesse a d’étonnants privilèges ; elle n’effraye pas”. Je dirais qu’elle est même rassurante car elle est impliquée ! Cette Session Méditerranéenne des Hautes Etudes Stratégiques en format 5+5 donne donc une certaine confiance en l’avenir même si cet avenir sera probablement difficile pour ne pas dire très difficile. Mais l’essentiel est bien de le permettre ensemble et d’en débattre !
A l’évidence, cette semaine fut un beau moment de partage et d’échanges ! A suivre… Mille mercis à nos hôtes !