Décrypter pour comprendre

L’Union européenne, l’attrait du large et de la (re)conquête ?

Le discours sur l’état de l’Union 2017, prononcé par Jean-Claude Junker, Président de la commission européenne, est marqué par son dynamisme et son optimisme et fait référence à un vocabulaire maritime qui raisonne agréablement à l’oreille d’un marin, du « vent en poupe » à « tenir le cap » en passant par « hissons les voiles » et « larguons les amarres ». Fait remarquable, Jean-Claude Junker reprend en partie la devise de notre République, « liberté », « égalité », la fraternité étant malheureusement pour notre ego remplacée par la « force du droit ».

Les indicateurs économiques nourrissent l’optimisme du Président de la commission, qui évoque un taux de croissance de 2,2 % pour la zone euro et la création de 8 millions d’emplois. Il souligne également le poids du plan d’investissement de l’Union, s’élevant à 225 milliards d’euros, ce qui a permis d’accorder des prêts « à plus de 445 000 petites entreprises et à plus de 270 projets d’infrastructure européen ». Il rappelle toutefois que la fenêtre favorable est étroite et que l’Union doit en profiter « maintenant qu’il fait beau, et tant qu’il fait encore beau ».

Jean-Claude Junker a placé en première proposition sa volonté de renforcer le programme commercial européen en insistant sur les notions essentielles de réciprocité et de transparence, peu usitées jusqu’à maintenant. Les termes employés sont forts : « nous ne sommes pas des partisans naïfs du libre-échange » et « fini le manque de transparence, finis les rumeurs et les procès d’intention ».

La sécurité collective de l’Union est mise en avant, avec un renforcement de l’examen préalable des investissements publics étrangers (au sens « extra-européens ») dans les grands domaines régaliens que Jean-Claude Junker restreint avec justesse aux infrastructures portuaires, qui contrôlent une majeure partie des échanges commerciaux, aux infrastructures énergétiques et bien évidemment aux sociétés du complexe militaro-industriel européen.

Dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication, le Président de la commission propose la création d’une Agence européenne de sécurité, destinée à « mieux protéger les Européens à l’ère du numérique ». Se référant sans le dire à la guerre « hybride » mise en œuvre par la Russie sur ses marches occidentales, il rappelle que « les cyberattaques peuvent être plus dangereuses pour la stabilité des démocraties et des économies que les fusils et les chars ».

Le passage sur la migration sera certainement celui qui engendrera le plus de polémiques, Jean-Claude Junker cautionnant la « migration légale » en opposant sans doute imprudemment l’Afrique, « continent noble et jeune » et l’Europe « un continent qui vieillit ». Le constat s’appuie sur des faits et des chiffres, mais déplaira à certains.

Le discours se prolonge par quelques orientations très fortes : rentrée immédiate de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen, droit et obligation des 25 Etats (hors Danemark et Suède ?) à rallier la zone euro et refus de « l’adhésion de la Turquie à l’UE dans un avenir proche », ponctué d’un appel aux autorités turques « libérez les journalistes, et pas seulement nos journalistes. Arrêtez d’insulter nos Etats membres et nos chefs d’état et de gouvernement en les traitant de fascistes ou de nazis ».

Un marin ne reniera pas la conclusion : « larguons les amarres, mettons les voiles et profitons des vents favorables ».

VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie

Le discours de Jean-Claude Junker ⇒

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