Retrouvez l’article de Pierre-Louis Pagès paru dans le “Dossier du jour” de Var-Matin le dimanche 05 septembre 2021.
“Le 11 Septembre marque le début d’une rupture, d’une période de transition qui se termine aujourd’hui avec le retrait d’Afghanistan”: 20 ans après les attentats, l’ancien amiral Pascal Ausseur en tire les leçons.
Vingt ans après le 11 septembre, qu’ont changé ces spectaculaires attentats contre le pentagone et les tours jumelles ?
Le 11 Septembre marque le début d’une rupture, d’une période de transition qui se termine aujourd’hui avec le retrait d’Afghanistan des troupes américaines. En 2001, les États-Unis sont la seule hyperpuissance encore sur le ring. Avec l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990, on est au paroxysme de l’occidentalisation du monde. On est alors persuadé que tous les problèmes du monde vont se régler à notre manière, par l’économie qui est censée entraîner la baisse des tensions et l’adoption progressive du modèle occidental de démocratie libérale. C’est la période où certains évoquaient la fin de l’Histoire. Les attentats du 11 Septembre ont été le premier signal d’une rupture qui s’est progressivement matérialisée. Vingt ans plus tard, le monde est beaucoup moins occidental qui ne l’était en 2001. L’Occident n’est pas mort certes, mais il n’est plus en mesure de façonner le monde. D’autres modèles apparaissent et d’autres puissances révisionnistes (Chine, Russie, Iran, Turquie, …) remettent en question le statut des USA et des Européens.
Mais en quoi les attentats du 11 septembre ont influencé la politique extérieure des États-Unis ?
En fait, l’école de pensée néoconservatrice, mélange de droit-de-l’hommisme et de goût de la Force, qui considère que les États-Unis d’Amérique ont pour mission de changer le monde et d’y imposer la démocratie, existait bien avant les attentats. Le 11 septembre a créé une émotion qui a libéré l’Hubris américaine, portée par le sentiment de toute puissance après l’effondrement de l’URSS et par la conviction d’être du côté du Bien. L’Amérique se considérait dans son droit pour enfin passer à l’acte, punir les méchants et apporter les lumières. Cela a conduit aux invasions de l’Afghanistan et de l’Irak. Mais la brutalité de ces opérations, qui a mis mal à l’aise certains de leurs alliés européens, et leurs échecs spectaculaires ont favorisé au contraire le rejet de l’Occident et sa mauvaise conscience. On ne gagne pas les esprits et les cœurs avec des fusils.
Cet universalisme rêvé, cette vision occidentale devant s’imposer au monde n’était-elle pas voué à l’échec ?
Je le pense. Il était illusoire de croire que la Chine, à la culture multimillénaire, s’occidentaliserait en quelques années. Ou que les Russes et leur riche Histoire se laisseraient facilement digérer par l’Occident. Cette convergence de l’humanité toute entière vers un modèle unique était probablement utopiste et sans doute pas souhaitable. Pour les Occidentaux, et en particulier les Européens, c’est une blessure narcissique qu’il nous faut accepter. Cela nous place également dans une nouvelle posture, plus vulnérable, qu’il nous faut prendre en compte. Le 11 septembre a marqué le fait qu’une partie de l’humanité rejette notre modèle. Il marque aussi, à travers l’Islam, le retour du fait religieux, alors que le XXe siècle avait été le siècle des idéologies : nationalisme, marxisme, capitalisme… Autant de concepts nés en Occident.