Les ambitions maritimes turques au XXIème siècle

Emilien POUCHIN, stagiaire assistant de recherche au sein de la FMES

Le 8 février 2024, les ministres de la Défense turc et somalien signaient un accord inédit de coopération maritime. Celui-ci est le symbole d’ambitions navales turques grandissantes et d’une sphère d’influence qui se diffuse progressivement de la Méditerranée orientale, pivot de la politique étrangère turque contemporaine, à l’océan Indien en passant par la mer Rouge. La rapidité avec laquelle la marine turque s’est rajeunie, modernisée et indigénisée démontre que l’outil maritime est utilisé par la Turquie comme un moyen de gagner en autonomie stratégique et comme l’un de ses multiples leviers d’influence. Ankara dispose désormais de capacités lourdes et de projection lointaine en mer, dans le but d’en retirer des bénéfices économiques, diplomatiques et militaires, mais également d’accroître sa posture vis-à-vis de ses compétiteurs régionaux et globaux.

La représentation de la mer dans l’imaginaire collectif turc a été l’objet d’évolutions au cours des siècles. Pour les Ottomans, depuis leur implantation sur les rives méditerranéennes jusqu’aux tanzimat, la mer Méditerranée (Akdeniz[1]) a été considérée comme un espace naturel d’expansion. Au XVIème siècle, malgré sa défaite lors de la bataille navale de Lépante, l’empire impose sa domination en Méditerranée orientale et projette son influence jusqu’à la régence d’Alger. La campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte (1798) sera un premier facteur de bouleversement de cette pax ottomana. Aux XIXème et XXème siècles, la mer, jusqu’alors synonyme de conquêtes, devient progressivement associée aux menaces et aux défaites à mesure que l’empire perd ses territoires côtiers (Grèce, Algérie, Chypre, Egypte, Libye)[2]. Le schéma est similaire pour la mer Noire qui devient un « lac ottoman » à partir du rattachement du Khanat de Crimée en 1475 et jusqu’à la guerre russo-turque de 1877-1878. Cette perception de la mer, devenue négative, est symboliquement entérinée par Mustafa Kemal Atatürk qui déplace la capitale de la jeune Turquie d’Istanbul, ville maritime par essence, à la ville anatolienne d’Ankara, orientant alors la mentalité de son pays vers la terre pour le siècle à venir.

L’arrivée au pouvoir de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement), au début des années 2000, rebat les cartes. Ce nouveau parti renoue avec une perception des mers comme étant un espace d’opportunités et de puissance à investir dans le but de sortir de l’immobilisme économique tout en nourrissant un projet d’influence régionale. « La Turquie prendra ce qui lui revient de droit en mer Noire, en mer Egée et en Méditerranée […] Nous ne ferons absolument aucune concession sur ce qui nous appartient »[3], affirmait le président Erdoğan en août 2020 à la suite de tensions avec la Grèce. Cette posture agressive souligne que le président turc est marqué par la perte de l’influence navale ottomane passée et qu’il est travaillé par des velléités expansionnistes dans ce qu’il considère « appartenir » à son pays.

Le réinvestissement massif des espaces maritimes par la Turquie depuis quelques années est le résultat d’une stratégie de long terme. En février 2024, un accord de coopération maritime avec la Somalie a marqué une première avancée significative hors de la Méditerranée. Celui-ci prévoit que la Turquie renforce la sécurité maritime du littoral somalien, le partage de renseignement, la formation et les opérations conjointes, en échange d’un accès aux ressources de la zone économique exclusive (ZEE) somalienne. Cet accord de coopération est le signe d’une projection de puissance d’Ankara à la fois vers le continent africain et vers l’océan Indien grâce au développement de sa marine.  

Mavi Vatan : d’une doctrine kémaliste méconnue à une stratégie revendiquée par le président Erdogan

La première doctrine navale turque, nommée Mavi Vatan (Patrie bleue), a été développée au début des années 2000 par les amiraux Cihat Yaycı et Cem Gürdeniz. Selon ce dernier[4], les trois enjeux majeurs de la Turquie au XXIème siècle sont : la Mère patrie (lutter contre la création d’un Etat kurde pour préserver l’intégrité nationale), la Patrie bleue (projeter son influence maritime au-delà d’une ZEE jugée trop restreinte et étouffante) et l’Infante patrie (garantir la souveraineté de la République Turque de Chypre Nord / RTCN)[5]. Parmi ces trois objectifs, les deux derniers ne peuvent être atteints qu’au moyen du développement d’une stratégie navale multidimensionnelle.

Cette doctrine, développée par des officiers proches du nationalisme kémaliste, prend à revers une politique gouvernementale jugée trop pro-occidentale au moment où Chypre intègre l’Union européenne et revendique sa ZEE. Mavi Vatan est initialement fondée sur le rejet des revendications de ZEE de ses voisins grec et chypriote. Il s’agit ainsi d’une vision géopolitique portée par des revendications juridiques (contestation du droit maritime international issu du traité de Montego Bay) et une montée en puissance capacitaire, au profit de la revendication d’une ZEE plus large[6]. Selon Cem Gürdeniz, la Patrie bleue est à la fois un concept (représentant les eaux turques), un symbole (d’une mentalité redirigée vers les mers) et une doctrine (pour protéger les intérêts maritimes, contester les normes internationales et renforcer l’influence sur les eaux qui leur reviennent)[7].

Mavi Vatan se veut le préalable à un investissement de l’espace maritime négligé depuis plusieurs siècles, qui doit également permettre à la Turquie de consolider ses positions à Chypre. La préservation de la RTCN est une priorité géopolitique en vue de la domination de la Méditerranée orientale, d’une exploitation des ressources maritimes, de la sécurisation du Levant et du contrôle des routes maritimes vers le canal de Suez. A propos de Chypre, le Premier ministre Turgut Özal déclarait en 1983 qu’elle est « une île qui perce le milieu de la Turquie comme un poignard. Elle est extrêmement vitale du point de vue de notre sécurité. Cette île ne devra donc pas être entre les mains de nos ennemis. L’existence des Turcs dans le Nord de l’île est une garantie dans cette direction »[8].

Toutefois, la doctrine de la Patrie bleue est restée cloisonnée dans les cercles kémalistes et militaires jusqu’à la fin des années 2010, avant que le gouvernement ne s’en empare et ne la diffuse auprès du grand public. La première décennie au pouvoir de l’AKP est en effet marquée par une doctrine de politique étrangère dite de la « Profondeur stratégique », issue d’un ouvrage éponyme rédigé par Ahmet Davutoğlu. Celle-ci fut mise en échec par des bouleversements géopolitiques issus des Printemps arabes, de la guerre civile syrienne et à cause d’un isolement diplomatique grandissant du président Erdoğan. Par ailleurs, entre 2015 et 2017, la découverte et l’exploitation au large de l’Egypte et d’Israël d’immenses gisements d’hydrocarbures[9] sera l’occasion d’un rapprochement gréco-israélo-égyptien par le biais du projet de gazoduc EastMed, auquel la Turquie ne sera pas associée. Dans ce contexte, l’adoption de la doctrine Mavi Vatan permet d’instaurer un rapport de force contre cet axe européo-levantin en renforçant une dynamique prééxistante de politique étrangère plus agressive à l’endroit de l’Occident, tout en accélérant la prospection d’hydrocarbures offshore.

En 2019, le président Recep Tayyip Erdoğan organise le plus grand exercice naval de l’histoire de la Turquie et le nomme « Mavi Vatan », dans le but d’officialiser son ralliement à cette doctrine maritime. Aujourd’hui, celle-ci n’est plus uniquement une contestation des ZEE gréco-chypriotes ; elle est devenue un slogan soulignant un investissement massif et multidimensionnel des mers : militaire (montée en puissance de la Marine), économique (recherche et exploitation d’hydrocarbures), industriel (indigénisation des capacités militaires), diplomatique (accords avec la Libye, soutien à la RTCN) et juridique (lawfare pour contester les normes internationales).

Une marine turque progressivement indigénisée

Dès les années 1990, la Turquie se lance dans une course à la mer, dont l’objectif revendiqué est de devenir la puissance maritime hégémonique en Méditerranée orientale[10]. Pour soutenir ces ambitions, dont les effets ne se feront pleinement ressentir que 30 plus tard, Ankara doit mener une vaste modernisation capacitaire.

Afin de faire monter en gamme son industrie navale, Ankara utilise dans un premier temps le biais des constructions sous licence, qui permettent d’acquérir progressivement de nouvelles technologies et savoir-faire. Puis, les patrouilleurs légers de classe Yildiz et Kiliç seront les premières constructions nationales et le signe que la politique d’indigénisation, bien qu’embryonnaire, commence à porter ses fruits. Depuis, de nombreux programmes ont été lancés :

  • Le programme MILGEM (issu du turc Milli Gemi : navire national). Initié à la fin des années 1990, il a fourni à la marine turque quatre corvettes de lutte anti-sous-marine de classe Ada, une corvette de renseignement Ufuk, une frégate multi-rôle de classe Istanbul (3 supplémentaires sont en cours de construction) et travaille au développement des futures frégates lourdes de défense aérienne TF-2000, que la marine devrait percevoir au début des années 2030.
  • Le programme MILDEN (Milli Denizalti : sous-marin national). Il comprend la construction sous licence des six sous-marins allemands de Type 214TN (dont 3 sont déjà livrés). Puis, le développement d’un programme de sous-marins nationaux censé déboucher dans les années 2040.
  • La réception en 2023 du premier porte-aéronef turc, le TCG Anadolu, produit conjointement avec l’Espagne. Ce navire amiral a été conçu pour être en mesure d’emporter des drones Bayraktar TB-3 et Kızılelma, en phase finale de développement. Lors d’une allocution pour le centenaire de la République turque, le président a déjà annoncé que la Turquie s’apprêtait à conclure avec l’Espagne un accord pour la livraison d’un second porte-avions, le TCG Trakya[11].
  • Le programme DIMDEG, permettant le développement du pétrolier ravitailleur TCG Derya, livré à la marine turque en 2024 et plus adapté à la projection lointaine (hors Méditerranée) que ses deux prédécesseurs.
  • Le programme MELTEM-III, qui modernise les avions de patrouille maritime ATR-72 en renforçant les capacités de lutte anti-sous-marine et antisurface. 

En termes capacitaires, l’évolution est spectaculaire. Ankara disposait au début des années 1990 d’une marine très vieillissante, avec une grande majorité de ses sous-marins, destroyers et frégates datant des années 1950[12]. La Turquie était par ailleurs dépendante des Etats-Unis et de l’Allemagne pour ses achats ; la production nationale était résiduelle, puisque seuls 3 sous-marins Type-209 et 2 frégates Meko-200 avaient été produits sous licence. En 2024, la flotte s’est rajeunie (25 ans d’âge moyen) et, forte des différents programmes mentionnés, la part de production nationale a considérablement augmenté, renforçant ainsi l’autonomie stratégique du pays.

D’ici 2028-2030, le nombre de frégates possédées par la Turquie sera vraisemblablement passé de 17 à 23, haussant ainsi le nombre total de navires de 1er rang de 27 à 36. Ces nouvelles acquisitions feront augmenter le tonnage global, tout en abaissant l’âge moyen de la flotte autour de 15 ans. Ankara aura par ailleurs davantage diversifié ses capacités grâce à l’aboutissement de programmes de drones navals et aériens[13].

Le porte-aéronefs/drones Anadolu franchissant le Bosphore après son admission au service actif en 2023 (photo Jean-Michel Martinet)

Les principaux moyens de la Marine turque en 2024

SYSTEMES D’ARMESPOSSEDES PAR LA MARINE TURQUEEN COURS / EN ATTENTE D’ACQUISITION
Sous-marins113 de Type-214
Porte-aéronefs11 supplémentaire en cours de négociation (avec l’Espagne)
Frégates173 de classe Istanbul
Corvettes8
Patrouilleurs lance-missiles19
Pétroliers ravitailleurs3
Aviation navale et drones aériens24 hélicoptères de lutte ASM 10 avions de patrouille maritime Quelques drones TB-2 et Anka-SDrones aériens en version navale en cours de développement (Anka-3, Bayraktar TB-3 et Kizilelma)
Drones marinsUlaq, Wattozz, Marlin

Une stratégie maritime comme outil de légitimation et de projection

Alors que le contexte international au milieu des années 2010 était particulièrement propice à la montée en puissance de la doctrine Mavi Vatan, sur le plan intérieur, les élections législatives de 2015 font perdre à l’AKP sa majorité absolue et la tentative de coup d’Etat de 2016 fragilise le pouvoir. Ces deux événements ont été de nature à forger une nouvelle alliance politique entre l’AKP et le MHP, le parti nationaliste. Dès lors, Mavi Vatan devient un slogan pour asseoir la nouvelle alliance politique et la synthèse islamo-nationaliste qui en découle[14], d’autant que le président Erdoğan a besoin de succès internationaux pour réaffirmer son autorité, tant en interne que sur la scène internationale. En 2019, les accords maritimes et militaires conclus avec la Libye sont ainsi salués dans tous les médias comme un succès de Mavi Vatan. Par ailleurs, R.T. Erdoğan n’hésite pas à se servir de cette doctrine pour alimenter le ressentiment contre ses ennemis historiques grecs et chypriotes, pour instrumentaliser la cause de la République turque de Chypre-Nord et pour affirmer sa posture de chef de guerre en menant une « politique de la canonnière »[15] dans les eaux grecques, chypriotes et en Libye. Il est important de noter que la priorité maritime est, comme beaucoup de sujets de politique étrangère, relativement consensuelle parmi les partis dominants l’échiquier politique turc. De ce fait, une future alternance à la tête de l’Etat ne devrait pas substantiellement modifier cette posture.

La Méditerranée orientale devient ainsi le pivot de la politique étrangère turque car cette mer est l’élément central qui permet de rayonner sur l’espace post-ottoman. La Turquie a profité du désengagement américain progressif et des Printemps arabes pour orienter sa politique étrangère dans une logique plus interventionniste, afin de peser sur les transformations en cours et de participer à la définition des nouveaux équilibres stratégiques régionaux. Dans cette volonté de peser sur les affaires régionales et mondiales, Ankara développe simultanément tous ses atouts de rayonnement, de soft power et de projection d’influence : le trafic aérien (via Turkish Airlines), les séries télévisées (qui mettent en avant une image très positive du modèle turc et de son passé ottoman, avec un fort retentissement dans les Balkans, en Afrique ou en Asie centrale), l’industrie militaire (principalement les drones, dont le succès à l’exportation est notable) et la religion (par le biais du Diyanet, particulièrement influent dans les Balkans et en Asie centrale).

Parmi tous ces leviers, l’investissement des espaces maritimes est primordial car le contrôle des mers permet d’accroître les échanges commerciaux, de sécuriser les routes commerciales et de projeter l’influence d’Ankara sur d’autres continents, notamment sur le continent africain avec lequel les échanges commerciaux (principalement dans les secteurs agroalimentaire, militaire, du transport aérien et du BTP) sont en plein essor depuis les années 2000. La Turquie a deux portes d’entrées principales sur ce continent : la Libye, qui ouvre par extension une voie vers le Sahel, et la Somalie qui permet de se projeter dans la corne de l’Afrique et l’océan Indien.

Au-delà de ces deux têtes de pont, la probable construction à moyen terme de bases à Iskele (Chypre) et sur l’île de Suakin (Soudan) renforcera la présence d’Ankara en Méditerranée orientale et en mer Rouge.

La guerre en Ukraine comme affirmation du rôle de pivot entre la mer Noire et la Méditerranée

L’intégration de la mer Noire dans la stratégie maritime turque a été peu évoquée depuis le début de cet article, car Ankara n’a jamais réellement réussi à y surpasser l’influence russe. Entre 1923 et 1991, la Turquie était le seul pays non-communiste riverain de la mer Noire. A la chute de l’URSS, Ankara a cherché à prendre l’initiative en tentant de promouvoir l’équilibre des pouvoirs, mais dès le début des années 2000, la Russie est redevenue la puissance maritime majeure en mer Noire, faisant de l’accès à la Méditerranée sa priorité. Il était pour cela nécessaire de maintenir des relations cordiales avec la Turquie qui contrôle les détroits des Dardanelles et du Bosphore grâce à la convention de Montreux (1936)[16]. L’annexion de la Crimée en 2014 renforce l’emprise russe, faisant de la mer d’Azov un lac national et lui octroyant un statut quasi-hégémonique en mer Noire.

Dans ce contexte, le déclenchement de la guerre en Ukraine favorise Ankara, tant sur le plan diplomatique que militaire. En effet, s’il est difficile de prédire l’issue du conflit, il est clair que l’influence russe en mer Noire est en reflux. Grâce à l’action des drones navals ukrainiens et des missiles de croisière, la flotte russe a progressivement été chassée de la mer Noire, au point que seule la mer d’Azov lui semble désormais sûre. Au vu des dommages capacitaires qu’a subi la flotte de Sébastopol[17], le rapport de force avec la Turquie est en phase de rééquilibrage et cette dernière devrait profiter de cette nouvelle donne pour accroître son emprise, voire pour « territorialiser » cet espace maritime. D’autant plus que la fermeture des détroits turcs permet de couper la voie maritime du « Tartous express », ayant pour conséquence de rendre beaucoup plus difficile l’approvisionnement de l’Eskadra russe en Méditerranée[18].

Si la Turquie profite de la guerre en Ukraine pour gagner en influence en mer Noire, la Russie est probablement vouée à y retrouver sa suprématie : soit dans le cas d’une rupture du front ukrainien et d’une percée russe vers Odessa, qui couperait la quasi-totalité de l’accès ukrainien à la mer et une partie de ses capacités de nuisance maritime ; soit lors de la fin de la guerre et de la réouverture des détroits, qui permettrait à Moscou d’étoffer sa flotte de mer Noire en envoyant des navire de ses autres flottes (notamment de Baltique ou du Pacifique). 

Dès le début du conflit, la Turquie a adopté une posture de « neutralité active » qui lui permet de tirer un maximum de bénéfices du partenariat qu’elle entretien avec les deux camps. D’un côté, en armant l’Ukraine (livraison de canons automoteurs, de véhicules blindés d’infanterie, construction de drones Bayraktar TB-2 sous licence, construction de deux frégates Ada[19]) et en maintenant les détroits fermés pour les navires de guerre (tout en permettant l’exportation des céréales ukrainiennes), Ankara ancre son soutien dans le camp occidental. De l’autre, en ayant refusé de prendre les sanctions occidentales, la Turquie s’impose comme un débouché pour une Russie en recherche de nouveaux partenaires. Cette posture équilibrée et pro-active de médiateur et de régulateur lui permet, en parallèle de la montée en puissance de ses capacités navales, de mettre en exergue tous ses atouts géographiques et diplomatiques pour maximiser ses gains en mer Noire et se positionner durablement comme un pivot incontournable entre celle-ci et la Méditerranée[20].

Si la montée en puissance de la marine turque a été spectaculaire au cours de ces deux dernières décennies, il est toutefois utile de constater qu’elle n’a pas encore été confrontée à une situation de guerre ou de crise majeure. Le président Erdoğan utilise pleinement cet outil d’influence en temps de paix ou de crise d’importance secondaire, mais son efficacité demeure très incertaine en cas d’engagement dans un conflit d’intensité supérieure.


[1] Akdeniz signifie littéralement « la mer blanche » en turc, en opposition à la mer Noire (Karadeniz).

[2] Jana Jabbour, « Le retour de la Turquie en Méditerranée : la « profondeur stratégique » turque en Méditerranée pré- et post-printemps arabe », Cahiers de la Méditerranée, 2014, p. 45-56.

[3] AFP, « Conflit en méditerranée : Erdogan met en garde la Grèce contre toute « erreur » menant à sa « ruine » », France 24, 26/08/2020.

[4] Conférence de Cem Gürdeniz à la 34è session SMHES de la FMES à Istanbul, le 05/04/2024.

[5] Alican Tayla, « « Mavi Matan » versus « Profondeur stratégique » : une doctrine eurasiste pour remplacer une doctrine « néo-ottomaniste » ? », Observatoire de la Turquie contemporaine, 22/12/2021

[6] Adrien Denizeau, « Mavi Vatan, la « Patrie bleue ». Origines, influences et limites d’une doctrine ambitieuse pour la Turquie », IFRI, avril 2021.

[7] Cem Gürdeniz, What is Blue Homeland in the 21st century ?, United World, 07/31.2020.

[8] Olivier Hanne, Les seuils du Moyen-Orient. Histoire des frontières et des territoires, Editions du Rocher, 2017.

[9] Le champ gazier égyptien de Zohr, découvert en 2015, et celui du Léviathan, partagé entre Israël et Chypre et dont l’exploitation a commencé en 2017, figurent parmi les plus volumineux de Méditerranée.

[10] Joseph Henrotin, « Grèce-Turquie : une confrontation maritime au XXIè siècle », Stratégique, vol. 124, no. 4, 2019, p. 103-127.

[11] Laurent Lagneau, « La Turquie lance la phase de conception d’un second porte-aéronefs », opex360, 06/01/2024.

[12] Joseph Henrotin, op. cit.

[13] Pierre Razoux, « Le réarmement naval en Méditerranée », Etudes marines, n°23, mai 2023, p. 54.

[14] Alica Tayla, op. cit.

[15] Jean Marcou, « La Turquie en Méditerranée orientale, entre préoccupations énergétiques, interventions militaires et ambitions stratégiques », IRSEM, étude n°112, sous la direction de Sümbül Kaya, décembre 2023.

[16] Cette « convention concernant le régime des détroits » détermine les conditions de libre circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore, ainsi que dans la mer Noire, en temps de paix et en temps de guerre, pour les navires civils et militaires.

[17] Selon les informations disponibles en OSINT, la flotte de mer Noire aurait perdu a minima 1 croiseur, 4 navires de débarquement, 1 corvette, 1 remorqueur et 6 patrouilleurs. Au moins 5 autres navires et 1 sous-marin ont en outre été sévèrement endommagés.

[18] Arnaud Peyronnet, « Vers une neutralisation de la flotte russe de la mer Noire ? », Institut FMES, 10/10/2023.

[19] Jakub Janovsky, « Un allié fidèle : les livraisons d’armes de la Turquie à l’Ukraine », Oryx Spioenkop, 21/11/2022

[20] Jean Marcou, « La projection de puissance turque : la Méditerranée orientale comme centre de gravité », Confluences Méditerranée, n°123, 2022/4, p. 149-160.

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