L’élargissement des BRICS+

Forgé en 2009, le groupe des BRIC fédérait initialement le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine dans une initiative économique regroupant des Etats majeurs souhaitant développer une alternative au G7 (groupe des 7 premières économies occidentales). Il s’est élargi en 2011 à l’Afrique du Sud, adoptant sa dénomination actuelle de BRICS. Ce groupe plaide pour une refondation des organisations financières internationales, l’élargissement du Conseil de sécurité de l’ONU et la mise en place d’un ordre politique « plus équilibré et plus juste », visant notamment la dédollarisation des échanges. Bien qu’il représentait alors 42 % de la population mondiale et 27 % du PIB de la planète, il ne possédait que 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et 10 % au FMI.

Pendant la décennie 2010-2020, une vingtaine de pays se portent candidats pour adhérer aux BRICS, notamment la Turquie, l’Algérie, le Mexique, le Venezuela et le Vietnam. Ces cinq pays verront leur candidature bloquée par l’un ou l’autre des Etats fondateurs qui disposent d’un droit de veto sur le processus d’adhésion. Chacun d’eux voit en effet d’un mauvais œil la promotion d’un rival régional, d’un vassal ou d’un Etat trop instable ou trop fragile.

Une première vague d’élargissement (1er janvier 2024) se concentre sur le Moyen-Orient car cette région stratégique répond à la priorité stratégique de la Chine  : son approvisionnement en hydrocarbure, soulignant ainsi le poids de Pékin dans l’Organisation. Elle englobe l’Iran, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Egypte (canal de Suez) et l’Ethiopie (siège de l’Union africaine) ; l’Arabie Saoudite et l’Argentine, bien qu’invitées à adhérer, ont préféré ne pas donner suite. L’Indonésie, qui contrôle les détroits de Malacca et de la Sonde et reste un important producteur de pétrole, prend leur place et devient membre à part entière le 1er janvier 2025. C’est à cette même date qu’est créé le statut de « partenaire », moins privilégié mais permettant d’adhérer plus facilement au groupe et d’en renforcer le poids économique et démographique. Ce statut allégé permet ainsi au BRICS+ de s’implanter sur l’ensemble des continents. La Malaisie, la Thaïlande, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Biélorussie, le Nigéria, l’Ouganda, la Bolivie et Cuba deviennent ainsi partenaires, illustrant la stratégie d’implantation mondiale des BRICS+ qui vise à échapper à la fois à la mainmise occidentale et aux sanctions internationales (pour l’Iran et la Russie), tout en s’ouvrant sur de nouveaux marchés. C’est cette même logique qui a poussé les BRICS+ à mettre en place une Nouvelle Banque de Développement – à laquelle a adhéré l’Algérie, l’Uruguay et le Bangladesh – pour constituer à termes une réserve de devises et fournir des prêts (hors FMI) aux économies émergentes.

Si la Russie, la Chine et l’Inde se considèrent comme les trois éléments moteurs des BRICS+, c’est indéniablement la Chine qui s’est imposée comme le leader de ce groupe regroupant désormais 10 Etats membres et 9 Etats partenaires représentant 47,6 % de la population mondiale et 42,4 % de la richesse mondiale exprimée en parité de pouvoir d’achat. A titre de comparaison, le G7 représente aujourd’hui moins de 10 % de la population mondiale et un peu moins du tiers de la richesse mondiale. Dans la rhétorique du Kremlin et de Pékin, l’élargissement des BRICS+ illustre la montée en puissance du « Sud Global », perçu comme une alternative à l’hégémonie (très fragilisée) occidentale. Les BRICS+ sont en quelque sorte le groupe des « puissants du Sud » que la Chine et la Russie voudraient utiliser pour assoir leur leadership. La volonté de multi alignement de nombreux membres et l’antagonisme stratégique entre New Dehli et Pékin marquent cependant les limites de cet agenda.

Il n’empêche que ce processus d’élargissement illustre le jeu de Go mondial que mène la Chine pour retrouver sa place de première puissance devant les Etats-Unis, en plaçant ses pierres sur des intersections clés du plateau, là où l’Organisation de Coopération de Shangaï lui permet de renforcer sa puissance continentale en Asie.

Les projections économiques estiment que les BRICS+ élargis à leurs partenaires représenteront plus de la moitié de la démographie et de la richesse mondiales à l’échéance 2040.

Partager sur les réseaux sociaux

EDITO

Ce mois d’avril aura illustré l’étendue, mais aussi les limites de l’exercice du pouvoir par Donald Trump dont le style consiste à bousculer vite et fort, quitte à rétropédaler si nécessaire. Tout d’abord par la...

Institut FMES
L’élargissement des BRICS+

Forgé en 2009, le groupe des BRIC fédérait initialement le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine dans une initiative économique regroupant des Etats majeurs souhaitant développer une alternative au G7 (groupe des 7 premières...

Institut FMES

Rejoignez-nous

La newsletter FMES

Déposez votre mail pour vous abonner à notre newsletter mensuelle
et autres mailings (conférences, formations, etc.)

La newsletter FMES

Déposez votre mail pour vous abonner à notre newsletter mensuelle
et autres mailings (conférences, formations, etc.)