L’Arctique : un espace hautement stratégique

Les déclarations de Donald Trump relatives à son souhait d’annexer le Canada et le Groenland, au-delà de la provocation assumée, illustrent le caractère hautement stratégique de l’Arctique sur trois plans illustrés par cette carte.

Tout d’abord sur un plan stratégique dans le cadre de la dissuasion nucléaire, car l’espace arctique demeure la voie la plus courte et donc la plus efficace permettant aux missiles intercontinentaux d’atteindre le cœur du territoire adverse (Russie-Chine d’un côté, Etats-Unis de l’autre), qu’ils soient basés à terre ou à bord de sous-marins lanceurs d’engins navigant en Atlantique Nord ou en Arctique. Cette représentation « polaire » le montre clairement, à l’inverse des représentations Mercator classiques. S’approprier des îles ou des terres permettant de repérer, de suivre et d’intercepter le plus tôt possible de tels missiles balistiques revêt donc une importance cruciale. Tout comme construire des voies ferrées qui permettent d’accéder au cercle arctique.

Donald Trump et le Pentagone ne cherchent pas l’affrontement avec la Russie, mais ils souhaitent étendre le plus possible le bouclier antimissile des Etats-Unis en direction de la Russie et de la Chine, tout en inscrivant dans le temps long la présence en Arctique de bases américaines liées à ce même bouclier.

Ensuite sur un plan économique lié aux enjeux de souveraineté, car l’espace arctique est riche en ressources hydrocarbures offshore, mais aussi en terres rares et minerais stratégiques. Si la Russie et la Norvège se sont entendues sur leur délimitation maritime et le partage des hydrocarbures, et si le Canada et le Danemark ont conclu un accord sur la délimitation maritime et l’accès aux ressources de certaines îles voisines du Groënland, des différends subsistent entre le Canada et les Etats-Unis au niveau du passage du Nord-Ouest. Les Etats riverains (Russie, Norvège, Danemark, Canada et Etats-Unis) poussent leurs revendications en direction du pôle Nord ; la Russie considère l’océan Arctique comme un immense « lac russe » ; elle a planté son drapeau sous le pôle par 4 267 mètres de profondeur, mis en place des infrastructures militaires permanentes sur certaines îles, et installé des bases temporaires sur la banquise. Elle s’apprête à déployer un câble sous-marins de communication (Polar Express) reliant Vladivostok à Mourmansk.

La France a obtenu en 2000 le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique et a adopté une stratégie pour l’Arctique.

Enfin sur un plan maritime, car deux routes concurrentes traversent l’espace arctique pour relier l’Europe et la côte Est américaine à l’Asie du Nord par la voie maritime la plus courte. La route maritime du Nord longe les côtes de Norvège et de Russie, alors que le passage du Nord-Ouest longe le littoral du Groënland, du Canada et de l’Alaska. A terme, avec le réchauffement climatique, la fonte de la banquise pourrait permettre d’emprunter en été une route maritime directe encore plus courte passant par le pôle Nord. Ces trois routes convergent au niveau du détroit de Béring qui pourrait devenir à terme un détroit aussi convoité que celui d’Ormuz,

tant pour les Etats-Unis et la Russie qui en contrôlent l’accès, que pour la Chine qui ambitionne de le sécuriser à des fins commerciales et stratégiques.

Si les compagnies maritimes russes et chinoises utilisent de plus en plus ces routes maritimes, les grandes compagnies occidentales ont annoncé qu’elles renonçaient à court-moyen terme à la voie arctique, arguant des difficultés de navigation : nuit de six mois, absence de ports et d’infrastructures permettant de réparer des avaries graves ou de soigner des membres d’équipages en cas d’urgence.

On comprend dès lors mieux pourquoi Donald Trump, qui n’hésite pas à sidérer ses partenaires comme ses rivaux pour imposer des accords avantageux pour les Etats-Unis, a volontairement déstabilisé le Danemark et le Canada, tout en cherchant à s’entendre avec la Russie.

L’équipe de direction de l’Institut FMES

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