Par Aris Marghelis, chercheur associé à la FMES
Résumé
Outre la guerre à Gaza, depuis 2023 la Grèce fait face à la quasi-implosion de son flanc sud. Trois enjeux majeurs se dégagent pour elle. D’abord, le rétablissement de la libre navigation en mer Rouge, cruciale pour la Grèce qui est le premier pays continental de l’UE sur la route de l’Indopacifique et détient la première flotte commerciale du monde. Puis, la consolidation de la relation avec une Égypte fragilisée, que la Turquie tente à la fois d’approcher et de coincer, avec en contrepoint la question libyenne. Enfin, la dynamique du triangle Turquie-Israël-Chypre, impactée par la libanisation et la potentielle iranisation du conflit au Moyen-Orient, qui entretient l’incertitude quant à l’avenir des Accords d’Abraham. Ce contexte fort complexe impacte directement les intérêts et la sécurité de la Grèce, sans pour autant qu’elle puisse agir seule dans l’ensemble de cet environnement. Elle mise donc sur le multilatéralisme avec l’UE et les États-Unis pour tenter de se positionner face au cours des évènements, avec en toile de fond l’ambivalence d’une Turquie qui oscille entre rapprochement avec Athènes et maintien de son agenda expansionniste, et les incertitudes liées à la future politique ukrainienne et moyen-orientale de la nouvelle administration américaine.
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En dépit d’une accalmie avec la Turquie qui lui a permis de se dégager, depuis 2023, d’une situation de tension politique et opérationnelle qui était devenue quasi-permanente, la Grèce se retrouve confrontée à une fracturation simultanée de l’ensemble de son environnement méridional. Cette fracturation menace de faire voler en éclat l’édifice construit au cours des dernières années, sur lequel repose sa stratégie régionale et sa sécurité : la rentabilisation de sa position de première porte d’entrée continentale de l’UE sur la route de l’Indopacifique ; le partenariat avec l’Égypte et la gestion de la question libyenne ; le partenariat avec Israël et la dynamique amorcée par les Accords d’Abraham au Moyen-Orient. Comment la Grèce se réagit-elle face à la mise à l’épreuve de ces trois piliers ?
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En mer Rouge
La forte perturbation du commerce maritime induite par les frappes des Houthis en mer Rouge a conduit la Grèce, de concert avec la France et l’Italie, à prendre activement part au lancement (février 2024) de l’opération EUNAVFOR « ASPIDES » (le mot grec pour « boucliers »), dont la base d’opération est située à Larissa, sous l’autorité d’un amiral grec. En outre, le hasard des roulements fait que, depuis le mois de novembre, la Grèce assure simultanément le commandement opérationnel d’ASPIDES et de IRINI.
Du point de vue économique, les navires d’intérêts grecs sont régulièrement visés et, d’une façon générale, la rupture du trafic menace l’économie maritime, très importante pour le pays[1]. Cette complication vient s’ajouter à la limitation de l’accès de la marine marchande grecque au juteux marché russe en raison des sanctions. En revanche, malgré une année qui s’annonçait difficile à cause du reroutage des porte-conteneurs, le Pirée semble finalement tirer ses épingles du jeu pour 2024 en continuant d’enregistrer des gains, et en dépassant Hambourg comme hub maritime[2]. Cela est dû notamment à une hausse du trafic de conteneur destinés à la Grèce, qui vient contrebalancer la chute des transbordements. Mais également à la diversification des activités du port (hausse du trafic de passagers, d’automobiles et de navires de croisière) et à la présence d’un robuste écosystème de services maritimes.
Du point de vue stratégique, l’opération s’inscrit dans une vision plus large. Elle est notamment perçue comme un moyen de promouvoir une défense européenne, prioritaire pour la Grèce[3] ; accessoirement, elle a permis de tester en situation réelle — et avec succès — son système anti-drones de fabrication nationale KENTAVROS (« Centaure »)[4]. Mais ASPIDES est aussi vue comme nécessaire pour alimenter le corridor énergétique, militaire et économique Baltique-Égée qui émerge à la faveur du conflit ukrainien et dont la viabilité dépend aussi de sa connexion avec l’Indopacifique.
Ainsi, compromettre le trafic maritime d’intérêt occidental en mer Rouge permet de désorganiser l’arc Baltique-Indopacifique, pour le meilleur intérêt de Téhéran sur fond d’ambivalence turque et de forts soupçons américains quant au soutien présumé de la Russie aux Houthis[5]. Cela explique entre autres le choix des Anglo-américains d’intervenir de façon plus rapide et dynamique que les Européens[6], dont la réponse paraît anémique, alors-même que la manière dont ASPIDES été conçue et est conduite a pu susciter des critiques[7].
Du point de vue navigationnel, les navires continuent de préférer le contour de l’Afrique, plus cher, plus polluant, mais plus sûr. Du point de vue politique, la faible mobilisation à l’échelle européenne traduit un désintérêt, voire un manque d’adhésion aux enjeux stratégiques, si ce n’est une aversion pour le risque[8]. Initialement ralliées à l’opération, la Belgique et l’Allemagne se sont finalement retirées ; il reste à voir si les menaces directes des Houthis à l’encontre des armateurs allemands[9] influeront sur l’approche attentiste de Berlin. De son côté, l’Espagne a renoncé d’emblée à une présence militaire en mer Rouge[10]. Cette attitude est en phase avec la posture propalestinienne de Madrid[11] qui, par ailleurs, se limite traditionnellement au « minimum syndical » en matière de solidarité avec ses partenaires européens sur les problématiques est-méditerranéennes. En outre, les ports espagnols ont vu leur activité s’accroître fortement en raison de la situation en mer Rouge.
Cette mission est donc devenue de fait une affaire franco-gréco-italienne, ce qui en limite à la fois la portée opérationnelle et l’impact politique au sein de l’UE. Déployée pour un an, un bilan plus complet ne pourra être dressé qu’ultérieurement.
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La Grèce face au triangle Égypte-Libye-Turquie
Le conflit à Gaza et les évolutions sur la question libyenne ont confirmé le rôle pivot de l’Égypte en Méditerranée orientale et dans la région ANMO. Cependant, ce rôle évolue en parallèle avec la fragilisation du pays.
D’abord, une fragilité économique endémique, accentuée par une conjoncture internationale qui impacte les circuits commerciaux[12], énergétiques et alimentaires dont l’Égypte dépend. D’où la conclusion d’un accord avec le Fond Monétaire International (FMI) en mars 2024[13] et la nomination d’un nouveau ministre des Finances familier du FMI et de la Banque Mondiale[14]. En parallèle, le soutien financier saoudien et émirien se poursuit[15] mais pourrait ne pas être éternel en période de recompositions régionales et internes dont les monarchies du Golfe ne sont pas à l’abri[16].
Par extension, l’Égypte souffre d’une fragilité sociale, donc potentiellement politique. La population égyptienne, jeune et nombreuse, manque de perspectives. L’expérience des Frères musulmans, circonscrits mais non éradiqués, ainsi que la posture du Caire sur le conflit à Gaza qui n’est pas en phase avec le sentiment populaire dominant, rend plausible une dynamique de subversion.
Or, l’Égypte est un partenaire vital pour la Grèce.
Si la poussée turque en Méditerranée orientale a jusqu’à présent été contenue, c’est aussi grâce à la synergie helléno-égyptienne en matière énergétique et militaire, qui se poursuit[17]. Accessoirement, l’échec de cette tentative turque de passage en force rappelle que le format d’une marine, la modernité de son matériel et l’audace de ses équipages ne suffisent pass’ils ne sont pas conjugués à une juste évaluation des capacités de l’adversaire et des réalités régionales. Néanmoins, le programme d’acquisition naval turc[18] suggère qu’Ankara maintient sa stratégie de sidération par la quantité, quitte à calmer provisoirement le jeu pour temporiser.
L’Égypte est aussi un « sas » de la Grèce vers la Libye. Malgré des efforts menés depuis 2020 (accueil médiatisé de Kh. Haftar à Athènes début 2020 ; ouverture d’un consulat à Benghazi, réouverture de l’ambassade à Tripoli et visite de K. Mitsotakis en 2021 ; opération malheureuse de secours en septembre 2023 lors des inondations à Derna[19]), Athènes n’arrive pas à peser dans l’équation libyenne, pourtant essentielle pour ses intérêts. En effet, l’enracinement turc en Libye est un véritable « couteau suisse » stratégique, d’où le fait qu’il est consensuel dans une Turquie pourtant polarisée politiquement, y compris sur des questions de conduite de la politique étrangère. Il permet à Ankara d’accéder à la Méditerranée centrale, favorisant à terme la structuration d’une coopération avec l’Italie sur la Libye, mais également une projection aux arrières de la Grèce, avec en toile de fond une relation stratégique turco-albanaise florissante[20] au moment où les relations entre Athènes et Tirana connaissent des perturbations. Il n’est sans doute pas fortuit que la Grèce a annoncé vouloir acquérir une quatrième FDI Belh@rra et équiper trois de ses quatre nouveaux navires avec des missiles de croisière navals capables de frapper à 1000km[21]. Cela lui permettrait d’exercer de la dissuasion sur de plus grands espaces en esquivant le piège d’une surextension qui deviendrait intenable face au format de l’outil naval turc. Enfin, un ancrage pérenne en Libye permet à la Turquie de s’ouvrir vers le Sahel, et, conjugué à une empreinte croissante en mer Rouge, de contraindre la projection régionale de l’Égypte. Et c’est précisément ce qui se profile.
À la faveur d’une nouvelle crise relative à la répartition des revenus pétroliers entre factions rivales[22], la Turquie cherche à consolider davantage sa présence en Libye. D’abord, en tentant d’établir des liens avec l’est du pays. Mais surtout en se rapprochant de l’Égypte, y compris sur le théâtre somalien. En effet, en 2024 Mogadishu a passé des accords de sécurité avec la Turquie[23] et l’Égypte[24], permettant l’envoi de matériel militaire égyptien en Somalie après plusieurs décennies[25]. Cela s’intègre en réalité au différend égypto-éthiopien, dont l’enjeu en matière de sécurité hydrique est vécu comme existentiel par l’Égypte. Dans la foulée, 12 ans après sa dernière visite, Al-Sissi fut reçu en grandes pompes à Ankara, où il a néanmoins réitéré le besoin de voir partir « les forces étrangères illégitimes et les mercenaires » de Libye[26], ce à quoi le président turc n’a pas réagi. Si l’Égypte n’est pas dupe quant aux desseins d’Ankara — qui n’a renoncé à aucune de ses revendications en Méditerranée orientale et ne lâche pas prise en Libye — la dimension somalo-éthiopienne de ce rapprochement n’est pas à sous-estimer, y compris du fait que les États-Unis soutiennent l’implication turque en Somalie[27]. Or, une synergie turco-égyptienne en Somalie qui permettrait au Caire de renforcer sa position face à Addis-Abeba pourrait finir par impacter la posture égyptienne en Méditerranée orientale et en Libye dans une direction potentiellement défavorable à la Grèce. Et ce, alors même que l’UE n’a pas de position commune solide sur le dossier libyen et que la Turquie continue de refuser les contrôles effectués dans le cadre de l’opération IRINI[28].
Du point de vue de l’immigration clandestine, l’Égypte est également un pays-clé pour la Grèce, en raison de la tournure prise par le conflit à Gaza (et désormais au sud Liban)[29], et de la situation libyenne qui ne s’améliore pas. La Crète, dont la valeur stratégique s’est considérablement accrue ces dernières années, ainsi que Gavdos — qui fait partie des îles que la Turquie considère comme étant à « statut indéterminé » — reçoivent depuis le printemps 2024 des milliers de migrants au départ de l’Égypte et de la Libye.
Localisation de la Crète et de Gavdos
Source : capture d’écran Google maps (2024)
Une Égypte solide, capable de maintenir un cours des choses en Libye qui soit compatible avec les préoccupations grecques est donc essentielle ; à l’antipode, son effondrement constituerait un séisme géopolitique pour l’ensemble de la région et une très mauvaise nouvelle pour l’UE, Israël et les États-Unis. D’où une série d’initiatives, dont certaines impliquent la Grèce, pour tenter de consolider le pays et conserver sa compatibilité avec le dispositif stratégique occidental.
Au niveau bilatéral, la mise en place d’un Haut conseil de coopération gréco-égyptien a été convenue en mars 2024[30]. Au niveau régional, le partenariat Chypre-Grèce-Égypte a été reconfirmé au lendemain-même de la visite d’Al-Sissi à Ankara[31]. Au niveau européen, la Grèce a activement promu l’établissement d’un partenariat euro-égyptien stratégique et global[32]. Financé à hauteur de 7,4 milliards d’euros sur quatre ans[33], il a été doublé d’une assistance militaire de 20 millions d’euros au titre de la Facilité européenne pour la paix en vue de « (…) renforcer les capacités des forces armées égyptiennes en matière de contrôle territorial, pour ainsi améliorer leur capacité à réagir aux menaces pour la sécurité sur l’ensemble du territoire égyptien, en particulier dans la région occidentale »[34]. En outre, c’est l’ancien ambassadeur égyptien auprès de l’UE qui a remplacé Sameh Shoukry aux Affaires étrangères, suggérant une volonté de rapprochement euro-égyptien. Enfin, les difficultés que connaît la diplomatie américaine au Moyen-Orient ont contraint Washington à passer outre ses principes énoncés et à débloquer inconditionnellement une aide militaire de 1,3 milliards de dollars[35], confirmant Le Caire dans sa zone de confort de « too big to fail » stratégique.
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La Grèce face au triangle Chypre-Israël-Turquie et en toile de fond le jeu américain
La détente entre la Grèce et la Turquie se poursuit et les deux gouvernements maintiennent une rhétorique allant dans le sens d’une résolution de leur différend. L’exclusion d’un ancien premier ministre grec du parti dirigeant pour avoir accusé le gouvernement de succomber aux prétentions turques, ainsi que la démission du directeur général du ministère grec des Affaires étrangères qui dénonce une diplomatie secrète et un manque d’information par sa hiérarchie sur la teneur des contacts gréco-turcs (au point, selon lui, d’être mis en porte-à-faux auprès d’homologues étrangers demandeurs de renseignements sur le processus en cours), suggèrent que le rapprochement actuel pourrait être quelque chose de plus qu’un apaisement provisoire (et commode) pour les deux parties. Et ce, alors même que quelques incidents ont permis à Ankara de rappeler qu’accalmie ne vaut pas repli, notamment en rapport à la volonté de la Grèce de créer des parcs naturels en mer Égée[36], à la pose du câble électrique Great Sea Interconnector (financé par l’UE) devant relier la Grèce à Chypre et à Israël et, d’une façon générale, à la planification spatiale préconisée par l’UE en mer Égée et en Méditerranée orientale[37]. En parallèle, l’intégration de la doctrine géopolitique maritime turque dans les manuels scolaires[38] confirme la volonté d’acculturation transgénérationnelle au révisionnisme, un élément jugé préoccupant par la Grèce, mais aussi par la Commission européenne[39]. Le changement de commandement de la 4ème Armée turque (ou « Armée de la mer Égée ») est également à signaler. Postée face aux îles grecques, cette formation dispose de la plus grande force de débarquement de Méditerranée et n’est pas intégrée à l’OTAN, précisément du fait qu’elle vise un autre membre de l’Alliance. Or, des médias d’opposition turcs en exil ont pointé cette évolution comme devant inquiéter la Grèce en raison du pédigrée du nouveau commandant. Patron du renseignement militaire de 2017 à 2019, le général Irfan Ozsert ferait partie des officiers anti-atlantistes fidèles à R. T. Erdogan et serait spécialisé dans les opérations clandestines, notamment en Libye où il aurait orchestré le transfert de jihadistes syriens[40]. Concernant l’immigration clandestine, les passeurs turcs ont augmenté le degré de violence (utilisation d’armes à feu, attaques directes sur les patrouilleurs grecs), tout en étendant leur activité le long la frontière maritime pour forcer l’éparpillement des forces. Le piège est double : soit, par la hausse du niveau de violence, espérer une bavure, à l’heure où les garde-côtes grecs sont dans le collimateur d’ONG, avec le soutien d’images fournies par les drones de reconnaissance turcs ; soit les empêcher de répondre proportionnellement pour justement éviter toute bavure et ses conséquences politico-médiatiques. Dans les deux cas, le but est de restreindre leur capacité à stopper les embarcations à la limite des eaux territoriales où les autorités turques sont tenues de venir les récupérer en vertu des accords. La stratégie est évidente et le rôle des autorités turques dans ce schéma peut être questionné, en dépit de la poursuite des consultations entre garde-côtes grecs et turcs. En effet, alors que la « trêve » est globalement respectée dans les airs, la Commission européenne rapporte une recrudescence des violations des eaux territoriales grecques par la Turquie par rapport à 2023, ainsi qu’une augmentation de 172% des arrivées clandestines, notamment par voie maritime, alors qu’elles sont en chute de 58% en Italie voisine[41]. Enfin, un nombre croissant d’incidents violents impliquant la mafia turque en Grèce est à relever. Cela atteste d’une porosité qui interroge, plus encore, lorsque l’on connaît la longue tradition d’interpénétration entre milieux mafieux et nationaliste en Turquie — qui remonte à l’ère kémaliste — et que des membres de ces groupes ont rejoint la Grèce en tant que migrants et ont demandé le droit d’asile en se présentant comme partisans du PKK ou de la confrérie de feu F. Gulen[42].
À cela il faut ajouter l’impasse sur la question chypriote. En effet, l’île est chaque jour un peu plus dépassée par sa propre valeur stratégique, conduisant à davantage de polarisation. Ainsi, la Turquie maintient sa position en faveur de la reconnaissance de la république sécessionniste du nord de l’île, ce que la Grèce refuse de discuter, car contraire aux résolutions du Conseil de Sécurité et au cadre de négociations fixé par l’ONU, qui préconise un modèle de fédération bizonale et bicommunautaire. Dans le même temps, Chypre s’avère utile pour Israël, ce qui lui a valu des menaces directes de la part de feu H. Nasrallah[43], mais aussi de la part de la Turquie, qui a mis en garde la Grèce et Chypre contre leur implication dans le conflit moyen-oriental[44]. Cela dit, cette implication est aussi liée aux bases souveraines britanniques sur l’île, sur lesquelles Nicosie — qui nie toute contribution de nature militaire au conflit moyen-oriental — n’a pas juridiction. Enfin, Chypre poursuit son intégration au dispositif stratégique américain. Évoluant en parallèle avec l’incertitude quant à la fidélité stratégique la Turquie à l’Occident[45], cette coopération américano-chypriote connaît un nouvel essor en fin de mandat de J. Biden, avec la signature d’un accord en matière de défense[46], suivie de l’amorce du dialogue stratégique entre les deux États[47] et de la visite du président chypriote à la Maison Blanche, la première depuis 1996[48]. Cette tournure des choses déplaît naturellement à Ankara[49]. Or, les relations turco-américaines sont précisément entrées dans une phase intéressante.
Au plus bas depuis l’avènement de J. Biden, elles connaissent un rebond depuis le début 2024. Cependant, cette amélioration confirme en réalité l’emprise des États-Unis sur la Turquie, notamment via le vecteur de la puissance aérienne, schéma dans lequel la Grèce tient une place prépondérante. En effet, ce sont les États-Unis qui ont fini par avoir le dernier mot sur la question de la vente et modernisation de F-16 à la Turquie, lorsqu’ils ont menacé de livrer des F-35 à la Grèce sans débloquer les F-16 si Ankara ne levait pas son véto à l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Dans une telle configuration, une Grèce dotée de 30 Rafale, de 83 F-16 Viper et de 20 — voire 40 — F-35 d’ici la fin de la décennie aurait eu un avantage opérationnel tout à fait conséquent pour les années à venir. La Turquie a donc d’abord validé l’adhésion suédoise, avant que la Maison Blanche n’envoie au Congrès sa requête pour le déblocage des F-16. Un processus facilité par la neutralisation de fait — et arrivant à point nommé — du sénateur démocrate Menendez[50], figure emblématique du blocage de la livraison des F-16 turcs par le Congrès. Une fois cette brèche des F-16 ouverte, les cercles du Département d’État qui continuent d’espérer une Turquie dans le giron occidental ont tenté d’exploiter la dynamique en remettant sur la table la livraison des F-35 si Ankara renonçait aux S-400 russes[51]. Or, un tel scénario serait la négation-même de la logique d’autonomie stratégique turque, d’où le déni que de telles tractations seraient en cours[52]. Par ailleurs, le développement du chasseur national KAAN et la volonté de se procurer 40 Eurofighter[53], ainsi que la mise en place d’un escadron commun avec le Qatar composé de F-16 turcs et de Rafale et Eurofighter qataris[54], montrent bien que la Turquie cherche à desserrer l’étau américain sur sa force aérienne, mais aussi à contrebalancer l’avantage procuré à l’armée de l’air hellénique par l’acquisition du Rafale et des F-35, et qui a pu susciter les vives inquiétudes de la communauté d’analyse stratégique turque.
Plus symptomatique encore de cette difficulté de la Turquie à marquer son territoire vis-à-vis des Américains, un exercice naval commun en Méditerranée orientale a été dissimulé par le ministère turc de la Défense[55], sans doute parce qu’en dissonance complète avec le discours dominant. D’autant que les navires américains impliqués auraient mouillé à Chypre et participé du soutien à Israël, deux chiffons rouges pour Ankara — du moins théoriquement. À cela s’ajoutent des rumeurs selon lesquelles la base de radars de Kurecik aurait été utilisée pour contrer l’attaque des missiles iraniens sur Israël en avril, rumeurs forcément démenties par R. T. Erdogan[56], même si l’Iran n’a jamais été dupe quant au but de ces installations[57].
L’accumulation de ces contradictions entre discours et actions n’a pas échappé à certaines factions nationalistes qui, chauffées à blanc par la surenchère rhétorique autour du conflit à Gaza, ont tenté de lyncher deux militaires américains dans la région d’Izmir[58].
Ce tableau révèle finalement les difficultés inhérentes à la posture de la Turquie. Rattrapée par les réalités de son voisinage et de son économie, et par les limites de son autonomisation stratégique, elle ne peut miser sur un monde post-occidental avec la même assurance que d’autres acteurs du « Sud global », contrairement aux orientations préconisées par les cercles eurasianistes/ « Sud-globalistes » turcs qui ont gagné en influence ces dernières années. Cependant, le discours de grande puissance qu’elle a formulé au fil des ans auprès de son auditoire interne et d’une certaine clientèle internationale extra-occidentale l’oblige à dissimuler ces limites, même si la décision des BRICS de ne lui accorder qu’un statut d’observateur et non de membre suggère que les leaders du « Sud global » sont eux aussi conscients de la nature du jeu turc. Cette ambiguïté se traduit également dans la relation avec Israël où, au fur et à mesure du temps, l’agressivité rhétorique turque s’avère être largement un écran de fumée.
En effet, les relations diplomatiques avec Israël se poursuivent, malgré les qualifications d’Israël comme « État terroriste ». En outre, c’est davantage B. Netanyahu qu’Israël qui est visé par R. T. Erdogan, lequel sait qu’il devra tôt ou tard rétablir des relations correctes avec l’État hébreu. D’une part pour des raisons économiques, même si, toujours contrairement au discours officiel, le commerce turco-israélien n’est pas à l’arrêt mais passe par des États tiers (dont la Grèce) ou est camouflé en commerce avec les Palestiniens. En témoigne la multiplication des actions conduites par des activistes propalestiniens dans les ports turcs contre des navires suspectés de commercer avec Israël[59]. D’autre part pour des raisons stratégiques : un positionnement solide en Méditerranée orientale exige pour la Turquie de bonnes relations avec Tel Aviv. Or, le choix israélien de s’engager dans un partenariat avec la Grèce et Chypre s’avère payant et fait — avec des nuances — l’unanimité dans la communauté de réflexion stratégique israélienne. En substance, une partie espère un jour renouer avec la Turquie tout en conservant le partenariat avec la Grèce et Chypre, qui n’est pas vu comme opportuniste ; une autre partie, plus intransigeante, évoque même un « alignement » avec la Grèce et Chypre dans une logique de découplage avec la Turquie[60]. Or, plus ce partenariat — notamment dans sa dimension sécuritaire et opérationnelle – s’approfondit, plus il sera difficile pour la Turquie de le détricoter à l’avenir. Il n’est sans doute pas fortuit que la frappe sur le port de Hodeidah en juillet 2024, qui est une opération très exigeante en raison des distances à parcourir (environ 4000 km aller-retour), ainsi que les frappes contre l’Iran à l’automne, qui ont engagé une centaine d’avions israéliens, ont été précédées d’exercices conduits avec l’armée de l’air hellénique. Ces derniers ont précisément impliqué de nombreux appareils (dans un cas, pas moins de 56 F-16 grecs ont été mobilisés) et porté sur des frappes à longue distance et du ravitaillement en vol[61]. Plus généralement, les pilotes israéliens se disent satisfaits de leur entraînement en Grèce ces dernières années, en raison à la fois de la performance de leurs collègues grecs et de la morphologie du pays — notamment du Péloponnèse — qui évoque celle de l’Iran (relief montagneux, crêtes enneigées en hiver).
En outre, dans un échange lors d’un évènement en ligne avec l’ex ambassadeur américain en Turquie, D. Satterfield, celui-ci s’est montré confiant quant à la résilience des Accords d’Abraham, notamment dans la perspective de voir l’Arabie Saoudite signer un accord de défense avec les États-Unis, dont une des exigences sera la normalisation des relations israélo-saoudiennes. En revanche, il reconnaît que la guerre à Gaza a augmenté le prix de cette normalisation, qui passe par la relance d’une solution à deux États.
De ces éléments, il découle que la Turquie n’arrive toujours pas à trouver un rôle à la hauteur de ses ambitions au Moyen-Orient et n’arrive ni à détrôner l’Égypte et les monarchies du Golfe dans la gestion du conflit à Gaza, ni à exploiter la situation pour enterrer les Accords d’Abraham.
Au final, l’hypothèse insupportable d’une reprise de la main-mise américaine sur la stratégie turque en Méditerranée orientale hante Ankara. Les tentatives d’engagement de ses voisins sur une base bilatérale visent à éviter l’implication américaine, au moins en attendant de voir les intentions de la nouvelle administration.
Or, le premier mandat de D. Trump n’a pas été facile pour R. T. Erdogan, malgré le fait que le tempérament des deux hommes et leur penchant pour le transactionnalisme ont facilité leur communication directe. C’est bien sous D. Trump et M. Pompeo que la Turquie a été éjectée du programme des F-35, que de dures sanctions ont été imposées sur son industrie de défense[62], qu’elle a fait l’objet d’un recadrage au sein de l’OTAN pour son agressivité à l’égard de la Grèce et son acoquinement avec la Russie[63], que les Accords d’Abraham ont été signés, et que le Congrès a adopté le « East Med Act»[64] et bloqué la livraison des F-16 turcs sous l’impulsion trans-partisane des sénateurs Menendez (parti Démocrate) et Rubio (parti Républicain) qui ont également soutenu la reconnaissance du génocide arménien. Et si, malgré des espoirs grecs, M. Pompeo (qui avait été pressenti pour le Département de la Défense) n’a pas été retenu par D. Trump, c’est M. Rubio qui a été désigné comme futur patron du Département d’État, alors que Tulsi Gabbard, qui, par le passé, s’est exprimée chaleureusement à l’égard de la Grèce et franchement contre la Turquie d’Erdogan[65], a été nommée à la tête du renseignement. Si des prises de position antérieures ne postulent pas leur répétition, la nouvelle administration Trump réserve néanmoins de nombreuses inconnues pour Ankara. En effet, si elle applique une politique pro-israélienne encore plus marquée et relance la stratégie de pression maximale sur l’Iran, le coût de la posture turque sur le conflit à Gaza — qui est resté relativement faible dans la relation turco-américaine[66] — pourrait augmenter. En outre, dans un contexte de recrudescence des tensions sur la question kurde en Turquie, les choix américains en Syrie seront critiques pour Ankara, ce qui n’est pas sans rapport avec la tournure que prendra la relation russo-américaine. Là aussi, si D. Trump décidait de rétablir le contact direct avec V. Poutine (chose probable), voire de desserrer l’étau des sanctions (chose moins évidente mais pas impossible), la Turquie verra son double rôle de médiateur et de hub de contournement des sanctions — et donc une partie de sa rente géopolitique — se réduire.
Ainsi, alors qu’Athènes — à tort ou à raison — se montre confiante quant au fait que l’administration Trump ne changera pas fondamentalement son approche de la Grèce (étant donné le caractère trans-partisan du soutien américain, qu’elle a cherché par ailleurs à confirmer dès avant les élections[67]), la Turquie, elle, est confrontée à une incertitude plus grande. Peut-être est-ce là une des explications du choix d’Ankara de maintenir la dynamique de détente avec Athènes afin d’éviter un impondérable supplémentaire, ce qui, à son tour, pousse la Grèce à croire qu’il y a là peut-être une rare occasion d’aller au-delà d’une simple accalmie selon des termes qui relèveraient de l’acceptable, le tout étant favorisé par un contexte de domination politique du parti dirigeant inédite depuis 1974. De ce point de vue, la manière dont le mandat Trump influera sur la posture turque pourrait être porteuse d’évolutions.
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Au final, la poursuite du développement de la relation avec les États-Unis, la recherche d’une plus grande implication de l’UE sur les grands défis stratégiques et sécuritaires du flanc sud-est de l’Europe, le désamorçage de la pression turque, et la poursuite de sa modernisation militaire restent pour la Grèce la boîte à outil principale pour faire face à un morcellement de son environnement méridional qui, en cas d’immobilisme, pourrait avoir des conséquences extrêmement néfastes pour elle-même et pour l’UE.
[1] Union des armateurs grecs (UGS) : “The contribution of shipping to the Greek economy”, 2023 ; Eurostat : “Water transport employed 297 000 people in 2023”, 25/06/2024.
[2] Baltic Exchange: “Xinhua-Baltic International Shipping Center Development Index Report”, 2024, p. 14-16.
[3] Ministère grec de la défense : “Meeting of the Minister of National Defence Nikos Dendias with the High Representative of the European Union for Foreign Affairs and Security Policy Josep Borrell and Joint Visit to the HQ of Operation “ASPIDES” (OHQ EUNAVFOR ASPIDES) at the 1st Army/EU-ΟHQ “ACHILLEAS””, 05/07/2024; Premier ministre grec : “Prime Minister Kyriakos Mitsotakis’ interview on CNN with journalist Julia Chatterley”, 13/07/2024.
[4] “Centaur: The New Combat-Proven C-UAS System By Hellenic Aerospace Industry”, Naval News, 18/07/2024.
[5] “Iran utilizes Turkey as a support hub for Yemeni proxy the Houthi rebels”, The Nordic Monitor, 11/01/2024 ; “Russia, Turkey, Iran Condemn Attack on Yemeni Houthis “, Voice of America, 12/01/2024 ; “US officials concerned Israeli offensive on Hezbollah could drag in Russia”, Middle East Eye, 28/06/2024 ; “U.S. Launches Effort to Stop Russia From Arming Houthis With Antiship Missiles”, The Wall Street Journal, 19/07/2024 ; “Exclusive: US intelligence suggests Russian military is advising Houthis inside Yemen”, Middle East Eye, 02/08/2024 ; “Russia Provided Targeting Data for Houthi Assault on Global Shipping”, The Wall Street Journal, 24/10/2024 ;
[6] “Who Are the Houthis and Why Did the US and UK Launch Strikes on Them?”, Voice of America, 12/01/2024 ; “US says B-2 bombers attacked Houthi targets in Yemen”, Aljazeera, 17/10/2024 ; “UK, US carry out air strikes on Yemen, including Sanaa”, Aljazeera, 10/11/2024.
[7] Par exemple, interview de l’amiral Pascal Ausseur (FMES) pour B2 : « ASPIDES. A purely defensive operation that solves nothing. Forgotten geopolitical issues », 08/04/2024.
[8] “German Navy Confirms Its Supersized Frigate Will Avoid The Red Sea”, The War Zone, 04/11/2024.
[9] “Houthis Attempting to Intimidate and Threaten German Shipowners”, The Maritime Executive, 18/11/2024.
[10] “Spain will not intervene in Red Sea – defence minister”, Reuters, 12/01/2024.
[11] “‘From the river to the sea:’ Israel condemns Spain’s deputy PM’s comments”, Agence Anadolu, 23/05/2024; “Spain-Israel tensions soar as Madrid throws support behind Palestine”, Al Jazeera, 06/06/2024.
[12] “Egypt’s Suez Canal Revenues Fall Over Regional Tensions”, The Shipping Telegraph, 10/10/2024.
[13] “Egypt signs expanded $8 billion loan deal with IMF”, Reuters, 06/03/2024; “IMF Sends $820M to Egypt After Successful 3rd Loan Review”, Egyptian Streets, 30/07/2024.
[14] “Egypt overhauls cabinet as economic pressures, power cuts persist”, Reuters, 03/07/2024.
[15] “Egypt announces $35 billion UAE investment on Mediterranean coast”, Reuters, 23/02/2024 ; “Saudi Arabia’s Public Investment Fund Set to Invest USD 5 Billion in Egypt”, Egyptian Streets, 17/09/2024.
[16] Voir Pierre Razoux : « Reconfigurations stratégiques au Moyen-Orient », Défense, Union-IHEDN, No 219, mars-avril-mai 2024.
[17] Organisme Général de l’Information de la Présidence égyptienne : « Chief-of-staff of Armed Forces witnesses main phase of MEDUSA-13 in Greece », 22/10/2024.
[18] Présidence turque : “We must have a strong and effective navy in order to live in peace on our lands”, 24/08/2024.
[19] “Libya: Greek rescuers among those killed in road collision”, BBC, 18/09/2024.
[20] “Turkey, Albania upgrade ties to strategic partnership”, Agence Anadolu, 07/01/2021; Ministère albanais des affaires étrangères : “Ankara, Minister Xhaçka: Türkiye is a key partner for Albania and the entire region”, 02/11/2022; “Albania signs deal to acquire three Turkish Bayraktar drones”, Reuters, 20/12/2022; “Berisha: Turkey ‘intervened’ in 2009 Greece-Albania maritime deal”, Euractiv, 21/12/2022; “Greece annoyed by Albania-Turkey drone deal”, Euractiv, 22/12/2022; “Turkey, Albania agree on defence, environment, media”, SeeNews, 21/02/2024; “Albanian premier: Unforgettable helpful acts by Türkiye cemented its support for Albania, Kosovo”, Agence Anadolu, 20/02/2024; Mission de l’Albanie auprès de l’UE : “Minister Hasani meets Hakan Fidan: Let’s further strengthen the Albania-Turkey strategic partnership”, 04/07/2024; “Albania to get kamikaze drones from Turkey – PM Rama”, Reuters, 10/10/2024; “President Erdoğan inaugurates largest mosque in Balkans”, Daily Sabah, 10/10/2024.
[21] « La Grèce veut acquérir une quatrième FDI et des missiles de croisière navals », Mer et Marine, 20/09/2024.
[22] “Libya’s oil output falls more than half due to political standoff”, Reuters, 29/08/2024.
[23] “Somalia authorises Turkey to defend its sea waters in ‘historic’ deal”, Middle East Eye, 21/02/2024.
[24] “Somalia, Egypt sign defense pact to bolster security cooperation”, Agence Anadolu, 14/08/2024.
[25] “Egypt sends arms to Somalia following security deal, sources say”, Reuters, 29/08/2024.
[26] Présidence égyptienne : “President El-Sisi’s Speech at Joint Press Conference with Turkish President Erdoğan”, 04/09/2024.
[27] Département d’État américain : “Joint Statement from the Somalia Quint ”, 03/10/2024.
[28] “Libya: Turkey Denies Inspection of Operation Irini for Twelfth Time”, Agenzia Nova, 10/09/2024.
[29] “European Mediterranean states discuss Middle East, migration”, France24, 11/10/2024.
[30] “Greece and Egypt to deepen ties, forming High-level Cooperation Council”, Athens-Macedonian News Agency (AMNA), 17/03/2024.
[31] Service d’information étatique égyptien: “Egypt discusses with Greece, Cyprus preparations for 10th trilateral summit”, 06/09/2024.
[32] “PM Mitsotakis: ‘The stability and prosperity of Egypt is of critical importance to the EU’”, AMNA, 17/03/2024.
[33] Commission européenne : “Press statement by President von der Leyen with Austrian Chancellor Nehammer, Belgian Prime Minister De Croo, Cypriot President Christodoulidis, Greek Prime Minister Mitsotakis, Italian Prime Minister Meloni and Egyptian President El-Sisi”, 17/03/2024.
[34] Conseil de l’Union européenne : « Facilité européenne pour la paix: le Conseil adopte une mesure d’assistance afin de soutenir les forces armées égyptiennes », 05/11/2024.
[35] “US grants Egypt $1.3 billion in military aid, overriding rights conditions”, Reuters, 12/09/2024.
[36] Ministère turc des Affaires étrangères : « No : 58, 9 avril 2024, Concernant l’annonce de la Grèce sur la création d’un parc marin en mer Égée », 09/04/2024 ; Ministère grec des Affaires étrangères : « Communiqué du ministère des Affaires étrangères concernant le communiqué émis hier par le ministère turc des Affaires étrangères », 10/04/2024.
[37] Ministère turc des Affaires étrangères : « No: 235, 16 November 2024, Regarding Maritime Spatial Planning of the European Union », 16/11/2024.
[38] “Blue Homeland’ debuts at Turkish schools”, Kathimerini, 13/09/2024.
[39] Commission européenne : “Turkiye 2024 report”, 30/10/2024, p. 31.
[40] “The new commander of Turkey’s Aegean Army signals potential trouble for Greece, NATO allies”, Nordic Monitor, 15/08/2024.
[41] Commission européenne : “Turkiye 2024 report”, 30/10/2024, p. 55 et 39.
[42] “Turkish mafia posing hybrid threat”, Kathimerini, 16/09/2024.
[43] “Hezbollah chief Nasrallah threatens Israel, Cyprus if Gaza war spills over”, France24, 19/06/2024.
[44] “Turkey warns Greece and Cyprus to avoid Middle East conflicts”, Kathimerini, 25/06/2024.
[45] “US partially lifts three-decade-old arms embargo on Cyprus”, France24, 02/09/2020 ; “Turkey condemns U.S. decision on Cyprus arms embargo”, Reuters, 17/09/2022 ; “American Fighter Jets Fly Over Turkish Occupied Cyprus”, Greek Reporter, 26/10/2022 ; “New Jersey National Guard signs Partnership Agreement with Republic of Cyprus National Guard”, U.S. Embassy in Cyprus, 30/03/2023 ; “Turkey lashes out at US over warship anchored in Cyprus”, Al-Monitor, 18/05/2023 ; “2023 U.S.-Republic of Cyprus Defense and Security Cooperation Dialogue”, U.S. Department of Defense, 01/06/2023 ; “Turkey to raise Cyprus issue at Nato summit”, Cyprus Mail, 19/06/2023 ; “Lifting of Defense Trade Restrictions on the Republic of Cyprus for Fiscal Year 2024”, U.S. Department of State, 18/08/2023.
[46] Département américain de la défense : “U.S.-Republic of Cyprus Roadmap for Bilateral Defense Cooperation”, 10/09/2024.
[47] “US and Cyprus launch a strategic dialogue to bolster security”, AP News, 23/10/2024.
[48] “Christodoulides at the White House – U.S. President Expresses Support for a Solution to the Cyprus Issue”, The National Herald, 31/10/2024.
[49] “Turkey condemns US-Cyprus defense deal, urges Washington to ‘reconsider’”, Al-Monitor, 11/09/2024.
[50] “Sen. Bob Menendez guilty of taking bribes in cash and gold and acting as Egypt’s foreign agent”, AP News, 17/07/2024.
[51] “US Open to Turkey F-35 Talks If Dispute Over Russian Air Defenses Is Resolved”, Bloomberg, 30/01/2024.
[52] “Türkiye rebuffs claims of proposal to keep S-400s ‘in boxes’ for F-35s”, Daily Sabah, 29/08/2024.
[53] “Germany says Britain taking lead on possible Eurofighters for Turkey”, Reuters, 19/10/2024.
[54] “Qatari-Turkish joint squadron to boost interoperability, training and security: Experts”, Breaking Defense, 28/08/2024.
[55] “Unraveling the undisclosed US-Türkiye naval exercise”, Yetkin Report, 26/08/2024.
[56] “Erdogan denies Turkish radars used in effort to down Iranian missiles headed for Israel”, Times of Israel, 26/04/2024.
[57] “Iran: NATO radar in Turkey serves to protect Israel”, Ynet, 10/05/2011.
[58] “Two US Marines assaulted by Turkish nationalists”, Reuters, 03/09/2024.
[59] “Guards fire into the air during protest at İstanbul port against docking of Israeli ship”, Turkish Minute, 01/11/2024; “Video: Turkish Pro-Palestinian Protestors Stage Sit-In on German Cargo Ship”, The Maritime Executive, 04/11/2024.
[60] Par exemple : “As Tensions Escalate in the North, Israel’s Hellenic Alignment Becomes Ever More Important”, Jerusalem Institute for Strategy and Security (JISS), 08/09/2024; “What many Westerners don’t get about the Gaza war”, JISS, 16/09/2024.
[61] “Air Force stages major drill in Greece practicing potential long-range strike on Iran”, The Times of Israel, 14/09/2023 ; Armée de l’air hellénique: “Co-training Between HAF and Israeli Air Force”, 31/05/2024.
[62] Département d’État américain : “The United States Sanctions Turkey Under CAATSA 231”, 14/12/2020.
[63] “In Parting Shot, Pompeo Rebukes Turkey at NATO Meeting”, Reuters, 14/12/2020.
[64] Foreign Relations Committee : “Congress Passes Menendez-Rubio Bill Reshaping U.S. Policy in Eastern Mediterranean”, 20/12/2019.
[65] Voir, par exemple : son discours de 2019 auprès de la communauté grecque-américaine ; « Tulsi Gabbard slams ‘Islamist megalomaniac’ Erdogan over Syrian proxies », i24, 31/10/2019 ; « Trump’s incoming Director of National Intelligence: ‘Erdoğan is not our friend’ », Medya News, 15/11/2024.
[66] “Turkey is anchored in the West despite split on Gaza, US envoy says”, Reuters, 12/06/2024.
[67] “Greek PM Mitsotakis Meets with U.S. Senators on Crete”, The National Herald, 05/10/2024.