Par Aris Marghelis, chercheur associé à la FMES
En dépit d’un apaisement avec la Turquie, la chute de Damas et la « méthode Trump » sur les questions internationales ont projeté la Grèce dans une phase d’incertitude. Du point de vue stratégique, la conjonction de ces éléments a permis à la Turquie, sans recourir à la confrontation, de s’en prendre au « vivier stratégique » de la Grèce : ses partenariats de défense ; sa juridiction maritime ; sa supériorité aérienne ; son sanctuaire européen. Comment la Grèce peut-elle enrayer cette mécanique ? Elle doit défendre plus dynamiquement ses droits en mer, tenter de rétablir des leviers sur l’évolution de la défense européenne, revigorer ses relations avec les États-Unis et Israël, et enfin réévaluer le facteur russe dans ses calculs stratégiques.
Deux éléments survenus ces derniers mois rebattent les cartes pour la Grèce. D’abord, la prise de Damas par les proxys islamistes de la Turquie, qui a modifié les équilibres au Moyen-Orient et impacte à la fois la Méditerranée orientale et la perception de la Turquie en Europe. Puis, l’approche Trump des dossiers ukrainien et palestinien qui cristallise des pratiques subversives en matière de politique internationale, a priori favorables à la manière dont la Turquie se meut sur l’échiquier mondial. Conjugués à l’apaisement gréco-turc actuel, ces deux éléments ont conduit à un renforcement de la position turque dans le paysage stratégique européen et régional. Les enjeux pour la Grèce sont considérables et la période actuelle à risque. D’où venons-nous ? Quelle situation se profile ? Quelles sont les options de la Grèce ?
La séquence 2019-2023
Face à la poussée turque en Méditerranée orientale, la séquence 2019-2023 a été celle d’une politique régionale volontariste de la Grèce. Elle a tissé des partenariats de défense, notamment avec la France, l’Égypte et les monarchies du Golfe. Par une mise en lumière efficace des agissements turcs et ses soutiens au Congrès américain, elle a participé de l’assèchement des relations turco-occidentales en matière d’armement. En outre, elle s’est érigée en régulateur des relations euro-turques, tout en s’efforçant de faire de la protection de ses frontières une affaire européenne et d’établir un parallèle entre les menaces russe et turque afin de sensibiliser l’Europe orientale à ses enjeux sécuritaires (en substance : « la Turquie est pour moi ce qu’est la Russie pour vous »). Enfin, au vu des incertitudes suscitées par la posture turque sur les conflits d’Ukraine et de Gaza, elle s’est posée en pivot énergétique et militaire occidental situé à mi-chemin entre ces deux théâtres. Cette politique, efficace, lui a permis de contenir l’agressivité turque et de gagner un temps précieux pour relancer sa modernisation militaire et son économie, tout en accroissant son empreinte géostratégique.
La séquence 2023-2024
Les séismes de février 2023 et la solidarité de la Grèce avec son voisin ont mis un coup d’arrêt à l’agressivité turque. Cette phase a culminé en décembre 2023 avec la « Déclaration d’Athènes » — qui n’est pas juridiquement contraignante — par laquelle les deux États ont convenu de s’abstenir d’actions et déclarations pouvant troubler l’apaisement. Cependant, ce réchauffement n’a pas permis d’avancer sur les vrais sujets : les délimitations maritimes et l’organisation des équilibres stratégiques régionaux. L’année 2024 a été celle d’un lent et imperceptible glissement vers une accalmie devenue un but en soi et non le véhicule d’une dynamique organisée de résolution. C’est là que se cachait le danger que la Grèce a mal évalué. Soulagée par la baisse des tensions, elle a fermé les yeux sur la multiplication des signaux équivoques côté turc : une faiblesse qu’Ankara a bien identifiée. Dans ce contexte, la prise de Damas et l’arrivée de D. Trump aux affaires ont eu un effet accélérateur, changeant de fait les termes de l’apaisement gréco-turc en faveur de la Turquie.
Les effets de la chute de Damas
Survenue en décembre 2024, la prise de Damas par les forces de Hayat Tahrir al-Sham a rebattu les cartes au Moyen-Orient. La Turquie y a renforcé son influence et les paramètres de la question kurde — la seule réellement existentielle pour Ankara ‑ ont changé en sa faveur, en Syrie comme à l’intérieur, un processus qui a culminé avec la dissolution du PKK en mai 2025. Pour consolider ces nouveaux acquis, diluer l’utilité des Kurdes syriens pour l’Occident, et dégager les Américains de Syrie, la Turquie — qui avait un temps soutenu divers groupes islamistes[1] dont l’État Islamique[2] — tente d’afficher une situation apaisée et de s’ériger en champion de la lutte contre le terrorisme en proposant de monter une coalition régionale à cet effet[3]. Notons cependant que des analystes israéliens voient en cette manœuvre une volonté turque d’encercler Israël par la création d’un axe sunnite qui remplacerait l’axe shiite iranien.
S’il ne s’agit pas de pleurer B. el-Assad, une satellisation de la Syrie par la Turquie sur le modèle libyen est défavorable pour la Grèce. Suite à la prise de Damas, des officiels turcs ont évoqué un accord de délimitation maritime en gestation[4]. Calqué sur l’accord turco-libyen de 2019 qui enjambe la Grèce, celui-ci enjamberait Chypre au mépris de toute règle. Raison pour laquelle Athènes et Nicosie n’ont accepté qu’une suspension partielle des sanctions européennes sur Damas. La Turquie, elle, exige leur levée complète et inconditionnelle. Par ailleurs, l’effort avisé du gouvernement grec d’acculturer la population à un compromis gréco-turc (signe que la dynamique était prise au sérieux) a aussitôt cessé. En effet, un des arguments avancés était que, au vu des difficultés que la Turquie rencontrerait sur son flanc sud-est, elle pourrait être tentée par un compromis honorable avec la Grèce, et qu’il y a donc là une occasion à saisir (d’où la volonté de préserver une dynamique positive malgré l’accumulation des fausses notes côté turc). Or, cet argument a été emporté dans le tourbillon syrien, laissant la Grèce face à un apaisement qu’Ankara a habilement tourné en piège stratégique.
L’effet Trump
Le retour de D. Trump aux affaires a cristallisé des pratiques non-conventionnelles en matière de politique internationale : l’impensable est banalisé ; l’indiscutable est discuté ; les volte-face deviennent normalité ; l’on ne cherche plus à dénouer les nœuds gordiens mais à les trancher. En somme, l’heure est à la rapidité et aux approches simplifiées des problèmes internationaux. Ce sont ici les conséquences de la transition d’une stratégie de revitalisation du statu quo (J. Biden) à une vision subversive et volontariste pour s’imposer comme acteur dominant d’un monde condamné à se réorganiser autour des nouveaux rapports de force et donc autour de nouvelles règles (D. Trump). L’adoubement par D. Trump d’al-Sharaa — dont la tête était jusqu’à récemment mise à prix par les États-Unis — symbolise bien cette tendance. Or, la Grèce a ses propres nœuds gordiens avec la Turquie, notamment le zonage maritime en Méditerranée orientale et la question chypriote. Dans les deux cas, une solution politique hors du cadre établi (le droit de la mer pour le zonage maritime ; les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU pour Chypre) est précisément ce que recherche de longue date la Turquie. En substance, la méthode Trump favorise théoriquement le mode opératoire turc. Cependant, cela n’induit pas mécaniquement des prises de position favorables à la Turquie dans tous les domaines, car le transactionnalisme américain pourrait aussi avantager la Grèce si celle-ci trouve sa place dans l’équation des intérêts américains. Les évolutions dans ce domaine sont encore à attendre, puisque Washington reste opaque à la fois sur ses intentions en Méditerranée orientale et à l’égard de la Turquie, malgré une multiplication des signaux favorables envers Ankara depuis avril-mai 2025.
Un apaisement gréco-turc habilement manipulé par la Turquie
Précisément en raison de l’aptitude de la Grèce à rendre coûteuse l’agressivité turque, R. T. Erdogan a compris que l’apaisement pouvait offrir davantage d’opportunités pour détricoter point par point la « toile » grecque.
Premièrement, la Turquie a rétabli ses relations avec l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et l’Égypte, que la Grèce avait coalisé en 2020-2021. À cela s’ajoute la situation en Syrie et à Gaza qui force ces mêmes États à composer avec la Turquie pour ne pas lui laisser le terrain libre. Ainsi, si le besoin se présentait, il serait plus difficile pour Athènes de rallier ses partenaires arabes puisque la Turquie a adroitement investi ce schéma. En sus, la recherche de nouveaux équilibres avec la France sur des sujets d’intérêt turc (dont la Méditerranée orientale et la Syrie, mais aussi la mer Noire et l’Ukraine) est manifeste. En témoignent la récente visite de H. Fidan à Paris et le fait que R. T. Erdogan ne s’en prend plus directement à la France (la « relève » est assurée par Bakou).
Deuxièmement, la Turquie tente de rattraper méthodiquement le différentiel de puissance aérienne acquis par la Grèce, en mettant ses œufs à la fois dans le panier européen et américain pour accroître ses options. D’une part, Ankara veut acquérir 40 Eurofighter et les munir de missiles METEOR, ce qui annulerait l’avantage grec procuré par les Rafale déjà dotés de METEOR. Or, l’avantage technologique dans les airs est l’unique moyen pour la Grèce de compenser l’avantage quantitatif structurel turc. D’autre part, la Turquie souhaite toujours acquérir 40 nouveaux F-16 block 70 (la modernisation des 79 F-16 sera, elle, vraisemblablement confiée à son industrie de défense). Misant sur le transactionnalisme de D. Trump, elle redouble également d’efforts pour réintégrer le programme des F-35 et mettre fin aux sanctions américaines sur son industrie de défense. Cependant, malgré des avancées, aucun de ces programmes n’est à l’heure actuelle définitivement engagé, même si la pression du nouveau secrétaire général de l’OTAN pour lever toutes les restrictions en matière d’armement entre membres de l’Alliance présagent un dénouement positif pour Ankara[5].
Troisièmement, à chaque fois que la Grèce a tenté d’exercer ses droits au-delà de ses 6 miles nautiques d’eaux territoriales, la présence navale turque l’en a dissuadé, sans qu’Athènes, espérant toujours maintenir une dynamique positive, n’ose l’escalade. Le résultat est que le gouvernement grec a rebroussé chemin — provisoirement selon lui — sur sa volonté de créer des parcs naturels en mer Égée et sur la pose du câble électrique Crète-Chypre-Israël.
Quatrièmement, la Turquie s’est lancée à l’assaut du sanctuaire encore inviolé de la Grèce et de Chypre, l’Union européenne. Elle a ainsi enfoncé plusieurs portes, notamment par le vecteur de son industrie de défense, qui permet d’élargir les champs de coopération et d’installer des interdépendances de long terme. L’Europe orientale, que la Grèce a voulu sensibiliser sur ses propres préoccupations, a été méthodiquement investie par l’industrie de défense turque[6]. En particulier la Pologne avec laquelle la Grèce a déposé un projet commun de bouclier anti-aérien en 2024, qui manifeste désormais un immense enthousiasme à l’idée de coopérer avec la Turquie en matière de défense[7]. Athènes ne peut que constater l’échec de sa tentative de mettre sur le même plan la menace russe et turque. Sur l’axe méditerranéen, sur lequel la Grèce a tenté de constituer une communauté d’esprit vis-à-vis de la menace turque[8], la Turquie a également opéré une percée fulgurante en 2025. Le producteur de drones Baykar (dirigé par le gendre de R. T. Erdogan) a racheté le fleuron de l’industrie aéronautique italienne Piaggio et monte également une co-production avec la compagnie Leonardo ; fin avril 2025, R. T. Erdogan et G. Meloni ont ostensiblement confirmé leur partenariat stratégique[9]. La marine portugaise, elle, a opté pour des navires auxiliaires turcs. Enfin, confirmant son tropisme turc, l’Espagne se procure des avions d’entraînement Hürjet et multiplie les exercices militaires avec la Turquie, l’un d’entre eux simulant un débarquement amphibie en mer Égée[10]. Celui-ci intervient précisément à un moment où la Turquie accroît davantage ses effectifs et moyens de débarquement — déjà considérables — face aux îles grecques, selon un dispositif offensif et non défensif.
En matière de développement d’Europe de la défense, la Turquie semble désormais faire partie intégrante du paysage au nom de l’urgence stratégique, même si les paramètres de cette relation sont encore à établir. La marge d’Athènes et de Nicosie pour fixer les termes de cette association s’en trouve réduite, notamment du fait que le cadre n’est pas exclusivement communautaire. Le tout en fond de débats de plus en plus décomplexés sur la suppression du sacrosaint droit de véto sur les questions de politique étrangère de l’UE. Ainsi, la Turquie est en passe de faire sauter le « verrou grec » dans sa relation à l’UE. Pour enfoncer le clou, Ankara présente désormais son adhésion à l’UE comme son objectif stratégique principal, affirmant que la sécurité européenne sans elle est « inconcevable » ; plus encore, elle se présente comme le seul pays pouvant réellement assurer la sécurité de l’Europe et en faire un acteur mondial, tout en évoquant (les mots ont leur importance) « la préservation de l’atmosphère positive atteinte avec la Grèce, notre voisin »[11].
Le schéma devient évident : il s’agit de maintenir le plus longtemps possible la situation de neutralisation de la Grèce sous couvert d’apaisement, le temps de s’enraciner dans le paysage sécuritaire européen sans renoncer à aucune ambition expansionniste au préalable. Puis, une fois les leviers sur la défense européenne sécurisés et la capacité d’Athènes à user du filtre communautaire pour juguler les ardeurs turques désamorcée, Ankara pourra refermer le piège sur une Grèce isolée. Ce créneau est tellement rentable que même l’un des inspirateurs de la doctrine géopolitique maritime turque — dont la mise en œuvre induit mécaniquement l’effacement de la Grèce — insinue qu’il faut continuer de garder en sourdine les revendications turques le temps de finir d’isoler la Grèce. Ainsi, l’amiral Djihad Yaïdji s’étonne que la Grèce s’alarme des acquisitions de matériel militaire par la Turquie, puisque « les deux pays sont membres de l’OTAN et, qu’à ce titre, il est inimaginable que la Grèce puisse considérer la Turquie comme une menace », ajoutant qu’en réalité, « la Turquie recherche la prospérité de son voisin, conformément à la tradition turque »[12].
Dès lors, comment la Grèce peut-elle inverser ce processus de mise hors-jeu ?
Défendre plus dynamiquement ses droits en mer
La Grèce est face au dilemme suivant : soit faire profil bas en espérant sortir indemne de ce grand mouvement animé par les États-Unis et dont la Turquie est un acteur régional majeur ; soit réagir en reprenant l’initiative pour espérer façonner cette dynamique. Les deux scénarios comportent des risques, mais le premier en comporte davantage, car il est improbable que l’immobilisme face à une Turquie hyperactive produise des résultats positifs. Le second implique le danger d’une escalade de la part de la Turquie, à laquelle la Grèce devra répondre pour rester crédible.
En revanche, c’est précisément parce que la Turquie est en passe d’intégrer l’architecture sécuritaire européenne que la Grèce devrait promouvoir de façon plus dynamique ses droits en Méditerranée orientale, et non l’inverse. D’une part, car cela forcera la Turquie à réagir et à prendre des risques : osera-t-elle une reprise des tensions avec la Grèce qui mettrait en péril sa capacité à intégrer le paysage sécuritaire européen, alors que les modalités de cette intégration sont encore à négocier ? D’autre part, car si cette nouvelle situation sécuritaire se structure sans que la Grèce n’ait préalablement sécurisé ses droits, la possibilité de le faire ultérieurement sera moindre.
Les récentes déclarations du gouvernement selon lesquelles les travaux pour la pose du câble Crète-Chypre-Israël reprendront quoi qu’en dise la Turquie, suggèrent qu’Athènes est en train de choisir la seconde option. Cependant, la Grèce poursuit traditionnellement ses intérêts via des vecteurs plus larges (UE, États-Unis, synergies régionales). Dans la période actuelle d’incertitude (notamment eu égard aux intentions américaines et à la focalisation exclusive de l’Europe sur l’Ukraine), cette stratégie est inopérante. D’où la tentation de l’immobilisme par crainte d’avancer seule à découvert face à une Turquie qui guette le faux pas et qui, par son poids objectif, son appartenance à l’OTAN et ses amis à l’intérieur de l’UE, conserve une capacité de nuisance considérable. Consciente cependant que l’immobilisme dans le contexte actuel est une fausse option, la Grèce a cherché le soutien de la France. Celui-ci est d’autant plus important que Paris joue un rôle prépondérant dans la mise en place des modalités de la défense européenne, ce qu’Ankara ne peut ignorer si elle veut s’y intégrer. La visite de S. Lecornu à Athènes à la mi-avril 2025 a fait office d’opération de réassurance, mais il reste à voir si la France est disposée à endosser une hypothétique reprise des tensions avec la Turquie en couvrant par une présence navale (ne serait-ce que discrète) les travaux de pose du câble Grèce-Chypre-Israël, dans lequel elle a des intérêts financiers directs. Dans la foulée, selon un timing qui n’est pas fortuit (contrairement à ce qu’affirme le gouvernement), la Grèce a publié sa planification spatiale maritime à destination de la Commission européenne, dans un effort apparent de remobiliser le vecteur communautaire dans les affaires est-méditerranéennes. La volonté de la Grèce de rééquilibrer les termes de l’apaisement avec la Turquie par une relance — toutefois prudente — du jeu reste évidente.
Pousser vers une re-communautarisation de la défense européenne
Si la Grèce est acquise à l’Europe de la défense, la logique actuellement à l’œuvre est problématique pour elle.
Premièrement, le surpoids stratégique de l’Europe orientale, qui se traduit dans le Livre Blanc, fait de la menace russe la raison d’être de la défense européenne. Cela fait le jeu de la Turquie. D’une part, car elle a un poids particulier dans la question ukrainienne et en mer Noire, et donc devient de fait un élément de l’équation euro-russe. D’autre part, car la focalisation exclusive sur la Russie marginalise les enjeux du flanc sud-est de l’Europe, permettant aux ambitions expansionnistes turques (qui restent intactes) de passer sous les radars. Cependant, tout organiser autour de la menace russe comporte aussi le risque de voir le processus de défense européenne s’effiler à terme, lorsque les paramètres des relations euro-russes et euro-américaines auront évolué. L’aspect conjoncturel (l’Ukraine et D. Trump), si fort soit-il aujourd’hui, n’est pas en phase avec l’ambition de l’objectif censé être celui d’une Europe de la défense : l’indépendance stratégique et la sanctuarisation des frontières communautaires comme aboutissement naturel de la construction européenne.
Deuxièmement, l’association d’acteurs extracommunautaires se fait sans préconditions claires. Cela se traduit dans la « coalition des volontaires », mais aussi dans le Livre Blanc : alors que celui-ci mentionne l’OTAN, il ne mentionne pas l’article 42.7 du traité de Lisbonne (la clause de défense mutuelle entre membres de l’UE), cher à Athènes. En réalité, la Grèce souhaite un « mix sécuritaire » européen fondé sur un pilier communautaire et un pilier américain. Le scénario actuel d’un retrait américain compensé par l’association précipitée de membres non-communautaires est précisément le pire pour la Grèce, qui discerne le danger de voir à la fois la garantie américaine et communautaire s’effiler, selon une configuration qui ouvre de grands espaces à la Turquie. Or, cette dernière reste focalisée sur ses projets révisionnistes ; son faible degré d’alignement sur la politique étrangère européenne en témoigne : 8% en 2022 et 10% en 2023[13]. Cela soulève de vraies questions qui vont au-delà des problématiques grecques, puisqu’une politique de défense ne fait sens qu’articulée à une politique étrangère qu’elle est censée servir. En outre, notons que la volonté d’impliquer la Turquie se fait aussi dans l’espoir de la voir déployer des troupes en Ukraine dans le cadre d’un hypothétique cessez-le-feu, en jouant de son ambivalence, puisqu’elle est le seul membre de l’OTAN à être « russo-compatible ». Cela permettrait aux Européens de voiler leur impuissance en criant victoire sans prendre de vrais risques (l’envoi de troupes au sol), arguant que la Russie s’est finalement vue imposer le déploiement de forces otaniennes sur le sol ukrainien — une ligne rouge pour le Kremlin. Du côté russe, on peut supposer que l’envoi de troupes turques est le seul schéma dans lequel — du fait de l’exceptionnalisme turc — une présence militaire otanienne pourrait théoriquement être envisageable (même si Moscou n’a pas, à ce jour, donné crédit à un tel scénario).
En somme, ces initiatives européennes visent à corriger une réelle erreur : le choix de la facilité par l’ultra-dépendance à l’égard des États-Unis. En revanche, la précipitation et le manque de pondération conduisent à la même erreur : le choix de la facilité par une dépendance à l’égard d’une Turquie qui n’est pas en reste en matière de transactionnalisme, de révisionnisme et de déficit démocratique. La contradiction est de taille et ce sont là les conséquences accumulées de la légèreté stratégique chronique de l’UE.
L’enjeu pour la Grèce est donc que l’intégration de la Turquie au paysage sécuritaire européen se fasse à la condition de sa sécurité et du respect de ses droits. Sans quoi, c’est l’intégration de la Turquie au dispositif de défense européen qui déterminera l’évolution du différend gréco-turc, selon des termes qui seront forcément défavorables à la Grèce. Dès lors, comment s’y prendre ? Un premier vecteur est la consolidation de la prééminence du cadre communautaire dans la définition des modalités de la défense européenne en jouant de l’adaptabilité du processus. C’est précisément ce qu’a évoqué K. Mitsotakis lors de ses visites successives à Rome et à Berlin en mai 2025, indiquant que l’association de partenaires extra-communautaires à la défense européenne devrait se faire à la condition de leur alignement sur la politique étrangère de l’UE, sans quoi c’est l’ensemble de l’autonomie et la fiabilité de l’UE, ainsi que les intérêts sécuritaires de certains de ses membres qui seront compromis. Il a également suggéré que les partenaires extra-communautaires signent un accord de coopération en matière de défense avec l’UE préalablement à leur association à la défense européenne ; de toute évidence, cela permettrait à la Grèce de poser ses conditions en amont du processus. En revanche, F. Merz s’est plutôt montré favorable à des partenariats sans préconditions, alors que G. Meloni, qui avait reçu R. T. Erdogan quelques jours auparavant, a préféré rester silencieuse sur ce sujet. La Grèce semble donc actuellement incapable d’endiguer cette avancée turque.
Un second vecteur est l’apport de sa propre plus-value concrète à la défense européenne, car si la Turquie a pu opérer une telle percée en direction de l’Europe, c’est parce qu’elle offre des possibilités auxquelles la Grèce n’a rien de comparable à opposer. Dans ce contexte, le timing (avril 2025) de l’annonce du plan grec de modernisation militaire 2025-2036[14] n’est pas fortuit. En effet, ce plan s’intègre aux initiatives européennes de défense à travers trois principaux axes :
- La technologisation et la dronisation massive, en phase avec les ambitions européennes, et qui sera favorisée par les facilités financières préconisées dans le Livre Blanc.
- La sanctuarisation de la mer Égée par la mise en place du « Bouclier d’Achille », un équivalent du « Dôme de fer » israélien en cinq échelons (anti-drone, anti-aérien, anti-naval, anti-sous-marin, anti-missile)[15]. Intégré au dispositif européen, il permettra de placer l’intégrité territoriale de la Grèce sous parapluie européen, et donc de conditionner de fait une synergie sécuritaire euro-turque au respect des frontières grecques. En d’autres termes, il s’agit que les frontières grecques restent assimilées aux frontières européennes en dépit d’une intégration de la Turquie à la défense européenne.
- La participation à hauteur de 25% (au lieu des 3% actuels) de l’industrie de défense grecque à toute nouvelle acquisition d’armement, un objectif fort ambitieux qu’il reste maintenant à remplir. La production d’équipement compétitif permettra à la Grèce d’apporter une plus-value mesurable. À cet égard, un certain nombre d’éléments indiquent une mise en ordre de marche : la création du Centre hellénique d’innovation en matière de défense (ELKAK) ; la volonté du gouvernement de se coordonner avec l’industrie de défense privée grecque (qui, modeste mais performante, reste exclusivement orientée vers l’export) ; une multiplication des synergies (ou d’annonces de synergies) en matière de co-production d’armement, notamment avec la France et les États-Unis, mais aussi Israël[16] et l’Italie.
Revigorer la relation avec les États-Unis
Bien que noyée sous une communication extravagante qui a semé la consternation en Europe, une stratégie Trump en deux volets transparaît vis-à-vis de Moscou. D’abord, la volonté de rétablir un levier sur la Russie. Cela passe forcément par la relance de la coopération pour restaurer certaines interdépendances[17] en vue de freiner la dynamique de réorientation de l’économie russe vers des partenaires non-occidentaux, puisque l’isolement de la Russie et les sanctions n’ont pas eu les effets escomptés. Puis, la volonté de désorganiserle triangle Russie-Iran-Chine en tentant d’ouvrir une brèche via Moscou, parallèlement à une politique de pression sur l’Iran (frappes sur les Houthis, tentative d’apprivoiser le nouveau régime syrien, impositions de sanctions sur Téhéran). Conscient de la manœuvre, V. Poutine fait monter les enchères en confirmant ostensiblement la synergie tripartite avec la Chine et l’Iran[18] et en indiquant le prix que devront payer les entreprises occidentales pour espérer réintégrer le marché russe[19]. En sus, notons que si la décontraction de la relation transatlantique est a priori favorable à la Russie, cela ne fait pas mécaniquement le jeu du Kremlin. Selon l’évolution des négociations, V. Poutine préfèrerait sans doute que ce dont il conviendrait avec D. Trump ruisselle automatiquement sur le reste de « l’Occident collectif » pour ne pas avoir à gérer une dissonance européenne qui pourrait devenir encombrante.
Dans un contexte euro-américain incertain, la Grèce a soigneusement évité de critiquer Washington, étant donné que la consolidation de son rôle dans l’architecture sécuritaire est-méditerranéenne dépendra de plusieurs facteurs, impliquant tous les États-Unis :
- Le maintien du schéma de coopération énergétique et militaire « 3+1 » (Grèce-Chypre-Israël + États-Unis) établi lors du premier mandat de D. Trump.
- Sa capacité à devenir un hub énergétique, en tant que point d’entrée du GNL américain et producteur d’hydrocarbures impliquant des compagnies américaines, de façon à faire cautionner par Washington sa juridiction maritime. C’est ce que suggère la récente demande de Chevron d’explorer les secteurs au sud de la Crète selon la délimitation préconisée par la Grèce et non par l’accord turco-libyen (ce qui a poussé Ankara à envoyer son navire d’espionnage Ufuk dans la zone).
- Le degré de reconnaissance comme puissance régionale que les Américains accorderont à la Turquie, et donc leur volonté de continuer à jouer la carte grecque pour contrebalancer une trop grande puissance turque qui rendrait Ankara incontrôlable ; et ce, alors-même que la Turquie est devenue incontournable en Syrie et utile aux Américains pour entraver l’émergence d’un condominium sino-russe en Eurasie.
- De la réalisation de l’IMEC (India-Middle East-Europe Corridor), soutenu par D. Trump, et dont la Grèce espère devenir le premier point d’entrée continental européen. À cet égard, Athènes aurait à gagner à poursuivre son engagement avec New Delhi qui, depuis 2023, connaît une embellie[20]. D’autant que N. Modi s’entend avec D. Trump et que l’Inde s’engage avec d’autres partenaires de la Grèce, dont notamment la France[21] et l’Arabie Saoudite[22], alors qu’elle voit d’un mauvais œil la tentative de percée de la Turquie dans l’Indopacifique[23], Turquie qui a par ailleurs confirmé son alliance historique avec le Pakistan lors des derniers affrontements indo-pakistanais.
Consolider la relation avec Israël
Israël partage désormais des frontières de fait avec la Turquie en Syrie : des frictions entre les armées de l’air turque et israélienne ont été rapportées[24] et Israël a frappé une base militaire à Palmyre, que le gouvernement al-Sharaa aurait envisagé de céder aux Turcs. Athènes et Jérusalem ont donc un nouvel intérêt commun : entraver un renforcement turc supplémentaire en Syrie qui déboucherait, selon le modèle turco-libyen, sur un accord maritime dommageable pour la Grèce et Chypre, doublé d’un accord sécuritaire dangereux pour Israël.
L’État hébreu a donc aussi intérêt au maintien du schéma « 3+1 » en Méditerranée orientale, ainsi qu’à la mise en œuvre de l’IMEC ; les récentes visites de K. Mitsotakis (mars 2025) et du président chypriote Christodoulidis (mai 2025) en Israël, confirment cette communauté de points de vue. Notons également que le matériel israélien est une composante essentielle du « Bouclier d’Achille » et qu’en parallèle les entraînements impliquant les armées de l’air israélienne et grecque se poursuivent[25]. À tort ou à raison, la Grèce compte aussi sur l’influence de B. Netanyahu et du lobby pro-israélien auprès de l’appareil d’État américain et de D. Trump, y compris pour retarder la levée des sanctions en matière d’armement. Car si les Grecs ne veulent pas voir des F-35 turcs au-dessus de la mer Égée, les Israéliens ne veulent pas en voir au-dessus de la Syrie tant que leurs relations stratégiques avec la Turquie restent instables. L’actuelle perturbation de la relation personnelle entre D. Trump et B. Netanyahu n’est donc pas une bonne nouvelle pour la Grèce, même s’il ne faut pas en tirer des conclusions hâtives. En revanche, l’on ne peut exclure un partage en bonne intelligence des influences turque et israélienne en Syrie, ce dont B. Netanyahu et R. T. Erdogan — qui ne s’apprécient pas mais parlent le même langage — seraient capables. La médiation de l’Azerbaïdjan, avec lequel Israël a d’excellentes relations et qui sert de « VPN stratégique » entre Ankara et Jérusalem, montre que, sans être simple, ce scénario est plausible. Le jeu syrien demeure donc extrêmement ouvert et s’avère être le baromètre des recompositions régionales. Dans ce contexte, le resserrement des liens gréco-israéliens est un choix logique pour les deux parties.
Réévaluer le facteur russe
En dépit du seuil d’acceptabilité encore faible d’une telle démarche, la Grèce aurait à gagner à replacer la Russie dans le paysage de ses calculs stratégiques. En effet, l’échec de la politique occidentale d’isolement de la Russie combiné à un apaisement russo-américain ne pourra être durablement ignoré par Athènes. D’autant que Moscou n’a pas quitté la Syrie et renforce sa posture en Libye, où la Grèce a d’immenses intérêts mais aucun levier. Et ce, alors-même que le jeu libyen connaît de nouvelles évolutions. Tripoli, vers laquelle la Grèce se tourne progressivement après avoir tenté la carte de K. Haftar, connaît des épisodes de violence entre milices. En parallèle, la Cyrénaïque — jusque-là le principal obstacle à l’influence turque — envisage une ouverture vers la Turquie, comme le suggère la visite du fils de K. Haftar à Ankara[26], alors que ce dernier confirme ses rapports privilégiés avec la Russie[27]. Enfin, une hypothétique reprise des relations russo-européennes et une réduction des flux militaires américains vers l’Europe en cas de cessez-le-feu en Ukraine ne peuvent être exclues, ne serait-ce qu’à moyen terme. Cela poserait la question de la viabilité de l’axe énergétique, militaire et commercial Égée-Baltique nourri par la rupture avec la Russie et qui a été profitable à la Grèce. Un tel cas de figure exige d’étudier des scénarios alternatifs et donc d’explorer les modalités d’une potentielle reprise de contact gréco-russe.
La question de la communauté grecque de Crimée, de la mer d’Azov (région de Marioupol) et du Donbass pourrait être un point d’entrée. En effet, celle-ci relève du domaine humanitaro-culturel et n’implique pas forcément une reconnaissance avant l’heure des nouvelles réalités territoriales (de même que plusieurs pays occidentaux maintiennent des représentations dans la zone de Chypre occupée par la Turquie sans que cela n’induise une reconnaissance de l’entité sécessioniste). D’autant que les scénarios qui envisagent un retour des territoires conquis dans le giron ukrainien ne paraissent plus d’actualité. Dans une récente étude du service de recherche parlementaire de l’UE, le seul des cinq scénarios évoquant un retour sous contrôle de Kiev de l’ensemble des territoires perdus est celui d’un accord russo-ukrainien à l’amiable en 2045 (pour les 100 ans de l’ONU) en échange d’une finlandisation de l’Ukraine[28]. Autant dire que les Grecs de ces régions resteront sous tutelle russe, une réalité avec laquelle Athènes devra tôt ou tard composer.
Malgré l’érosion de ses relations avec la Grèce, la Russie ne sera pas forcément hostile à une telle démarche. Notamment eu égard à la Crimée, les Russes mettent en avant son héritage grec. On peut y voir un moyen de contrebalancer le poids du facteur tatar, dont Moscou sait que la Turquie cherche à l’exploiter comme vecteur d’influence et de potentielle déstabilisation. À cet égard, Ankara condamne invariablement l’annexion de la Crimée[29]. Non tant par principe, mais parce qu’une Crimée dans l’Ukraine faciliterait une influence via le vecteur tatar. En effet, le 21 mars 2014, soit cinq jours après le référendum qui a marqué le rattachement de la Crimée à la Russie, la Rada ukrainienne a reconnu les Tatars comme peuple indigène, un statut qu’elle hésitait jusque-là à leur accorder par peur de stimuler leur séparatisme, et c’est en 2015 qu’elle a reconnu les déportations de 1944 comme génocide. Un retour de la Crimée dans le giron ukrainien, tout hypothétique soit-il, ouvrirait donc de belles perspectives pour une solide implantation turque sur l’autre rive de la mer Noire, bien plus qu’une Crimée ancrée dans une Russie qui reste vigilante face aux intrusions indésirables dans ses communautés non-russes et non-orthodoxes. Il y a donc peut-être là un terrain propice à une reprise de contact gréco-russe de basse intensité politique, qui permettrait cependant de reprendre le fil des relations en prévision d’un rapprochement ultérieur plus substantiel.
[1] “10 Things to Know About Turkey’s Interventions and Influence in Syria”, FDD, 24/2/25.
[2] “An Enduring Challenge: ISIS-linked Foreigners in Türkiye”, ICG, 28/2/23.
[3] “Türkiye is the most capable country in the world in combatting terror”, Présidence turque, 1/3/25 ; “Turkey, Iraq, Syria, Jordan aim to jointly tackle Islamic State, Ankara says”, Reuters, 5/2/25 ; “Turkey says it will join with neighbors to fight the Islamic State group in Syria”, AP News, 2/2/25 ; “Turkey, Jordan, Syria, Iraq to discuss security cooperation in Amman, Turkish source says”, Reuters, 8/3/25.
[4] “Turkey aiming for maritime agreement with Syria, transport minister says”, Reuters, 24/12/24.
[5] “Turkey’s new role in the Trump era”, Kathimerini, 15/5/25.
[6] “Estonia shops Turkish armored vehicles for $211 million”, DefenseNews, 19/10/23 ; “Romania picks Turkish armored vehicles in $940 million deal”, DefenseNews, 7/10/24 ; “Poland receives final TB2 drone delivery from Turkey’s Baykar”, DefenseNews, 17/5/24.
[7] “Tusk hails Erdogan meeting as “historic breakthrough” as Poland, Turkey commit to joint defence, arms production work”, Intellinews, 13/3/25.
[8] « Déclaration à l’issue du 7e sommet des pays du sud de UE », Élysée, 10/9/20 ; “Declaration of the 8th summit of the southern european countries”, 17/9/21.
[9] “Turkey and Italy strengthen ties with trade and defense agreements”, The Independent, 29/4/25.
[10] “Türkiye-Spain Bilateral Amphibious Operation Training”, MINDEF turc, 3/3/25.
[11] “It is high time for global decision-making mechanisms to adapt to the changing dynamics of the world”, Présidence turque, 3/3/25.
[12] “Why Türkiye’s Meteor missile deal has unnerved Greeks”, TRT, 2/25.
[13] “Key findings of the 2023 Report on Türkiye”, Commission européenne, 8/11/23.
[14] “La Grèce investit 25 milliards d’euros dans sa défense et lance un dôme de protection aérienne, le « bouclier d’Achille »”, Le Monde, 4/4/25.
[15] “Hellenic dome? Greece touts ‘Achilles Shield’ air defense system to free up ships, fighter jets”, Breaking Defense, 22/4/25.
[16] “Increased Israel-Greek defense ties opening options for Israeli firms”, Breaking Defense, 12/5/25.
[17] “US, Russia Discuss ‘Cooperation’ on Arctic Exploration, Trade Routes”, Kiyv Post, 27/2/25 ; “Russian and European officials see US interest in Gazprom ties”, Bloomberg, 13/3/25.
[18] “China, Iran and Russia hold joint naval drills in Mideast as tensions rise between Tehran and US”, AP News, 12/3/25 ; “Joint Statement of the Beijing Meeting between China, Russia and Iran”, MAE Russe, 14/3/25.
[19] “Joint news conference with President of Belarus Alexander Lukashenko”, Kremlin, 13/3/25.
[20] “Su-30, F-16, and Rafale ‘attack’ enemy air defense over Greece”, Bulgarian Military, 10/4/23 ; “Indian Navy Ship « Chennai » undertook Passage Exercise in Crete”, MAE grec, 29/7/23 ; “Greece Makes Its Mark: Hellenic Air Force Lands in India” , Indian Defence Research Wing, 30/8/24 ; “Press brief on completion of the visit of chief of the naval staff to Greece”, MINDEF indien, 1/10/24 ; “Passing Exercise of HS HYDRA with Frigate TARKASH of Indian Navy”, Marine hellénique, 25/2/25.
[21] “India, France to Sign Contract for 26 Rafale Marine Fighters”, The Diplomat, 22/4/25.
[22] “Saudi Arabia ‘one of India’s most valued partners, a trusted friend and a strategic ally,’ Indian PM Narendra Modi tells Arab News”, Arab News, 21/4/25.
[23] “Turkey donates TCG Volkan Missile Boat to Maldives, Signaling Strategic Shift in Indian Ocean”, IDRW, 24/4/2025.
[24] “Syria – Turkish Presence in Military Airports and Aerial Friction with Israel”, ALMA, 25/3/25; “Report: Turkish fighter jets scrambled toward Israeli aircraft over Syria”, Israel Hayom, 4/5/25.
[25] “This Greek Air Combat Exercise Was A Low-Level Fighter Flying Paradise”, The War Zone, 15/4/25.
[26] “Saddam Haftar’s visit to Ankara marks shift in Turkey’s Libya policy”, Defense News, 15/4/25.
[27] Igor Delanoë, “Libye : la Russie avance ses pions », Observatoire France-Russie, 12/5/25.
[28] “The future European security architecture”, EPRS, Mars 2025, p. 100-106.
[29] “Regarding the Eleventh Anniversary of the Illegal Annexation of Crimea”, MAE turc, 16/3/25.