Pierre Razoux, directeur académique de la FMES, décrypte pour l’Opinion la crise en Géorgie.
« Tout le dilemme des dirigeants géorgiens depuis l’indépendance de leur pays consiste à préserver un équilibre délicat entre l’espace post-soviétique et l’Europe, au sens à la fois de l’Union européenne et de l’Otan. A Tbilissi, tout le monde a compris depuis la guerre de 2008 avec la Russie que c’était une ligne rouge pour le Kremlin.
La Géorgie, corridor stratégique du Caucase, est le voisin immédiat de la Russie qui toise à la fois d’un air agacé et protecteur ce qu’il considère comme un pays de cocagne. Dans l’esprit des Russes, c’est l’ancien joyau de la couronne tsariste qu’il ne faut pas laisser partir. Pour les dirigeants géorgiens, il s’agit donc de trouver un équilibre entre les pressions russes et l’espérance européenne ;100 000 Russes ont fui leur pays pour rejoindre la Géorgie depuis le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine, et cette nouvelle population plutôt aisée a contribué à renflouer l’économie géorgienne. Le jeu n’est pas d’être « pro-Poutine ou anti-Poutine » mais de se montrer réaliste dans un environnement compliqué. Les Géorgiens ne veulent pas se faire envahir.
Ce qui n’empêche pas un nombre très important d’entre eux de combattre en Ukraine dans les rangs des brigades internationales de Zelensky. Tbilissi semble avoir aussi compris que les Européens n’étaient pas prêts à les accueillir rapidement au sein de l’Union ; et l’affaire Saakashvili pollue les relations entre Tbilissi, Kiyv et Moscou ».