L’océan Indien s’impose comme une arène géopolitique complexe, réceptacle des ambitions et des tensions qui animent les grandes puissances. Plus qu’une simple voie de passage, il est le théâtre d’une rivalité où enjeux économiques, énergétiques et militaires s’entremêlent au milieu de flux criminels : drogues, armes, surpêche illégale, piraterie, trafics de migrants. Sa maîtrise constitue un objectif stratégique pour les acteurs mondiaux comme régionaux. La partie ouest de l’océan Indien qui figure sur la carte jointe illustre tous ces enjeux et ces défis, sur fond de tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis, et d’ambitions désinhibées de l’Inde, de la Russie et de l’Iran dans cette zone maritime essentielle pour le trafic maritime. Les pays riverains sont également impactés par les conflits du Moyen-Orient qui débordent en mer Rouge et dans le golfe Persique, voies d’accès à l’océan Indien.
La France, puissance riveraine de l’océan Indien grâce à La Réunion, Mayotte et les îles Éparses, se trouve directement concernée par ces évolutions, d’autant plus qu’avec le déroutement du trafic maritime vers le Cap de Bonne Espérance pour éviter la mer Rouge, l’ile de La Réunion se retrouve toute proche du flux principal de navires de toutes tailles reliant l’Asie à l’Europe et aux Amériques. La France se doit donc de préserver le lien vers La Réunion et vers cette route maritime, tout en assurant la sécurité de ses territoires d’outre-mer et de ses zones économiques exclusives qui constituent des espaces riches en ressources halieutique. La France a ainsi renforcé sa présence militaire dans la région et déploie des efforts diplomatiques pour nouer des alliances régionales, notamment avec l’Inde et l’Afrique du Sud, pour dissuader toute tentative d’incursion hostile, ce qui n’empêche pas certains compétiteurs de tenter de déstabiliser certains territoires français de l’océan Indien.
Pour la Chine, l’océan Indien représente avant tout un « cordon ombilical énergétique » vital reliant les riches ressources en hydrocarbures du Moyen-Orient à ses puissants centres industriels. Cette dépendance vis-à-vis des voies maritimes souligne la fragilité de son approvisionnement énergétique et explique sa politique d’influence croissante dans cette région, matérialisée par la stratégie dite du « collier de perles » bien identifiable sur cette carte et qui s’appuie sur des ports et des bases navales très bien placés.
Pour les États-Unis, cette zone est cruciale tant pour sa stratégie d’endiguement de la Chine que pour la sécurité énergétique mondiale. En effet, contrôler l’océan Indien, c’est aussi pouvoir se projeter rapidement vers l’Asie de l’Est et Taïwan ; c’était le sens de l’élargissement du théâtre d’opérations Pacifique à l’océan Indien pour former le nouveau commandement INDOPACOM. Les bases et forces américaines déployées sur la carte jointe permettent aux Etats-Unis de faire peser une menace constante sur les routes maritimes d’hydrocarbures afin d’interrompre, le cas échéant, l’approvisionnement énergétique de la Chine. L’océan Indien est donc un espace où les forces américaines et chinoises pourraient s’affronter directement.
l’océan Indien représente à la fois le débouché naturel et le premier rempart de sécurité de l’Inde. Avec sa montée en puissance économique et militaire, l’Inde aspire à jouer un rôle de premier plan dans la région, se positionnant comme un contrepoids à l’influence croissante de la Chine. Cette ambition se traduit par une expansion de ses capacités navales et par un réseau d’alliances stratégiques, notamment avec les États-Unis, le Japon et l’Australie dans le cadre du Quad, mais aussi avec la France dans un cadre bilatéral prometteur.
L’Iran aussi aspire à se déployer en océan Indien, pas seulement pour ravitailler les Houthis au Yémen ou pour contrer Israël, mais aussi pour démontrer les capacités hauturières de ses flottes civiles et militaires, comme en témoigne son activisme au sein de l’Association des pays riverains de l’océan Indien. Il s’agit aussi pour Téhéran de se connecter aux routes maritimes liant désormais les pays des BRICS+ que l’Iran a rejoint.
La Russie a pour sa part besoin d’accéder à l’océan Indien via la Méditerranée orientale et la mer Rouge pour briser son enclavement géographique et renforcer sa capacité à intervenir sur la scène internationale.
Pour l’instant, les tensions et les rivalités n’ont pas franchi le seuil de l’affrontement militaire, mais cela pourrait être le cas en cas à court ou moyen terme en cas d’aggravation des crises de Taïwan et du Moyen-Orient. Chacun doit donc s’y préparer.