LA DEUXIÈME SEMAINE DE FORMATION DES SMHES 5+5 S’EST DÉROULÉE À FÈS DU 23 AU 27 MAI

Repenser la Méditerranée et lui rendre sa luminosité : Séminaire Sud de la session méditerranéenne 5+5 à l’université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF)

« Les continents séparent les peuples, la mer les rapproche » selon André Malraux. C’est autour de cette mer commune, la mare nostrum, que les participants de l’édition Sud des Sessions méditerranéennes des hautes études stratégiques se sont retrouvés pour la deuxième semaine de leur formation du 23 au 27 mai à Fès.

Cette formation résultant d’une initiative prise à l’occasion du Sommet des deux Rives du mois de juin 2019 propose aux jeunes civils et militaires des pays du 5+5 (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal pour le Nord et Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie pour le Sud) de se réunir et de réfléchir collectivement à la notion de coopération dans le format 5+5. Observons d’ailleurs que cette initiative pourrait être élargie insufflant une dynamique plus globale dont l’Union pour la Méditerranée pourrait être porteuse. Ce programme unique et original a débuté à Toulon du 21 au 25 mars 2022. Après une semaine de visites, conférences et de réflexions, l’enseignement s’est poursuivi de l’autre côté de la rive, au sein de l’université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF). Ces deux séminaires fertilisent les relations entre les jeunes participants et constituent un socle précieux pour entretenir des échanges dans la durée bien au-delà de la session proprement dite.

Rendez-vous leur était donné le lundi 23 mai sur le campus de l’université. Dans son discours introductif, le président de l’université, monsieur Moustapha Bousmina a témoigné de l’importance du dialogue et de la coopération. Il a été rejoint par le directeur général de la FMES le vice-amiral d’escadre (2s) Pascal Ausseur, en visioconférence depuis Toulon, qui a rappelé l’utilité d’une telle session de formation qui vise à rassembler dans un monde qui tend à se fragmenter. « La Méditerranée n’est plus cette mer douce et bleue de notre imaginaire et est parfois tellurique où les roches et l’eau ont la même force énigmatique[1] ». Enfin, le général de corps aérien (2s) Patrick Lefebvre a présenté le programme et les grands enjeux de cette séquence. Les thèmes prolongeaient les réflexions conduites antérieurement en s’appuyant sur les interventions des professeurs de l’université offrant une véritable vision pluridisciplinaire. La Méditerranée véhicule un imaginaire puissant où que l’on se trouve avec des repères communs matériels et immatériels pour les deux rives. Au-delà des différences culturelles et religieuses, une grammaire commune s’est construite au fil du temps. La cité impériale de Fès, berceau historique du savoir et capitale du royaume marocain jusqu’en 1912, tend à le rappeler.  

Pour débuter cette semaine riche en apprentissage et réflexions, les auditeurs ont rencontré le professeur Maha Gmira pour une conférence centrée sur les enjeux du numérique avec, il faut le rappeler, une croissance des instruments qui s’y consacrent particulièrement forte dans le bassin méditerranéen. Cette spécialiste et notamment experte de l’intelligence artificielle a partagé sa vision et a donné des clés de compréhension aux futurs jeunes leaders conscients des opportunités et des risques de cette digitalisation globale dans le prolongement d’un monde globalisé où l’élan du multilatéralisme semble considérablement freiné.

La pause déjeuner, en compagnie du président de l’université et de son vice-président, monsieur Taoufik Ouazzani, a permis de prolonger des échanges de fond sur de très nombreux sujets. Monsieur Moustapha Bousmina souligne l’importance d’une telle session et du soutien qu’il entend donner aux futures rencontres de ce type. Les participants ont ensuite visité le campus où presque toutes les sciences sont enseignées qu’elles soient humaines, économiques ou de l’ingénieur jusqu’à l’enseignement de l’art avec un pôle dédié à l’architecture. C’est la juste combinaison des savoir-faire et des connaissances qui apportent aux étudiants cette capacité leur permettant de préparer l’avenir. A Fès, lors des visites réalisées, nos participants auront pu apprécier des savoir-faire multiséculaires. Cette université née de la volonté de l’Union pour la Méditerranée de créer un pôle d’excellence témoigne aussi de ce que peut apporter l’Union européenne dans cette relation entre les deux Rives. Cette deuxième semaine au sein de l’UEMF s’inscrit bien dans cette dynamique du dialogue interculturel, de l’échange et la coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Notons d’ailleurs que certains étudiants sont doublement diplômés dans leurs universités nationales et ici au sein de cette université euro-méditerranéenne.  

Le mardi 24 mai, les participants ont rencontré le professeur Mohamed Amine Marhaoui pour une conférence axée sur les risques et opportunités des enjeux environnementaux en Méditerranée. Cette présentation a été suivie d’un atelier permettant aux participants de tester EN-ROADS, un simulateur climatique mondial permettant d’explorer l’impact sur la planète d’une trentaine de politiques publiques (nucléaire, électrification des transports, taxes carbones, etc.). Ce travail collégial a permis aux auditeurs de comprendre tous les enjeux liés au réchauffement climatique.

Au terme de leurs travaux, la visite de la médina de Fès et de ses multiples trésors historiques a permis de mesurer l’étendue des savoir-faire d’un artisanat ancré ici depuis plusieurs siècles. Le guide choisi à cette occasion a apporté un précieux soutien pour mieux comprendre les racines du berceau culturel chérifien.

Le mercredi 25 mai était consacré au volet économique du programme. Le professeur Hafsa El Bekri l’a présenté très précisément en soulignant notamment les aspects relatifs à l’intégration régionale entre le nord et le sud. Sa présentation a permis de mesurer tout l’enjeu de ce sujet clé, notamment dans le contexte de la crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Cette conférence a permis aux auditeurs de réfléchir à quelques recommandations.

L’après-midi, les auditeurs ont pu découvrir la région de Fès. Ils se sont rendus à Meknès, une autre ville impériale proclamée capitale du Maroc au 17ème siècle par Ismail ben Chérif, monarque du Maroc. Les participants ont d’ailleurs pu visiter le mausolée de ce dernier, qui détient encore à ce jour le record de longévité en tant que monarque absolu du pays ainsi que le bassin Sahrij Swani. L’après-midi s’est poursuivi avec le volet historique et la découverte du site archéologique de Volubilis, capitale de la Maurétanie fondée au 3ème siècle avant Jésus-Christ. Volubilis est ensuite devenue brièvement la capitale d’Idriss Ier, fondateur de la dynastie des Idrissides au 8ème siècle. C’est dans la ville où il est enterré, à Moulay Idriss, non loin du site archéologique, que la promotion a terminé sa journée en échangeant avec les représentants locaux dont il faut souligner l’accueil remarquable.  

Pour la journée du 26 mai, les participants se sont retrouvés dans un ryad typique du paysage fési pour poursuivre leurs réflexions. La matinée a débuté avec la conférence du professeur Iman Meriam Benkirane sur l’héritage culturel et les identités méditerranéennes. L’accent a été mis sur la singularité de la ville de Fès et ses magnifiques paysages. Le professeur Abderrahman Tenkoul, doyen de la faculté des sciences humaines et sociales de l’université UEMF, a rappelé l’importance du dialogue interculturel et ses enjeux dans notre région. Une conférence qui fait écho à l’initiative de cette formation qui vise à rapprocher la jeunesse des deux rives de la Méditerranée.

Cette semaine riche en réflexions et découvertes s’est achevée avec une séquence consacrée davantage à la dimension humaine et sociétale. Dans un monde agité, cette dimension souligne souvent les difficultés de la juste appréciation de l’altérité. Le professeur Mounia Slighoua a débuté cette journée avec une intervention sur la migration et les flux migratoires. Cette conférence a été suivie d’un atelier dynamique pour les auditeurs pratiquent une forme de conversion du regard en se plaçant à la place de ceux qui migrent afin de mieux comprendre les enjeux liés à ces mouvements massifs de population. Enfin, dans un univers social où la question de la parité est souvent érigée comme obéissant à une règle presque administrative, le professeur Zakia El Yamani a abordé ce sujet d’actualité de l’égalité entre les hommes et les femmes en l’illustrant par des données précises et référencées.

Pour clore cette session, le dernier mot était donné à nos auditeurs pour qu’ils puissent faire part de leurs recommandations. Devant un panel composé de professeurs, ils les ont déclinées avec beaucoup d’assurance. Éducation, sécurité, migration, culture, ils n’ont laissé aucun thème au hasard et ont tour à tour pris la parole pour nourrir le débat.

Ces recommandations, issues d’une réflexion commune d’une jeunesse méditerranéenne, contribuent sans aucun doute à repenser la Méditerranée pour lui rendre la luminosité qui lui revient.

Car, et il ne faut pas l’oublier, en dépit des relations très riches entre nos deux rives au fil de l’histoire avec, certes, d’inévitables turbulences, les objectifs d’intégration régionale n’ont pas été atteints alors même que la région suscite aujourd’hui un intérêt accru d’autres puissances internationales et régionales.

Nos jeunes auditeurs discutent donc ensemble de cet avenir. Nous les en félicitons au travers de leurs diplômes cosignés par l’institut FMES et l’université euro-méditerranéenne de Fès (UEMF).

En 2023, nous poursuivrons le chemin qu’ils ont tracé avec de nouveaux participants qui prendront le relai…

[1] Voir Françoise Cahin « C’est l’eden retrouvé »

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