« SÉMINAIRE PARISIEN » DE LA 31ÈME SESSION MÉDITERRANÉENNE DES HAUTES ÉTUDES STRATÉGIQUES (SMHES)

Dans un contexte où les visites d’organismes sont souvent impossibles, les solutions alternatives sont systématiquement recherchées pour assurer la réalisation du programme de nos sessions méditerranéennes des hautes études stratégiques. Finalement, la crise du COVID 19 exerce une forme d’accélération de la transition numérique nécessaire au fonctionnement des organismes publics ou privés. En tout cas, elle nous oblige à penser les choses autrement ! Cette transition concerne bien sûr beaucoup d’autres segments stratégiques. Celui de la communication interne ou externe revêt une importance évidente. Pour les organismes de formation, il est nécessaire et indispensable de maintenir le lien quoi qu’il arrive même si rien ne remplace la rencontre directe des acteurs. Cela vaut naturellement pour les présentations dynamiques mais aussi pour les conférences où l’intervenant perçoit d’emblée la sensibilité et l’assiduité de son auditoire lorsqu’il est au contact.  

Ce facteur de contact ne peut donc être sous-estimé car il est un moteur de la dynamique collective. Les auditeurs de la 31ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques peuvent être rassurés. La programmation des séminaires, si l’étau du contexte sanitaire ne se desserrait pas, pourrait être ajustée en prenant au mieux leurs contraintes. Pour autant, la réalisation du séminaire parisien consacré à la rencontre des acteurs participant aux processus décisionnels de nos grands décideurs politiques et institutionnels s’imposait d’autant plus au moment où ces derniers sont très exposés dans la conduite d’une gestion de crise sans précédent. C’était donc le moment de les rencontrer.

Le jeudi 19 novembre, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a donc ouvert un canal digital aux auditeurs de la 31ème session. Ils ont pu mesurer le rôle essentiel de cet organisme à pied d’œuvre au quotidien pour tout ce qui concerne la protection et la sécurité de la Nation et très impliqué dans le domaine de l’anticipation stratégique. Le contexte de crise sanitaire a d’ailleurs souligné le caractère crucial de celle-ci. Elle est un préalable indispensable à la mise en œuvre des organisations de gestion de crise pour en appréhender tous les paramètres.  Enfin, les auditeurs ont pu apprécier le rôle particulier des conseils de défense et de sécurité nationale. Outil très médiatisé en ce moment et parfois critiqué à tort, il est un instrument de l’agilité décisionnelle de nos processus qui permet de solliciter les administrations les plus appropriées dans les réponses qu’elles doivent apporter dans l’urgence. Cette agilité est souvent enviée à l’extérieur là où les États sont soumis à un processus décisionnel ralenti par la consultation d’instances intermédiaires. Nous remercions le capitaine de vaisseau Cyril de Jaurias qui a réalisé une présentation complète et très appréciée des auditeurs. A leurs manières, ils participeront à l’anticipation stratégique dans les travaux qu’ils conduiront sur les conséquences des enjeux environnementaux en Méditerranée.

Elle fut suivie par une intervention de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées. Monsieur Tom Haristias, chargé de mission au sein de cette direction et en charge des dossiers où les questions environnementales intéressent les armées sous l’angle de ses conséquences stratégiques pour le ministère des Armées, a animé cette séquence avec beaucoup de talent. Le traitement de ce sujet prend donc une forme nouvelle avec une approche plus approfondie et plus globale. Les enjeux environnementaux ne se limitent pas au seul volet du développement durable initié dès les années 2008 mais aussi à celui pouvant faire émerger de nouvelles tensions géopolitiques. La réflexion prospective est pleinement ouverte et l’environnement pris dans son acception large, y compris sanitaire, apporte des éléments nouveaux de réflexion géopolitique. Les États ne peuvent ignorer ce domaine qui s’installe désormais dans le dialogue politique.

Dans la continuité de cette intervention, il était intéressant d’aller au contact de la direction du renseignement militaire. Évidemment, l’interaction n’a pas permis d’aborder les thèmes sensibles compte tenu de leur caractère confidentiel. Le contre-amiral Denis Bertrand s’est donc livré à un exercice un peu frustrant, pour l’orateur comme pour les auditeurs, tout en démontrant sans ambiguïté le rôle clé de cette direction au sein du ministère des Armées. Il a aussi démontré la cohérence de l’organisation du renseignement à l’échelle nationale dans un contexte où les menaces se multiplient dans leurs formes et où la coordination s’impose. La création en 2008 du coordinateur national du renseignement, élargi en 2017 à la lutte contre le terrorisme (CNRLT), en est une illustration. Le terrorisme reste une préoccupation majeure et les événements récents de l’actualité ne cessent de le rappeler. Enfin, pour la partie renseignement, les questions environnementales sont de plus en plus mises en avant.  Si elles s’intégraient dans les analyses antérieures, ne seraient-ce que pour la mise en œuvre de capteurs et une meilleure aptitude des hommes sur le terrain, leurs places pourraient s’amplifier à court terme avec les effets directs et indirects sur l’emploi des forces et le développement des capacités, mais aussi sur les causes initiales d’un conflit.

Pour parachever ces présentations à caractère institutionnel, il était nécessaire de faire comprendre aux auditeurs l’action centrée sur les relations internationales menée par l’état-major des armées au profit du chef d’état-major lui-même.  L’officier général RIM pour « relations internationales militaires », le général de division aérienne Laurent Marboeuf, a accepté de présenter les grands enjeux internationaux pour nos armées. Qu’ils s’agissent d’engagements nationaux ou multinationaux sous l’égide de l’Union européenne, de l’OTAN ou des Nations unies, les auditeurs ont pu apprécier la multiplicité des engagements français partout dans le monde. C’est le témoignage d’un savoir-faire mais aussi celui d’une place particulière qu’occupe toujours la France à l’échelle mondiale. Les débats sont pourtant très présents sur le rôle et la place des organisations internationales à un moment où le multilatéralisme marque le pas et laisse la place à l’expression des puissances, notamment régionales. La preuve, s’il en était besoin, que le monde change. Et la France, pour tenir son rang, devra sans doute redoubler d’efforts en Europe.

Mais l’espace méditerranéen change aussi. L’occasion était donc donnée le vendredi 20 novembre de solliciter le directeur académique et de la recherche de l’institut FMES, monsieur Pierre Razoux, pour présenter un panorama géostratégique du bassin méditerranéen. L’objectif de cette séquence était de fournir aux auditeurs leur cadre d’actions. Car leur thème d’étude, il ne faut pas l’oublier, doit leur permettre d’établir des scenarii à caractère géopolitique dans un espace où des tensions existent déjà. Elles pourraient s’accroître par l’effet d’autres facteurs dont celui de l’environnement. Sous son seul effet, des tensions nouvelles pourraient aussi apparaître. Cette séquence très riche devait précéder une interaction avec un comité de l’École de guerre dont le thème se rapproche de celui de la 31ème SMHES à l’exception près qu’il concerne un espace géographique presque diamétralement opposé puisqu’il s’agit de l’Arctique.

Animé par monsieur Mikaa Mered, professeur de géopolitique des pôles Arctique et Antarctique, cet échange a permis de mesurer les changements radicaux induits par l’évolution de l’environnement dans des zones souvent hostiles à toute forme de développement. En Arctique, une forme de dilemme stratégique s’installe avec l’ouverture d’activités commerciales et des opportunités régionales de développement. Ces perspectives ne seront pas sans conséquences géopolitiques. Évidemment, tout n’est pas transposable à l’espace méditerranéen mais il y a, en y regardant de plus près, des similitudes. Un nouvel échange entre l’École de guerre et les auditeurs de la session semble donc presque s’imposer. Le comité rencontré organise un colloque au printemps. Ne serait-ce pas là une opportunité nouvelle de rencontre? À tout le moins, il faut saluer l’initiative du lieutenant-colonel Jean-Christophe Houdré à l’origine de cet événement, et ancien auditeur de la 30ème SMHES, avec l’accord bienveillant du général de brigade aérienne Jean-Marc Vigilant, directeur de l’École de guerre.

Enfin, nous avons reconduit cette année le passage au centre de crise et de soutien du quai d’Orsay qui a permis aux auditeurs d’appréhender la gestion des crises pilotées par cet organisme né en 2008. Présenté par son directeur adjoint, monsieur Alexis Le Cour Grandmaison, ce centre n’a cessé, depuis sa création, d’accroître son champ d’action et s’appuie sur une organisation resserrée en termes de ressources humaines avec de très nombreuses expertises. Il n’a pas d’équivalent en Europe et souligne aussi son agilité décisionnelle en étant directement rattaché au cabinet du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La chargée de la formation et du RETEX, a une nouvelle fois accompagné nos auditeurs dans la présentation de ce centre d’excellence. Elle avait, et nous l’en remercions, initié cette séquence avec la session précédente. Enfin, nous avons eu la chance d’échanger avec monsieur Vincent Muller, chargé de mission pour la coopération franco-allemande du centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il fut créé à l’initiative de monsieur Michel Jobert en 1973, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères sous la présidence de monsieur Georges Pompidou. Il insistait sur la nécessité de disposer d’un outil de prospective diplomatique. Cet organisme composé de diplomates et de consultants est presque un Think Tank interne du quai d’Orsay directement lié aux autorités du cabinet. C’est un outil très précieux qui assure une veille sur les événements, notamment leurs signaux faibles parfois oubliés des observateurs ou experts en relations internationales. Monsieur Vincent Muller, au-delà de son expertise des relations franco-allemandes, a convaincu les auditeurs du caractère indispensable de cette réflexion prospective. Il l’a illustré en déclinant les grandes priorités géopolitiques dans un monde où les équilibres entre les grandes puissances changent.

Vous l’aurez compris, ce séminaire, même sous sa forme strictement digitale, a été assez dense et très utile. Il était important de le maintenir. Les intervenants ont été au rendez-vous et se sont livrés à des échanges suffisamment nombreux pour alimenter les réflexions de nos auditeurs pour un thème d’étude où la prospective tient toute sa place.

Encore une fois, nous retiendrons toute l’importance de l’anticipation stratégique. À l’institut FMES, tout concourt à fertiliser cette réflexion d’anticipation indispensable pour mieux maitriser les crises et leur gestion. Une certaine façon de préparer l’avenir dont Antoine de Saint-Exupéry disait que nous n’avons pas pour mission de le prévoir mais plus simplement de le permettre. Les auditeurs de la 31ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques vous donnent désormais rendez-vous en décembre où ils iront à la rencontre de notre très belle Marine nationale.

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