Moins de cent jours avant les prochaines élections au Parlement européen, les auditeurs et auditrices de la 29ème Session méditerranéenne des hautes études stratégiques ont bénéficié d’une mission d’étude de deux jours à Bruxelles qui leur a permis de mieux appréhender les réalités de l’Union européenne et de son fonctionnement.
Accueillis le 20 février 2019 au centre des visiteurs de la Commission européenne par Maria Jose Pastor, cadre de la direction générale de la communication, qui les a accompagnés toute la journée, les auditeurs et auditrices ont dans un premier temps écouté Charles de Chefdebien leur rappeler le rôle de la Commission dans le processus décisionnel de l’Union européenne. Contrairement au fonctionnement des institutions françaises, où le Parlement peut difficilement s’opposer au pouvoir exécutif, celui de l’UE repose sur un triptyque équilibré entre la Commission, responsable de l’élaboration de la législation et « voix de l’UE », le Conseil de l’Union européenne, « voix des Etats membres », et le Parlement européen, « voix des citoyens ».
Les auditeurs à la Commission européenne.
Organe exécutif de l’Union européenne, la Commission est dirigée par un « collège » de 28 commissaires, originaires de chacun des Etats membres, mais agissant en faveur de l’intérêt général de l’UE. Le commissaire français est Pierre Moscovici, chargé des politiques économiques, de la douane et de la fiscalité. La Commission sera renouvelée à l’issue des élections au Parlement européen, qui aura la responsabilité de valider à la majorité la candidature du nouveau président désigné par le Conseil puis d’auditionner les nouveaux commissaires et de vérifier qu’ils disposent des compétences requises.
Massimo Lombardini, membre de la direction générale « énergie », chargée de la politique énergétique de l’UE « pour un approvisionnement énergétique sûr, durable et à des prix compétitifs », a ensuite éclairé les auditeurs et auditrices sur les conséquences de la découverte de gisements d’hydrocarbures en Méditerranée orientale, thème de réflexion de la 29ème session. Rappelant les grandes « révolutions » de la généralisation de la liquéfaction du gaz initiée par le Qatar en 2000 puis de l’exploitation du gaz de schiste par les Etats-Unis en 2009, il a détaillé les options envisagées pour exploiter et distribuer le gaz de Méditerranée orientale. Si le projet de gazoduc East Med est ardemment défendu par Benjamin Netanyahu, qui y voit un moyen d’exporter le gaz israélien vers l’Italie et le marché européen, la Commission reste prudente, et n’ira pas au-delà des 3 millions d’euros accordés à la société IGI Poseidon pour les études exploratoires.
A l’issue du déjeuner à la cafétaria de la Commission, Jean-Christophe Filori, chef de l’unité « Afrique du Nord » à la direction générale « politique européenne de voisinage et négociations d’élargissement », est revenu sur les conditions particulières des relations avec l’Egypte, établies dans le cadre de la politique européenne de voisinage, une politique initialement envisagée pour les pays de l’Est comme une alternative à l’adhésion, avant d’être étendue aux pays situés au Sud de l’UE, dans une perspective de sécurisation de la stabilité et de prospérité européenne. Une nouvelle approche, plus réaliste, a permis depuis 2015 de repenser le cadre des relations euro-méditerranéennes, à la lumière des conséquences politiques, économiques et migratoires des printemps arabes. Destinée désormais à diffuser les valeurs européennes mais aussi à défendre les intérêts de l’Union européenne, la politique européenne de voisinage doit « assurer la stabilité aux frontières de l’UE par un soutien précis et efficace, destiné à favoriser la sécurité de la région, le développement de véritables coopérations économiques dépassant le seul libre-échange et la poursuite des réformes démocratiques ».
Kjartan Björnsson, chef de l’unité « appui au règlement de la question chypriote » au secrétariat général, a ensuite détaillé les conditions dans lesquelles était utilisé l’instrument de soutien financier « visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote turque ». Créé par un règlement du 27 février 2006, il a permis de faire profiter cette communauté de 519 M€ depuis son entrée en vigueur, afin de « mettre un terme à l’isolement de cette communauté et faciliter la réunification de Chypre ». Malheureusement, comme le regrette le Conseil de sécurité des Nations Unies dans sa résolution 2453 prorogeant le mandat de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre, « le processus de règlement n’a guère avancé » depuis la conclusion de la Conférence sur Chypre organisée en juillet 2017 à Crans-Montana, qui s’était achevée sans accord.
La journée s’est terminée par une prestation très remarquée de Tatiana Marquez Uriarte, chef adjointe de l’unité « aides d’Etat II » à la direction générale de la concurrence. Débutant son exposé par une référence au « Cassis de Dijon », elle a ainsi fait découvrir à une immense majorité des auditeurs que le 20 février 2019 marquait le quarantième anniversaire d’un arrêt de la cour de justice des communautés européennes condamnant l’Allemagne pour avoir interdit l’importation du Cassis de Dijon sur son territoire sous prétexte que sa teneur en alcool était inférieure au taux minimal prescrit par le droit allemand pour obtenir ce qualificatif de liqueur. C’était sans doute une des premières décisions européennes protégeant le « consommateur », au centre de toutes les préoccupations de l’Union européenne depuis son origine. Après avoir présenté la politique de sa direction générale en faveur d’un marché de l’énergie le plus favorable au « consommateur », telle que l’action menée contre Gazprom, entreprise d’Etat russe soupçonnée d’abus de position dominante, Tatiana Marquez Uriarte est revenue sur l’interdiction du projet d’acquisition d’Alstom par Siemens, mais a peiné à convaincre ses interlocuteurs français du bienfondé de la décision de la commissaire Margrethe Vestager.
Soirée consacrée aux travaux de comité.
Après une soirée consacrée aux travaux de comité conclue par un agréable dîner de cohésion, les auditeurs se sont retrouvés le 21 février 2019 devant le Parlement européen. Accueillis par un conférencier de l’unité des visites et séminaires, les auditrices et auditeurs devaient bénéficier d’un passage en salle de conférence « d’une durée de 30 minutes à une heure en fonction des questions du groupe » suivie d’un passage dans la tribune de l’hémicycle « avec explications complémentaires ». Mais l’intérêt suscité par des explications précises sur le fonctionnement du Parlement, le rôle des députés et le détail de leurs nombreuses activités au sein des vingt commissions aurait sans doute mérité de poursuivre les échanges durant le déjeuner. Le conférencier a en particulier expliqué les jeux de pouvoir et d’influence qui animent le cycle de discussion du corpus législatif et le rôle joué par les présidents de commission et les « coordinateurs », au nombre et 5 et 15 pour les Allemands quand les Français n’en comptent respectivement que 3 et 5.
Les auditeurs et auditrices se sont ensuite rendus à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Le capitaine de frégate Marc Woodcock y a initié les auditeurs et auditrices à la politique de défense et de sécurité commune, qui fonde ses bases sur la déclaration du Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999. Les chefs d’Etats et de gouvernement affirmaient pour la première fois une volonté commune de disposer d’une « capacité d’action autonome soutenue par des forces militaires crédibles », leur permettant de disposer des moyens de décider d’y recourir et d’être prêts à le faire « afin de réagir face aux crises internationales ».
Au Parlement européen.
L’Union européenne participe à ce jour à six opérations militaires : deux opérations maritimes, en Méditerranée (EUNAVFOR MED) et au large de la Corne de l’Afrique (EUNAVFOR ATALANTA), une opération de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (EUFOR ALTHEA) et trois actions de formation en Somalie, au Mali et en République Centrafricaine. Marquant les limites de l’autonomie stratégique de l’Union européenne, entérinées par les accords « Berlin plus » signés le 16 décembre 2002 avec l’OTAN, le commandement de l’opération ALTHEA est exercé, au moins jusqu’au 29 mars 2019, par l’amiral britannique commandant suprême adjoint des forces alliées en Europe, l’état-major d’opération étant situé au quartier général suprême des forces alliées en Europe.
L’opération ATALANTA est la première opération militaire navale conduite par l’UE. Opérationnelle depuis le 8 décembre 2008, elle contribue « à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de la Somalie et combat les actes de piraterie en large des côtes de Somalie ». L’autre opération militaire navale « contribue à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale ». EUNAVFOR MED opération Sophia a été prorogée jusqu’au 31 mars 2019, à la suite d’un accord de dernière minute du Conseil européen.
La mission d’étude dans la capitale belge s’est achevée par une présentation des activités de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Ruxandra Popa a dans un premier temps présenté l’organisation générale de l’OTAN avant de détailler les activités des 266 parlementaires issus des 29 pays membres de l’OTAN qui, par leur connaissance de l’OTAN, sont en mesure d’apprécier les politiques nationales en la matière, d’informer leurs collègues des parlements nationaux et d’orienter le travail législatif. Apportant un éclairage utile aux travaux de comité de la 29ème session, la secrétaire générale adjointe a détaillé les activités du « groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient », compétent toutes les questions politiques, socio-économiques et de sécurité touchant à la zone méditerranéenne, au Moyen-Orient et à la péninsule arabique.