Mai 2021 aura été marqué par un énième round d’affrontement entre Israël et le Hamas retranché à Gaza, rappelant que le conflit israélo-palestinien n’était toujours pas réglé même s’il avait été placé sous la pile des dossiers de nombreux dirigeants, n’attirant plus par là-même l’attention des médias. Ce nouvel épisode démontre en tout cas que la procrastination permet rarement de régler un conflit, tout particulièrement au Moyen-Orient. Il est survenu assez logiquement compte-tenu de la situation intérieure israélo-palestinienne : d’un côté la direction palestinienne, totalement délégitimée, venait de reporter sine die des élections générales qui auraient très probablement conduit à sa défaite. De l’autre l’Etat d’Israël était en quête d’une majorité introuvable, alors même que la cour suprême israélienne venait de rendre un arrêt ne pouvant qu’attiser les revendications d’une population ayant perdu tout espoir d’obtenir des concessions par la négociation. Bref, le Hamas et le gouvernement israélien de transition ont montré les muscles pour mobiliser leurs troupes et rappeler qu’il fallait compter avec eux. Et Benjamin Netanyahou a gagné un répit en tuant dans l’œuf la perspective de toute alliance entre ses opposants et les partis islamistes fédérant les Arabes israéliens. Sur la scène régionale, le président turc R.T. Erdogan s’est un peu plus éloigné de Joe Biden qu’il a vertement critiqué pour son soutien appuyé à Israël, ce qui semble avoir fait le jeu de l’Egypte et du Qatar qui redeviennent les deux interlocuteurs privilégiés de l’administration américaine sur ce dossier. Comme souvent dans ce conflit, ce sont les ultras des deux bords qui sortent renforcés de ce nouvel épisode guerrier qui aura permis à l’armée israélienne d’étriller sévèrement l’arsenal offensif du Hamas. Paradoxalement, alors même que Tsahal a porté des coups très durs au Hamas et au Djihad islamique, ses stratèges estiment avoir perdu la bataille de la communication, car de nombreux médias occidentaux se sont mobilisés pour critiquer les frappes disproportionnées ayant visé Gaza ; ils pointent également du doigt le risque d’une troisième Intifada impliquant les israéliens arabes qui montre qu’Israël pourrait bien se retrouver un jour dans une situation où il lui faudrait combattre sur tous les fronts intérieurs et extérieurs en même temps.
L’Iran, qui aurait pu facilement exploiter la faiblesse passagère d’Israël pour relancer les hostilités via le Hezbollah et les milices chiites, semble avoir adopté une attitude de grande retenue. De manière très pragmatique, les Iraniens priorisent pour l’instant les négociations de Vienne avec les Etats-Unis et la préparation de leur élection présidentielle du 18 juin prochain, dont notre directeur académique décrypte les enjeux dans l’un des podcasts du mois.
Une fois encore, l’Allemagne s’est affichée en soutien total d’Israël, bien que sa stratégie méditerranéenne ait considérablement évolué au cours des dernières années comme le démontre avec brio Amira von Call dans un article très novateur que nous sommes heureux de publier en prime en anglais et que nous publierons le mois prochain en français. Nous vous le recommandons d’autant plus chaleureusement qu’il nous permet de mettre en valeur le travail d’une étudiante de Sciences-Po Aix. La Russie et la Turquie sont restées pour leur part très prudentes dans cette crise, comme l’a expliqué Caroline Galactéros dans la conférence du mois dans laquelle elle a décrypté de manière percutante les relations triangulaires entre Moscou, Ankara et Téhéran.
En France, l’affrontement entre Israël d’un côté, le Hamas et le Djihad islamique de l’autre, semble avoir connu une évolution significative dans sa couverture médiatique, témoignant d’une prise de conscience de certains journalistes et intellectuels qui opèrent désormais la distinction entre la cause nationaliste (et laïque) palestinienne d’un côté, et l’agenda islamiste politique du Hamas ouvertement soutenu par certains thuriféraires des Frères musulmans. C’est la raison pour laquelle il est urgent de déminer à l’avance les incompréhensions entre communautés, tout comme les frustrations grandissantes entre les deux rives de la Méditerranée. C’est tout l’enjeu de la session SMHES 5+5 très réussie que la FMES a animé ce mois-ci, et que nous serons fiers de rééditer prochainement avec nos partenaires de la rive sud.
Sur un registre plus économique mais non moins stratégique, l’Egypte a annoncé la commande d’un lot supplémentaire de 30 chasseurs Rafale, renforçant ainsi l’influence de la France dans ce pays crucial, partenaire incontournable pour assurer la sécurité de l’axe Méditerranée orientale – Canal de Suez – Mer Rouge et dont la diplomatie très active a facilité la négociation d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Chloé Berger décrypte dans l’article du mois les enjeux internes de cette Egypte écartelée entre défis sociaux et transformation profonde, dix ans après la révolution avortée de 2011. Nous vous en souhaitons bonne lecture.
L’équipe de direction de l’institut FMES.