Ce mois de juin 2021 aura été marqué par une première tournée européenne du président Joe Biden destinée à relancer à la fois le multilatéralisme (sommets du G7 et de l’OTAN, négociations de Vienne sur le nucléaire iranien), à raviver une relation compliquée avec la Russie, mais surtout à défendre les intérêts stratégiques et économiques américains, notamment face à la Chine. Pour ce faire, Joe Biden n’a pas hésité à exercer de fortes pressions sur l’Allemagne et l’Union européenne. En fin négociateur, il a toutefois consenti certains compromis, notamment en direction de Berlin (maintien du gazoduc Nord Stream, accords commerciaux) en un moment où les relations franco-allemandes sont à la peine, tant face à la Turquie que sur les dossiers industriels. C’est pourquoi il nous a paru crucial de faire le point sur la stratégie allemande dans le bassin méditerranéen, une zone clé pour les intérêts français et européens. C’est le sujet de notre article du mois que nous avions publié en anglais le mois dernier et que nous sommes heureux de mettre à votre disposition en français.
Le mois dernier aura également été marqué par l’achèvement de quatre processus électoraux dans des pays clés de notre zone de prédilection. Le 27 mai, Bachar el-Assad a été réélu avec 95 % des suffrages exprimés. Au-delà de la farce électorale et d’un score digne des dictatures du siècle précédent, ce processus témoigne d’une stabilisation progressive de la Syrie. Tant qu’il conservera le soutien inconditionnel de la Russie et de l’Iran, Bachar el-Assad pourra regagner le contrôle de poches de territoires encore sous le contrôle des Kurdes ou de l’armée turque et de ses affidés djihadistes, notamment autour d’Idlib. Ce n’est pas un hasard si les monarchies du Golfe qui tournaient le dos au régime syrien réouvrent leurs ambassades à Damas les unes après les autres.
Le 12 juin, les législatives en Algérie ont consacré la victoire des partis traditionnels proches d’un FLN pourtant considéré comme moribond, même si l’on observe une forte poussée du vote islamiste à travers les candidats indépendants. Ce résultat ne peut qu’accroître la frustration du Hirak et le découplage entre la population et les élites. Les observateurs ont surtout noté le très faible taux de participation (30 %) qui est finalement très comparable à celui des élections régionales et départementales qui viennent de se dérouler en France, soulignant la fragilité de la démocratie sur les deux rives de la Méditerranée. C’est pourquoi la FMES est fière d’avoir organisé ce mois-ci la première session « Jeunes » de ses SMHES pour promouvoir l’esprit de défense et de dialogue auprès d’étudiants d’horizons très différents.
Le 14 juin, après plus de deux ans de crise institutionnelle ayant donné lieu à quatre élections, Israël s’est doté d’une nouvelle coalition gouvernementale alliant l’extrême droite à l’extrême gauche. Cette alliance improbable qui s’apparente à celle de la carpe et du lapin inclut pour la première fois un parti arabe islamiste. Bien que soutenant ouvertement le lobby des colons, le nouveau Premier ministre Naftali Bennett est un grand pragmatique qui donnera des gages et des crédits à la gauche et à la population arabe israélienne. Les grands perdants sont au fond les partis juifs orthodoxes, mais surtout Benjamin Netanyahou qui va devoir affronter la justice pour les affaires dans lesquelles il est inculpé. À bien des égards, son éviction de la scène politique s’apparente à l’assassinat de César avec Naftali Bennett, longtemps considéré comme son fils adoptif au sein du Likoud, dans le rôle de Brutus. Tout indique que cette nouvelle équipe fera preuve d’ouverture et de pragmatisme et cherchera à apaiser les relations avec Washington et Bruxelles. Cette coalition ne durera probablement que le temps que Benjamin Netanyahou soit condamné pénalement et définitivement éjecté du Likoud. Après, il est très probable que les personnalités de droite qui forment aujourd’hui le noyau dur de cette coalition retourneront au Likoud pour en prendre la direction. En attendant, ce qui vient de se passer pourrait constituer un tournant pour une population arabe israélienne et palestinienne tiraillée entre le Hamas et les partis arabes représentés à la Knesset, ces derniers prouvant finalement qu’ils peuvent obtenir davantage que la direction cacochyme d’un Fatah totalement démonétisé.
Le 18 juin enfin, l’ultra-favori Ebrahim Raïssi a été élu président de la République islamique d’Iran avec 62 % des suffrages exprimés et 48 % de taux de participation (ramené à 35 % si l’on intègre les votes nuls et blancs). À travers lui, c’est le clergé dont il est membre qui reste aux manettes et qui tient à distance à la fois les technocrates civils et les pasdarans un peu trop gourmands ou ambitieux. Une chose paraît sûre, le clergé et les ultraconservateurs détiennent désormais tous les leviers du pouvoir en Iran. Le Guide suprême Ali Khamenei peut dormir tranquille et envisager sereinement sa succession. C’est sans doute une mauvaise nouvelle pour une population très majoritairement en attente d’ouvertures et de réformes. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle sur la scène régionale car dans l’histoire, ce sont souvent les pouvoirs les plus conservateurs et les plus sécuritaires qui parviennent à conclure des accords avec leurs rivaux ou leurs adversaires, ayant les coudées franches puisqu’ils savent que l’on ne les accusera pas de brader les intérêts de leur pays. De fait, le nouveau président iranien affiche sa volonté de trouver un accord avec les États-Unis sur la question nucléaire, de renforcer les relations économiques avec la Chine et l’Europe et de négocier des accords bilatéraux avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ces derniers ont d’ailleurs félicité Raïssi pour son élection, un geste qui aurait été impensable il y a un an encore lorsque se négociaient les accords d’Abraham avec Trump et Netanyahou.
Nos deux podcasts consacrés aux élections israélienne et iranienne vous permettront de décrypter plus en détail les conséquences de la victoire de Naftali Bennett et d’Ebrahim Raïssi.
Nous vous souhaitons un bel été et vous donnons rendez-vous au retour de la pause estivale pour une Lettre d’information qui couvrira les mois de juillet et d’août.