Le mois de juin aura souligné l’impact des tensions qui nous entourent dans la politique européenne et française.
Les tensions à l’Est étaient omniprésentes le 6 juin, lors du 80ème anniversaire du D-Day. La participation de l’Ukraine et l’absence de la Russie soulignaient volontairement le parallèle, huit décennies plus tard, les combats pour la libération de la France occupée et de l’Ukraine. Les tensions au Sud illustrent de leur côté le résultat des élections européennes du 9 juin. La poussée populiste qui se poursuit dans l’Union Européenne se construit sur la crainte de la poursuite d’une migration incontrôlée qui importerait dans nos sociétés les ressentiments des populations du Sud. Ces deux types de tension sont palpables dans les débats portés par la campagne législative qu’a initiée la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron, le soir des résultats de l’élection européenne. Les deux principaux blocs politiques se construisent en effet sur les tensions existant dans notre Sud : l’extrême droite dénonce le risque d’importer les antagonismes et leurs conséquences, tandis que l’extrême gauche élabore au contraire un référentiel idéologique sur le conflit Israélo-palestinien, archétype du combat d’émancipation.
A l’Est de l’Europe, la guerre en Ukraine piétine et le combat se déplace sur le champ diplomatique. Les Européens, anticipant un possible désengagement américain en cas d’élection de Donald Trump en novembre, essaient d’élargir la base internationale de soutien à Kiev. C’était l’objectif du sommet des 15 et 16 juin en Suisse dont les résultats sont mitigés : Si 92 pays étaient représentés (la Russie n’était pas invitée et la Chine a refusé d’y participer) et si 84 d’entre eux ont signé la déclaration finale, celle-ci était très allégée et aucun pays des « BRICS plus » n’a accepté de s’y joindre. De son côté, Vladimir Poutine renforce son partenariat militaire avec la Corée du Nord (déplacement à Pyongyang les 18 et 19 juin) et renforce sa stratégie de communication à l’égard de « la majorité mondiale » qu’il oppose à l’Occident (discours du 14 juin). A cet égard, il convient d’observer que les deux bords majoritaires de l’élection législative française revendiquent un apaisement avec la Russie. Cette porosité entre les enjeux extérieurs et intérieurs est un signe des temps qui résulte des flux de populations, d’informations et d’intérêts économiques. Elle est aussi la marque de la guerre informationnelle qui fait rage et qui fragilise les sociétés ouvertes et démocratiques. Nous en parlerons lors des prochaines RSMed les 8-9 octobre (voir les tables rondes) prochains.
Au Sud, la guerre à Gaza se prolonge, alimentée par le refus du Hamas d’accepter le plan de trêve américain et par l’ambition de Benjamin Netanyahou de prolonger le conflit le plus longtemps possible pour retarder la commission d’enquête qui le menacera dès la fin des hostilités. Tsahal s’est engagé dans une opération de chasse aux tunnels et aux combattants du Hamas dans la zone de Rafah, en particulier sur la frontière égyptienne. Cette opération d’ampleur plus réduite pourrait durer plusieurs mois et permettre ainsi aux Israéliens de reporter leur attention sur leur frontière nord. Car outre le Hamas, Israël doit gérer sa confrontation avec le Hezbollah perçu comme une menace encore plus grande et dont les stratèges israéliens savent qu’ils devront l’affronter un jour ou l’autre. Israël se place également dans le cadre de l’évolution du rapport de force avec l’Iran qu’a démontré l’attaque iranienne massive du 13 avril. Les élites sécuritaires israéliennes ont intégré le fait qu’Israël pouvait désormais disparaître, ce qui explique leur relative indifférence aux injonctions américaines et européennes. C’est le thème de notre article du mois (lire l’article). L’élection présidentielle qui se déroulera en Iran les 28 juin et 5 juillet (en cas de second tour) pourrait accélérer cette évolution stratégique si Saïd Djalili ou Mohammed-Baqer Qalibaf, deux conservateurs « civils » plus jeunes, plus nationalistes et plus enclins à prendre des risques que les membres du clergé qui dirigeaient jusque-là les gouvernements successifs, parvenaient au pouvoir et décidaient de pousser leur avantage dans la région. Leur élection pourrait impacter le programme nucléaire iranien. Compte tenu du taux de participation escompté, le candidat réformiste, Massoud Pezeshkian, technocrate âgé, ne semble avoir que très peu de chances de l’emporter, même s’il est seul candidat de son camp.
En Afrique, la guerre oubliée au Soudan continue de faire rage et menace désormais de déborder en République centrafricaine. Au Sahel, les attaques djihadistes au Burkina Faso pourraient avoir imposé l’intervention de soldats maliens accompagnés de mercenaires russes. Bien que démenties par le président burkinabé, une telle intervention serait la première matérialisation du pacte de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Le souverainisme voire le nationalisme revendiqué par le courant panafricaniste au Sahel est également porté par les nouvelles autorités sénégalaises : le discours virulent envers la France prononcé par le Premier ministre Ousmane Sonko en mai augure d’une ferme volonté de redéfinir les relations franco-sénégalaises dont le Président Bassirou Diomaye Faye s’est certainement fait l’écho lors de sa rencontre à Paris avec le Président Macron. Enfin, la présence croissante sur le continent d’acteurs non occidentaux se poursuit, avec l’arrivée remarquée sur le continent de la compagnie militaire privée Sadat, proche du président turc R.T. Ergogan, qui pourrait jouer à l’avenir un rôle croissant, dans la foulée de celui qu’elle a joué en Libye et en Azerbaïdjan.
Bonne lecture et bel été.
L’équipe de direction de l’Institut