Ce mois d’avril 2024 aura été marqué par un échange de frappes inédit sur les territoires d’Israël et de l’Iran. Ces deux Etats, ennemis déclarés depuis la révolution islamique iranienne de 1979, s’étaient jusque-là cantonnés à une guerre clandestine ou par proxys interposés. La frappe le 1er avril par Israël sur le consulat d’Iran à Damas, tuant une dizaine d’officiers supérieurs dont deux généraux du Corps des Gardiens de la Révolution, a été considérée par Téhéran comme le franchissement d’une ligne rouge. L’Iran, après avoir alerté Israël pour éviter une escalade incontrôlée, a riposté dans la nuit du 13 au 14 avril par une frappe massive dont la quasi-totalité des projectiles ont été interceptés avant d’atteindre leurs cibles. Cinq jours plus tard, Israël a répliqué en procédant à une attaque discrète mais efficace visant la défense sol-air de la base aérienne d’Ispahan censée protéger deux installations du programme nucléaire iranien, au cœur de l’Iran. Cet échange a permis de faire passer des « signalements stratégiques » : D’un côté Téhéran indique que l’intensification des frappes de Tel Aviv sur ses proxys doit épargner ses chefs militaires, de l’autre Israël rappelle qu’il peut frapper là où il le souhaite et que les installations nucléaires iraniennes ne sont donc pas à l’abri. Ce dernier message a été parfaitement reçu par les mollahs qui ont certainement blâmé en privé les hauts responsables des pasdarans pour leur inefficacité. Les dirigeants iraniens ont néanmoins sauvé la face auprès de leur population et de leurs affidés en minimisant l’impact de cette réplique très mesurée. Bref, chacun y a trouvé son compte et l’escalade a été évitée. C’est le thème de notre carte du mois que nous vous invitons à découvrir via ce lien : https://fmes-france.org/confrontation-israel-iran-avril-2024-escalade-maitrisee/
Nul doute que cet épisode aura des conséquences. Tout d’abord, il est certain qu’il va intensifier l’affrontement clandestin entre Israël et l’Iran sous forme d’attaques cybernétiques, d’attentats, d’assassinats ciblés et de sabotages. Il va également relancer l’affrontement via les proxys que sont le Hezbollah, les Houthis et les milices chiites en Irak et en Syrie. Le Sud Liban est d’ailleurs en train de redevenir le point focal de l’effort opérationnel israélien. Tout indique ensuite que cet épisode va accélérer la séquence israélienne dans la bande de Gaza, puisque Benyamin Netanyahou a communiqué sur le fait qu’il aurait reçu le feu vert de la Maison Blanche pour agir sur Rafah en échange de « modération » à l’égard de l’Iran. Enfin, il est probable que cette séquence amène l’Iran à réexaminer sa stratégie globale, pour accélérer son programme atomique afin de tangenter, voire franchir, le seuil nucléaire, puisque les dirigeants iraniens ont compris qu’ils ne pouvaient pas vraiment compter sur leurs moyens conventionnels pour sanctuariser leur territoire.
Aux Etats-Unis, le Sénat, après avoir longtemps tergiversé, a adopté le 24 avril un plan d’aide de 61 milliards de dollars à l’Ukraine comprenant la livraison d’importantes quantités d’armement et de munitions à Kiev. Cela suffira-t-il aux militaires ukrainiens pour contenir la poussée de l’armée russe à l’heure où ils reconnaissent être en difficulté, notamment en termes d’effectifs ? Sans doute au moins jusqu’à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, car Joe Biden perdrait toute chance de l’emporter en cas d’effondrement de l’Ukraine avant cette échéance. Une chose paraît sûre : l’aide matérielle, aussi significative soit-elle, ne permettra pas de remplacer les combattants sur la ligne de front. L’état-major russe l’a parfaitement compris ; c’est la raison pour laquelle le Kremlin intensifie sa stratégie d’usure et d’attrition.
Ce n’est donc pas un hasard si la France a décidé de placer pour la première fois son Groupe aéronaval sous le commandement de l’OTAN lors d’un déploiement opérationnel en Méditerranée. Il s’agit, là aussi, d’un signal vers Moscou : marquer la solidarité de l’Alliance et dissuader la Russie de pousser ses pions dans cette direction. Cette démonstration a d’autant plus de sens que les Etats-Unis et les Européens ont regagné en crédibilité militaire. Que ce soit pour défendre Israël face aux frappes iraniennes ou pour contrer les Houthis en mer Rouge, chacun a pu constater que leur technologie est sans égale. Un message que la Russie, la Chine et l’Iran, mais aussi les monarchies du Golfe qui lorgnent vers Pékin et Moscou, ont très certainement intégré.
En Afrique, les relations avec ces grandes puissances extérieures au continent ont également occupé une large part de l’actualité de l’espace sahélien. En effet, les Etats-Unis ont dû se résoudre à annoncer qu’ils travaillaient sur le calendrier de retrait de leurs troupes stationnées au Niger à la suite de la dénonciation par les autorités militaires du pays de l’accord de coopération jusqu’ici en vigueur. Les autorités nigériennes ont également fortement médiatisé le nouvel accord de coopération militaire conclu avec la Russie ainsi que la livraison de défense anti-aérienne et d’un contingent de l’Africa Corps. Des rumeurs de remise en cause de la présence américaine au Tchad ont également circulé. La volonté de la diplomatie française de demeurer un acteur majeur sur le continent africain a été confirmée par la visite en France du Président de la République démocratique du Congo (RDC) aussi bien que par la tenue à Paris de la Conférence internationale humanitaire pour le Soudan, théâtre d’une guerre oubliée par tous alors qu’elle entraine une des pires catastrophes humanitaires, la pire crise de déplacement et bientôt la pire crise de la faim au monde, selon l’ONU.
L’équipe de direction de la FMES