Ce mois de septembre a été marqué par le durcissement du conflit en Ukraine avec le recul relatif des forces russes dans le Donbass, la mobilisation partielle lancée par Moscou et les menaces d’emploi de l’arme nucléaire de Vladimir Poutine, qui s’est par ailleurs montré plus isolé que prévu lors du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai à Samarkand.
Cet accroissement des tensions, à la fois systémique et conjoncturel, place l’Europe et la France au cœur d’un bouleversement géopolitique mondial qui voit le trio stratégique (Etats-Unis, Chine, Russie) tenter de définir les nouvelles zones d’influence et les puissances régionales pousser leurs pions pour optimiser leurs gains. Les Européens et les Français ne peuvent rester passifs face à ce grand remue-ménage et doivent appréhender intellectuellement ces changements, identifier leurs enjeux et définir une stratégie.
C’est l’objectif des Rencontres Stratégiques de la Méditerranée (RSMed) dont la première édition a réuni plus de 1200 participants (dont une dizaine d’ambassadeurs et une quinzaine d’officiers généraux dont deux chefs d’états-majors), les 27 et 28 septembre dans le magnifique palais Neptune de la ville de Toulon, première base navale d’Europe. Deux conférences et dix tables-rondes animées par plus de 40 experts, chercheurs, hauts responsables représentants des industriels et élus dont une représentation de la commission de la défense de l’assemblée nationale se sont succédées pour présenter et débattre des grands enjeux stratégiques qui se concentrent sur notre voisinage sud. Les réflexions se sont articulées autour de trois grandes thématiques : Recompositions géopolitiques, défis sécuritaires transverses et ruptures technologiques dans les conflits récents.
Si la synthèse de ces débats nécessitera quelques semaines pour en extraire la substantifique moelle (ils seront bientôt disponible sur la chaine Youtube de la FMES), on peut déjà identifier quelques lignes de force. Un consensus apparait sur le constat de la fragmentation et de la désoccidentalisation du monde, le retour de la guerre de haute intensité sous le seuil nucléaire et l’autonomisation de nos interlocuteurs du sud, de plus en plus « non-alignés ».
La fragilité nouvelle des puissances européennes est également apparue. La prolifération des armements technologiques (cyber, drones, spatial), le réarmement général, le développement des capacités nouvelles (hypervélocité), notre sidération face aux rapports de forces et peut-être notre difficulté conceptuelle à caractériser le monde qui advient placent les Européens dans une posture trop souvent réactive et défensive.
Travail intellectuel, lucidité et courage s’imposent donc pour mettre des mots et des concepts sur un environnement stratégique qui n’est pas celui que nous attendions et pour définir les modes d’action dont dépendent notre avenir. En tout état de cause un triple réarmement est nécessaire : un réarmement capacitaire qui imposera de nouvelles méthodes itératives, plus souples, pour définir les besoins et les améliorations, un réarmement doctrinal pour améliorer en particulier les capacités d’action multinationales, renforcer notre dissuasion conventionnelle, envisager les actions d’anticipation et intégrer les guerres de l’information et un réarmement moral sans lequel aucun effort ne sera possible.
Cette démarche s’inscrit parfaitement dans le spectre des travaux de la FMES qui s’appuie sur la réflexion académique, l’expérience militaire et la proximité avec les acteurs technologiques et industriels. La guerre en Ukraine nous le démontre : à une époque de bouleversement stratégique où la conflictualité revient en force et alors que la supériorité technologique bouleverse les rapports de forces, une réflexion qui tente de croiser ces trois perspectives est plus que jamais essentielle pour l’avenir de notre pays et de l’Europe. C’est ce qu’ont initiée ces premières RSMed. Nous continuerons, grâce à votre confiance, dans cette voie. Rendez-vous les 9 et 10 novembre 2023 pour la deuxième édition !
