L’évènement le plus marquant du mois reste indéniablement la très vaste offensive aérienne déclenchée le 13 juin par Israël pour affaiblir le régime iranien et détruire au maximum son programme nucléaire. Les Iraniens ont riposté par de multiples salves de missiles balistiques visant le territoire israélien. A l’issue de douze jours de bombardements israéliens intensifs et d’une nuit de spectaculaires bombardements américains sur les trois sites nucléaires les plus durcis, l’Iran, très affaibli militairement, moralement et économiquement, a accepté les conditions de cessez-le-feu posées par Donald Trump, pour ne pas avoir à plier le genou devant Israël. De part et d’autre, les belligérants ont tout fait pour éviter l’embrasement régional dont les conséquences leur auraient été très négatives.
Si le régime iranien crie victoire – sans tromper personne – puisqu’il a survécu, qu’il a réussi à frapper durement Israël et qu’il a probablement sauvé une partie de son programme nucléaire, force est de constater que l’Iran n’avait pas d’autre choix raisonnable que celui d’arrêter les hostilités. En face, cette « guerre de 12 jours » laisse un goût d’inachevé au gouvernement et à l’état-major israéliens qui auraient souhaité disposer de plus de temps pour affaiblir davantage le régime iranien, même s’ils donnent le change et proclament avoir atteints leurs objectifs. Que retenir de cette courte guerre ? Tout d’abord, que l’avantage est plus que jamais à l’offensive et que pour être crédible et dissuasive, une armée doit pouvoir frapper loin, fort et dans la durée tout en disposant de suffisamment de stocks d’armes défensives pour protéger son territoire. Ensuite que la maitrise de la boucle OODA (observer, orienter, décider, agir), aujourd’hui boostée par l’IA et le cyber, est capitale pour pouvoir acquérir la supériorité informationnelle et opérationnelle. Enfin, que le nucléaire reste sans doute l’enjeu ultime que chaque belligérant essaie de détruire ou de préserver. A cet égard, il est probable que le régime iranien – qui a réellement tremblé – cesse rapidement toute coopération avec l’AIEA et sorte du Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) pour franchir discrètement le seuil de la capacité atomique militaire dès qu’il le pourra. Une autre conséquence paraît évidente : le régime iranien va se durcir et faire régner la terreur pour éliminer les infiltrés et éradiquer toute opposition susceptible d’accélérer sa chute. C’est une très mauvaise nouvelle pour la population.
Cette guerre a éclipsé l’accélération des combats très meurtriers à Gaza comme en Ukraine malgré l’usure considérables des troupes impliquées. Elle a été une illustration de plus de la marginalisation du droit international et de la banalisation du recours à la force. Nul doute que Vladimir Poutine s’en réjouit alors même que Donald Trump, auréolé de son succès au Moyen-Orient, est venu jouer le matamore au sommet de l’OTAN de La Haye (24-25 juin) après avoir signifié sa mauvaise humeur lors du sommet du G7 au Canada quelques jours plus tôt. Comme pétrifiés devant ces ruptures qui s’accumulent et qu’ils n’ont pas voulu prévoir, les Européens, paniqués à l’idée d’être laissés seuls face aux appétits russes, ont fait assaut de flatteries et de promesses à l’égard du président américain. La cible de leur effort de défense est ainsi passée en une journée de 2% à 5 % du PIB (en fait 3,5 % pour les dépenses strictement militaires), ce qui est à la fois cohérent mais irréaliste sans une remise à plat des modèles sociaux nationaux. Les débats sur les retraites en France illustrent le fossé qui existe entre ces prises de position officielles et leur application réelle. De leur côté, les risques stratégiques croissants du flanc Sud de l’Alliance (bassin méditerranéen, Afrique sahélienne, Moyen-Orient, océan Indien) ont été évincés de l’agenda compte tenu des divisions profondes des alliés à leur égard.
Si l’Afrique n’est pas au centre du jeu, elle reste un terrain de compétition d’influence pour les trois grands. Les représentants du Congo et du Rwanda ont paraphé à Washington un document visant à mettre fin à la guerre qui ravage l’est de la RDC. La Chine a contre-attaqué en organisant un forum sino-africain au cours duquel elle a annoncé l’exemption totale de droits de douane pour 53 Etats africains. De son côté, la Russie a officialisé la montée en puissance de l’Africa Corps à la place de la milice Wagner, notamment au Mali, ce qui n’a pas empêché le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans et l’Etat islamique au Sahel de multiplier les attaques qui ont fait plus de 140 morts sur place (au Mali), y compris au sein du contingent russe. Il est probable que ces échecs, qui s’ajoutent aux informations sur les tortures des populations et au lâchage de l’Iran par Moscou, atteignent la crédibilité de la garantie russe auprès des leaders africains.
Pendant ce temps, deux évènements internationaux se sont déroulés en France soulignant une caractéristique du nouveau monde : la simultanéité des confrontations et du besoin de coopérations. Le salon aéronautique du Bourget a témoigné de l’indispensable remontée en puissance de l’effort de défense et de l’essor des moyens robotisés qui changent la donne opérationnelle et politique ; la conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice (9-13 juin) a permis d’accélérer le processus d’entrée en vigueur du traité pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ). La FMES était présente lors de ces deux évènements car l’analyse stratégique impose d’embrasser ces enjeux contradictoires.
Nous vous souhaitons un bel été et vous donnons rendez-vous à la fin du mois d’août pour notre prochaine lettre d’information. D’ici là, n’hésitez pas à vous inscrire aux prochaines Rencontres Stratégiques de la Méditerranée qui se tiendront à Toulon les 8 et 9 octobre prochains.
L’équipe de direction de l’Institut