La Grèce face au conflit entre Israël et le Hamas

Par Aris Marghelis, Chercheur associé à la FMES et au Centre de droit maritime et océanique (Université de Nantes)

Résumé

L’ordre en Méditerranée orientale est consubstantiel de l’ordre au Moyen-Orient. Le conflit entre Israël et le Hamas n’est donc pas sans conséquences pour la Grèce et Chypre. D’abord, il pourrait compromettre l’architecture sécuritaire moyen-orientale promue par la Grèce, Chypre et Israël en Méditerranée orientale. Puis, il fait planer le spectre d’une crise migratoire qu’Athènes semble déterminée à contenir. Enfin, la Grèce craint le danger terroriste du fait de sa position pro-israélienne. Cependant, ce conflit est aussi porteur d’opportunités. Si les tensions régionales n’ont, pour l’instant, pas compromis le rapprochement gréco-turc en cours, le soutien grec à Israël et turc au Hamas cristallisent les fractures. Cela met la Grèce dans une position favorable aux côtés des États-Unis et d’Israël. Il est donc important pour Athènes que Washington et Tel Aviv conservent leur capacité à façonner l’ordre régional post-conflit.

L’ÉVOLUTION DE LA POSTURE GRECQUE VIS-À-VIS D’ISRAËL ET DU MONDE ARABE

Pour comprendre les enjeux pour la Grèce de ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien, il convient d’expliquer l’évolution de la posture grecque à l’égard d’Israël et du monde arabe.

Des relations gréco-israéliennes médiocres jusqu’aux années 2000

La question chypriote a commencé dans les années 1950 comme un problème de décolonisation et de libération nationale face aux Britanniques. Elle a fini en problème d’invasion et d’occupation par la Turquie dans les années 1970. Une proximité avec Israël perçu comme un État colonisateur et occupant apparaissait donc comme une incohérence. En outre, l’ONU jouant un rôle pivot dans la gestion du conflit chypriote, il était crucial pour la Grèce de sécuriser le vote des pays arabes et d’autres pays du Tiers-Monde. Une partie importante d’entre eux partageait des sentiments hostiles à l’égard de l’État hébreu, voire à l’égard de la Turquie, qui avait été le premier pays musulman à reconnaître Israël, dès 1949.

D’une façon générale, la proximité entre la Turquie et Israël, qui avait une importante dimension militarο-sécuritaire, ne facilitait pas le développement des relations gréco-israéliennes. En parallèle, la Grèce entretenait des bons rapports avec la Syrie de Hafez El-Assad, les deux pays partageant des relations difficiles avec la Turquie. Par ricochet, les relations gréco-syriennes incommodaient aussi Tel Aviv, en dépit de la reconnaissance de jure d’Israël par la Grèce en 1990 qui permit un certain progrès.

Pour des raisons politiques et sécuritaires liées à la cause palestinienne

La Grèce a longtemps soutenu la cause palestinienne, notamment sous les gouvernements socialistes d’A. Papandréou. En 1981, la Grèce fut le premier pays de la CEE à accorder une pleine reconnaissance diplomatique à l’OLP et Y. Arafat fut le premier leader étranger à visiter Athènes après l’élection d’A. Papandréou. En 1982, c’est à bord d’un navire grec et en direction d’Athènes que le leader palestinien quitta le Liban[1] ; une opération similaire fut menée l’année suivante au départ de Tripoli[2]. Ce rôle de la Grèce comme « pivot arabe » en Europe lui a aussi valu de devenir un haut lieu du terrorisme palestinien dans les années 1970-1980. Elle abritait sur son territoire des dirigeants palestiniens dont certains appartenaient à des mouvances terroristes (comme le FPLP) et a été le théâtre d’actes terroristes, poussant le Mossad à agir en Grèce (et à Chypre) et impactant la relation gréco-américaine.

En raison de liens anciens et multidimensionnels avec le monde arabe

La Grèce et le monde arabe entretiennent de liens culturels et religieux millénaires, avec la présence des diasporas grecques d’Égypte, de Syrie et du Liban, mais aussi des patriarcats de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche (basé à Beyrouth) avec leur réseau respectif de monastères et d’églises. À cet égard, le patriarcat de Jérusalem n’a pas toujours eu des relations faciles avec le gouvernement israélien[3] et les frappes récentes israéliennes sur l’église grecque de Saint Porphyre — la plus ancienne de Gaza — qui ont fait plusieurs morts ont été qualifiées par le patriarche Théophile de « crime de guerre »[4].

Il faut ensuite rappeler des liens économiques substantiels, notamment le rôle de la flotte commerciale grecque dans le transport du pétrole moyen-oriental, ce qui exigeait de bonnes relations avec le monde arabe.

En dernier lieu, nous pouvons évoquer la dimension émotionnelle de ces liens. Il s’agissait notamment d’un anti-impérialisme pro-palestinien de gauche percevant Israël comme un proxy américain dans la région, et d’un conservatisme national retenant le souvenir d’une certaine rivalité entre les Grecs et la communauté israélite à l’époque de l’Empire ottoman. Aujourd’hui, le premier subsiste essentiellement dans l’extrême gauche et le second s’est dissipé à la faveur du réchauffement des relations gréco-israéliennes depuis les années 2010.

Depuis 2010 : un changement de paradigme dans les relations avec Israël et les pays arabes

Une longue transition politique et mentale de la Grèce

À partir des années 1990-2000, la Grèce a commencé à regarder davantage vers l’Europe que vers le Moyen-Orient en raison de l’avancée de l’intégration européenne, du début des négociations d’adhésion de la Turquie, et de l’intégration de Chypre à l’UE. Cela eut pour effet l’accélération de l’européanisation des relations gréco-turques, rendant moins déterminant le soutien des pays arabes. En outre, le décès d’A. Papandréou en 1996 marqua une certaine dépréciation des solidarités fondées sur la personnalité des leaders.

Les changements tectoniques survenus au Moyen-Orient

À partir des années 2000, une série d’évolutions viennent bousculer les réalités au Moyen-Orient : le décès de Y. Arafat et la « dé-marxisation » de la lutte palestinienne, avec la domination du Hamas et un certain revirement palestinien vers la Turquie d’Erdogan ; le décès de Hafez el-Assad et la guerre en Syrie ; l’avènement des Frères musulmans en Égypte ; la chute de M. Kadhafi en Libye. Ces évolutions vont effacer les structures et personnes avec lesquelles la Grèce était habituée à traiter au Levant arabe. Exception faite de l’Égypte, où le général al-Sissi finira par renverser les Frères musulmans en 2013 et optera pour le développement des relations — y compris militaires — avec la Grèce. Concernant la Syrie, la Grèce a suivi la politique de l’UE mais, à partir de 2020, essaie discrètement de rétablir des liens en raison de la fuite en avant de la Turquie en Méditerranée orientale. C’est un choix logique au vu de la rivalité turco-syrienne, des enjeux en matière de zones maritimes impliqués de la proximité géographique de Chypre, et du problème d’occupation turque que partagent Nicosie et Damas — même si la manifestation et les enjeux de cette occupation ne sont pas identiques. Ainsi, le 29 avril 2020, la Syrie a envoyé une lettre au Secrétaire général de l’ONU dénonçant l’accord maritime turco-libyen de 2019 et soutenant entièrement la Grèce et Chypre, quand bien-même elle n’était pas directement lésée par cet accord[5]. Le 5 mai 2020, la Grèce nomma une Envoyée spéciale pour la Syrie, qui n’était autre que l’ambassadrice qui avait quitté le pays en 2012[6]. En d’autres termes, si les deux États sont conscients que leurs alliances respectives ne leur permettent pas de rétablir pleinement des relations, la volonté de se prépositionner en vue d’une future normalisation — lorsque les conditions la permettront — est manifeste.

La dégradation des relations turco-israéliennes

La dégradation des relations entre Tel Aviv et Ankara au tournant des années 2010 s’inscrit dans le sillage du positionnement de R. T. Erdogan en protecteur du monde sunnite et donc des Palestiniens. Pour Israël, la conséquence principale de sa rupture avec la Turquie était la perte d’un allié crucial dans une région hostile et le besoin subséquent de se doter de nouveaux partenariats, d’un lien plus direct avec l’Europe, et d’une profondeur stratégique en Méditerranée. Dans ce contexte, géographie oblige, seules Chypre et la Grèce — les deux uniques membres de l’UE dans la région — pouvaient lui offrir des solutions. En miroir, Athènes, qui perdait ses relais au Levant arabe, trouvait en Israël un partenaire qui lui permettait de continuer à faire jeu en Méditerranée orientale. Et ce dans un contexte de montée en puissance stratégique turque et dans une conjoncture financière désastreuse qui menaçait de se transformer en effondrement géopolitique. Les conditions d’une situation « gagnante-gagnante » ont donc émergé de fait et les deux pays ont su saisir cette opportunité.

Ainsi, la Grèce et Israël, rejoints par Chypre, sont entrés dans une coopération énergétique, militaire, sécuritaire et économique fructueuse. En parallèle, les lobbies grec et israélien aux États-Unis, qui n’avaient pas toujours prêché le même discours, sont entrés dans une phase de coordination croissante sur les questions régionales.

Le rapprochement israélo-arabe

Ce rapprochement gréco-israélien fut d’autant plus facilité que des États arabes comme l’Égypte, Bahreïn, les Émirats Arabes Unis (EAU) et l’Arabie Saoudite — tous des adversaires de l’islam politique soutenu par la Turquie — développèrent des relations de plus en plus décomplexées avec Israël. Les Accords d’Abraham de 2020, favorables à la vision grecque de l’ordre régional, ont marqué un tournant dans cette dynamique. C’est aussi à partir de 2020, en réponse au raidissement stratégique turc en mer Égée et en Méditerranée orientale, que la Grèce a multiplié les synergies diplomatiques[7], économiques[8], énergétiques[9] et militaires[10] avec ces mêmes États arabes « israélo-compatibles », ainsi qu’avec la Jordanie[11], en vue d’harmoniser les architectures sécuritaires moyen-orientale et est-méditerranéenne.

LES DANGERS LIÉS À LA GUERRE ENTRE ISRAËL ET LE HAMAS

Une architecture sécuritaire compromise ?

Le danger majeur pour la Grèce et Chypre serait la mise en péril de l’architecture sécuritaire issue des Accords d’Abraham, qui s’imbrique avec celle promue par les deux États en Méditerranée orientale. En effet, le corollaire implicite de la normalisation des relations d’Israël avec une partie du monde arabe était la mise en veilleuse de la question palestinienne pour permettre les convergences. Or, l’offensive du Hamas a fait voler en éclat ce schéma en replaçant la question palestinienne sur le devant de la scène. Cette situation force donc, de la part des États arabes « israélo-compatibles » avec lesquels la Grèce avait réussi à cultiver un même état d’esprit sur l’ordre régional, des prises de position susceptibles de compromettre ces convergences[12].

Il est encore tôt pour évaluer les conséquences de ce désamour apparent entre ces États et Israël. S’agit-il d’une réaction principalement dictée par une crainte de la rue, qui finira par se dissiper ? Ou d’une rupture plus profonde avec l’État hébreu, susceptible de conduire à des divergences de fond sur la vision de l’ordre régional ? Ce second scénario ne semble pas jusqu’à présent le plus plausible. Le Hamas étant une émanation de l’islam politique, il est peu probable que les États arabes en question se retrouvent à le soutenir. En outre, l’objectif de fond de l’offensive du 7 octobre est précisément de torpiller le processus enclenché par les Accords d’Abraham. Accepter de les compromettre serait faire le jeu du Hamas et, accessoirement, de l’Iran et de la Turquie. Cela explique que la dénonciation des exactions israéliennes de la part de ces États n’a pas été suivie de mesures économiques contre Israël préconisées par l’Iran[13].

En revanche, la volatilité de la situation compromet un retour au statu quo ante. Le spectre d’un fossé grandissant entre la rue et le pouvoir, notamment en Egypte ; l’arrivée de nouveaux acteurs dans l’équation moyen-orientale, notamment de la Chine ; un potentiel discrédit politique, militaire, voire moral, d’Israël ; une certaine perte d’influence des États-Unis, dont la démonstration de force militaire en serait en fait la conséquence : autant d’éléments susceptibles d’interroger la place des Accords d’Abraham dans une configuration qui pourrait s’avérer radicalement différente de celle qu’ils ont contribué à façonner. Une telle situation mettrait à l’épreuve la politique régionale de la Grèce et de Chypre, qui ont beaucoup investi dans une architecture sécuritaire ayant le mérite de contribuer à circonscrire l’expansionnisme turc et à les transformer en interface entre l’UE et la région ANMO.

Le spectre d’une nouvelle crise migratoire

Le deuxième danger pour la Grèce est celui d’une nouvelle vague migratoire. Le Covid-19, l’apaisement gréco-turc aux suites des séismes de février 2023 et une politique plus ferme de contrôle des frontières, ont permis une réduction substantielle des flux. Cette politique, bien que souvent critiquée, reste une priorité du gouvernement grec. Or, une recrudescence des flux est observée depuis l’été 2023, malgré une plus grande coopération de la part de la Turquie qui semble, pour l’instant, vouloir maintenir la dynamique de normalisation avec Grèce[14]. La crainte du gouvernement grec est que le conflit à Gaza ne provoque un flux migratoire massif, dont une partie conséquente se dirigera forcément vers la Grèce, via la Turquie ou l’Égypte. En cela, la Grèce, qui a soutenu Israël sans ambigüité dès l’attaque du Hamas, n’a pas intérêt à ce qu’aboutissent les objectifs annoncés par B. Netanyahou de vider Gaza de sa population.

Des défis en matière de sécurité interne

Outre le danger terroriste qui pourrait atteindre la Grèce par infiltration via la voie migratoire, les migrants déjà présents dans le pays sont une potentielle source d’insécurité en raison de l’exacerbation des tensions et des passions. Plusieurs centres d’accueil de migrants sont dispersés sur le territoire grec, y compris sur des îles proches de la Turquie. Dans certains d’entre eux, des tensions et manifestations de soutien au Hamas ont poussé les autorités grecques à accroître les mesures de sécurité[15] ; elles redoutent par ailleurs le phénomène des « loups solitaires » auquel la Grèce n’a, jusqu’à présent, pas eu à faire face. Elles sont donc en état d’alerte terroriste du fait de la position pro-israélienne du gouvernement[16], même si la Grèce a clairement réitéré sa position en faveur de la création d’un État palestinien et du respect du droit humanitaire.

Pour rappel, en mars 2023, une opération conjointe de services de renseignement grecs et du Mossad avait permis de déjouer une attaque sur des ressortissants israéliens à Athènes, apparemment planifiée par l’Iran et devant être perpétrée par deux ressortissants pakistanais[17]. Si la Grèce a échappé au terrorisme qui a touché d’autres pays européens les vingt dernières années, cela lui rappelle qu’elle pourrait voir sa situation changer en raison du durcissement du jeu au Moyen-Orient, de son soutien à Israël et de la dégradation de ses relations avec l’Iran[18]. La vigilance est donc de mise.

Dans ce contexte, des informations laissant entendre une implication militaire de la Grèce avec le déploiement de forces navales au large d’Israël[19] ont rapidement été démenties par l’État-major grec[20]. Un navire est effectivement déployé dans le cadre de la mission onusienne UNIFIL au large du Liban, mais c’est le cas depuis plusieurs années. Le 10 octobre 2023, une frégate a également rejoint le Standing NATO Maritime Group Two (SNMG-2) en Méditerranée orientale, mais dans le cadre d’un exercice planifié depuis l’an dernier.

UNE OPPORTUNITÉ POUR CONSOLIDER LA POSTURE RÉGIONALE DE LA GRÈCE ?

Avec Israël

La crise actuelle est peut-être une occasion de consolider l’axe tripartite Grèce-Chypre-Israël — le fer de lance de la stratégie régionale grecque — et le positionnement d’Ankara n’est pas sans faciliter une telle entreprise.

Sur le plan sécuritaire

Israël a pris acte des sentiments extrêmement hostiles de la population turque[21], attisés par la rhétorique du régime et les médias[22], et a demandé à ses ressortissants[23] puis à ses diplomates[24] de quitter le sol turc. À l’inverse, la Grèce et Chypre ont été les principaux hubs pour les ressortissants israéliens rejoignant Israël ou le quittant en raison de la guerre[25]. C’est une application tout à fait concrète de la profondeur sécuritaire qu’offre à Israël le « couloir » gréco-chypriote. D’une façon générale, les deux États sont devenus progressivement très hospitaliers pour les touristes, investisseurs et résidents permanents israéliens, alors-même que c’est la Turquie qui fut pendant longtemps leur destination favorite dans la région.

Sur le plan stratégique

Du point de vue stratégique, c’est également vers cette partie de son environnement régional qu’Israël peut regarder avec sérénité dans le contexte actuel. L’investissement sur l’axe tripartite Grèce-Chypre-Israël prend donc tout son sens, comme en témoigne aussi le fait que les États-Unis utilisent les infrastructures militaires grecques pour soutenir leur présence militaire au large d’Israël (cf. infra). À terme, cela permettra peut-être à Tel Aviv de voir sous un jour encore plus favorable cet espace, et donc de s’associer de façon plus dynamique à la vision hellénique de l’ordre régional. En effet, Israël peut aujourd’hui se poser la question de savoir quelle aurait été sa situation sécuritaire si les Frères musulmans soutenus par la Turquie avaient conservé le pouvoir en Égypte et si la marine turque avait réussi à acquérir le contrôle stratégique de la Méditerranée orientale selon les termes préconisés dans sa doctrine géopolitique maritime.

Sur le plan énergétique

Cette situation pourrait enfin favoriser un renforcement de la coopération fondée sur le format « 3+1 » (Grèce, Chypre, Israël + États-Unis)[26], voire d’envisager une résurrection du gazoduc East Med ou d’un projet similaire. Pour rappel, les Américains avaient retiré leur soutien à ce projet au début 2022, entraînant par là-même les réserves de Tel Aviv. Or, le 21 septembre 2023, R. T. Erdogan avait annoncé, à la suite de sa rencontre avec B. Netanyahou à New York, que la Turquie et Israël allaient procéder à une exploitation conjointe des gisements de gaz offshore et construire un gazoduc reliant les deux pays[27]. Cependant, la géographie et le droit dictent que pour réaliser un tel projet, Israël doit forcément compromettre son partenariat avec Chypre. Qu’il ait été réellement évoqué ou pas (Israël ne l’a jamais confirmé), ce projet n’est plus à l’ordre du jour. Il y a là une opportunité pour Nicosie et Athènes d’affaiblir la stratégie énergétique turque en Méditerranée orientale — pour la mise en œuvre de laquelle Ankara a besoin de bonnes relations avec Israël — et d’arrimer de façon plus déterminée Tel Aviv à leur vision, notamment si le lobby israélien aux États-Unis décidait de durcir sa position vis-à-vis de la Turquie. D’autant que la posture turque met de nouveau Ankara face à ses contradictions et aux limites de sa logique transactionnaliste.

La posture turque et ses implications pour la Grèce

Ménager la chèvre et le chou — en l’occurrence le Hamas et Israël — n’est plus possible pour la Turquie en période d’extrême tension. À l’intérieur, en dépit de divisions, Israël est dans une phase psychologique de mobilisation rappelant l’Holocauste, le nazisme, et la lutte pour la survie. Ces moments resteront gravés dans la conscience nationale et l’État hébreu compte ses vrais amis : au vu de sa rhétorique anti-israélienne[28] la Turquie a moins de chances d’y figurer que la Grèce. Le rapprochement turco-israélien qui semblait gagner en substance[29] en fait déjà les frais : l’ambassadeur israélien à l’ONU a déclaré à propos de R. T. Erdogan que « un serpent reste un serpent »[30], alors que le premier ministre israélien a accusé le dirigeant turc de soutien au terrorisme[31]. À l’inverse, le climat entre B. Netanyahou et K. Mitsotakis fut particulièrement amical lors de la visite de ce dernier à Tel Aviv le 23 octobre[32].

En outre, la « force de frappe » de la Turquie sur le dossier palestinien ne semble pas pour l’instant être à la hauteur des ambitions du président Erdogan et le conflit israélo-palestinien reste incontestablement une affaire des pays arabes. Cependant, derrière l’apparence émotionnelle du discours turc sur le Hamas qui semble mettre la Turquie hors-jeu, il y a un vrai calcul, car ce sont peut-être les termes de la création d’un futur État palestinien qui sont actuellement en jeu. Le conflit actuel aide les Israéliens à rendre ce futur État le plus handicapé possible dans le cas où ils ne pourraient plus en empêcher l’émergence. Les Turcs, eux, espèrent un retour sur investissement dans la perspective d’une domination de l’islam politique dans un futur État palestinien. C’est dans cet esprit que le dirigeant turc a proposé de se poser en garant de la sécurité des Palestiniens[33], idée à laquelle la Russie semble se rallier[34], puisque cela permet accessoirement de bouleverser une architecture sécuritaire jusque-là favorable à Israël et aux pays occidentaux. Une telle évolution ferait de la Turquie un rival systémique d’Israël, et c’est aussi sous cet angle qu’il faut comprendre le raidissement israélien vis-à-vis d’Ankara. À cet égard, le rapprochement turco-iranien actuel vise en partie à intimider Israël et lui rappeler l’importance de la Turquie dans la gestion du danger iranien.

Or, la Grèce et Chypre sont concernées par un tel scénario. En effet, un État palestinien reconnu aura droit à ses propres zones maritimes. D’ailleurs, en 2015, puis en 2019, l’Autorité palestinienne a déposé à l’ONU une déclaration avec ses revendications, qui empiètent sur les zones définies entre Chypre, Israël et l’Égypte[35], zones que la Turquie ne reconnaît pas.

Source : ONU

Un État palestinien reconnu mais faible et sous influence turque permettrait à la Turquie de répliquer le scénario libyen : offrir du capital politique, voire militaire, en échange d’une délimitation douteuse afin de désorganiser l’architecture sécuritaire est-méditerranéenne, dont le zonage maritime est une composante fondamentale[36]. D’autant que la possibilité d’une jonction maritime turco-palestinienne avait été évoquée en 2020[37]. C’est donc ici un scénario à ne pas sous-estimer, qui pourrait convaincre Israël de raccorder davantage ses points de vue avec Chypre et la Grèce en considérant une vision principalement juridique des délimitations maritimes, et non politique comme le veut la Turquie.

Avec les États-Unis

Les effets bénéfiques pour la Grèce de la projection militaire américaine

Un effet direct du conflit a été un des plus grands déploiements de l’US Navy en Méditerranée orientale ces 40 dernières années. Dans ce contexte, la Crète avec sa base navale de la Sude (Souda) et l’escadron de chasse 115 de l’armée de l’air hellénique situé à proximité, joue un rôle central. Y stationnent notamment des transporteurs C-130 et C-17, un ravitailleur KC-135 et un avion de reconnaissance RC-135 River Joint.

La localisation de la base navale de la Sude (Souda)

Source : capture d’écran Google Maps, 2023

En raison de la saturation des infrastructures crétoises, les Américains utilisent aussi désormais les installations de l’escadron de chasse 112 situé à Éleusis, dans la banlieue d’Athènes[38]. Pour la Grèce, ce retour américain est donc le bienvenu : il est perçu comme consolidant un axe maritime est-ouest en Méditerranée orientale, dont elle est devenue un maillon indispensable grâce à ses nombreuses infrastructures militaires.

L’investissement des États-Unis dans les infrastructures militaires en Grèce ces dernières années s’avère donc pertinent et crucial : hier avec l’Ukraine, aujourd’hui avec le Moyen-Orient. Cela profite à la Grèce, qui voit son utilité stratégique s’accroître presque par défaut. Athènes peut aussi espérer que ce contexte sécuritaire stimulera davantage l’intégration de Chypre au dispositif stratégique occidental pour contrebalancer l’emprise de la Turquie sur l’île. Ce processus se met en place progressivement ces dernières années via le vecteur américain[39], israélien[40], mais aussi français et européen[41], même si son aboutissement reste incertain.

Une configuration défavorable pour la Turquie ?

À l’inverse, le retour en force de la présence navale américaine dans la région nourrit un schéma qui n’est pas favorable aux ambitions turques. D’où la critique virulente par R. T. Erdogan de l’envoi de porte-avions américains dans une région où il considère que les États-Unis n’ont pas à être présents[42]. En effet, l’US Navy vient occuper un terrain dont les Turcs veulent acquérir le contrôle stratégique de façon déterminée. Cette stratégie a connu un pic en 2020, lorsque la Turquie a entrepris de créer les conditions d’une éviction non seulement de la présence navale grecque, mais aussi française de la région[43], après avoir dissuadé la marine italienne de protéger les activités de la compagnie nationale italienne ENI au large de Chypre en 2018. Cependant, les marges de manœuvre opérationnelles de la Turquie vis-à-vis des États-Unis restent limitées et elle semble ne pas vouloir — ou ne pas pouvoir — passer du discours à l’acte. Elle exprime donc son mécontentement par d’autres biais. Le 17 octobre, le parlement turc a voté l’extension pour deux années supplémentaires de ses opérations dans le nord de la Syrie et de l’Irak[44], quelques jours après qu’un drone turc a été abattu par les forces américaines en Syrie[45]. Le 18 octobre, le consulat américain à Adana, dans la région qui accueille la base d’Incirlik, a dû suspendre son fonctionnement en raison des manifestations anti-américaines[46]. Le 16 novembre, le Parlement turc a reporté le vote devant valider l’accession de la Suède à l’OTAN[47].

En outre, se pose la question du futur des facilités militaires américaines en Turquie. Du côté turc, les relais du régime font planer la menace d’une fermeture des bases d’Incirlik et de Kurecik[48], menace également brandie par le passé[49]. Du côté américain, certaines voix appellent désormais à évacuer le pays pour se tourner vers la Grèce et Chypre[50]. Si ce scénario n’est pas imminent, il témoigne cependant de la dégradation des relations turco-américaines.

Quid de la relation gréco-turque ?

Le rapprochement gréco-turc enclenché au lendemain des séismes qui ont touché la Turquie en février 2023 semble ne pâtir ni de la nouvelle dégradation des relations turco-occidentales et turco-israéliennes, ni de la divergence absolue de positions entre Athènes et Ankara sur le conflit en cours. Au plan opérationnel, le calme règne toujours entre les forces armées grecques et turques en mer Égée et en Méditerranée orientale. Au plan politique, les préparatifs de la rencontre entre les dirigeants grec et turc prévue pour décembre à Athènes se poursuivent[51] et sont protégés[52]. La coordination sur la question migratoire semble aussi sur la bonne voie, malgré une recrudescence des flux qui suggère que la Turquie souhaite conserver une marge de manœuvre.

La poursuite de l’accalmie en dépit du contexte sécuritaire explosif n’est pas illogique. La Turquie n’a, en l’état, pas intérêt à amorcer une reprise des tensions avec la Grèce. D’abord, parce qu’elle se focalise sur le Moyen-Orient et qu’un second front diplomatique — voire opérationnel — à l’ouest ne la servirait pas. Puis, parce qu’au vu de la nouvelle dégradation de ses relations avec les États-Unis et Israël, et de la présence militaire américaine dans la région, une reprise des tensions avec la Grèce se ferait probablement dans des rapports de force défavorables pour elle. En outre, la Turquie reste dans une situation économique fragile et commence à peine à voir les premiers résultats de son retour à une politique économique plus conventionnelle[53] ; un nouvel aventurisme turc qui pousserait Athènes à mobiliser l’UE et les États-Unis compromettrait cet effort. Enfin, réactiver la rivalité avec la Grèce éloignerait encore davantage la perspective d’un accord turco-américain sur la question des chasseurs F-16, perspective déjà sérieusement entamée par le blocage turc de l’adhésion de la Suède à l’OTAN et par le soutien au Hamas. Pour rappel, la Turquie sollicite depuis plusieurs années une modernisation de sa flotte de 79 F-16 et l’achat de 40 chasseurs supplémentaires. Cela lui est refusé par le Congrès américain et un des motifs est précisément son agressivité à l’égard de la Grèce. Or, plus cette question s’éternise, plus l’armée de l’air turque s’enfonce dans une phase d’incertitude, ce qui n’est pas sans avantager la Grèce sur le plan opérationnel.

Du côté d’Athènes, l’apaisement est aussi le bienvenu, car l’objectif général de la Grèce est de rendre progressivement irréalisables les ambitions hégémoniques turques en Méditerranée orientale par le renforcement de son positionnement régional et de son outil militaire. Or, si elle a montré qu’elle savait rebondir en période de crise, la Grèce poursuit cette stratégie plus aisément en période d’accalmie avec son voisin, les tensions étant toujours embarrassantes pour elle. En revanche, elle doit veiller à éviter un double piège. Premièrement, que cette compartimentalisation de ses relations avec la Turquie ne se transforme pas en stricte bilatéralisation, comme le souhaite Ankara qui cherche ainsi à neutraliser les avantages pour la Grèce procurés par son appartenance à l’UE et par ses diverses alliances. Deuxièmement, que le prix de l’accalmie ne soit pas l’inertie au niveau de son agenda régional.

Pour l’instant, Athènes et Ankara ont donc de bonnes raisons de vouloir préserver le processus de rapprochement. Mais, au vu du lourd passif des deux États, de l’attitude souvent aléatoire du dirigeant turc, et des incertitudes liées à la posture de la Turquie sur le conflit entre Israël et le Hamas, ce rapprochement ne peut être considéré comme acquis.


[1] “Arafat Arrives in Greece, Denies Defeat by Israel”, The Washington Post, 02/09/1982.

[2] “4,000 Palestinians evacuate Tripoli on Greek vessels”, The New York Time, 21/12/1983.

[3] “Greek Orthodox Church decries ‘extremist’ takeover of Jerusalem hostel”, France24, 29/03/2022 ; “Greek Orthodox Patriarchate condemns settler land grab in East Jerusalem”, Middle East Monitor, 28/12/2022.

[4] “Jerusalem’s Orthodox Patriarch: Israeli strike on Gaza church a ‘war crime’”, Al-Monitor, 20/10/2023.

[5] “Letter dated 29 April 2020 from the Permanent Representative of the Syrian Arab Republic to the United Nations addressed to the Secretary-General”, ONU, 29/04/2020.

[6] “Ministry of Foreign Affairs announcement on the appointment of a Special Envoy for Syria”, Ministère des affaires étrangères de la République hellénique, 05/05/2020.

[7] “Joint Statement « Philia Forum » (Athens, 11.02.2021)”, Ministère des affaires étrangères de la République hellénique, 11/02/2021 ; “QA-6, 11 February 2021, Statement of the Spokesperson of the Ministry of Foreign Affairs, Mr. Hami Aksoy, in Response to a Question Regarding the “Philia (Friendship) Forum” Held in Athens on 11 February, with the Participation of the Foreign Ministers of Greece, Egypt, France, Saudi Arabia, the United Arab Emirates, Bahrain and the Greek Cypriot Administration”, Ministère des affaires étrangères de la République turque, 11/02/2021.

[8] “Saudi Arabia, Greece Issue Joint Statement at Conclusion of HRH Crown Prince’s Visit to Greece”, Saudi Press Agency, 27/07/2022 ; “UAE & Greece explore cooperation to enhance private sector contribution to developing innovative & sustainable economic partnerships in future sectors”, Ministère de l’économie des EAU, 29/03/2022 ; “Sisi, Mitsotakis urge enhancing Egyptian-Greek economic, energy cooperation”, Egypt State Information Service, 04/08/2023.

[9] “East Med Gas Forum turns into regional organisation, in blow to Turkey”, The Arab Weekly, 23/09/2020 ; “Greece, Egypt, Cyprus sign energy deal with Europe in mind”, Arab News, 19/10/2021 ; “Greece, UAE agree joint investments in energy, other sectors”, Reuters, 09/05/2022 ; “Greece, Saudi Arabia to look at linking their power grids”, Reuters, 27/09/2023.

[10] “Greece, UAE sign mutual defence pact”, Ahval News, 24/11/2020 ; “Greece delivers Patriot battery to Saudi Arabia”, Agence Anadolu, 15/09/2021 ; “Royal Saudi Air Force begin Falcon Eye 1 drills in Greece over the Mediterranean”, Al Arabiya, 17/03/2021 ; “As EU mulls sanctions against Turkey, East Med allies to begin joint drills”, Al-Monitor, 26/11/2020.

[11] “Jordan, Greece, and Cyprus release joint communiqué after trilateral summit”, site officiel du roi Abdullah II, 28/07/2021 ; “JOINT STATEMENT: 1st Trilateral Defence Ministers Meeting between Cyprus, Greece and the Hashemite Kingdom of Jordan”, Ministère de la défense de la République de Chypre, 01/12/2021.

[12] “Saudi Arabia, UAE, Egypt condemn Israel over Gaza hospital blast”, Al-Monitor, 17/10/2023 ; Saudi Arabia pauses normalisation talks with Israel amid ongoing war with Hamas”, France 24, 14/10/2023.

[13] “Iran’s Khamenei urges Muslim countries to boycott Israel”, Reuters, 01/11/2023.

[14] “Greek and Turkish migration ministers commit to collaboration against irregular migration; joint statement”, Athens-Macedonia News Agency, 23/10/2023.

[15] “Fearing Rise of Radical Islamists, Greece Boosts Migrant Camp Security, Surveillance”, Voice of America, 19/10/2023.

[16] “Greece on alert for ‘hidden’ terrorists as Middle East crisis escalates”, Euractiv, 12/10/2023.

[17] “Mossad says it foiled Iranian-Pakistani attack on Israelis in Greece”, Al-Monitor, 29/03/2023.

[18] “Gallant: Israel’s close ties with Greece are a clear message to Iran”, The Jerusalem Post, 07/08/2023.

[19] “Civilians flee northern Gaza as US says it is working with Israel on ‘safe areas’”, BBC, 13/10/2023.

[20] “Military sources dismiss BBC reports that Greek warship sent to Israeli border”, Kathimerini, 13/10/2023.

[21] “Pro-Gaza protests in Turkey target Israeli consulate, McDonald’s”, Al-Monitor, 18/10/2023.

[22] “In Turkey, Hamas Attacks Trigger Tsunami of Israel-hate and Outright Antisemitism”, Haaretz, 22/10/2023.

[23] “Israel tells its citizens to leave Turkey immediately amid fears of reprisal attacks”, The Times of Israel, 17/10/2023.

[24] “Israel-Palestine war: Israel withdraws diplomats from Turkey over security concerns”, Middle East Eye, 19/10/2023.

[25] “Stranded in Athens: Israelis Are Doing Everything They Can to Get Home”, Haaretz, 11/10/2023 ; “Israeli C-130 in Athens transporting soldiers on leave to the front”, Kathimerini, 11/10/2023 ; “Cyprus becomes safe haven for people heading to, leaving Israel”, Reuters, 12/10/2023 ; “Fight Hamas or Flight: The Israelis Fleeing the Country During the War”, Haaretz, 16/10/2023.

[26] “Joint Statement on the 3+1 (Republic of Cyprus, Greece, Israel + United States) Foreign Ministerial”, Département d’État américain, 09/05/2022.

[27] “Erdogan: Turkey and Israel to start joint energy exploration”, Globes, 21/09/2023.

[28] “Turkey’s Erdogan calls on Israel to stop attacks on Gaza ‘amounting to genocide’”, Reuters, 20/10/2023 ; “Turkey’s Erdogan hails Hamas as liberators, leaving detente with Israel in shreds”, Al-Monitor, 25/10/2023 ; “Turkey’s Erdogan labels Israel a ‘terror state’, slams its backers in West”, Reuters, 15/11/2023.

[29] “UN General Assembly: Erdogan, Netanyahu meet for first time as relations thaw”, Reuters, 20/09/2023.

[30] “Israel pulls diplomats from Turkey to reassess ties as Erdogan blasts its ‘war crimes’”, The times of Israel, 28/10/2023.

[31] “Netanyahu says Israel won’t accept ‘preaching’ from terror-supporting Erdogan”, The Times of Israel, 15/11/2023.

[32] “PM Netanyahu meets with Greek Prime Minister Kyriakos Mitsotakis”, Ministère des affaires étrangères d’Israël, 23/10/2023.

[33] “Israel-Palestine war: Turkey proposes guarantorship system to end conflict”, Middle East Eye, 19/10/2023.

[34] “Russia ready to discuss Turkey’s idea about guarantors for Israel, Palestine — Lavrov”, TASS, 19/10/2023 ; “Telephone conversation with President of Turkiye Recep Tayyip Erdogan”, Présidence russe, 24/10/2023.

[35] “Declaration of the State of Palestine regarding its maritime boundaries in accordance with the united Nations Convention on the Law of the Sea”, Nations-Unies, 24/09/2019.

[36] Au sujet des enjeux de la délimitation maritime turco-libyenne de 2019, voir, par exemple : Aris Marghelis. « Les délimitations maritimes Turquie-gouvernement d’entente nationale libyen et Grèce-Égypte dans leur contexte régional ». Neptunus, 2021, 27 (2), pp.1-24. hal-03833461.

[37] “Palestinian Authority ‘ready to sign maritime exclusive economic zone deal with Turkey’”, Middle East Eye, 22/06/2020.

[38] “Souda base key to US contingency plans”, Kathimerini, 26/10/2023.

[39] “US partially lifts three-decade-old arms embargo on Cyprus”, France24, 02/09/2020 ; “Turkey condemns U.S. decision on Cyprus arms embargo”, Reuters, 17/09/2022 ; “American Fighter Jets Fly Over Turkish Occupied Cyprus”, Greek Reporter, 26/10/2022 ; “New Jersey National Guard signs Partnership Agreement with Republic of Cyprus National Guard”, U.S. Embassy in Cyprus, 30/03/2023 ; “Turkey lashes out at US over warship anchored in Cyprus”, Al-Monitor, 18/05/2023 ; “2023 U.S.-Republic of Cyprus Defense and Security Cooperation Dialogue”, U.S. Department of Defense, 01/06/2023 ; “Turkey to raise Cyprus issue at Nato summit”, Cyprus Mail, 19/06/2023 ; “Lifting of Defense Trade Restrictions on the Republic of Cyprus for Fiscal Year 2024”, U.S. Department of State, 18/08/2023 ; “Blinken discusses sea route for Gaza aid with Cyprus president”, France 24, 05/11/2023.

[40] “IDF to launch ‘Blue Sun’ joint military drill with Cyprus”, The Times of Israel, 08/05/2023 ; “In Cyprus, IDF runs drills for potential war with Hezbollah, Lebanon ground assault”, The Times of Israel, 02/06/2022 ; “Cypriot and Israeli armed forces conduct Agapinor 2023 drill (with video)”, Cyprus Mail, 12/05/2023 ; “Report reveals Cyprus as EU country to purchase Merkava tanks from Israel”, i24, 24/06/2023.

[41]  “EDIDP LynkEUs project – success of European BLOS firings with AKERON MP Missiles system in Cyprus”, MBDA, 07/10/2022 ; “Défense aérienne et anti-missile : comment l’Europe veut protéger l’Europe”, Ministère des Armées, 20/06/2023.

[42] “Erdogan Slams US Decision to Deploy Warships Over Gaza”, Bloomberg, 10/10/2023.

[43] À ce sujet, voir : A. Marghélis, “The French Military’s Perception of the Turkish Military and Turkey’s Expansion in the Eastern Mediterranean”, Études de l’Ifri, Ifri, novembre 2021.

[44] “Turkey extends mandate for military operations in Syria, Iraq”, Al-Monitor, 17/10/2023.

[45] “US shoots down armed Turkish drone after it came too close to US troops in Syria”, Associated Press, 06/10/2023.

[46] “Security Alert: Update on Impact of Demonstrations Throughout Turkiye, Continued Temporary Closure of US Consulate Adana – U.S. Mission Turkiye”, U.S. Embassy & Consulates in Túrkiye, 18/10/2023.

[47] “Sweden’s NATO bid delayed in Turkish parliament”, Reuters, 16/11/2023.

[48] “Erbakan: İncirlik ve Kürecik Üssü derhal kapatılmalıdır”, Duvar, 14/10/2023.

[49] “Turkey may close Incirlik airbase in face of US threats: Erdogan”, Aljazeera, 16/12/2019.

[50] Michael Rubin, “It Is Time to End US Navy Port Calls in Turkey”, American Enterprise Institute, 27/10/2023.

[51] “Greek, Turkish deputy foreign ministers meet in Athens for Positive Agenda dialogue”, Anadolu Agency, 17/10/2023 ; « Déclaration conjointe à l’issue des consultations entre les Secrétaires d’Etat aux Affaires étrangères de la République hellénique et de la République de Turquie (Athènes, 17.10.2023) », Ministère des affaires étrangères de la République hellénique, 17/10/2023.

[52] “Europe, Türkiye have common interest in de-escalating war in Gaza: Greek premier”, Agence Anadolu, 14/11/2023.

[53] “Turkey reports account surplus amid fiscal policy changes”, Al-Monitor, 13/11/2023.

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