Retrouvez l’article de Pierre-Louis Pagès paru le 17 février 2022 dans Var Matin.
Membre dirigeant de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, basée à Toulon, Patrick Lefebvre est référent sur les questions africaines. Une expertise que cet ancien général de l’armée de l’air a acquise durant ses années de service, que ce soit au Tchad lors de l’opération Épervier, ou au Mali en tant qu’inspecteur des armées.
La position de la France est-elle à ce point intenable qu’elle doit se résoudre à quitter le Mali ?
Il y a un an, je déclarais qu’un retrait du Mali serait dramatique. Je le pense toujours. Après le départ de l’armée française, le chaos n’est pas impossible. Mais avec deux coups d’État en moins d’un an (en août 2020, puis en mai 2021), la situation politique a considérablement évolué. Et comme il n’y a plus dialogue entre la junte militaire aujourd’hui
au pouvoir et la France, le maintien de la force Barkhane devient difficile. Il ne peut pas y avoir d’engagement militaire durable s’il n’existe pas un dialogue clair avec le pouvoir politique du pays sur les questions de gouvernance, de sécurité et de développement.
Malgré de réels résultats contre les groupes armés terroristes, ces derniers restent très actifs. De quelles solutions dispose la France pour continuer la lutte hors Mali ?
Difficile à dire, surtout si d’autres états africains voisins sont à leur tour en proie à une instabilité politique. C’est le cas du Burkina Faso, voisin du Mali, qui a également été le théâtre d’un coup d’État. Mais la force Barkhane n’est pas seule. La force conjointe du G5 Sahel, certes affaiblie par la situation actuelle au Mali, est toujours active, de même que la Minusma, même si cette dernière n’a pas vocation à faire la guerre. Pour la lutte contre le terrorisme, plus que les forces conventionnelles, la France dispose toujours de sa force Sabre composée de forces spéciales. Et elle ne manque pas de base, que ce soit au Niger ou au Tchad. Quitter la bande sahélo-saharienne serait une erreur. Il faut se réorganiser à partir des pays dans lesquels nous sommes installés et bien reçus. En tout cas, ce ne sont pas les mercenaires de Wagner qui lutteront contre le terrorisme.
Après neuf ans, l’intervention militaire française se solde-t-elle par un échec ?
Forcément. Même si le retrait imminent des Français ne sera en rien comparable au départ catastrophique d’Afghanistan des Américains en août dernier. Le bilan de l’opération militaire française est en demi-teinte. Si l’opération Serval, lancée en janvier 2013 – à la demande du Mali – pour stopper l’avancée des groupes armés terroristes sur Bamako, a été une réussite, le bilan de Barkhane est plus mitigé. C’est souvent le cas quand les opérations sont très longues et que les résultats escomptés ne sont pas à la hauteur des espérances. Malgré un dispositif qui a compté jusqu’à 5 000 hommes, Barkhane n’a su gagner ni les cœurs, ni les esprits des Maliens qui progressivement ont pris en grippe les Français. Mais la responsabilité en revient surtout au pouvoir politique malien, et notamment au président Ibrahim Boubacar Keïta qui n’a pas fait le job en ne prenant pas le problème malien dans son intégralité.