Revue Diplomatie n°126, « Taïwan, statu quo ou tournant stratégique ? », mars-avril 2024, 9,80€
Le dossier d’analyse principal de ce nouveau numéro de Diplomatie concerne Taïwan et son avenir. Cette publication fait ainsi suite aux élections présidentielles taïwanaises de janvier 2024 et se situe dans l’attente des élections américaines de novembre. Bien que la séquence électorale a débouché sur une cohabitation, l’analyse des forces politiques à Taïwan montre que les deux principaux partis convergent sur la politique étrangère à adopter vis-à-vis de la Chine : le maintien du statu quo. Pourtant, Pékin élabore, par le biais du Front Uni, une stratégie d’influence en finançant des partis politiques, des mouvements religieux, des groupes criminels et des organes de presse, dans le but de collecter du renseignement, de procéder à des recrutements et de promouvoir ses idées. Le résultat semble mitigé car, tant à cause de la posture menaçante de Pékin que par le facteur démographique, à peine 2% de la population taïwanaise soutient une réunification immédiate avec son voisin continental. De ce fait, les grands débats de la campagne présidentielle étaient moins liés à Pékin qu’aux résultats économiques, aux dépendances énergétiques et alimentaires, aux questions démographiques (plus faible taux de natalité au monde) et à l’eau, qui devient un enjeu stratégique.
Pékin travaille activement à une réunification avec Taïpei d’ici 2049, voire 2027 selon certains experts. Même si le scénario de l’affrontement militaire direct n’est pas le plus probable, ce numéro examine le rapport de force capacitaire entre ces deux pays. Si celui-ci penche très fortement en faveur de Pékin sur les plans quantitatif et qualitatif, la Chine pâtit de son manque d’expérience opérationnelle. Par ailleurs, Taïwan, qui a conscience de l’impossibilité de triompher de son rival en cas d’affrontement frontal, investit massivement dans les stratégies asymétriques et les armements de pointe : drones, cyberguerre, guerre électronique, intelligence artificielle, missiles et sous-marins.
A la lecture de ce dossier, il est très intéressant de constater que, malgré la montée des tensions et des provocations, et la préparation à un affrontement militaire, celui-ci semble extrêmement risqué car les économies sont étroitement liées et interdépendantes. La position de quasi-monopole de Taïwan sur le marché mondial des semi-conducteurs demeure l’une de ses meilleures garanties de sécurité.
Ce numéro consacre également un dossier à « L’Algérie face à ses démons », en vue de l’élection présidentielle de septembre 2024. Même si le président Tebboune a de fortes chances d’être reconduit à la tête du pays, ce dossier est l’occasion de dresser un bilan de l’ère Bouteflika et du Hirak, de revenir sur la détérioration des tensions avec le Maroc depuis 2020 et de s’intéresser à l’économie algérienne qui tarde à mener des réformes structurelles pour organiser la sortie de la rente pétrolière. Un article très intéressant est par ailleurs consacré à la diplomatie algérienne, dont les principes de non-alignement et de non-ingérence sont mis à mal par son environnement international instable (Maroc, Mali, Libye) et par le conflit en Ukraine. Si l’Algérie essaye de diversifier ses partenariats et de gagner en visibilité en se rapprochant des BRICS+ et en défendant les Palestiniens dans le conflit à Gaza, son défi est de maintenir des relations solides avec l’Occident, qui demeure un partenaire primordial pour son économie.
Ce numéro de Diplomatie décrypte également quelques « points chauds » qui structurent la géopolitique contemporaine : la pertinence des organisations internationales, le processus de désoccidentalisation, les politiques migratoires, la guerre au Sahel… Parmi ceux-ci, quatre pages sont consacrées au sujet original de la politique étrangère suisse à travers la mise à l’épreuve de son principe de neutralité, pourtant outil majeur de souveraineté et de cohésion nationale.