Toutes les crises récentes ont affecté les grands groupes de production et d’approvisionnements industriels occidentaux. Prenant conscience d’une vulnérabilité logistique flagrante, l’échelon politique et productif partagent un sentiment d’aliénation. De fait, il s’agit d’un changement culturel et politique imposé au tissu industriel européen. Les grands groupes européens (atteignant plus d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel) vont consacrer pour la période 2024-2027 en moyenne 8% de leur chiffre d’affaires en investissement de « reshoring » (capacité de production à domicile) ou en « nearshoring » (capacité de production dans un pays voisin et ami).
Cette prise de conscience européenne, qui s’est notamment traduite par des mesures politiques fortes au niveau français (plan de relance pour l’industrialisation, France 2030- technologies innovantes,) ou avec le plan industriel du pacte vert de l’Union Européenne, s’inscrit cependant dans une nouvelle forme de compétition de transition écologique entre grands ensembles politiques (USA : Chips and Science Act, Inflation Reduction Act ; Chine : Plan Made in China 2025). A la lecture du récent rapport de Draghi qui souligne le décrochage économique de l’Europe, il s’agit d’aider à concevoir une réaction structurelle qui passera naturellement par la relocalisation des pôles de productions.
Première table-ronde : Les perspectives françaises de relocalisation dans un contexte Europe-Méditerranée
Dans le cadre d‘un durcissement déjà sensible de l’environnement stratégique – avec l’Eurasie principalement mais également avec les Etats-Unis – la question du rapatriement de certaines productions sur la rive sud de la Méditerranée se pose. Celui-ci permettrait d’être en meilleure posture face à des blocages chinois, des chantages énergétiques au Moyen-Orient, des routes maritimes menacées ou des hausses douanières américaines. Les pays du Maghreb, l’Egypte ou la Turquie offrent des opportunités et des risques différents lorsqu’on étudie la possibilité d’un partenariat avec l’industrie française pour se substituer à une production asiatique. Quels sont les domaines, les produits et les pays à privilégier ? Gaz, soleil, main d’œuvre, proximité géographique, langue française pour le Maghreb, systèmes éducatifs, accès à la technologie, stabilité politique, intérêts partagés… beaucoup de facteurs sont à prendre en compte. Cette table-ronde balayera les options, les expériences et les analyses, du Nord comme du Sud, pour mieux appréhender ce sujet stratégique pour la France comme pour l’Europe.
Deuxième table-ronde : La mise en œuvre de la politique de relocalisation européenne
La mise en œuvre de la politique de relocalisation en Europe pose des questions cruciales sur le re- et near- shoring. Quels écueils éviter pour garantir l’efficacité des stratégies françaises et européennes ? Quelles mesures concrètes ont déjà été prises pour renforcer les chaînes logistiques et combler leurs fragilités ? Identifier précisément les points critiques et quantifier les coûts réels des relocalisations reste une tâche complexe. Par ailleurs, le constat de Mario Draghi sur le décrochage économique de l’Europe et le manque de volonté d’investissements communs soulève des interrogations : faut-il y voir un appel à une stratégie européenne solidaire ou un risque de repli atlantiste ? Enfin, il est essentiel d’envisager les perspectives d’évolution de ces politiques dans une optique de compétitivité, de souveraineté et de résilience industrielle européenne.