Le 15 octobre 2025 a été une date marquante pour la 36ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques/Cadres-dirigeants (36ème SMHES/Cadres-dirigeants) puisque c’était celle de sa rentrée et du premier des 9 séminaires qui composent cette formation si particulière. Cette année, la session se compose de 37 auditrices et auditeurs. Ce sont tous des cadres dirigeants à l’avenir prometteur et issus de grandes administrations nationales et territoriales, d’agences et d’opérateurs de l’Etat, de grandes entreprises publiques et privées, de l’université et de syndicats. Dans le détail, les auditrices et les auditeurs nous sont envoyés par : Airbus Defence and Space, Airbus Helicopters, Dassault Aviation, Naos Ventures, Naval Group, Technicatome, Thalès, L’armée de l’air et de l’espace, la Délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD), la direction générale de l’armement, la direction générale des relations internationales et de la stratégie, le service du commissariat des armées, le commissariat à l’énergie atomique, le centre national d’études spatiales, l’agence France développement, France travail, la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale, le syndicat CFE CGC Airbus et l’université de Toulon.
Formation généraliste, les SMHES/Cadres-dirigeants visent à permettre à leurs auditrices et à leurs auditeurs de maîtriser la grammaire de la géopolitique. En neuf séminaires mensuels, d’Octobre à Juin, la session couvre les six fonctions stratégiques en France ainsi que les facteurs de puissance de notre pays. Elle va au contact de l’OTAN et de l’UE à Bruxelles mais aussi de l’ONU, des organisations internationales et des ONG à Genève. Enfin, un voyage d’étude conduira la 36ème SMHES/Cadres-dirigeants à Istanbul en février 2026 car son thème étude est : « la mer Noire, espace européen au carrefour des rivalités Est-Ouest et Nord-Sud ». L’ensemble des travaux écrits et oraux des auditrices et des auditeurs est encadré par une solide équipe pédagogique où figurent deux enseignants-chercheurs de l’université de Toulon avec laquelle la FMES a établi un partenariat. Ce dernier permet de suivre attentivement et de valider les travaux individuels et collectifs de la session et il se traduit concrètement par la délivrance, par l’université de Toulon, d’un Diplôme Universitaire intitulé « Stratégies et analyses prospectives des mondes méditerranéens ». Il faut enfin noter qu’un diplomate de prestige accepte tous les ans de parrainer une session ; cette année c’est Monsieur l’Ambassadeur (R) Jean de Gliniasty qui tient ce rôle au profit de la 36ème SMHES/Cadres-dirigeants.

Après une soirée du 15 octobre destinée à présenter la session et son déroulement et à faire connaissance autour d’un premier diner pris en commun, la journée du 16 octobre a été entièrement consacrée à l’énergie et elle a été partagée entre une visite du centre de Cadarache du commissariat à l’énergie atomique le matin et celle du projet ITER dans l’après-midi. Au CEA de Cadarache, l’adjointe du directeur a présenté le centre, son organisation, ses missions et ses perspectives d’avenir. Ensuite la session a pu profiter de trois présentations captivantes sur la division des applications militaires, sur le projet de réacteur Jules Horowitz et sur les petits réacteurs nucléaires modulaires. Ces présentations, toutes très sensibles et confidentielles mais aussi très complètes et détaillées, ont bien souligné l’importance et la pertinence des efforts faits par la France depuis plus de soixante ans pour rester en pointe dans la maîtrise de l’énergie atomique comme dans ses applications civiles et militaires.

L’après-midi, un autre aspect du thème de l’énergie a été abordé grâce à la visite du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) ; c’est celui de la conquête et de la maîtrise d’une source d’énergie propre, fiable et quasi-infinie. ITER, projet multinational aux ambitions et aux dimensions prométhéennes, ne vise rien moins qu’à reproduire sur terre la fusion nucléaire telle qu’elle se produit dans notre soleil et dans toutes les étoiles semblables. ITER rassemble 35 pays et il est la concrétisation de la capacité humaine, en dépit des différends politiques, à unir les volontés autour d’un projet dont la portée dépasse l’horizon d’une vie. Le cœur du projet est l’assemblage puis la mise en service, à horizon 2040, d’un gigantesque tokamak expérimental. Ce nom d’origine russe désigne un dispositif de confinement magnétique permettant la physique des plasmas à très haute température et ouvrant donc la possibilité de produire de l’énergie par fusion nucléaire. De la taille d’un immeuble de dix étages, le tokamak ITER est actuellement en cours d’assemblage. Les premiers essais de fonctionnement avec plasma inerte sont prévus vers 2030 puis un essai réel de fusion nucléaire pourra être tenté dans la décennie qui suivra. Avec la fin du siècle comme horizon, si les essais sont concluants et tout porte à croire qu’ils le seront, la production industrielle pourra alors être envisagée dans des installations qui seront cependant dix fois plus grandes, en taille, que le tokamak ITER. La voie sera alors ouverte, grâce à cette source d’énergie propre et quasi inépuisable, pour une sortie définitive des énergies fossiles. Pour faire le lien avec la visite du CEA de la matinée, il faut rappeler que le travail d’ITER est bien préparé par les résultats et les succès du tokamak WEST, du CEA voisin. Le tokamak West, bien plus petit en taille qu’ITER, vient en effet de réaliser un exploit technologique remarquable en maintenant un plasma pendant plus de 22 minutes ; un record mondial. Cette performance a été réalisée le 12 février 2025. Ainsi le tokamak West a franchi une étape technologique importante en maintenant un plasma d’hydrogène pendant plus de vingt minutes grâce à l’injection de 2 MW de puissance de chauffage. De telles expériences continueront d’être menées pour atteindre des plasmas de longues durées et des températures encore plus élevées, ce qui est essentiel pour le développement futur de réacteurs à fusion industriels pour lesquels ITER sera un démonstrateur crucial.


Au bilan, les auditrices et les auditeurs de la 36ème SMHES/ Cadres-dirigeants ont vraiment pu appréhender, au cours de ces deux visites, les principaux enjeux liés à l’énergie et à quel point ces derniers sont déterminants pour les Etats. Posséder des ressources énergétiques fiables, propres et variées, maîtriser leur production, leurs flux ainsi que tous les facteurs qui déterminent leur marché sont aujourd’hui et resteront demain des atouts précieux pour tout Etat qui recherche la puissance et qui entend compter sur l’échiquier mondial.

Pour autant, la journée du 16 n’était pas tout à fait terminée car, de retour à la magnifique maison d’hôtes du CEA de Cadarache, les auditrices et les auditeurs de la session ont eu la chance d’y entendre une conférence faite par l’Amiral Pascal Ausseur, Directeur Général de la FMES et intitulée « Dans quel monde vivons-nous ? » Par cette question et par la réponse décapante qu’il y apporte, l’Amiral a voulu marquer les esprits d’auditrices et d’auditeurs qui, en rejoignant les SMHES/Cadres-dirigeants, souhaitent mieux comprendre les évolutions du monde en les abordant par la géopolitique et la géostratégie. En effet, la FMES tient pour essentielle la maîtrise de ces disciplines pour de futurs décideurs et elle s’évertue à les faire mieux connaître et pratiquer à travers une formation dédiée et sans équivalent en France. Selon l’Amiral Ausseur, le monde qui se met en place sous nos yeux est en effet bien différent de ce qu’il était il y a dix ans mais surtout il ne ressemble en rien aux projections qu’on en faisait à l’époque. Alors qu’on espérait avoir pérennisé le modèle occidental globalisé et centré sur le commerce et l’économie, ce dernier se dérobe sous nos pas et laisse place à un monde en fragmentation, déstabilisé, parcouru de forces centrifuges et qui laisse craindre que le chaos soit sa seule et unique matrice. De surcroît, de cette profonde mutation émerge une humiliante relégation de l’Occident et une contestation des règles qu’il a édictées et qui toutes se fracassent sur la quadruple réalité du retour des rapports de force, des Etats autoritaires, de la puissance et du fait religieux comme clefs de compréhension et comme ferments des relations internationales. Il appartiendra ensuite aux auditrices et aux auditeurs de la 36ème SMHES/cadres-dirigeants de bien comprendre ce cadre général en pleine mutation pour y inscrire leurs réflexions et leurs travaux sur le thème de cette année « la mer Noire, espace européen au carrefour des rivalités Est-Ouest et Nord-Sud. Les huit séminaires qui suivront ce premier rendez-vous à Cadarache et à Istres, enrichiront leur réflexion au fil des différents thèmes abordés lesquels visent tous, à partir de l’exemple français, à montrer pourquoi, comment et à partir de quoi un pays comme la France est et entend rester un acteur géopolitique.


La journée suivante, celle du 17 Octobre, s’est entièrement déroulée à Istres sur le site et dans l’enceinte de la base aérienne N°125. L’objectif de cette journée, après le thème de l’énergie, était de présenter d’autres outils de puissance aux auditrices et aux auditeurs. Le premier outil est purement militaire puisqu’il s’est agi d’explorer des aspects importants de la défense française : l’armée de l’air et de l’espace et la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Plus industriel et civil, le second volet de cette journée a été consacré à la visite du centre d’essais en vol du groupe Dassault Aviation.
En début de matinée, les auditrices et les auditeurs de la 36ème SMHES/Cadres-dirigeants ont été accueillis avec beaucoup de chaleur par le commandant la base aérienne 125. Cette base aérienne, qualifiée à juste titre de base « XXL » est en effet la plus grande de l’armée de l’air et de l’espace française. Avec celles d’Avord et de Saint Dizier, elle fait partie des trois bases aériennes à vocation nucléaire. Avec beaucoup de naturel et de simplicité, son commandant a bien décrit les enjeux et les défis de la base qu’il commande. Sa modernisation dans le segment du transport de passagers et de fret militaire a été illustrée par la visite faite par les auditrices et les auditeurs du tout nouveau terminal passagers récemment construit sur la base. Dédié aux armées et aux acteurs étatiques, il permet de s’affranchir des installations aéroportuaires civiles et offre donc une grande souplesse et une totale autonomie ; pour un pays comme la France, qui a des départements et des territoires sur toute la planète et qui entend pouvoir projeter ses forces partout dans le monde, une telle infrastructure était devenue indispensable. Le commandant de la base a également insisté sur la protection spécifique liée à la vocation nucléaire de la base et sur son armement en personnels qualifiés. Ce sont des combats permanents mais très illustratifs de l’effort global de modernisation et d’adaptation que fait l’armée française de l’air et de l’espace pour rester parmi les toutes meilleures au monde. Par ailleurs, le commandant a aussi détaillé les efforts qu’il mène dans le domaine de la qualité de vie des personnels qu’il commande et celle de leurs familles. Leur bonne intégration dans le territoire et dans le tissu économique et social local, par l’accès au logement, au travail et aux services publics est un facteur de fidélisation puissant. Participant ainsi au bien-être général des aviatrices et des aviateurs de la base, cette démarche renforce en fait leur volonté de servir et leur capacité opérationnelle. Par ailleurs, la BA 125 étant une base en partie dédiée à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, un exposé et des visites spécifiques d’unités et d’appareils affectés à cette mission ont permis aux auditrices et aux auditeurs de mesurer ce qu’implique pour un pays le fait d’être un Etat dit « doté ». Ce sont des efforts financiers, techniques et humains considérables mais c’est le prix à payer pour rester un acteur majeur et influent dans la conduite des affaires du monde. Depuis soixante ans, aucun chef de l’Etat n’a jamais remis en question cet effort. Enfin, à l’issue de la visite des unités et des appareils, un excellent déjeuner a été partagé avec quelques aviateurs de la BA 125, permettant ainsi aux auditrices et aux auditeurs de poursuivre avec eux les échanges initiés au cours de la matinée mais aussi d’évoquer des sujets plus intimes comme, par exemple, les conditions d’exercice du métier. En résumé, cette matinée très riche et dense a permis aux auditrices et aux auditeurs de la 36ème SMHES/cadres-dirigeants d’approcher les problématiques d’une des trois grandes composantes des armées françaises et de mesurer l’effort fait par la nation pour se garantir contre les menaces existentielles grâce une force moderne, efficace et ouverte sur le monde et la société tout en restant totalement dédiée à sa mission centrale de défense de la France et des Français.

C’est enfin au centre d’essais en vol du groupe Dassault Aviation que s’est achevée la journée. Situé dans l’enceinte de la BA 125, ce centre d’essais en vol bénéficie ainsi d’infrastructures exceptionnelles et notamment de la plus longue piste d’Europe (5000 mètres) mais également du proche voisinage d’organismes, comme la DGA, avec lesquels Dassault Aviation coopère quotidiennement. Accueillis et guidés par un ancien auditeur de la 32ème SMHES/cadres dirigeants, les auditrices et les auditeurs l’ont ensuite entendu faire une présentation en salle leur permettant de mesurer les enjeux technologiques, industriels et commerciaux du groupe tout comme l’importance d’un centre d’essais comme celui d’Istres pour rester au meilleur niveau de performance tout en innovant. A l’issue cette présentation générale faite en salle, les auditrices et les auditeurs, guidés par trois autres anciens des SMHES ont ensuite visité les bancs d’essai, une salle d’écoute et les ateliers aéronautiques. Ils ont approché de très près les appareils « Albatros » et « Rafale » et ils ont pu longuement échanger avec des techniciens passionnés et passionnants. Ainsi, les auditrices et les auditeurs ont pu mesurer l’impressionnant travail fait pour que ces fleurons de l’aviation civile et de combat française soient et restent au meilleur niveau. Les succès toujours plus nombreux à l’export de ces appareils le prouvent à l’envi. Grâce à cette passionnante plongée au cœur de Dassault Aviation, les auditrices et les auditeurs de la 36ème SMHES/cadres-dirigeants ont pu bien comprendre les problématiques et les enjeux d’un groupe industriel de classe mondiale qui opère dans un secteur de très haute technicité : celui de l’aéronautique militaire et civile. Les choix stratégiques à faire en matière d’organisation, d’implantations, d’alliances, de coopérations, d’axes de développement sont tous d’importance majeure pour conserver au groupe sa position parmi les tous meilleurs mondiaux tout comme son impact pour la France en matière de partenariats et d’influence.

Pour clore ce tout premier séminaire, les auditrices et les auditeurs de la session se sont ensuite rendus à Toulon où, le lendemain, les attendait une ultime matinée de travail. Dans un premier temps, ils ont reçu de la part de l’équipe pédagogique de la FMES et de l’Université de Toulon des informations importantes de calendrier, de méthode et d’organisation afin de commencer au mieux et au plus vite un travail académique qui sera important et qui se concrétisera par un rapport final de grande qualité mais aussi par l’attribution du Diplôme Universitaire évoqué plus haut. Ensuite, ils ont pu suivre une conférence faite par le parrain de la session sur la mer Noire et sur les pays qui la bordent. L’impressionnante culture historique et l’expérience diplomatique de Monsieur l’Ambassadeur Jean de Gliniasty ont frappé l’auditoire qui a pu mesurer, à cette occasion, toute la richesse mais aussi toute la complexité de la région choisie pour thème de la 36ème SMHES/Cadres-dirigeants.
A peine achevées ces trois premières journées durant lesquelles les auditrices et les auditeurs ont pu se découvrir et s’apprécier tout en évaluant la belle aventure humaine et intellectuelle dans laquelle ils s’embarquent que déjà le prochain séminaire se profile à l’horizon. Il conduira la 36ème SMHES/Cadres-dirigeants à Paris pour y découvrir quelques institutions et organes importants dans la prise de décision en matière de défense et de politique étrangère. De leurs visites à Istres et à Cadarache, ils peuvent déjà retenir quelques leçons cardinales concernant les outils de la puissance. Comment, pourquoi et à quel prix les obtenir, les maintenir au meilleur niveau et en user ; à quelles fins et pour quels résultats ? Telles sont quelques-unes des questions qu’ils ont pu se poser dans le cadre de leur cheminement intellectuel à la rencontre de la géopolitique et tout particulièrement des paramètres, des outils et des facteurs qui la déterminent