SÉMINAIRE S2M À MONACO

La 1ère session maritime méditerranéenne était en Principauté de Monaco du 10 au 12 mai 2023 pour un séminaire consacré aux accords internationaux du monde méditerranéen et à la grande plaisance.

Le cadre exceptionnel du musée océanographique de Monaco a accueilli la session pour la première journée de travail. Clément Lavigne, directeur de la politique des océans, a souhaité la bienvenue aux auditeurs et présenté la priorité accordée par la Principauté à la connaissance du futur des océans.

La matinée a commencé par une remarquable présentation de Lina Tode, directrice adjointe du Plan Bleu, qui a détaillé l’importance de la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et ses sept protocoles.

Cette Convention est le seul traité juridiquement contraignant qui réunit l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée, marquant ainsi la place de l’environnement comme enjeu diplomatique. Les vingt et un pays riverains de la Méditerranée et l’Union Européenne l’ont signé en 1976, six ans avant la Convention de Montego Bay.

Appliquant le principe de pollueur-payeur et le principe de précaution, elle promeut la coopération scientifique, la gestion intégrée du littoral éclairée par des études d’impacts environnementaux, la surveillance continue de la pollution et la participation du public aux processus de prises de décisions.

Grace à ses sept protocoles, elle couvre le champ complet de la protection du milieu marin, de l’immersion des déchets, à la coopération en matière de prévention des pollutions et de réactions en cas d’accidents, jusqu’à la protection contre la pollution résultant de l’exploitation du fond de la mer.

Elle est mise en œuvre par six centres d’activités régionaux qui offrent un maillage de la Méditerranée : le Plan Bleu à Marseille pour le développement durable, le CAR/INFO de Rome pour la communication et l’information, le REMPEC à Malte pour l’intervention d’urgence contre la pollution marine accidentelle, le CAR/ASP à Tunis pour les aires spécialement protégées, le SCP/CAR à Barcelone pour la consommation durable et la production durable et le CAR/PAP à Split pour les programmes d’actions prioritaires.

Concernant plus particulièrement le Plan Bleu, ce centre d’activité régional est basé en France depuis 1977 (à Sophia-Antipolis puis à Marseille) avec pour mission de protéger l’environnement en Méditerranée en orientant les autorités de l’ensemble des pays membres pour des prises de décisions éclairées. Pour se faire, il s’appuie sur des outils dynamiques de mesures s’appuyant sur un observatoire en réseau au sein des pays membres et accorde la priorité aux travaux de prospective pour mesurer la durabilité des activités.

La Convention de Barcelone a indéniablement contribué à l’amélioration de l’état de la Méditerranée, notamment dans le domaine de la prévention des pollutions par hydrocarbures, l’émission de souffre dans l’atmosphère ou la qualité des eaux de baignade. Elle n’échappe, néanmoins, pas aux difficultés de mise en œuvre commune à tous les traités environnementaux en raison de l’absence, de fait, de sanctions pour la non-application des mesures de la Convention de Barcelone. Les études réalisées par le Plan Bleu sont édifiantes sur les défis futurs qui restent à surmonter car la Méditerranée est toujours soumise à diverses formes de pollutions. Les ressources vulnérables y restent sous forte pression, alors que le changement climatique vient accélérer la dégradation de la très riche biodiversité de cette mer semi-fermée.

Dans ce contexte, alors qu’il est primordial d’agir rapidement, les deux années à venir vont être particulièrement importantes pour la France qui va prendre la Présidence de la commission méditerranéenne du développement durable de la Convention de Barcelone et pourra, espérons-le, donner une impulsion nouvelle pour une mise en œuvre énergique des dispositions de la Convention et des recommandations du Plan Bleu, pour obtenir des changements profonds des pratiques humaines qui seuls permettront pour un développement durable en Méditerranée.

Son excellence monsieur le ministre d’Etat Pierre Dartout a ensuite honoré de sa présence la session pour détailler le fonctionnement des Institutions monégasques définies par une Constitution parfaitement adaptée aux particularités de Monaco, à l’attachement depuis plus de sept siècles à la dynastie Grimaldi et aux liens avec la France. Responsable uniquement devant le Prince, le gouvernement princier fonctionne selon les principes de concertation, d’arbitrage et de décision interministériels comparables à ceux en vigueur en France.

Sur les cinq ministères monégasques, deux ministres agissent plus particulièrement sur les questions environnementales et maritimes, le ministre des relations extérieures et de la coopération et le ministre de l’équipement, de l’environnement et de l’urbanisme.

Grace à une économie florissante basée sur le tourisme, l’évènementiel et l’immobilier, l’Etat monégasque mène des politiques publiques attractives pour les particuliers, les salariés et les investisseurs. Elles bénéficient directement à la France compte tenu des liens économiques existants entre les deux pays.

Principauté tournée vers la mer, bénéficiant d’une forte audience internationale, Monaco mène par ailleurs une politique volontariste d’exploration des océans et de soutien aux initiatives contribuant à relever les défis maritimes environnementaux à l’échelle planétaire.

L’après-midi a été consacrée à la présentation de l’Accord Pelagos pour la protection des mammifères marins en Méditerranée par Madame Costanza Favilli, secrétaire exécutive de l’Accord Pelagos, suivie d’une passionnante visite du musée océanographique.

Né du constat de la mortalité accidentelle élevée de dauphins dans des filets de pêche, l’Accord tripartite franco-italo-monégasque a été signé en 2002. Il institue un vaste sanctuaire dans le bassin Corso-Liguro-Provençal. Dans cette aire marine protégée, l’objectif poursuivi est d’instaurer des actions concertées et harmonisées entre les trois pays pour la protection des cétacés et de leurs habitats contre toutes les causes de perturbation : pollutions, bruit, captures et blessures accidentelles.

L’originalité du Sanctuaire Pelagos pour les mammifères marins de Méditerranée réside dans le fait qu’il constitue une zone côtière et de haute mer de grande dimension sous gestion tripartite.

Grace à l’action de Pelagos la coopération entre autorités des parties à l’Accord s’est structurée pour définir un plan de gestion ambitieux du Sanctuaire, appuyé par la mise en place d’un budget dédié. La philosophie du plan consiste à rendre compatible les exploitations humaines dans la zone avec la protection des mammifères marins.

Un volet important encore insuffisamment développé est l’adhésion volontaire des communes du littoral à la Charte Pelagos pour, notamment, s’engager à conduire des actions de sensibilisation. Totale sur le littoral continental français, l’adhésion est ainsi particulièrement faible pour les communes de Corse. Une solution pourrait être de s’appuyer sur le parc marin du Cap Corse pour en assurer la promotion, ou d’étudier un dispositif plus contraignant.

Pour le futur les travaux majeurs du secrétariat de l’accord Pelagos porteront sur les négociations par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) des mesures d’accompagnement de la création d’une zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) en Méditerranée occidentale, de l’Espagne à l’Italie, où la vitesse des navires pourrait être réduite pour limiter les risques de collision. Il s’agit d’une direction encourageante à suivre. Le retour observé de phoques moines sur la côte Ligure montre en effet que la nature peut reprendre ses droits s’y des conditions favorables sont instaurées.

Pour terminer la journée, Cyril Gomez, directeur général adjoint du musée océanographique, a retracé l’histoire de de la passion entre Monaco et l’Océan depuis Albert 1er qui est l’un des pères fondateurs de l’océanographie. Au-delà des aspects scientifiques de l’exploration, Albert 1er avait compris l’importance de faire connaitre et aimer l’océan. C’est de cette volonté qu’est né l’Institut océanographique de Monaco. Devenu un hub environnemental, il accueille aujourd’hui laboratoires et évènements consacrés au développement durable.

Le jeudi 11 mai 2023, le thème d’étude était principalement consacré à la grande plaisance.

La matinée a commencé par une présentation de la stratégie maritime de Monaco par l’administratrice en chef Armelle Roudaut-Lafon, directrice des affaires maritimes de Monaco.

A la demande de l’OMI, la Principauté s’est dotée d’une stratégie maritime 2019-2030. Cette stratégie s’articule autour de la préservation des mers et de la gestion durable des mers et des océans. Elle se décline selon les principaux axes suivants : la préservation du bon état écologique du milieu marin, la réduction des gaz à effet de serre, la lutte contre la pollution des océans, le maintien d’un niveau de sécurité maximal dans les eaux monégasques et pour les navires sous pavillon monégasque, le développement de l’économie maritime durable, la diffusion de la connaissance scientifique. Cette stratégie affirme le fort engagement de Monaco dans tous les accords internationaux relatifs à la Méditerranée.

A l’invitation de Bernard d’Alessandri, Secrétaire Général du Yacht Club de Monaco (YCM), une remarquable séquence a ensuite été organisée pour faire découvrir aux auditeurs le monde de la grande plaisance.

Claudia Batthyany, chef de Projet Monaco Capital of Advanced Yachting et Natalia Langsdale, chef de Projet Cluster Yachting Monaco ont exposé les défis liés à l’industrie de la grande plaisance mais également ses opportunités économiques, dont le formidable potentiel en terme d’emplois. Dans ce cadre le YCM est un pôle de compétitivité fédérant des organismes interdépendants et des entreprises dans le yachting.

Cristina Ruiz, responsable de Superyachts Relations a expliqué comment ce département entretient des rapports privilégiés et directs avec les armateurs à travers des évènements tels que: Business Symposium, les Explorer Awards et les capitaines (Captains’ Club), contribuant à faire de Monaco une capitale mondiale du yachting.

Charlotte Mille, responsable de la Cellule Sports Events, et notamment du Monaco Energy Boat Challenge  qui fêtera ses 10 ans cette année du 3 au 8 juillet, a exposé les opportunités pour la nouvelle génération de professionnels et d’universitaires qui travaillent dans le secteur, notamment pour répondre aux défis de la transition vers les nouvelles énergies et contribuer à des innovations en matière de propulsions alternatives.

Lynda Lusignani, responsable de la Marina du YCM et de la Belle Classe Academy et Carmel van der Weide ont détaillé les actions d’éducation des équipages aux bonnes pratiques notamment pour la préservation de l’environnement.

Pour terminer Nathalie Quévert, a exposé les enjeux environnementaux liés aux émissions de gaz à effet de serre par le yachting et aux efforts du YCM pour soutenir les armateurs dans leur démarche de réduction des émissions au travers du SEA Index.

Une intervention du commissaire divisionnaire Régis Bastide, directeur adjoint de la sûreté publique, a ensuite permis aux auditeurs de mesurer les grands enjeux de sécurité de la Principauté, qui sont par ailleurs intimement liés à l’attractivité du territoire.

Les spécificités de Monaco, une superficie de deux kilomètres carré soumis à des flux permanents de population, des résidents de 140 nationalités différentes, 55.000 travailleurs journaliers venant de France et d’Italie, 5 à 6 millions de touristes par an, ont ainsi des impacts majeurs sur l’organisation de la force de sûreté publique et ses modalités d’intervention.

Isabelle Castelli, chef de la division de police maritime et aéroportuaire, a décliné ces enjeux de sûreté au domaine maritime. La position géographique de la Principauté, dont l’accès par la mer pourrait offrir aux personnes mal intentionnées des possibilités d’agir sur le territoire, nécessite aussi un contrôle de ses espaces maritimes et portuaires. Les évènements dramatiques de Nice, le 14 juillet 2016, ont été à ce titre un catalyseur de la prise de conscience. Pour faire face aux menaces, la police maritime s’est en particulier dotée d’une vedette de surveillance côtière maritime. La police maritime assure également le sauvetage en mer. Les moyens monégasques sont ainsi intervenus à 25 reprises en 2022. Elle intervient en cas de pollution marine dans le cadre de l’accord intergouvernemental Ramoge. Elle est enfin responsable de la mise en œuvre des normes ISPS « International Ship and Port Facility Security », qui prend un relief particulier dans un port accueillant des yachts de grande plaisance et une clientèle internationale.

La journée s’est conclue par la venue de son excellence Laurent Stéfanini, ambassadeur de France auprès de Monaco, qui a partagé avec les auditeurs sa vision des relations entre la France et Monaco, plus particulièrement dans le domaine maritime.

Les accords régissant les relations entre la France et Monaco ont été revus en 2002 pour évoluer d’une logique de « protectorat »[1] à une véritable relation d’Etat à Etat illustrée par l’installation en 2006 d’une ambassade de France résidente.

Dans le domaine maritime l’intérêt de la relation était historiquement stratégique pour les facilités offertes par un port en eaux profondes naturellement abrité. Elle a également été liée aux préoccupations environnementales sous l’impulsion de la passion d’Albert 1er pour les océans et la recherche scientifique maritime qui s’est matérialisée par la signature des Accords Ramoge pour la lutte contre les pollutions en 1999 et Accobams, pour la protection des mammifères marins en 1996, dont les sièges sont à Monaco. Dans le prolongement de ce partenariat de haut niveau, l’organisation du One Planet Summit en Polynésie française en 2024 et la 3ème conférence des Nations-Unies pour les Océans en 2025 verront de nouvelles coopérations entre les deux pays.


[1] Après la cession de Menton et de Roquebrune à la France par le traité du 2 février 1861, la Principauté s’était placée volontairement sous la protection de la France (Union douanière 1865) ; le traité d’amitié protectrice du 17 juillet 1918 consacre la souveraineté de l’Etat monégasque “dans le cadre des traités conclus avec la France”.

Le séminaire monégasque s’est achevé le vendredi 12 mai par l’étude détaillée de l’accord Ramoge, qui fêtait la veille ses 47 ans.

L’Accord Ramoge est un accord intergouvernemental de coopération entre les Etats français, italien et monégasque pour la préservation du milieu marin. S’appuyant sur un secrétariat permanent basé à Monaco, il s’agit d’un instrument de coordination multidisciplinaire impliquant les administrations territoriales, les institutions scientifiques, et les utilisateurs et usagers de la mer afin de mener des actions communes dans sa zone de compétence.

Il a pour ambition de faire en sorte que les zones maritimes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Principauté de Monaco et de la Ligurie constituent une zone pilote de prévention et de lutte contre la pollution du milieu marin. Le plan RAMOGEPOL issu de cet accord est un plan d’intervention commun franco-italien-monégasque.

Grâce à ses campagnes d’exploration scientifiques qui permettent une argumentation objective de ses recommandations, Ramoge a pu faire adopter plusieurs chartes de bonnes conduites, notamment par la grande plaisance.

Au plan international Ramoge promeut les synergies entre plans de coopération sous-régionaux de lutte contre les pollutions accidentelles. Pour la première fois cette année des observateurs marocains, tunisiens, libyens et égyptiens étaient présents lors du dernier exercice Ramogepol organisé à Toulon.

Le prochain et dernier séminaire de la 1ère session maritime méditerranéenne aura lieu du 7 au 9 juin à Rome où les auditeurs conduiront une étude comparée des politiques maritimes italiennes et françaises. Il sera suivi d’une cérémonie de clôture le 23 juin à l’Institut des sciences de l’océan à Marseille.

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