La 1ère session maritime méditerranéenne était en visite à Montpellier et Carnon du 5 au 7 avril 2023 dans le cadre d’un séminaire dédié à l’action des collectivités dans le domaine maritime et à l’importance de l’économie maritime pour le développement économique des territoires.
Le premier jour du séminaire, le conseil régional Occitanie a ouvert ses portes aux auditeurs pour une passionnante journée qui a commencé par une intervention de Pierre Boissery, expert de l’agence de l’eau, qui a présenté l’action déterminante de l’agence pour éclairer la décision publique en matière de lutte contre la pollution et de protection des milieux aquatiques.
Grâce à l’extension de son périmètre de compétences au domaine maritime, l’agence de l’eau est devenu un acteur essentiel pour la préservation de l’eau et de la biodiversité marine à terre comme en mer. Avec le souci de concilier écologie et économie, véritable ADN de l’agence, elle met en œuvre avec son programme d’intervention les orientations définies par les comités de bassin.
Les auditeurs ont été sensibles à l’approche opérationnelle et pragmatique de l’agence dont l’efficacité de l’action passe en particulier par les comités de bassin qu’elle anime.
Véritable outil de territoire, les comités de bassin permettent de confronter les approches et, grâce à un processus collégial associant Etat et représentants du monde économique, des collectivités et des associations, de définir en commun les actions à mettre en œuvre. Seul un lien étroit avec les acteurs locaux garantissant la prise en compte des particularismes régionaux est en effet garant de l’acceptabilité des solutions proposées.
Bénéficiant aujourd’hui d’une renommée internationale, l’agence de l‘eau est de plus en plus fréquemment sollicitée par des acteurs étrangers pour bénéficier de ses conseils.
Dans l’après-midi, pour permettre aux auditeurs de mesurer l’étendue du champ d’action des collectivités en matière de politiques maritimes, Marc Chevalier, Président de la commission Méditerranée, Littoral, Relations Internationales du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional Occitanie (CESER Occitanie) a animé une table ronde à laquelle ont participé madame Chaudoir, maire de Portiragnes, monsieur Loda, maire du Canet en Roussillon, madame Astruc, directrice des services du CESER Occitanie et plusieurs rapporteurs du Conseil.
Maillons essentiels au contact des populations et à la convergence de l’expression d’intérêts souvent contradictoires, les élus municipaux ont témoigné des défis représentés par la mise en œuvre de règlementations complexes et contraignantes pour le développement économique de certaines activités liées au tourisme saisonnier. Ils ont insisté sur la nécessité d’une vision de long terme permettant de définir une stratégie et de financements associés pour sa réalisation.
Le « plan littoral 21 » portée par le CESER et associé à un financement de 1,2 milliards d’euros répond précisément à cette attente. Ses trois orientations stratégiques se concentrent sur la transformation du littoral sous l’effet du changement climatique, les mutations des filières traditionnelles nécessaires pour aller vers une économie bleue durable et le renforcement de l’attractivité touristique des stations balnéaires et la modernisation des ports.
Conscient qu’une action conduite seulement à l’échelle nationale n’est pas suffisante pour faire face aux importants défis notamment environnementaux auquel la Méditerranée est confrontée, le CESER a émis des recommandations dans des domaines sensibles comme la pollution plastique, l’avenir des filières pêches et le développement durable.
Le CESER développe aussi des initiatives internationales en partenariat avec ses homologues de Catalogne et des Baléares et porte à présent son attention sur les pays des rives sud de la Méditerranée.
Le jeudi 6 avril, les auditeurs ont rejoint Carnon pour un séminaire sur l’éolien en mer. Un panel d’experts composé de Frédéric Autric, directeur du projet Eolien flottant en Méditerranée à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) en Occitanie, Yannick Bocquenet de Réseau de Transport d’Electricité (RTE), Matthieu Turpeau de EDF Renouvelables et Davide Tramballi, ENI Plénitude, a débattu des différents aspects de la construction et de l’exploitation des champs éoliens en Méditerranée.
Monsieur Autric a expliqué les nombreux avantages du développement de l’éolien en Méditerranée. En mer, le rendement des éoliennes est en moyenne deux fois supérieur grâce à des vents forts et réguliers. Cette situation est encore plus vraie en Méditerranée. Les progrès technologiques avec le développement d’éoliennes de plus grandes tailles, difficile à installer à terre, dont la puissance sera donc nettement supérieure à ce qui existe actuellement (jusqu’à 24 MW contre 10 aujourd’hui) va également permettre la production d’importantes quantités d’électricité.
La stratégie de développement des parcs éoliens en Méditerranée répond aux objectifs de la loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables (loi APER de mars 2023). Elle est coordonnée par l’Etat au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui fixe les objectifs en la matière, et le document stratégique de façade qui détermine où des champs peuvent être envisagées dans le respect de la compatibilité des usages. L’acceptabilité de l’implantation des champs éoliens est en effet un enjeu important. Elle nécessite une concertation importante avec les différents usagers et des études d’impacts environnementaux précises.
Enfin, l’implantation d’un champ éolien offre de nombreuses opportunités de développements économiques connexes pour les villes portuaires de proximité. Les flotteurs des éoliennes devront en particulier être construits à proximité de leur lieu d’implantation. De même, en phase d’exploitation, les moyens de mise en œuvre y seront installés.
Yannick Bocquenet de Réseau de Transport d’Electricité (RTE) a ensuite présenté le rôle stratégique du gestionnaire de réseau de transport d’électricité dans le développement de l’éolien et les plans d’investissement pour faire face aux enjeux nouveaux induits.
La responsabilité de RTE dans l’exploitation des champs éoliens en mer va être fondamentale. RTE détient en effet le monopole de l’entretien et du développement des réseaux de transport de l’électricité des champs éoliens vers les zones de consommation. A ce titre RTE va installer des points de jonction en mer qui permettront de connecter les champs opérés par les opérateurs privés vers le réseau national.
Postes de connexion en mer, installations de liaisons sous-marines, réseaux de câbles sous-marins, postes de raccordement à terre, seront autant de structures sensibles qu’il conviendra d’entretenir, surveiller, protéger, nécessitant des techniques et des moyens à consolider.
Matthieu Turpeau a enfin présenté l’approche des projets éoliens en mer et de la sécurité maritime de ces installations chez EDF Renouvelables avec un focus particulier sur la ferme expérimentale « Provence Grand Large » située dans le golfe de Fos.
Exploitant depuis début 2022 le parc de Saint Nazaire, premier parc exploité en France, et achevant la construction de trois autres sites, EDF Renouvelables possède une expertise reconnue en Europe et à l’international avec notamment un projet en Chine.
En Méditerranée, la ferme pilote « Provence Grand Large », constituée de trois éoliennes de 8,4 MW espacées de 900m, mouillés par 100m de fond, permet de tester de nouvelles technologies comme les ancres à succion développées par SBM offshore, qui devraient conférer à l’ensemble une meilleure tenue.
Les explications très claires de Matthieu Turpeau ont permis de comprendre comment, très concrètement, sont traités les différents enjeux liés à la mise en œuvre d’un parc éolien. En phase de développement comme en phase d’exploitation, conformément aux exigences de l’Etat, EDF Renouvelables effectue des suivis environnementaux sur les sédiments, les oiseaux par le biais d’un radar installé à proximité du site, les mammifères marins, la ressource halieutique et le bruit sous-marin. Le retour d’expérience de Saint Nazaire, comme des parcs déjà en service en mer du Nord, montre que les impacts négatifs lors de la construction sont très vite résorbés en phase d’exploitation.
La sécurité du parc est assurée par un centre de contrôle qui surveille le parc au moyen de radars et caméras. Le parc est également signalé par un balisage et des émetteurs AIS. Le centre dispose de navires de surveillance du site en liaison avec les préfectures maritimes. Enfin, pour chaque parc, un plan d’intervention maritime cadre toutes les procédures avec les services de l’Etat en cas de crise ou pour la coordination d’opérations de secours.
Objets nouveaux, qui vont progressivement être découverts par les usagers de la mer en Méditerranée, il est très probable que les mesures d’exploitation des parcs éoliens aujourd’hui définies, doivent inévitablement évoluer dans le futur.
Pour compléter ces approches nationales de l’éolien en mer, Davide Tramballi, Institutional support for Business development de ENI plénitude, a présenté l’approche de ENI sur l’éolien et les parcs installés ou en projet en Italie.
Présente dans 69 pays, employant 32.000 personnes dont 10.000 à l’étranger, ENI produit de l’énergie sous toutes ses formes et vend de l’électricité. Engagée dans un processus de diversification énergétique, dans le cadre duquel a été créé ENI Plénitude en novembre 2021, la stratégie de ENI a également pris en compte les conséquences de la crise en Ukraine en terme d’exigences de souveraineté.
Constituée à égale proportion par du solaire et de l’éolien terrestre, la politique de diversification énergétique de ENI Plenitude l’a amené à développer de l’éolien en mer pour la production d’électricité décarbonnée avec un premier champ exploité dans le sud de l’Italie. A l’horizon 2030, la part de l’offshore pourrait atteindre une vingtaine de pourcent. Déjà présente en Norvège, Grande-Bretagne, Espagne et Pologne pour la construction de parcs éoliens, ENI Plenitude est candidat pour trois appels d’offre en France dont un en Méditerranée. En Italie, un portefeuille de projets diversifiés en termes de géographie et de partenariats, qui seront tous de l’éolien flottant, fait ainsi l’objet de demandes d’autorisation de construction avec une ambition de mise en service à l’horizon 2030.
En terme de politique comparée sur l’éolien en mer, deux différences majeures sont apparues des explications de Davide Tramballi. En Italie, il appartient aux opérateurs d’étudier les impacts et de proposer aux autorités les projets de développement off-shore, alors qu’en France ce travail préparatoire est assuré par l’Etat qui émet ensuite des appels d’offre. Contrairement à la France, qui bénéficie d’une politique intégrée pour le développement de l’éolien en mer, l’Italie n’a pas d’autorité de coordination de l’action des ministères et les régions bénéficient d’une large autonomie de décision, ce qui peut ralentir le processus.
Au-delà de ces différences, l’excellente présentation de Davide Tramballi a bien mis en évidence que l’éolien en mer est une opportunité à saisir pour l’Italie et la France compte tenu de leurs atouts en termes de ressources éoliennes et de la profondeur d’eau dans leurs zones économiques exclusives, très propices à l’installation de ces équipements.
Le vendredi 7 avril, Port Camargue, premier port de plaisance d’Europe avec 5.018 anneaux sur ses deux bassins public et privé, a accueilli les auditeurs de la 1ère session maritime méditerranéenne pour une matinée consacrée à l’industrie du nautisme.
Jean Romain Brunet, directeur du port, a présenté la stratégie de modernisation et d’adaptation de Port Camargue aux nouveaux enjeux environnementaux et à l’évolution des besoins des nouvelles générations de plaisanciers. Accompagnant les changements sociétaux, Port Camargue est aujourd’hui un lieu de vie orienté vers l’accueil de plaisanciers vivant à bord dans une logique de gestion durable et de respect de l’environnement.
Un tour du port à bord de la navette portuaire à propulsion électrique a ensuite permis aux auditeurs de se rendre compte, sur site, des efforts réalisés pour innover et proposer des démarches vertueuses en matière de biodiversité, en particulier pour la gestion des eaux usées. La zone technique, concentré de compétences en matière d’entretien, vente et exploitation des navires de plaisance, a impressionné les auditeurs.
A l’issue de ce 7ième séminaire et forts des enseignements des séquences déjà consacrées à l’économie maritime en lors des précédents séminaires, les auditeurs de la 1ère session maritime méditerranéenne possèdent une vision précise des atouts de la France pour le développement d’une économie bleue en Méditerranée, vectrice de croissance et d’emplois en cohérence avec les politiques de gestion durable des ressources et de transition énergétique.