Par Benoît de la Ruelle
Pas un jour ne se passe depuis le 7 octobre 2023 sans que l’actualité n’évoque les opérations militaires israéliennes à Gaza ou dans l’environnement régional. Longueur et intensité caractérisent cette guerre multi-fronts qui marquera les générations suivantes d’Israéliens. Résilient, le pays a fait face et a remporté des succès militaires, à un prix très élevé mais que les Israéliens sont prêts à payer pour continuer à vivre en sécurité, à défaut de paix, à l’intérieur de leurs frontières. Les défis posés à l’armée israélienne restent colossaux : tensions sur les effectifs, visions politiques différentes qui se traduisent en divergences sur la finalité du conflit à Gaza ; usure et adaptation des équipements dans les phases de combat de haute intensité parallèlement à des affrontements asymétriques. L’armée israélienne est condamnée à ne pas perdre cette guerre sous peine de voir ses ennemis crier victoire. Pour l’heure les succès militaires et stratégiques sont indéniables, mais l’armée israélienne est encore au milieu du gué, malgré ses succès contre l’Iran.
L’armée israélienne mène depuis le 7 octobre 2023 une guerre contre le Hamas à Gaza et fait face à de multiples engagements opérationnels sur plusieurs autres fronts (Liban, Syrie, Iran, Yémen, Cisjordanie). Sur le plan terrestre, elle est active dans la Bande de Gaza, les zones frontalières avec le Liban et la Syrie comme en Cisjordanie. En laissant de côté le désastre du 7 octobre 2023, on peut considérer que dans ces opérations, l’armée israélienne a su remédier aux principales lacunes déjà identifiées lors de la deuxième guerre du Liban en 2006 : coordination air-sol pratiquement inexistante, absence de manœuvre interarmes des unités terrestres, équipement et entraînement insuffisants des unités de réservistes. Pourtant, après 20 mois de guerre, l’armée israélienne doit faire face à plusieurs défis : celui des ressources humaines, soumises à un rythme d’engagement inégalé depuis 1948 ; celui des équipements qui doivent faire face à l’usure et aux menaces multiples en agrégeant la qualité et la quantité ; enfin celui de la stratégie qui détermine ces opérations qui doivent être capables d’assurer – sinon la paix – au moins davantage de sécurité de long terme pour le pays et non plus seulement des gains de sécurité de court terme. Israël, peuple en armes et Tsahal, armée du peuple, ces deux entités inséparables sont aujourd’hui à un moment crucial de leur existence oscillant d’une part entre résolution inébranlable, voire choquante aux yeux du monde, afin d’assurer la sécurité des Juifs en Israël, et d’autre part culpabilité mêlant échec du 7 octobre, dégâts collatéraux infligés à des milliers de civils arabes et obéissance à un gouvernement critiqué tant sur la scène intérieure qu’internationale et dépourvu de stratégie par rapport à la poursuite de la guerre à Gaza.
1/ Disposer d’une ressource humaine suffisante et unie : un enjeu tant opérationnel que politique
Récemment, l’actualité s’est plue à souligner les difficultés bien réelles de Tsahal dans le domaine des ressources humaines. L’armée de Terre aurait perdu en effectifs (tués et blessés) l’équivalent de 3 brigades de manœuvre (900 tués et 6000 blessés[1]). Les réservistes ont enchaîné les périodes de réserve en 2023 et 2024, ce phénomène entraînant un taux de réponse aux convocations désormais avoisinant les 50 % seulement,[2] alors qu’il était supérieur à 95 % fin 2023, mettant en lumière les difficultés économiques, sociales et psychologiques qu’entraînent des rappels trop nombreux. La reprise le 16 mai 2025 des opérations à Gaza[3] au détriment d’une pause ou d’un arrêt permettant d’espérer le retour des otages, choque des milliers de militaires en service comme des réservistes, une part non négligeable de ces derniers exprimant dans des lettres collectives[4] par armée ou unité leur souhait d’un arrêt des opérations, critiquant ainsi la décision politique mise en œuvre par l’armée. Enfin la mauvaise répartition du fardeau de la conscription à laquelle échappe 25 % d’une classe d’âge (population ultra-orthodoxe) est de plus en plus mal vécue par les autres segments de la population juive[5]. Ces deux derniers éléments ajoutés à l’entrisme de la population d’obédience« sioniste-religieuse » au sein de l’armée[6] illustre le danger d’une utilisation de l’armée à des fins politiques et non plus de la sécurité de l’Etat d’Israël et de sa population dans son ensemble.
Sans nier ces difficultés il est nécessaire de les replacer dans leur contexte pour bien comprendre leur influence, réelle ou non, sur les opérations en cours. L’intensité des combats terrestres est aujourd’hui moindre qu’au cours de l’année 2024, c’est une donnée importante qui permet de moins faire appel aux unités de réservistes et autorise les unités d’active à se reconditionner et à s’entraîner à nouveau. Par ailleurs, le ministère de la Défense a pris conscience de la nécessité de ne pas dépasser un plafond de rappel de 60 jours par an pour les réservistes et de mieux les indemniser financièrement[7]. En outre, il est difficile d’obtenir des données fiables sur la proportion de réservistes signataires des fameuses lettres ayant dépassé l’âge limite de service dans la réserve et ceux pouvant effectivement être rappelés[8]. Par ailleurs, il convient de souligner en contrepoint que plus de 6 000 personnes ayant dépassé l’âge légal de la réserve ont demandé à être rappelés en mettant en avant leurs capacités à remplir différentes tâches au sein de l’armée.
Après une phase de concertation invitant les principaux signataires de ces lettres à revenir sur leur action, le général de corps d’armée Eyal Zamir, nouveau chef de l’état-major général, qui a pris ses fonctions le 5 mars 2025, a choisi une ligne de fermeté et déclaré que les signataires de telles lettres ne pouvaient plus être rappelés pour servir dans l’armée. La conscription, elle, a été rallongée à 36 mois pour les garçons et 24 mois[9] pour les filles gonflant ainsi la ressource humaine de Tsahal. Enfin, des efforts sont faits de part et d’autre pour encourager la conscription de la population ultra-orthodoxe[10], mais celle-ci y reste très majoritairement hostile et bon nombre de défenseurs de l’efficacité opérationnelle de l’armée le sont également.
En définitive, si la question de la ressource en effectifs reste un sujet d’attention, elle ne parait pas insurmontable à brève échéance[11], la baisse de réponse aux rappels de réserve étant aussi liée au sentiment dans la population que la situation n’est plus aussi urgente que fin 2023 et 2024. En effet, l’opération « Chariots de Gédéon » à Gaza mobilise actuellement 4 divisions de manœuvre renforcées à 2 brigades chacune (divisions blindées 36, 162 et 252 ; division parachutiste 98) et 1 territoriale (la 143ème division d’infanterie également à deux brigades), ce qui peut être évalué entre 25 et 30 000 soldats, soit l’effort principal de la force opérationnelle terrestre, mais « seulement » 50 % de son volume. De ce fait, les réservistes actuellement rappelés sont déployés sur des fronts moins actifs : Cisjordanie, Liban, Syrie.
Dans les relations entre le politique et le militaire, il est intéressant de noter que le général Zamir (CEMA) se heurte déjà, quelques semaines seulement après sa nomination à son poste, au premier ministre Netanyahou qui l’a pourtant choisi pour exercer cette fonction[12]. En effet, le général Zamir est ferme sur la priorité absolue visant à un accord pour libérer les otages, comme sur l’exigence d’enrôler tous les citoyens israéliens concernés par l’obligation légale de servir sous les drapeaux, y compris les ultra-orthodoxes. Le choix controversé du général Zini pour assurer les fonctions de directeur du Shin Bet sans en informer au préalable le CEMA son chef hiérarchique a tendu encore plus les relations avec le pouvoir politique. Auparavant, le général Zamir s’était opposé à la volonté du ministre des finances Smotrich qui voulait que ce soit l’armée israélienne qui distribue l’aide humanitaire à Gaza à la place des organisations humanitaires.
Au-delà de l’aspect spectaculaire des lettres de protestation mentionnées[13], le risque que Tsahal devienne plus fréquemment un champ d’affrontement politique et idéologique entre tenants d’une ligne incarnée aujourd’hui par Benyamin Netanyahou et ses alliés edenistes[14] et par ses opposants n’est pas nul. Ce point devrait retenir toute l’attention du J1 de l’état-major comme du ministère de la Défense. Cette affaire montre en tout cas que l’armée est bien le reflet de la société israélienne actuelle.
2/ Conserver l’avantage qualitatif au sein d’un environnement régional en recomposition
L’armée israélienne cherche à conserver dans son environnement régional la fameuse qualitative military edge (QME ou avance technologique face aux rivaux régionaux) chère aux militaires israéliens. Celle-ci passe d’abord par le lien avec les Etats-Unis : si l’armée de l’Air est l’armée la plus interopérable et dépendante des fournitures américaines (chasseurs F-15, F-16 et F-35, systèmes d’armes et munitions), l’armée de Terre l’est également notamment pour les munitions de char et d’artillerie. En effet, Tsahal disposait traditionnellement de stocks de munitions pour un mois de guerre, ce qui est notoirement insuffisant depuis octobre 2023. Le soutien américain (politico-militaire, renseignement, opérations, logistique, recherche) reste donc déterminant pour les années à venir pour maintenir les capacités militaires israéliennes. Le retard dans certaines livraisons d’équipements ou la conditionnalité de celle-ci par l’administration Biden[15] a rappelé à Israël sa dépendance à cette aide vitale. Hier encore, Israël hésitait à agir contre l’Iran sans feu vert américain compte tenu de la dépendance de sa flotte aérienne aux pièces détachées américaines, mais également de ses systèmes de défense aérienne et anti-missiles (notamment Arrow 2 et 3 construits avec l’aide des Etats-Unis).
Cette aide est telle qu’il paraît illusoire de vouloir s’en affranchir dans son ensemble à court ou moyen terme. Néanmoins, dès son arrivée aux affaires en janvier 2023, l’ex-ministre de la défense Yoav Gallant a pris des mesures pour augmenter la production de munitions par la BITD israélienne. Celle-ci a vu parallèlement ses commandes gouvernementales fortement augmenter depuis le 7 octobre 2023, tout comme ses contraintes de production, notamment en raison de la mobilisation de 20 % de ses effectifs. Les grosses entreprises (IAI, Elbit, Rafael) sont donc passées sur un rythme de production 24 heures sur 24 afin de livrer prioritairement les commandes en urgence israélienne sans trop pénaliser les commandes étrangères[16] (citons les systèmes de défense antiaérienne Fronde de David à la Finlande en 2024[17] et Iris-T à l’Allemagne 2023[18]).
Ce mouvement général visant à fournir à Tsahal à la fois la masse et la technologie, dopé par la guerre et ses besoins, s’est manifesté également par la suspension des négociations dès novembre 2023 de ventes de chars Merkava 2 et 3 prévues à des partenaires étrangers. La vente de tels équipements aurait été une première[19]. Enfin, pour faire face à des menaces nouvelles (mini et nano drones), le ministère de la Défense stimule la recherche de solutions alliant techniques anciennes (canon à tir rapide) et technologie de rupture comme le laser qui pourrait équiper certaines unités dès 2026[20].
Ceci posé, quelle peuvent être les conséquences de la tournée du Président Trump au Moyen-Orient du 13 au 16 mai 2025 sur la fameuse QME garantie par l’alliance américaine ? Tout d’abord il convient de souligner que les interprétations divergent sur l’absence d’étape du président américain en Israël. Si certains y voient une marque de défiance envers Benyamin Netanyahou, d’autres soulignent que c’était une tournée orientée « business » et péninsule arabique avant tout. Avec l’Arabie Saoudite, le montant faramineux de 142 milliards de dollars de contratsest avancé dans le domaine de la défense, mais aussi de l’intelligence artificielle. D’importants contrats de défense ont également été conclus avec le Qatar et les Emirats Arabes Unis. La vente d’avions F-35 à l’Arabie Saoudite serait conditionnée au fait que le pays rejoigne les accords d’Abraham, ce qui semble aujourd’hui peu crédible tant que la situation à Gaza et l’orientation actuelle du gouvernement israélien demeureront les mêmes. Israël reste surtout attentif à une éventuelle coopération américano-saoudienne dans le domaine du nucléaire[21]. Sinon, le risque d’une diminution significative de l’avantage qualitatif est bien identifié par Israël qui s’emploie à s’y opposer par un lobbying souvent efficace aux Etats-Unis.
En définitive, l’appareil militaro-industriel israélien est pleinement conscient des enjeux liés aux équipements dans cette guerre longue. Il met en œuvre une stratégie comprenant plusieurs lignes d’opérations permettant à Tsahal d’être doté des meilleurs équipements et en nombre suffisants, notamment dans le domaine des munitions et des systèmes antimissiles.
3/ Transformer l’environnement stratégique grâce à des engagements opérationnels décisifs
Cet objectif crucial revient à faire en sorte que les actions du stratège (chef militaire) servent les objectifs du souverain (décideur politique). A cet égard, la diplomatie régionale et les dynamiques internes ont contribué à des changements positifs pour Israël grâce à l’action déterminante des armes israéliennes.
Fin juillet 2024 marque le premier tournant de la guerre lancée le 7 octobre2023 par le Hamas et ses alliés de la Bande de Gaza. Le ciblage en 48 heures du chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh à Téhéran et du chef de la branche militaire du Hezbollah Fuad Shokr au Liban sont des succès qu’Israël attendait avec impatience. Mais jusqu’à fin novembre 2024, les évolutions militaires de portée stratégique sont encore peu visibles.
C’est sur le front nord que le succès est patent : l’accord de cessez-le-feu le 25 novembre 2024[22] équivaut à une défaite militaire du Hezbollah décapité de son état-major, affaibli après 13 mois de frappes et deux mois d’une incursion israélienne concentrée dans la bande frontalière pour détruire méthodiquement son infrastructure souterraine et pour empêcher le retour des combattants dans leurs foyers. Cette offensive terrestre contre le Liban visait également à permettre le retour en sécurité de la population israélienne vivant le long de la Ligne Bleue et de la frontière syrienne. Elle a mobilisé l’essentiel de l’effort terrestre de Tsahal entre fin septembre et fin novembre 2024. En plus de la division territoriale 91, 3 divisions de manœuvre ont été déployées engerbant entre 3 et 5 brigades chacune, soit un total estimé à 30 000 soldats. Le réinvestissement par les Forces armées libanaises de la zone située au sud de la rivière Litani, la coupure du corridor syrien permettant facilement l’acheminement des armes en provenance d’Iran, mais aussi l’élection d’un président libanais sont des conséquences directes ou indirectes de cette opération militaire qui est de nature à changer durablement et positivement la relation entre Israël et son voisin du nord.
En Syrie, l’offensive éclair de HTS et l’installation d’un nouveau pouvoir sur lequel les Israéliens ne se font guère d’illusion[23] comporte toutefois l’avantage d’affaiblir le fameux « axe de la résistance[24] ». Israël a dès lors pris la décision d’annihiler le reliquat de l’arsenal conventionnel et non conventionnel syrien, en conduisant de nombreux raids aériens à partir du 10 décembre 2024 jusqu’à début mai 2025. Au sol, la 210ème division territoriale « Bashan » a été renforcée d’éléments blindés et mécanisés et a saisi des positions sur le Mont Hermon comme à l’est de la ligne de séparation (points d’appui de niveau compagnie)[25]. La diplomatie de Donald Trump a permis de faire retomber la pression entre la Turquie, parrain du nouvel homme fort à Damas, et Israël qui reste toutefois vigilant vis-à-vis d’Ahmed Al Charaa. Le gouvernement israélien n’a pas hésité à fournir un soutien à la communauté druze syrienne attaquée par des éléments liés au régime de Damas début mai. Là encore, l’armée israélienne a démontré sa réactivité en saisissant des gages. Sa posture militaire évoluera en fonction de ses intérêts sécuritaires. Ce message a clairement été passés à l’ensemble des acteurs du dossier syrien.
En Cisjordanie, les opérations militaires de contrôle de zone se succèdent depuis début 2024, notamment autour des villes du nord, Jénine et Tulkarem. L’objectif militaire est de conserver le niveau de violence en-deçà d’un seuil qui soit gérable par l’autorité politique. La possible annonce prochaine de l’annexion de la Cisjordanie à Israël est susceptible de déclencher un soulèvement général palestinien qui nécessitera au préalable un déploiement conséquent de forces terrestres. En mai-juin 2025, c’est essentiellement en Cisjordanie que sont déployés les unités de réservistes rappelés depuis le mois de mai afin de permettre le déploiement des unités d’active à Gaza.
Dans la Bande de Gaza, la reprise annoncée de l’opération militaire[26] vise cette fois non plus le tamisage de plus en plus fin des forces du Hamas au moyen d’efforts successifs, mais la conquête pure et simple de la Bande de Gaza par un lent rouleau compresseur à partir des zones tampon existantes depuis mi-janvier 2025. Cette stratégie vise à limiter les pertes israéliennes, à pouvoir stopper l’opération en cas d’accord avec le Hamas, à détruire l’infrastructure civile, économique et sociale du Hamas en attendant, et enfin à écarter autant que faire se peut le Hamas de la distribution de l’aide humanitaire qui lui permet de garder son emprise sur la population gazaouie. Cette offensive ne peut se faire qu’au détriment de la vie des otages encore détenus à Gaza, ce qui suscite un fort mécontentement en Israël, même si un refus d’obéissance militaire semble très peu probable, l’armée ayant obtenu gain de cause auprès du premier ministre sur le fait de ne pas devoir distribuer elle-même l’aide humanitaire[27]. Pour l’heure, cette offensive militaire coûte cher à Israël en termes d’image internationale mais le CEMA et le gouvernement ont fait part de leur volonté de la mener à son terme.
Au Yémen, Israël a décidé de s’occuper lui-même[28] de la réponse militaire après l’accord de cessez-le-feu conclu entre les Etats-Unis et les Houthis, afin de faire cesser les tirs de missiles, les vols de drone et les attaques contre les intérêts israéliens en mer Rouge et contre le territoire israélien.
Enfin vis à vis de Téhéran, Israël considère que l’affaiblissement du régime iranien est tel qu’il doit être mis à profit pour empêcher militairement l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire, ce qu’Israël a toujours promis de faire d’une manière ou d’une autre[29] depuis le début des années 2000. Au-delà des aspects techniques et opérationnels d’un soutien américain, la faisabilité dépend surtout d’un feu vert politique américain. L’opération « Lion qui se dresse » déclenchée dans la nuit du 12 au 13 juin 2025 contre des sites liés au programme nucléaire iranien comme contre des chefs de l’armée, des Pasdarans et de scientifiques prouve, comme les déclarations sans ambiguïté du Président américain, que ce feu vert a bien été donné. La campagne de bombardements israéliens pourrait durer plusieurs semaines mais il apparait clairement dès aujourd’hui que la République Islamique d’Iran ne deviendra pas un Etat doté. Si la guerre dure, c’est le régime iranien lui-même qui pourrait devenir la cible des bombardements israéliens.
Dans cette énumération des différents fronts sur lesquels l’armée israélienne est engagée, il convient de souligner d’une part son agilité et son aptitude à séquencer les engagements de manière à pouvoir obtenir une efficacité maximale et, d’autre part, sa capacité à intégrer dans ses opérations les services de renseignements intérieur (Shin Bet) et extérieur (Mossad).
Pour conclure, les défis internes et externes posés à l’armée comme à la société obligent les Israéliens à trouver des solutions concrètes et rapides pour faire face à ce qu’ils perçoivent comme une menace existentielle. Malgré des succès opérationnels incontestés, l’armée israélienne reste encore au milieu du gué à Gaza, position d’autant plus inconfortable qu’elle doit continuer à obéir à un échelon politique de plus en plus isolé sur la scène internationale. Un éventuel changement de gouvernement ne changerait pas fondamentalement la donne, tant la grande majorité des Israéliens est aujourd’hui opposée à la création d’un Etat palestinien, et tant une partie significative de l’appareil militaro-sécuritaire estime que la fenêtre d’opportunité pour affaiblir l’ensemble des ennemis d’Israël ne durera pas.
[1] Seth Frantzmann, « Israel takes stock of military casualties over a year of war », Long War Journal, 20 janvier 2025.
[2] Amos Harel, “IDF warns of crisis: Many reserve soldiers won’t report due to recent decisions by Israel’s Government”, Haaretz, 28 mars 2025.
[3] L’opération « chariots de Gédéon » prévoit la conquête de Gaza.
[4] Yoav Zitun & Gal Ganot, “Air Force reservists who signed letter calling to end war to be removed”, Ynet, 18 avr. 2025.
[5] Le report du vote de la loi sur l’exemption de la conscription des ultra-othodoxes est une épée de Damoclès sur le maintien de la coalition actuelle au pouvoir.
[6] La décision du PM Netanyahou de nommer le général Zini membre de cette obédience à la tête du Shin Bet sans en avoir informé préalablement le CEMA Eyal Zamir est à rapprocher de ce phénomène qui vise les institutions sécuritaires : armée, Mossad, Shin Bet. Le CEMA a révoqué le général Zini le 23 mai de son poste (responsable de l’entraînement et chef de l’état-major général) et l’a révoqué de l’armée.
[7] Israel to expand financial benefits for reservists and their families – Jerusalem Post (15 mars 2025)
[8] Il convient en outre de préciser que 82% des signataires souhaitent une reprise des opérations à Gaza après la libération des otages, ce qui est contradictoire avec les termes d’un accord susceptible d’être accepté par le Hamas.
[9] Provisoirement et pour une durée de 5 ans décidée en fin d’année 2024.
[10] Yonah Jeremy Bob, “High Court unanimously rules against exemption for haredim”, Jerusalem Post, 25 juin 2024.
[11] Le CEMA Zamir a suspendu fin mai le programme pilote d’entraînement prévoyant d’intégrer des femmes dans les unités du train déployées en territoire ennemi, pour des raisons de performance physique. Un signe qui montre que la ressource masculine est suffisante pour ce type d’unités. Haaretz, jeudi 26 mai 2025.
[12] Stéphane Juffa, « Il est à nouveau question de l’incapacité de gouverner de Netanyahou », Metula News Agency, 28 mai 2025.
[13] En dépit de l’absence de données chiffrées, le phénomène des objecteurs de conscience et des désertions reste ultraminoritaire.
[14] Ayant une lecture littéralement biblique de la réalité contemporaine à l’image des ministres Ben Gvir (sécurité intérieure) et Smotrich (finances), chefs de partis politiques indispensables au maintien au pouvoir de la coalition actuelle.
[15] Barak Ravid, “U.S. paused bomb shipment to Israel over Rafah concerns”, Axios, 8 mai 2024.
[16] Dov Lieber, “Israel’s defense industry booms on foreign demand and war at home”, Wall Street Journal, 9 janv. 2025.
[17] Emanuel Fabian, “Israel signs landmark deal to sell David’s Sling to Finland”, Times of Israel, 12 nov. 2023.
[18] Sakshi Tirawi, « World’s 4th Biggest Defense Spender To Acquire “Israel Tech” As AD Systems Hog Spotlight Amid Russia-Ukraine, India-Pak Wars », Eurasian Times, 12 mai 2025.En revanche la suspension par l’Espagne d’un contrat d’armement d’une valeur de 250 millions de dollars avec la firme israélienne Rafael montre un effet négatif de l’opération en cours à Gaza sur la BITD israélienne, El Pais 3 juin 2025.
[19] Phénomène qui révèle en creux l’étonnante illusion israélienne sur les intentions de ses ennemis et la conduite de la guerre.
[20] Anna Ahronheim, “Israel finishes testing 22 technologies for stopping drone attacks”, Jerusalem Post, 19 févr. 2025.
[21] Institute National for Security Studies: “President Trump’s Visit to the Gulf: A Shifting Regional Order and the Challenge for Israel”, Eldad Shavit 19May 2025.
[22] “Cease-fire between Israel and Hezbollah goes into effect”, Haaretz, 27 nov. 2024.
[23] En dépit de la rencontre Trump –Al Sharaha en Arabie Saoudite le 12 mai 2025 et des pourparlers directs hébergés par l’Azerbaïdjan.
[24] The toppling of Assad’s regime may be bad news for Israel – Herb Keinon, Jerusalem Post, 6 déc 2024.
[25] Opération Flèches de Bashan.
[26] James Mackenzie, Nidal Al Mughrabi “Israel to seize parts of Gaza as military operation expands, Reuters, 2 avr. 2025. Opération « Chariots de Gédéon ».
[27] Allison Kapit-Ben-Tzur, Putting Gaza aid in hands of Israel’s army fuels far-right ambitions, Haaretz, 8 oct 2024.
[28] Suite à l’annonce américaine de cesser ses frappes contre le pays ;
[29] Négociation des E3+3, assassinat de scientifiques par le Mossad, sabotage d’installation, introduction de virus informatiques…