L’ARMÉE DE TERRE DANS L’EXPRESSION D’UNE NOUVELLE VISION STRATÉGIQUE…

Inutile de souligner l’enthousiasme des auditeurs de la 31ème SMHES et celui de leurs hôtes à l’occasion de ce rendez-vous exceptionnel avec les unités de l’armée de terre.  Au terme d’une période très longue privilégiant les séminaires en mode digital et parfois en mode hybride avec quelques visites dynamiques, ce séminaire du mois de juin fut intégralement réalisé sur le terrain. C’est donc le sentiment de retour à une situation presque normale où les règles de prudence persistent sans pour autant contrarier les échanges directs, véritable richesse de ces rencontres. Dans un monde plus dur où les conflits exposent les forces armées à de multiples modes d’action symétriques et asymétriques, il était important de comprendre les grands enjeux de l’armée de terre pour les dix années à venir.

L’armée de terre, dont les expériences de terrain se sont multipliées ces dernières années, avec les engagements réalisés en Afghanistan de 2001 à 2011 et ceux de l’opération Barkhane de 2013 à aujourd’hui, est en effet confrontée à une véritable mutation devant la préparer à des conflits de plus haute intensité.  Le livre blanc de 2013 et les revues stratégiques qui ont suivi confirment cette nécessité de transformation avec une nouvelle vision stratégique de son chef d’état-major appelée « supériorité opérationnelle 2030 ». Il ne s’agit pas d’une réforme supplémentaire ajoutée aux nombreuses réformes portées par nos armées mais bien d’un ajustement en cohérence avec les dispositions prises par ses prédécesseurs, notamment dans le plan au nom évocateur de l’armée de terre au contact.

Les retours d’expérience des opérations récentes sont évidemment très riches et sont pris en compte. Les derniers engagements ont d’ailleurs démontré un niveau d’aguerrissement très élevé conjugué à l’utilisation d’équipements nouveaux dans un environnement souvent qualifié d’abrasif pour les matériels. De fait, le soutien en opération s’est lui aussi consolidé pour garantir un haut niveau de disponibilité opérationnelle. Il ne s’agit pas ici de décrire dans le détail cette vision stratégique mais nous invitons les lecteurs à consulter les sites la décrivant ou les auditions réalisées par les parlementaires interrogeant les chefs militaires sur les défis à relever pour nos armées.

Pour ce séminaire, il nous a semblé pertinent d’apprécier les conditions de préparation au combat des unités. Le niveau régimentaire s’imposait donc de lui-même. Le 21ème régiment d’infanterie de marine installé à Fréjus nous donc ouvert ses portes le jeudi 17 juin pour permettre aux auditeurs d’être au contact. L’histoire de l’arme est ancienne puisque les troupes de marines naissent avec Richelieu qui créa les « cent compagnies de la mer » en 1622, devenues corps royal d’infanterie en 1769 puis corps royal de la marine en 1772. C’est un peu l’histoire des empires coloniaux et le fil conducteur de l’histoire de la France d’outre-mer que nous retrouvons sur le site de ce régiment.

Créé en métropole en 1901, il combat pendant la conquête du Maroc, la Première Guerre mondiale et la bataille de France. Il s’installe à Fréjus en 1980 et rejoint un site exceptionnel où déjà, dans l’histoire, se regroupaient les troupes issues des armées d’Afrique, d’Asie et d’outre-mer. Nous y retrouvons d’ailleurs de nombreux témoignages avec de très beaux monuments installés sur la place d’armes. Ils nous rappellent ainsi les engagements de tous les soldats qui ont servi la France à la naissance des troupes de marine. Ce régiment d’infanterie motorisé est évidemment toujours aux avant-postes et c’est la raison pour laquelle ses unités sont fréquemment engagées en opérations dans ce qu’il est convenu d’appeler l’entrée en premier sur un théâtre. Son chef de corps, le colonel Paul Courtiau a tenu à recevoir, en personne, les auditeurs de la 31ème SMHES d’abord sur cette superbe place d’armes avec, en arrière-plan, les tous nouveaux véhicules blindés Griffon puis, dans la salle de conférence, pour présenter l’organisation du régiment et les infrastructures qui permettent de préparer les unités avant leurs projections. Cette préparation est d’ailleurs confortée par des mises en condition avant projection, notamment dans les camps d’entraînement tel que celui de Canjuers au niveau régional. Les auditeurs sont allés ensuite à la rencontre des militaires de la 5ème compagnie Rhinocéros ou les « Rhinos » du 21ème RIMa. A leur contact, ils ont pu apprécier la condition militaire d’une compagnie dans son quotidien et échanger sur les réalités opérationnelles lorsqu’elle est engagée en opérations.

Avec sa belle devise « croche et tient » le régiment des troupes de marine du 21ème RIMa porte haut ses traditions. Le musée implanté sur le site, en cours de rénovation, ouvrira ses portes très prochainement. A n’en pas douter, les auditeurs de la 31ème SMHES y feront un passage… Ils sont très reconnaissants d’avoir pu réaliser une telle visite avec la forte implication des officiers, sous-officiers et militaires du rang qu’ils suivront probablement avec un regard différent au fil de l’actualité des engagements opérationnels.

Au terme de cette visite, les auditeurs étaient impatients de partager le retour d’expérience d’un chef de corps engagé avec son régiment dans l’opération Barkhane. Nous avions donc rendez-vous avec le colonel Nicolas Meunier qui commande le 1er régiment étranger de cavalerie. Ce régiment a aujourd’hui cent ans d’histoire. Il souligne cette singularité française de disposer d’un régiment composé d’étrangers ayant choisi de servir la France. Ces soldats étrangers peuvent devenir français par le sang versé même si, bien sûr, l’accès à la naturalisation peut suivre d’autres voies. Mais le symbole est fort et la Légion étrangère impressionne et marque tous les esprits bien au-delà de nos frontières. Ce retour d’expérience était d’autant plus attendu qu’il intervient à un moment où d’autres options militaires sont envisagées dans la bande sahélo-saharienne pour lutter contre le terrorisme. Rappelant les conditions qui ont conduit à l’engagement des forces françaises, le chef de corps a aussi précisé les différents facteurs qui caractérisent ce théâtre. Les facteurs géographiques, historiques, ethniques et politiques en soulignent la particulière complexité.

Très bien préparés à ce type d’engagement, les militaires n’en sont pas moins très exposés à des actions souvent asymétriques où la réactivité, le sang-froid et la rigueur sont de mise face à un ennemi très déterminé. Au-delà, l’éthique du soldat se manifeste à chaque instant et témoigne que l’usage de la force au nom de la France se fait sous contrainte d’une haute exigence d’humanité. Ce régiment qui a payé le « prix » fort de son engagement dans Barkhane illustre ainsi l’attachement qu’il porte à des valeurs fondamentales portées à la dignité de la personne humaine. Le colonel Nicolas Meunier a ainsi pu démontrer les exigences induites dans une telle opération par l’environnement, la performance de l’emploi des outils de combats, la résilience des militaires très éprouvés par la dureté des missions et leur durée. Il a aussi pu mettre en avant une véritable réflexion éthique qui a suscité un très vif intérêt des auditeurs de la session. Ce fut une très belle intervention qui a permis de mettre en perspective les enjeux de la préparation opérationnelle présentée le jour même par le chef de corps du 21ème RIMa. 

Le lendemain, le vendredi 18 juin, les auditeurs se sont rendus aux écoles militaires de Draguignan. L’ambition de cette séquence était de partager avec les auditeurs la vision stratégique du chef d’état-major de l’armée de terre permettant d’appréhender les grands enjeux de l’armée de terre à l’horizon 2030. Cet horizon est proche et les défis sont nombreux. Le général de brigade Rémy Cadapeaud, commandant les écoles militaires de Draguignan, a livré avec beaucoup de clarté et de précision ce que représentait cette vision stratégique. Evidemment, le contexte international sous-tend de nombreux risques et les conflits de haute intensité ne sont plus des hypothèses aussi lointaines qu’elles pouvaient paraître à l’époque où le multilatéralisme semblait annoncer la fin de l’histoire pour un monde résolument en paix. Il ne s’agit donc pas de dramatiser l’avenir mais de le préparer avec lucidité et réalisme. Cette présentation est essentielle à la compréhension globale des enjeux de défense et de sécurité pour les auditeurs des sessions méditerranéennes des hautes études stratégiques.

Elle aussi est essentielle pour mieux comprendre les enjeux de la préparation opérationnelle et de l’entrainement des forces qu’ils ont pu apprécier lors de la visite régimentaire. Au terme de cette présentation, le programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) a été décrit, poursuivi par une présentation dynamique qui souligne l’entrée de l’armée de terre dans une nouvelle ère capacitaire où les équipements doivent démultiplier leurs effets en étant interconnectés. Mais, ne vous y trompez pas, la numérisation de l’espace de bataille ne fera pas tout et la préparation opérationnelle du combattant reste une priorité absolue. La vraie puissance vient des hommes et leur formation est consubstantielle de « la supériorité opérationnelle 2030 ».

Enfin, la troisième dimension revêt une importance capitale dans l’acquisition de toute supériorité opérationnelle. Cette rencontre des auditeurs avec l’armée de terre s’est donc terminée à l’école de l’aviation légère de l’armée de terre sur le site implanté au Cannet des Maures, le deuxième site, consacré à la formation de base, étant installé à Dax. Elle a permis d’appréhender plus justement le rôle de l’aérocombat. Le général de brigade Pierre Meyer a lui aussi tenu à accueillir les auditeurs de la session. L’importance de cette composante dans la conduite des opérations, quel que soit d’ailleurs le niveau d’intensité des engagements, fut démontrée à partir des expériences opérationnelles récentes et actuelles où le taux d’engagement des équipages apparaît très élevé. Les hélicoptères de manoeuvre et d’assaut comme les hélicoptères de reconnaissance et d’attaque agissent sur un spectre très large de missions allant de l’appui jusqu’aux actions de feu dans une coordination très précise réalisée avec les forces du terrain. Cette composante vit elle aussi une profonde transformation avec de nouveaux équipements tel que le NH 90 et des matériels modernisés avec le Tigre dans sa version HAD (hélicoptère d’appui destruction) ainsi que l’appropriation du système Scorpion. Enfin, cette visite a aussi souligné un volet réussi de l’interarmisation, notamment le domaine de la formation des pilotes d’hélicoptères, puisque l’armée de terre forme toutes les armées et la gendarmerie pour les formations initiales et certaines formations spécialisées. Cette école est aussi une école tournée vers plus coopération européenne avec ici dans le sud, l’école franco-allemande et plus à l’ouest, à Dax, une coopération avec la Belgique.

Ce rendez-vous devait clore le séminaire consacré à l’armée de terre. Un constat s’impose : l’excellence. Nos auditeurs ont été magnifiquement reçus. Les interventions, toutes les interventions, ont été remarquables et il est important de relayer à l’extérieur cette image d’une armée résolument tournée vers l’avenir marquée par sa très longue histoire et fidèle à ses engagements au service des autres. Une exemplarité dont il faut indéniablement s’inspirer pour avancer ensemble. La cohésion d’une équipe, d’un groupe fait aussi partie de l’ADN de nos sessions méditerranéennes. A préserver à tout prix !

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