Huitième Séminaire de la 34ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques/ Cadres-Dirigeants : L’armée de terre « de combat »

                               « Ce ne sont pas les murs qui font la cité mais les hommes » Platon

Pour son avant-dernier séminaire, la 34ème session méditerranéenne des hautes études stratégiques/Cadres-dirigeants ne s’est pas éloignée de sa base toulonnaise pour son rendez-vous avec l’Armée de terre. Après avoir rencontré des unités de l’Armée de l’Air et de l’Espace à Istres et à Toulouse et celles de la Marine Nationale à Toulon, la session ne pouvait pas approcher de sa clôture sans avoir aussi pris un contact approfondi avec l’Armée de terre. C’est donc dans le Var que cette rencontre a eu lieu. Ce beau département reste en effet l’un de ceux où les armées restent très présentes et c’est donc en voisins que les auditeurs de la 34ème SMHES/Cadres ont successivement rendu visite aux Ecoles Militaires de Draguignan, à l’Ecole de l’Alat au Cannet des Maures et enfin au 21ème Régiment d’infanterie de Marine (21èmr RIMa) à Fréjus. Ce déroulement en trois temps a permis à la session de partir du général : la vision stratégique du CEMAT et sa mise en œuvre dans les écoles de Draguignan et du Cannet des Maures pour aller ensuite au particulier : le régiment. Ce dernier est en effet la pierre angulaire de l’Armée de terre, le creuset où se forge l’identité profonde de tout soldat au point qu’il en reste généralement marqué tout au long de sa carrière voire au-delà, tout au long de sa vie.

C’est donc à Draguignan que le 16 Mai matin, alors qu’une violente pluie d’orage pilonnait les pinèdes du haut Var, que les auditeurs de la 34ème SMHES ont franchi les portes des Ecoles Militaires de Draguignan (EMD). Ces écoles ont été créées le 1er août 2010 afin de co-localiser deux des plus vieilles armes que sont l’infanterie et l’artillerie dans le but de renforcer les entraînements interarmes et de se rapprocher du plus grand complexe de tir d’Europe occidentale sur le camp militaire de Canjuers. Distant de 30 kilomètres, ce vaste camp de 35.000 hectares permet aux cadres en formation de tirer et de manœuvrer avec toutes les armes en dotation tant dans l’infanterie que dans l’artillerie. A Draguignan, implantées sur une emprise de 60 hectares, les EMD disposent en propre d’installations d’instruction et d’entraînement particulièrement complètes : champs de tir, installations sportives, outils de simulation mais elles ont aussi leur propre terrain d’exercice, le camp Bergerol. D’une surface de 300 hectares ce camp abrite notamment :

  • Le centre d’instruction ATLAS (automatisation des tirs et liaisons de l’artillerie sol-sol) ;
  • Le centre d’instruction canon CAESAR (camion équipé d’un système d’artillerie) ;
  • Le centre d’instruction au combat en zone urbaine (village de combat CAZUR).

La proximité de l’école de l’aviation légère de l’armée de Terre basée au Cannet des Maures et de la Marine Nationale de Toulon est enfin un atout précieux car elle facilite la coopération interarmes et interarmées.

Organisme de formation unique de tous les cadres officiers et sous-officiers de l’artillerie et de l’infanterie, les EMD sont subordonnées au commandement de l’entraînement et des écoles du combat interarmes (COME2CIA) dont l’Etat-major et le poste de commandement se situent à Mourmelon.

La mission principale des EMD est double, à travers l’école d’infanterie et l’école de l’artillerie, elles doivent assurer la formation des chefs de groupe et des chefs de pièces (10 hommes), des chefs de section (40 hommes) et des commandants d’unité (150 hommes). Les EMD doivent également conduire les études de prospective de la doctrine et des équipements dans les domaines de l’emploi et de l’organisation de l’infanterie et de l’artillerie. Enfin, tous les régiments et les brigades interarmes de l’armée de Terre viennent régulièrement aux EMD entraîner leurs postes de commandement en utilisant ses moyens de simulation qui s’y trouvent.

C’est donc dans cet environnement à la fois prestigieux et performant, creuset des jeunes cadres de l’Infanterie et de l’Artillerie française que les auditeurs ont passé la matinée du 16 Mai. Le général commandant l’Ecole de l’Infanterie a ouvert le feu en présentant à la session la vision stratégique du général CEMAT et comment elle s’inscrit dans les profonds bouleversements géopolitiques et géostratégiques auxquels l’Armée de terre française est confrontée. Le défi de cette adaptation pour l’Armée de terre, en corrélation avec celle des autres armées et des directions et services interarmées, est de rester capable d’agir sur tout le spectre de la conflictualité, au plus proche des frontières de l’hexagone et sur le territoire national s’il le faut. Elle doit aussi rester capable de le faire au loin tout en prenant sa juste place au sein de l’OTAN et sur le flanc Est de l’Europe pour faire pièce aux menaces qui pèsent sur cette région où se déroule une guerre de haute intensité. La nouvelle ère stratégique qui s’est ouverte en février 2022 requiert en effet une adaptation profonde de l’Armée de Terre. Dans la compétition entre blocs stratégiques qui dominera les prochaines décennies, la France, Etat doté, entend en effet jouer un rôle de puissance d’équilibres et d’entraînement.  Au service de ce positionnement, l’Armée de Terre se transforme pour passer d’une logique principalement de gestion de crise à celle du renforcement de la souveraineté et de la consolidation de l’autonomie stratégique. Elle s’appuie pour cela sur des partenariats élargis et une capacité renouvelée d’entraînement d’alliés variés. Cette transformation vise à accroître la réactivité et adapter les capacités pour agir selon les quatre priorités fixées par le chef d’état-major des Armées :

  • Affirmer notre souveraineté ;
  • Entraîner nos alliés dans le cadre d’une opération d’envergure ;
  • Surveiller et agir dans les espaces communs – y compris par l’influence – pour préserver notre autonomie d’appréciation et notre liberté d’action ;
  • Rénover nos partenariats internationaux.

Dans un contexte d’incertitude stratégique ainsi que d’élargissement et d’hybridation de la conflictualité, l’Armée de Terre, couverte par la dissuasion et épaulant la protection nucléaire de nos intérêts vitaux, doit donc maîtriser des capacités multi-milieux et multi-champs (M2MC) crédibles et interopérables et se positionner en nation cadre dès la phase de compétition pour décourager tout adversaire potentiel par sa posture adaptée et ses signalements démonstratifs. Elle doit être en mesure d’assumer la responsabilité du commandement d’une opération interarmées, ou d’une composante terrestre jusqu’au niveau corps. Dès lors, en étroite coordination avec les autres armées, notamment pour l’épaulement de la dissuasion et pour les impératifs de projection de force, l’armée de Terre est attendue pour agir en permanence et produire des effets simultanément dans trois espaces stratégiques, en y tenant un rôle fédérateur.

• La protection, la résilience, la souveraineté et l’esprit de défense sur le territoire national, en métropole comme dans les outremers, qui sont gages de puissance mais menacés par la prédation, les pressions géostratégiques régionales et les conséquences induites du changement climatique.  Souveraineté et esprit de défense seront sanctuarisés par le déploiement de capacités de contre-influence, de renseignement, de veille et de découragement permanentes, ainsi que par des renforcements rapides et des capacités d’intervention nationales, autonomes le cas échéant, notamment aéroportées et amphibies.

• La prévention et l’influence en Afrique, au Moyen-Orient, dans l’océan Indien et jusque dans le Pacifique par un dispositif renforcé et flexible de partenariats élargis, s’appuyant notamment sur des centres de formation permanents ou semi-permanents et des déploiements de forces en exercices. Des capacités d’intervention sur court préavis et dans tous les milieux pour garantir la liberté de circulation et la stabilité face à l’influence grandissante de compétiteurs, mettront les armées en mesure de contraindre ou de décourager un compétiteur ou un adversaire. L’Armée de Terre doit être capable de le faire seule, avec des partenaires, ou au sein de l’OTAN.

 • la solidarité stratégique, en Europe où la France apporte une contribution de puissance moyenne mais dotée et au Moyen-Orient où la France doit être en mesure d’honorer ses engagements. Pour ce faire, l’armée de Terre doit disposer de l’aptitude de nation cadre d’une opération multi-composantes ou de composante terrestre au sein d’une coalition ad hoc.

Permise par la Loi de Programmation Militaire 2024-2030 qui marque un effort considérable de la nation au profit de ses armées et de la défense, la transformation de l’Armée de terre voulue par le général CEMAT dans sa vision stratégique et résumée au Supra implique une rénovation des finalités de l’action de l’Armée de terre, celle de ses modalités de fonctionnement en temps de paix et en temps de guerre et enfin celle de son organisation. Les finalités de son action et ses modalités de fonctionnement au combat se discernent assez clairement dans les paragraphes qui précèdent. S’agissant de ses modalités de fonctionnement en temps de paix, elles visent à regagner de l’agilité et de la réactivité en redonnant de l’autonomie et des responsabilités accrues aux brigades et aux régiments. Concernant enfin son organisation, l’Armée de terre s’articule désormais en 4 piliers ; chacun incarnant une ou plusieurs actions structurantes tout en regroupant les grands commandements

  • Le pilier « Etre et Durer » où on retrouve les écoles et la maintenance.
  • Le Pilier « Protéger » où se trouvent les structures et les commandements qui traitent du territoire national
  • Le Pilier « Agir » principalement incarné par le Commandement de la Force Opérationnelle Terrestre (CFOT)
  • Le Pilier « Innover » qui englobe les structures en charge de préparer l’avenir.

Cette profonde transformation de l’Armée de terre se fera jusqu’en 2030, date où ce nouveau modèle « de Combat » aura trouvé son équilibre définitif et sa pleine puissance. Elle suppose beaucoup d’efforts et d’adaptations à de nouvelles structures, de nouvelles capacités et de nouvelles méthodes sans que pour autant l’Armée de terre y perde son mordant, son esprit guerrier et son âme.

                Après cet aperçu de l’immense ambition que porte l’Armée de terre afin de s’adapter à un monde qui change aussi très vite, les auditeurs ont ensuite entendu deux exposés successifs visant à détailler les spécificités des deux armes représentées aux EMD : l’infanterie et l’artillerie. Le Colonel commandant le département de la doctrine et des études prospectives de l’Ecole d’Infanterie a présenté son arme ; celle du combat à Pied. Depuis 1479 et les bandes de Picardie, l’infanterie reste en effet la “Reine des batailles”. Elle est l’arme des 300 derniers mètres. Par le combat rapproché avec l’ennemi, elle conclut la victoire par la prise et le contrôle durable du terrain et par le contact direct avec les populations. Le colonel a insisté sur le bond capacitaire que, pour l’infanterie, représente l’ambitieux programme Scorpion et le combat collaboratif qu’il permet. Il a aussi évoqué l’apparition des robots et des drones qui, comme l’enseignent les combats en Ukraine, viennent souvent bouleverser les procédés du combat débarqué. L’artillerie a pris la suite avec une présentation générale de ses missions, de ses structures et de ses capacités. Depuis la bataille de Castillon (1453), l’artillerie, « arme savante » et arme des feux, contribue à la décision en exerçant sur l’adversaire des effets directs, sélectifs et souvent décisifs. C’est l’Ultima ratio regum. Présente au cœur du combat par ses capteurs, ses capacités géographiques ou de ciblage, ses drones et ses radars, ses obus, roquettes et missiles, elle s’assure de la sauvegarde des troupes au contact ou sous les feux de l’ennemi et met ses armes au service de la manœuvre aéroterrestre générale. Au terme de ses exposés, grâce à une présentation réelle mise en place à l’extérieur des bâtiments des écoles, les auditeurs ont eu le privilège d’approcher toute une série d’équipements et d’armements en dotation dans l’infanterie et l’artillerie. Les équipages et les servants de tous ces équipements étaient également présents ce qui a permis aux auditeurs d’avoir de riches échanges avec les fantassins et les artilleurs qui leur présentaient les armes et les véhicules qui équipent leurs unités.

L’après-midi du 16 Mai a, quant à elle, été consacrée à une troisième école d’arme, celle de l’Aviation Légère de l’Armée de terre (ALAT) école située sur la base Général Lejay au Cannet des Maures. L’ALAT est l’héritière de l’aviation légère d’observation de l’artillerie et elle a été créée en 1954. Arme de l’initiative, de l’urgence et de la surprise, elle agit dans la profondeur du dispositif adverse en s’affranchissant des obstacles pour surprendre l’ennemi et le détruire. Sa devise est “De la terre, par le ciel”. Chaleureusement accueillis à l’école par le commandant en second, les auditeurs ont débuté cette seconde visite par une conférence délivrée par le Chef d’état-major de l’Ecole de l’ALAT visant à clarifier leurs idées sur cette arme, son rôle dans le combat de l’armée de terre et sur ses spécificités. En chiffres l’ALAT qui est le premier exploitant d’hélicoptères en Europe, ce sont 72500 heures de vol par an, 290 Hélicoptères et 14 avions légers. Comme l’ensemble de l’Armée de terre, l’ALAT se transforme et se réapproprie ses missions dans le cadre de la prise en compte de la haute intensité. Elle cherche à combiner masse et agilité pour créer des effets décisifs dans la manœuvre générale. L’aérocombat dont l’ALAT est le principal instrument vise à renseigner, à flanc garder et enfin à façonner l’adversaire dans la profondeur pour le livrer affaibli aux troupes qui combattent au sol. Autrement écrit, l’ALAT prépare et complète les effets des autres armes et dans bien des cas, elle est un atout maître dans la main du chef interarmées dont elle constitue, grâce à une agilité poussée qui confine souvent à l’ubiquité, l’échelon réservé par excellence.

                La seconde conférence, faite par le chef de corps de l’école de l’ALAT, a donné aux auditeurs une vue complète de l’organisation, des missions et des moyens de cette école. Elle forme des spécialistes, beaucoup de mécaniciens notamment, et naturellement des pilotes. Néanmoins le cœur de sa mission c’est de faire de ces pilotes des meneurs d’hommes et de constituer des équipages de combat. Autrement écrit, sa mission cible autant les caractères que les compétences. 2000 stagiaires de tous types passent tous les ans par l’EALAT même si la tendance pousse à ne retenir que la formation d’une centaine de pilotes ab initio. Pour remplir sa mission, l’ALAT est dotée des moyens les plus performants et elle complète son parc d’hélicoptères d’attaques (Tigre HAD) et de transport (NH 90) par des outils de simulation extrêmement sophistiqués qui permettent d’exploiter au mieux les heures de vol réelles, lesquelles restent très coûteuses.

                A l’issue de ces conférences, les auditeurs ont rejoint les hangars de l’école où deux pilotes très expérimentés leur ont présenté un Tigre HAD et un NH 90 dans les moindres détails. La très forte expérience opérationnelle de ces deux officiers qui ont été engagés à de nombreuses reprises en opération extérieure, a impressionné l’auditoire qui a pu ainsi mesurer la difficulté qu’il y a à piloter de telles machines tout en commandant une patrouille ou une escadrille engagée au combat. Ces témoignages délivrés sans fanfaronnade par des officiers dont l’humilité est très visible, ont conclu en beauté ce contact entre la 34ème SMHES/Cadres-dirigeant et l’EALAT.

Pourtant déjà bien longue et riche cette journée du 16 mai n’était pourtant pas terminée pour autant car, sitôt partis de l’EALAT, les auditeurs ont rejoint le grand amphithéâtre de l’Université de Toulon où la FMES organise traditionnellement ses conférences mensuelles. Celle du 16 mai avait une résonnance particulière pour la 34ème SMHES/Cadres-dirigeants puisque c’est le parrain de la session, l’Ambassadeur Maurice Gourdault-montagne qui s’exprimait ce soir-là. Le thème de sa conférence était « les défis d’un monde fracturé ». Avec une maîtrise qui, pendant une heure et demie, a tenu en haleine un amphithéâtre comble, l’Ambassadeur Gourdault-Montagne a livré ses analyses d’un monde qui termine une parenthèse prétendument heureuse, celle de la globalisation et du négoce, du commerce et des échanges comme activités structurantes, pour entrer dans une période sombre dont la force et le rapport de force sont les principaux déterminants. Comment caractériserez la période que nous vivons ? Aujourd’hui, les rivalités entre les Etats-Unis et la Chine polarisent le monde, faut-il renvoyer dos à dos les Etats-Unis et la Chine ? Est-ce qu’on assiste à une bascule avec une puissance chinoise qui va devenir « l’hégémon » mondial comme l’ont été les Etats-Unis ? Alors qu’ on voit se structurer deux grands camps, car la guerre a un effet qui polarise, quels rôles, l’Europe et la France pourraient avoir dans cette dynamique ? Comment analyser la situation du positionnement du Sud (Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Moyen-Orient…) vis à vis de la France et de l’Europe ? Comment un diplomate ou un chef d’Etat peut-il prendre un compte le facteur des émotions (conséquence de l’accès immédiat à l’information et de l’intelligence artificielle) qui n’existait pas avec autant d’acuité avant ? Toutes ces questions ont été abordées dans ce vaste tour d’horizon et, bien entendu, l’orateur a donné ses réponses, parfois décapantes mais toujours appuyées par un argumentaire solide et des références puisées aux meilleurs sources, notamment celles de sa propre expérience. Au bilan, même au terme d’une journée chargée, cette brillante conférence a véritablement été un moment jubilatoire. Le talent de l’orateur, son immense expérience et sa profonde culture ont donné du sens au sentiment de chaos qui saisit celui qui regarde le monde en face ; c’est bien ainsi que se distinguent les esprits supérieurs, ils rendent simples et intelligibles les choses les plus absconses et compliquées. Il ne fait aucun doute que l’Ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne est de ceux-là et avoir pu l’entendre a été un privilège !

Le lendemain c’est à Fréjus, où le 21ème Régiment d’Infanterie de Marine tient garnison que la session avait rendez-vous. Le but de la troisième étape de cette plongée dans l’Armée de terre était de comprendre à quel point le régiment est la pierre angulaire de tout l’édifice. C’est le lieu où l’identité profonde de tout soldat se forge. C’est là qu’est sa seconde famille et lorsqu’il n’en a pas ou qu’il n’en a plus, c’est souvent là qu’est sa seule famille. C’est donc un lieu bien particulier où jouent des dynamiques structurantes ; l’esprit de corps, l’effet des traditions d’une arme prestigieuse et d’une division d’arme qui l’est plus encore, la fraternité d’armes de celles et ceux qui ont vécu ensemble des moments heureux et des instants dramatiques, qui ont partagé l’exaltation et la peur du combat, qui ont vu les camarades tomber et parfois ne plus se relever. Entrer dans un régiment comme le 21ème RIMa c’est donc pénétrer dans un monde à part où, au-delà de la hiérarchie et la dureté du métier, se pétrit une profonde et solide camaraderie ; une confrérie du devoir et de la mission que rien n’arrête.

Très chaleureusement accueillis par le chef de corps et quelques-uns de ses officiers, les auditeurs ont tout d’abord suivi une conférence au cours de laquelle le chef de corps est revenu sur la longue et glorieuse histoire du régiment montrant ainsi pourquoi le 21, dont la fière devise est « croche et tient » figure parmi les unités les plus prestigieuses de l’Armée de terre. Le chef de corps a également insisté sur la grande modernité du régiment. Equipé des matériels les plus récents et performants issus du programme Scorpion, le 21ème RIMa est une unité redoutable habituée aux coups durs et aux situations d’urgence. Ainsi, elle a par exemple été la toute première engagée au Mali lors du déclenchement de l’opération Serval en janvier 2013 et 10 ans plus tard elle a été parmi les toutes dernières à quitter ce théâtre.

 A l’issue de cette présentation théorique les auditeurs ont gagné la place d’armes du régiment où les attendait une présentation complète des équipements et des armements dont est doté le 21. L’embarquement dans les véhicules « griffon » pour une escapade en tout terrain a été le moment fort de cette séquence. Les auditeurs ont ainsi pu mesurer la puissance et l’agilité de ce nouvel engin de la famille Scorpion ; au passage ils ont aussi eu un petit aperçu de la rudesse du métier de fantassin. Autant que les armes et les matériels, c’est le contact prolongé et informel avec les cadres et les marsouins du régiment qui a également beaucoup marqué les auditeurs. L’aisance et la saine décontraction mais aussi la profonde humilité avec lesquelles les hommes et les femmes du 21ème RIMa parlent de leur métier a beaucoup frappé les auditeurs. Les liens profonds qui les unissent, qui se lisent dans les regards et les attitudes de ces marsouins ; la fluidité de leurs contacts interpersonnels donne une impression de force maîtrisée et de compétence partagée. A les regarder faire et évoluer, on comprend pourquoi le régiment est à ce point une structure déterminante et centrale pour l’Armée de terre. C’était le but de cette immersion et il a été atteint. Après un copieux repas partagé en commun que l’hymne des Troupes de Marine a conclu, les auditeurs sont repartis transformés par leur brève expérience au 21ème RIMa. Dans un récent ouvrage qui retrace l’historique du régiment, Frédéric Beigbeder qui y a récemment séjourné, a écrit cette phrase émouvante qui claque comme un étendard le ferait au vent. « Ces hommes en treillis kaki sont un peu plus que des hommes. Ils savent se tenir. Ils se respectent. Ils n’aiment ni la violence ni la prétention. Leur fierté se nomme le sens du devoir ». Avec son regard pénétrant et sa plume acérée, Monsieur Beigbeder a, en quelques heures passées au 21, tout vu et tout compris. Le régiment est un bien lieu spécial, celui où une alchimie particulière opère qui transcende les hommes et les tire collectivement vers le haut, vers le bien et vers le mieux.

                Après ces heures d’exception, unanimement saluées par les auditeurs comme comptant parmi les plus belles de toute la session, ce fut le retour à Toulon. Une belle surprise les y attendait. En effet grâce à deux auditeurs issus de l’entreprise « Naval Group » une visite du sous-marin nucléaire d’attaque « Améthyste » a pu être proposée à la session car le bâtiment se trouve actuellement à quai à Toulon pour une phase de maintenance. Ce fut une formidable occasion de découvrir cet outil de combat mais aussi les rudes conditions de vie en service qui sont celles des sous-mariniers. Les quelques membres d’équipage qui ont accompagné cette longue visite ont en effet longuement échangé avec les auditeurs sur leur métier et ses particularités. Ainsi, après l’avoir constaté le matin même au 21ème RIMa, les auditeurs ont pu mesurer que la passion de servir et la fierté de faire un métier rude mais exaltant sont bien communes aux trois armées.

La dernière étape de ce riche séminaire, fort en découvertes et en émotions, s’est déroulée le samedi en salle de classe. Moins agréable que toutes celles qui l’ont précédé, cette ultime séquence visait à permettre à chacun des trois comités qui composent la session de présenter ses travaux académiques à un jury chargé de les évaluer. En effet, dans le cadre du Diplôme Universitaire que délivre l’Université de Toulon pour valider la formation suivie dans le cadre d’une SMHES, les auditeurs doivent rendre et présenter, à intervalles réguliers des travaux individuels et collectifs et ces derniers sont notés. Plus précisément, dans le cadre du thème retenu pour la session « les conséquences en Méditerranée de la guerre en Ukraine » chaque comité doit développer un scenario prospectif sur une thématique découlant de la question posée par le sujet de la session. Ce rendez-vous du samedi 18, à un mois de la restitution finale qui se tiendra en public le 15 juin à Toulon, visait à la fois à évaluer la qualité du travail de chaque comité mais aussi et surtout à leur permettre de recevoir de la part du jury les derniers commentaires et conseils pour affiner et, si c’est nécessaire, réorienter leurs travaux. Fort heureusement, aucune réorientation radicale ne s’est avérée nécessaire mais les trois comités ont néanmoins reçu de précieux conseils de la part d’un jury très engagé et très relevé dans sa composition. En effet, outre le directeur académique de la FMES, y siégeaient le directeur des SMHES, trois enseignants chercheurs de l’Université de Toulon, un parlementaire et enfin le directeur des recherches de l’IHEDN, institut avec lequel les SMHES ont un partenariat solide. Au terme de cette longue épreuve de trois heures au total, une heure par comité, mais forts de solides enseignements et de nombreux conseils, les auditeurs sont repartis vers leurs vies professionnelles et personnelles. Ils se retrouveront toutes et tous mi-juin pour un ultime séminaire qui les conduira à Genève au contact des organisations internationales qui y ont leur siège puis à Toulon pour la séance de restitution finale des travaux de comité à laquelle succédera la cérémonie de clôture de la 34ème SMHES/cadres-dirigeants.

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