EDITO DE DÉCEMBRE 2022

Par l’équipe de direction de l’institut FMES

Depuis le mois dernier, la coupe du monde de football qui vient de se dérouler au Qatar a fait diversion des enjeux économiques, énergétiques, sécuritaires et géopolitiques qui affectent nos sociétés comme celles du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. Les émeutes qui viennent de secouer la Jordanie, largement passées sous silence, montrent la fragilité de certains pays de la région. L’article de Marion Sorant sur « Où va la Jordanie ? » tombe donc à point nommé pour décrypter les enjeux liés à la stabilité de la monarchie hachémite à l’heure où se déroule sur les rives de la mer Morte la conférence Bagdad II sur le Moyen-Orient. 

Nul doute qu’au-delà des accusations de corruption liées à cet évènement, l’émir Al Thani du Qatar a profité de cette parenthèse pour diversifier ses réseaux d’influence en prévision d’une possible prise de distance occidentale. La possibilité d’une victoire massive des Républicains aux États-Unis dans deux ans pourrait en effet atténuer la traditionnelle attention bienveillante des administrations démocrates, toujours prompte à soutenir l’Islam politique, tout particulièrement en Turquie et au Qatar. La bénévolence des institutions européennes à l’égard du Qatar et des Frères musulmans pourrait également pâtir du scandale naissant sur la corruption des décideurs bruxellois par Doha. De son côté, la Chine a profité de cette coupe du monde pour pousser discrètement ses pions dans la région. À Riyad, le président Xi Jinping a conduit une importante visite d’État au cours de laquelle il a renforcé le partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite, au point que le prince hériter Mohammed Ben Salmane a décidé de promouvoir l’apprentissage linguistique et culturel du chinois au même titre que celui de l’anglais, autorisant l’installation de nombreux experts chinois dans son royaume. Pékin a également profité du Mondial pour renforcer ses partenariats avec Doha, Abou Dabi, Oman et Téhéran, alimentant les inquiétudes des États-Unis qui se demandent si le Moyen-Orient n’est pas en train de basculer durablement vers la Chine.

En Iran, la répression des manifestations a gagné en intensité et les exécutions se sont multipliées pour tenter d’instiller la terreur au sein d’une jeunesse de plus en plus désespérée, mais qui au lieu de fuir le pays est désormais décidée à y rester jusqu’au moment où les conditions lui permettront de faire chuter le régime clérical qui s’accroche au pouvoir. Cette même jeunesse pourrait bien être appuyée paradoxalement par une majorité de pasdarans – les Gardiens de la Révolution – qui voient dans la crise actuelle l’opportunité de marginaliser le clergé tout en renforçant leur emprise effective au sommet du pouvoir. Les rumeurs sur une possible candidature du technocrate modéré Ali Laridjani soutenu par la branche moderniste, mais ultranationaliste des pasdarans, lors des prochaines élections législatives (2024) puis présidentielle (2025), montrent en tout cas le niveau d’inquiétude du clergé qui cherche à gagner du temps.

La situation n’est guère meilleure sur la scène intérieure israélienne. Près de deux mois après son élection, Benjamin Netanyahou peine à former un gouvernement. Son projet de coalition ultrareligieuse appelant à de nouvelles annexions inquiète la communauté internationale, les monarques arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, mais surtout les Palestiniens ; selon le Palestinian Center for Policy and Survey Research, 72 % de ces derniers seraient favorables à la création de groupes armés en Cisjordanie pour lutter contre l’annexion rampante de territoires par les colons israéliens ; 2022 ayant été une année record en nombre d’attentats et de victimes en Israël, l’on peut en déduire que les risques d’une nouvelle Intifada sont bien réels.

Cette fin d’année 2022 aura enfin été marquée par une quatrième phase de la guerre en Ukraine, caractérisée désormais par une stratégie de pilonnage systématique des infrastructures critiques ukrainiennes, notamment énergétiques, mais aussi des axes d’approvisionnement en armement et en munitions. Chacun semble recompléter ses stocks car depuis deux siècles et demi, l’histoire militaire du front de l’Est rappelle que l’hiver et ses sols gelés voient généralement se dérouler de grandes offensives surprises destinées à surprendre et désorganiser l’adversaire. Cette fois, qui attaqueront les premiers ? Les Russes ou les Ukrainiens ? Et où ? Une offensive terrestre surprise sur Kiev, seul moyen pour le Kremlin de mettre rapidement l’Ukraine à genou, est risquée mais reste toujours possible, de même qu’une offensive ukrainienne en direction de la mer d’Azov pour scinder en deux le dispositif russe et isoler la Crimée occupée.

Malgré ces développements inquiétants pour les Européens, le pire n’est jamais certain. Le combat se joue également sur le champ des idées et dans ce domaine le « virus démocratique », malgré ses faiblesses, n’est pas si facile à éradiquer comme le souligne Pascal Ausseur dans son article « Relire Tocqueville ». L’année 2023 pourrait annoncer le rebond toujours possible des démocraties en cas de contestation grandissante en Russie, en Chine, en Iran et en Turquie. Cette nouvelle année pourrait donc s’avérer riche en surprises que l’institut FMES ne manquera pas de décrypter.

Ce mois de décembre a marqué également l’heure de « la relève de quart » du président de notre institut. L’amiral (2s) Benoit de Chermont qui avait rejoint la FMES comme directeur général il y a plus de vingt ans et en assurait la présidence depuis 2016 a transmis les rênes à un autre amiral en deuxième section : Charles-Henri du Ché. L’équipe de direction remercie l’un et l’autre de leur confiance, démontrée et renouvelée. Nous tâchons d’en être digne.

En attendant, nous vous souhaitons de bonnes fêtes de fin d’année et vous adressons nos meilleurs vœux pour 2023.

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