Après Assad : le nouvel environnement stratégique de la Syrie

La chute du régime de Bachar el-Assad crée un nouvel environnement stratégique pour la Syrie qui bouleverse la hiérarchie géopolitique au Moyen-Orient. C’est un revers pour la Russie qui a dû prendre langue avec les rebelles qu’elle combattait pour tenter de négocier le maintien de ses deux bases militaires sur le littoral syrien. C’est un revers encore plus grave pour l’Iran qui vient de perdre coup sur coup ses deux alliés historiques – le Hezbollah au Liban et le régime syrien – de même que son accès à la Méditerranée et à Israël. La Turquie est la grande gagnante et peut espérer étendre sa bande frontalière tampon au nord de la Syrie, éliminer toute résistance kurde et renvoyer de nombreux réfugiés syriens dans leur pays. Le régime turc met ainsi en place un glacis stratégique reliant la partie nord de Chypre à la frontière iranienne avec la volonté manifeste de « territorialiser » toujours plus la zone maritime du canal de Syrie afin d’en chasser toute présence occidentale.

Ce bouleversement est plutôt une bonne nouvelle pour Israël qui pourra dominer militairement ses voisins du Nord à court et moyen termes. Il reste que l’hypothèse de l’installation à sa frontière d’un proto-califat sunnite radical a priori hostile à Israël comme aux Européens, accédant à la Méditerranée et pouvant s’étendre à la Jordanie, à l’Irak et au Liban, est préoccupante pour tous. Le contrôle de la production et de l’écoulement de captagon (drogue) demeure un enjeu pour le nouveau pouvoir syrien qui n’a pour l’instant pas relancé cette filière très rémunératrice qui déstabilise tout le Moyen-Orient.

Ce nouvel environnement stratégique replace la Syrie au cœur des rivalités régionales dans un jeu beaucoup plus ouvert qui laisse présager des frictions entre la Turquie et Israël, mais qui inclut également les monarchies du Golfe qui disposent d’un levier puissant grâce à leurs fonds d’investissement qui pourraient contribuer à la reconstruction de la Syrie. L’ensemble des acteurs, y compris les Russes et les Iraniens, attendent de savoir si la nouvelle administration Trump se désengagera d’Irak et de Syrie comme elle l’avait annoncé, ce qui pourrait imposer le départ des détachements français et accélérerait les recompositions en cours, ou bien si elle décidera de rester plus longtemps sur place pour faire pression sur ses interlocuteurs et protéger les kurdes par la même occasion.

Daech pourrait profiter de la présence d’un pouvoir islamiste radical à Damas, même si le nouveau maître de Damas Abou Mohammed al-Joulani tente de rassurer les occidentaux, pour ressortir de la clandestinité afin d’accroître son emprise en Syrie et en Irak, voire pour menacer la Jordanie. Cette dernière est en effet fragilisée par une crise socio-économique inquiétante et une incertitude politique aggravées par la perspective de l’afflux massif de réfugiés palestiniens en provenance de Gaza ou de Cisjordanie, en cas d’annexion d’une partie de ces territoires par Israël. La présence militaire américaine et française en Jordanie reste donc cruciale pour dissuader toute action déstabilisatrice visant ce royaume.

L’équipe de direction de l’Institut

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