Le conflit au Yémen trouve son origine dans la lutte qui oppose les partisans d’Ali Abdullah Saleh, déposé en 2011 après 33 années de règne sans partage, et ceux du président légitime Abd-Rabbu Mansour Hadi. Alliés aux troupes restées fidèles à l’ancien président Saleh, les rebelles Houthi, tribu chiite originaire des zones montagneuses du nord du Yémen, ont renversé le président Hadi et conquis la capitale Sanaa en septembre 2014, progressant jusqu’au port d’Aden, troisième ville du pays et capitale de l’ancien Yémen du Sud.
Une coalition de pays arabes et musulmans dirigée par l’Arabie saoudite a lancé en mars 2015 une campagne d’opérations aériennes puis terrestres, assorties d’un blocus naval[1], afin de restaurer le président Hadi. Malgré des années d’affrontements meurtriers et un rapport de force disproportionné, la coalition n’a pas réussi à atteindre ses objectifs. Les rebelles Houthi tiennent toujours la capitale Sanaa et le nord du pays. Le conflit a permis le développement d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), connu pour avoir commandité l’attentat de Charlie Hebdo, et l’émergence de l’Etat islamique en Irak et au Levant, dont la branche locale a revendiqué le 5 novembre 2017 le dernier attentat visant à Aden des militaires fidèles au président Hadi.
Confrontés à un conflit aux conséquences humanitaires terribles (plus de 5 000 morts, des millions de civils victimes de la famine et une épidémie de choléra touchant plus de 900 000 personnes), les pays occidentaux peinent à reconnaître le caractère disproportionné des frappes de la coalition et préfèrent condamner systématiquement les tirs de missiles lancés depuis le territoire yéménite vers l’Arabie saoudite que les bombardements saoudiens visant sans discrimination les populations yéménites.
Récemment, Nika Halley, représentante des Etats-Unis auprès des Nations-Unies, a condamné l’Iran, accusant le 7 novembre ce pays de violer les résolutions du Conseil de sécurité et de fournir des armes aux rebelles Houthi. Aucune mention n’a été faite des bombardements de la coalition sur les populations civiles ni des conséquences tragiques de l’embargo.
Le 5 novembre 2017, le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères avait déjà condamné « avec la plus grande fermeté » le tir balistique contre Riyad revendiqué par les rebelles Houthis, rappelant que « la France se tient au côté de l’Arabie saoudite et réaffirme son plein soutien à la sécurité du Royaume face aux menaces auxquelles il est confronté. » Sans viser directement l’Iran, Jean-Yves Le Drian avait toutefois évoqué le danger que la prolifération balistique fait courir à l’ensemble de la région. Le 18 septembre, lors du point de presse quotidien, le porte-parole du ministère avait timidement “appelé à l’arrêt des attaques contre toutes les populations civiles, où qu’elles se trouvent”.
VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES
La dépêche sur le site des Nations-Unies =>
[1] Ce blocus naval a été l’occasion pour les Houthi de mettre en œuvre des vedettes explosives télécommandées, dont une a mis hors de combat le 30 janvier 2017 une frégate saoudienne restée sans réaction : https://www.youtube.com/watch?v=3dBfHEXLJlQ.