Le ministre des affaires étrangères autrichien, président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), s’est félicité de l’échange de près de 400 prisonniers et détenus survenu le 27 décembre 2017 sur la ligne de contact entre les forces gouvernementales ukrainiennes et les milices séparatistes du Donbass. Cette action prévue par les « accords de Minsk » apporte une faible lueur d’espoir dans la résolution d’un conflit dont l’issue reste très incertaine.
Historique du conflit
En février 2014, invoquant des menaces sur les populations russophones de Crimée et la remise en cause de la loi votée en juillet 2010 conférant des facilités particulières à l’utilisation de la langue russe en Ukraine, la Russie avait mené une opération militaire de grande ampleur, lui permettant, de s’emparer en trois semaines de ce territoire. L’annexion de la Crimée fut suivie d’importantes manifestations dans les régions russophones de l’Est du pays, conduisant le 11 mai 2014 à la proclamation de l’indépendance des « républiques » de Donetsk et Louhansk. L’offensive menée en réaction par Kiev conduisit la Russie à apporter son soutien militaire aux séparatistes. La ligne de contact entre forces ukrainiennes et séparatistes n’a pas évolué depuis plus de deux ans, et la Crimée, totalement isolée de l’Ukraine, confirme son attachement à la Russie.
Les accords de Minsk
Un Protocole, qui prévoyait un cessez-le-feu et 11 autres points pour une sortie de crise, avait été signé à Minsk le 5 septembre 2014 par la Russie, l’Ukraine, des représentants des séparatistes et la présidence suisse de l’OSCE. Suite à l’engagement personnel des deux dirigeants français et allemand, le groupe de contact trilatéral et les séparatistes ont signé en février 2015 un « paquet de mesures pour la mise en œuvre des accords de Minsk ». Le volet diplomatique de ces mesures couvre toutefois des aspects qui ne sont pas acceptés par le courant ultranationaliste ukrainien. Il était en effet attendu dans ce volet diplomatique la « mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle en Ukraine avec entrée en vigueur d’ici à la fin de 2015 d’une nouvelle Constitution prévoyant comme élément clef une décentralisation compte tenu des spécificités de certains arrondissements des régions de Donetsk et de Louhansk » dont le droit à l’autodétermination linguistique.
L’action de l’OSCE
Afin de « contribuer à réduire les tensions », l’OSCE est présente en Ukraine depuis mars 2013, au travers d’une mission spéciale d’observation, mission civile non armée déployée en réponse à une demande du gouvernement ukrainien, et d’une mission d’observation aux postes de contrôle russes de Goukovo et de Donetsk, déployée en réponse à une demande du gouvernement russe. Les membres de la mission spéciale d’observation sont régulièrement la cible de tentatives d’intimidation par les belligérants, séparatistes comme membres paramilitaires ultranationalistes évoluant au côté des forces armées ukrainiennes. Les comptes-rendus quotidiens de cette mission illustrent la permanence des violations du cessez-le-feu par les deux parties et confirment la présence de matériels militaires dans les zones tampons.
De même, le dernier rapport de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine souligne que les violations quotidiennes du cessez-le-feu, conjuguées à la baisse des températures, ont davantage aggravé une situation humanitaire et des droits de l’homme désastreuse des deux côtés de la ligne de contact. La Mission a enregistré 15 civils tués et 72 blessés du 16 août au 15 novembre 2017. Le rapport fournit des détails sur 20 cas de meurtres, de privations de liberté, de disparitions forcées, de tortures et de violences sexuelles liées aux conflits commis des deux côtés de la ligne de contact.
Les positions internationales
Les Etats-Unis ont pris partie pour les forces gouvernementales, allant jusqu’à nier l’identité ukrainienne des milices séparatistes, ce qu’illustre l’intitulé du communiqué publié à l’occasion de l’échange de prisonniers : « Detainee Exchange Between Ukraine and Russia-Led Forces ». Au contraire, la Russie maintient être étrangère au conflit et dénonce très régulièrement l’attitude belliciste du gouvernement ukrainien, comme le 21 décembre, lorsque Alexander Lukashevich, représentant permanent de la Russie auprès de l’OSCE, dressa un bilan de « l’opération punitive » ukrainienne et des nombreuses pertes civiles occasionnées par celle-ci. La porte-parole du ministère des affaires étrangères s’est également prononcée le 14 décembre contre la fourniture d’armes létales par les Etats-Unis et le Canada, accusant les deux pays de pousser ainsi Kiev à la surenchère militaire.
Emmanuel Macron et Angela Merkel, tout en réaffirmant leur soutien au plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, restent très mesurés dans leurs propos et rappellent régulièrement le gouvernement ukrainien à ses responsabilités. Dans un communiqué commun, les deux dirigeant ont souligné le 23 décembre la nécessité d’accélérer « le travail sur le paquet de mesures d’ordre politique contenues dans les accords de Minsk, y compris l’amnistie, le statut spécial, les élections locales et les amendements à la constitution ».
Alors que le Secretary of States américain rappelle dans un éditorial publié dans le New York Times que les relations ne pourront pas redevenir normales avec la Russie tant que Moscou n’adhérera pas aux accords de Minsk, le Conseil européen a quant à lui prorogé jusqu’au 31 juillet 2018 les sanctions économiques visant des secteurs spécifiques de l’économie russe. Ces mesures restrictives ont été progressivement imposées à l’encontre de la Russie « en réponse à l’annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation délibérée de l’Ukraine ».
VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES
Les sanctions financières sur le site du ministère de l’économie et des finances =>