Décrypter pour comprendre

« Renforcer l’alliance occidentale » : Rex Tillerson au Wilson Center

Le Secrétaire d’Etat américain Rex W. Tillerson est intervenu le 28 novembre 2017 au Wilson Center, important think-tank américain. Il y a décrit la vision de l’administration Trump de l’avenir des relations avec l’Europe, soulignant les convergences de vue sur de nombreux dossiers, de la Corée du nord à l’Afghanistan et au Sahel. Son discours a surtout été marqué par une charge appuyée contre la Russie, accusée de menacer ouvertement l’Europe. Rex Tillerson a mis à profit son discours pour adresser un message à la Turquie, lui rappelant que le peuple turc n’avait aucun bénéfice à tirer de relations avec l’Iran ou la Russie.

Un éloge de l’interventionnisme

Rex W. Tillerson a commencé par dresser un portrait élogieux de Théodore Roosevelt, vingt-sixième président des Etats-Unis, en poste de 1901 à 1909, soulignant sa volonté d’interventionnisme dans les affaires européennes, au contraire de Woodrow Wilson, qu’il qualifie de « farouchement isolationniste ». Citant Théodore Roosevelt : « un grand peuple libre se doit à lui-même et à toute l’humanité de ne pas sombrer dans l’impuissance devant les puissances du mal », il a rappelé que les nations européennes partageaient avec les Etats-Unis des valeurs communes de liberté, d’égalité et de dignité.

La Russie, une menace pour l’Europe

Le Secrétaire d’Etat a insisté sur la nécessité pour les nations européennes de mieux contribuer à leur sécurité, rappelant le seuil des 2% de P.I.B. à consacrer au budget de la Défense, alors que les Etats-Unis regardent à nouveau vers l’Europe, confrontée à l’émergence de la menace russe. Pour illustrer le refus de Moscou de répondre favorablement aux avances occidentales des dernières années, il a cité les « invasions » de la Géorgie en 2008 et de l’Ukraine en 2014, ainsi que les tentatives de la Russie d’interférer dans les élections nationales.

Signe du regain d’intérêt des Etats-Unis pour l’Europe, la nouvelle administration a prévu un budget de 4,8 Mds de dollars en 2018 pour son initiative de dissuasion européenne (European Deterrence Initiative). Optant pour un raccourci sans nuance, le Secrétaire d’Etat a évoqué l’exercice russe Zapad 2017 pour expliquer la nécessité de pouvoir répondre sans délai à une attaque à l’encontre des Alliés. Rex Tillerson a également précisé que 150 M$ seront consacrés au soutien des forces ukrainiennes, insistant sur le fait que les sanctions contre la Russie ne seront pas levées tant que les conditions exigées par les accords de Minsk n’auront pas été remplies.

Répondant à une question sur un rapprochement possible avec la Russie, le Secrétaire d’Etat a confirmé que des zones de convergence et de coopération existaient, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et l’Etat islamique en Irak et au Levant, rappelant la déclaration commune Donald Trump et Vladimir Poutine au sommet de la conférence économique Asie-Pacifique.

L’arme de l’énergie

Citant Donald Trump lors de son intervention le 6 juillet 2017 au sommet de « l’Initiative des trois mers », Rex Tillerson a affirmé que les Etats-Unis étaient prêts à « offrir » l’accès au gaz liquéfié et au pétrole américain aux nations européennes pour leur éviter toute dépendance énergétique envers une nation extérieure à l’Europe. Tout en évitant de citer directement la Russie, le Secrétaire d’Etat s’est fermement prononcé contre le Nord Stream 2 et le Turkish Stream, deux projets qualifiés d’imprudents car renforçant la domination d’un unique fournisseur étranger à l’Europe.

La Turquie

Si Rex Tillerson n’a consacré que trois lignes de son discours à la Turquie et omis de répondre à une question sur ce sujet, il a reproché à Ankara sa proximité avec l’Iran et avec la Russie, déjà évoqué par la dénonciation du Turkish Stream. Ces reproches répondent indirectement aux déclarations du Président turc Tayyip Erdoğan le 13 novembre 2017 à Sotchi, où il se félicitait de l’accroissement de la bonne santé des relations économiques avec la Russie, en particulier sur les deux projets du Turkish Stream et de la centrale nucléaire d’Akkuyu.

VA(2S) Alain Christienne, directeur de la stratégie de l’Institut FMES

La conférence du Secrétaire d’Etat (en anglais) =>

Le site du Wilson Center =>

Sommaire